Contenu du sommaire : Leurrer la nature

Revue Cahiers d'anthropologie sociale Mir@bel
Numéro No 9, 2013
Titre du numéro Leurrer la nature
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Leurrer la nature. Hélène Artaud (Dir.)

    • Introduction. Leurrer la nature - Artaud H. p. 9-15
    • Phénoménologie d'un piège végétal : le "roccolo" - Dalla Bernardina S. p. 16-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Très répandu dans les Alpes italiennes (Lombardie, Trentin, Vénétie et Frioul) le roccolo était un piège végétal assez sophistiqué (les plus beaux, considérés comme des exemples d'art topiaire, sont classés aujourd'hui patrimoine national) permettant de capturer, dans les endroits les plus propices, des milliers de « pièces » par an (pinsons, grives, tarins, chardonnerets, verdiers, becs-croisés…). Il s'agissait d'une véritable machine à leurres. Tout y était « artificiel » : la disposition des arbres censés « mimer » des bosquets sauvages ; les appelants, modifiés par des procédures drastiques (du plumage à l'aveuglement) les faisant chanter en plein automne comme s'ils étaient au printemps ; les gestes mêmes de l'oiseleur imitant le vol et le bruit de l'épervier pour effrayer les migrateurs rentrés dans le piège et les pousser vers les filets. Gérés souvent par des personnages singuliers, qui ont laissé leur trace dans la littérature et dans le folklore, les roccoli étaient aussi des dispositifs symboliques aptes à la mise en scène, dans un espace liminaire, d'une large gamme de représentations ayant trait aux relations entre le domestique et le sauvage.
      Widespread in the Italian Alps (Lombardy, Trentino, Veneto and Friuli) the trap plant roccolo was sophisticated (the most beautiful, considered as examples of topiary, are now classified by the National Heritage) capable of capturing, in the best places, thousands of «pieces» per year (finches, thrushes, siskins, goldfinches, greenfinches, crossbills ...). It was a real ‘machine to lure.' Everything was «artificial»: trees meant to «mimic» wild groves, the appellants, modified by drastic procedures (plumage to blindness) making them sing in the middle of fall as if they were in the spring, and very gestures of the fowler and imitating the flight and the noise to scare the migrating hawks back into the trap and push them towards the nets. Often managed by unusual characters who have left their mark in literature and folklore, Roccoli were also symbolic devices suitable for staging, in a liminal space, a wide range of representations relating to the relationship between the domestic and the wild.
    • Face-à-face interspécifiques et pièges à pensée des Quechua de Haute Amazonie (Pastaza) - Gutierrez Choquevilca A.L. p. 33-47 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse quelques aspects de la chasse au leurre pratiquée par les Quechua runa du haut Pastaza (Amazonie péruvienne). Ces techniques incluent la simulation du langage animal et l'usage d'incantations cynégétiques kayachina destinées à duper le gibier par la mise en œuvre d'une fascination visuelle et auditive. L'hypothèse défendue ici est que ces diverses manifestations amérindiennes du leurre possèdent un dénominateur commun, celui de contribuer à façonner la relation à autrui sous la modalité d'un face-à-face paradoxal car autrement impossible. C'est tout le paradoxe d'une disjonction première des protagonistes et d'une impossibilité foncière à communiquer avec autrui, que le dispositif du leurre semble dissimuler. Dans le domaine cynégétique, l'acte de leurrer la nature serait non pas l'envers mais la face positive d'une sociabilité tissée entre des partenaires que tout sépare : en l'occurrence les frontières entre catégories biologiques, mais surtout une forme de solipsisme linguistique originel, chaque espèce ne maîtrisant parfaitement que son propre langage.
      This article analyzes some aspects of hunting practices among the Quechua runa from the Pastaza River in the Peruvian Amazon. These techniques include the simulation of the prey's language and the use of ritual songs called kayachina performed to deceive the animal through the setting of a visually and orally fascinating interaction. The article holds the hypothesis that these actualizations of deception do share a common denominator. Indeed they contribute to actualizing the relation with others as a paradoxical (because otherwise impossible) face-to-face interaction. What the lure and deception mechanisms tend to dissimulate is the paradox of a primary disjunction between the protagonists and the underlying impossibility to communicate with others. In the field of Amerindian hunting practices, deceiving nature would be the positive version of a specific type of sociability including actors that are originally separated by biological boundaries and a primary linguistic solipsism.
    • Mythe et réalité du leurre dans la culture malgache : les relations hommes-lémuriens - Harpet C. p. 48-58 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Si la mythologie regorge d'exemple de ruses, de simulacres et de pièges que les hommes tendent aux animaux, le leurre est souvent à l'usage des bêtes dans les contes et les légendes malgaches. Le Fitaka (ruse, leurre, tromperie) revêt de multiples formes : visuel, il est le déguisement dont se pare le Varika (Eulemur coronatus) pour séduire les femmes des humains ; auditif, il s'apparente à de longues plaintes semblables à celle d'un enfant que poussent les Babakoto (Indri) pour éloigner les agresseurs ; gestuel, il incarne la posture de l'homme en prière que prend le Sifaka (Propithecus coronatus) pour dissuader le chasseur de l'abattre. Transposée dans les mythes, l'utilisation du leurre par l'animal nous renseigne sur la place qu'occupe ce dernier au sein du bestiaire et des diverses représentations collectives qui lui sont associées. Le leurre est synonyme d'habileté et d'intelligence. L'anthropomorphisme de ces animaux endémiques rend certes l'exercice plus facile. Le lémurien, doué de ruse, est capable de prendre forme humaine, d'imiter voix et gestes, à tel point qu'on ne sait plus qui leurre, de l'homme ou de la bête.
      If mythology abounds in examples of ploys, simulacra, and traps which people set to ensnare animals, disguises are often found in the tales and the Malagasy legends about animals.  Fitaka (ploys, decoys, trickery) take multiple forms: visual, as the disguise with which Varika (Eulemur coronatus) adorns itself to seduce the wives of men; auditory, it is similar to the long cries of a child urging Babakoto (Indri) to keep aggressors away; gestural, it embodying the posture taken by Sifaka (Propithecus coronatus) of the man in prayer, in order to dissuade the hunter from cutting him down. Transposed into myths, the animal's use of illusion (decoy) informs us about the place which the latter occupies within bestiaries as well as in the diverse collective representations which are associated with them. The decoy is a synonym for skill and intelligence. The anthropomorphism of these endemic animals certainly makes the exercise easier. The lemur, endowed with guile, is capable of taking on human shape, of imitating voices and gestures, to such a point that we can't tell who is doing the deceiving, the man or the animal.
    • Leurrer le bétail : techniques d'adoption et de traite (France, Maghreb, Afrique Subsaharienne) - Brisebarre A.M. p. 59-71 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      De la réussite de la mise bas, moment particulièrement dangereux, dépendent la rentabilité et la pérennité d'un élevage, qu'il soit tourné vers la production de viande ou de lait. Face aux accidents qui se produisent lors des mises bas (abandon ou mort du petit, mort de la mère ou insuffisance de lactation…), dans de nombreuses cultures les éleveurs déploient un arsenal de techniques, fondées à la fois sur une connaissance fine du comportement et de la physiologie de leurs animaux, mais aussi sur la ruse. Ce sont ces manipulations du corps des mères et des nouveau-nés, destinées à nouer des liens entre eux et à amener les femelles – brebis, vaches ou chamelles – à « donner leur lait », qui sont l'objet de cet article. Il s'appuie sur des enquêtes menées dans le sud de la France, au Maghreb et en Afrique de l'ouest, ainsi que sur une recherche documentaire.
      The profitabilty and sustainability of breeding depend on the especially perillous moment of dropping, be it for the purpose of producing meat or milk. Faced with accidents that occur during births (abandonment or death of the young, death of the mother or insufficiency of lactation…), in numerous cultures breeders dispose of an arsenal of techniques, based at once on an intimate knowledge of the behavior and the physiology of their animals, but also on guile. These manipulations of the body of the mother and the new-born, intended to forge links between them and to get females - ewes, cows or she-camels – « to give their milk », are the object of this article. It draws on investigations conducted in the South of France, in the Maghreb and in Western Africa, as well as on documentary research.
    • Leurrer la nature. Quelques exemples de manipulation des bêtes en Asie intérieure - Ferret C. p. 72-96 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Leurrer est une manipulation du type « faire croire pour faire agir ». Son efficacité se fonde sur une tromperie des sens. Elle implique que le sujet leurrant suppose une forme d'intentionnalité chez l'objet leurré. Outre la chasse au vol, domaine primordial du leurre, l'élevage pastoral en Sibérie et en Asie centrale nous fournit plusieurs exemples de telles manipulations. Ainsi, la méthode de la « sucée » employée pour la traite des femelles, avec participation du petit, montre que la mulsion n'est pas une simple opération de prélèvement, mais plutôt une manipulation de la femelle qui, abusée par la vue, l'odeur et le toucher de son petit, consent à donner son lait. De même, plusieurs procédés olfactifs, gustatifs, visuels, tactiles et auditifs (recouvrir le jeune adopté par la peau du petit mort, l'enduire de sel, des sécrétions vaginales de la mère, jouer de la musique, etc.) sont utilisés en cas de refus d'allaitement de son petit ou d'adoption d'un autre. Pour le gardiennage, les huchements d'appel et de conduite des troupeaux ne répondent que partiellement à la logique du leurre. Si quelques-uns sont motivés dans leur forme par l'imitation du cri animal, il s'avère que, dans l'émission de ces huchements, les bergers apparaissent peu soucieux de parfaire cette imitation et leur efficacité se base surtout sur la répétition, créant un conditionnement. D'autres leurres tels que les épouvantails à loups, enfin, sont utilisés dans la chasse ou pour effaroucher les prédateurs du bétail.
      Luring is a particular type of action, a manipulation which consists in “making the other believe and so to act.” Its effectiveness is based on a deception of senses. It implies that the luring subject assumes that the lured object has a form of intentionality. Besides hawking, initial field of the lure, Siberian and Central Asian pastoralism gives us several examples of such manipulations. The “suckling” technique used to milk females, with the participation of the foal, the calf or the young camel, shows that the milking is not a simple extracting operation, but rather a manipulation of the female: abused by her senses as she sees, hears, touches, smells her young, she agrees to give her milk. Similarly, several techniques involving sight, smell, taste, touch and hearing (covering the young adopted with the skin of the dead one, coating him with salt, with vaginal secretion of the female, playing music, etc.) are used when the female rejects her young or when breeders wants her to adopt another one. For herding, the vocalizations (“huchements” in French) used by shepherds to call animals and to control herds' movements respond only partially to the logic of the lure. Some are motivated by the imitation of the animal's cry, but it turns out that shepherds while uttering these vocalizations don't endeavour to perfect this imitation. The effectiveness of these sounds is mainly based on repetition, conditioning animal behaviour. Other lures, finally, are used in hunting or scaring livestock predators such as scarecrows against wolves.
    • Liu Bolin, artiste du camouflage - Berthou Crestey M. p. 97-109 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le temps d'une photographie, Liu Bolin compose un ensemble de mises en scène afin de dissoudre sa propre image dans le tissu urbain. Voulant mettre au jour certaines préoccupations politiques et culturelles, l'artiste chinois a choisi un code singulier pour faire passer ses idées : en se dissimulant dans le paysage tel un phasme, il donne à voir une représentation collective qui dénonce le statut de l'artiste dans son pays.
      For the duration of a photograph, Liu Bolin constructs a set of stagings so as to dissolve his own image in the urban fabric. Wanting to uncover political and cultural concerns, the Chinese artist has chosen a unique code to get his ideas across: by hiding in the landscape as a stick insect, he offers a collective representation denouncing the Status of the Artist in his country.
    • L'art du leurre chez les plasticiens du bio art - Noirot J. p. 110-120 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Articulée à la notion de représentation, la problématique du leurre traverse et travaille en profondeur l'histoire de l'art depuis l'Antiquité. Dans la seconde moitié du xxe siècle, une nouvelle génération d'artistes utilisant les nouvelles technologies et travaillant à partir des mécanismes du vivant renouvelle le questionnement en le déplaçant vers le sujet. Situés à la croisée de l'art et de la science, plusieurs artistes représentatifs du bio art tels que Eduardo Kac, Natalie Jeremijenko et Louis Bec prennent littéralement le parti du leurre en axant la plupart de leurs créations autour de cette notion. C'est dans une perspective de questionnement transversal que cet article se propose d'étudier, à partir d'un corpus d'oeuvres significatives du bio art, les enjeux et les implications épistémologiques et philosophiques de ce paradigme du leurre dans l'art contemporain. D'outil heuristique, celui-ci se fait instrument critique, élaboration plastique et prise de conscience réflexive.
      The concept of representation and the notion of lure are intimately linked across the history of Art. Since the second half of the twentieth century, the work of a new generation of artists using living organisms and biotechnologies has renewed the inquiry. At the crossroads of art and science, several artists representative of bio-art, such as Eduardo Kac, Natalie Jeremijenko and Louis Bec, use the lure as a central concept of their creation. In a cross-questioning perspective, this article proposes to study issues and implications of this epistemological and philosophical lure paradigm in contemporary art on the basis of a corpus of significant works of bio-art. This article illuminates the notion of lure as a heuristic, critical and artistic tool.
    • Sentinelles leurrées et "signaux coûteux" - Keck F. p. 121-128 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article compare trois niveaux d'activité où des comportements destinés à lancer l'alerte sont détournés ou leurrés : le duck decoy dans les réserves ornithologiques anglaises, le « récepteur » dans les théories immunologiques contemporaines, et le rôle de Hong Kong comme « sentinelle » des grippes pandémiques. Cette comparaison permet d'éviter les fausses oppositions entre nature et culture dans le débat sur la mobilisation contre la grippe pandémique. Elle vise également à construire un concept de sentinelle comme émission de « signaux coûteux » dans une situation concurrentielle, inspirée par la « théorie du handicap » des époux Zahavis.
      This article compares three levels of action where behaviours oriented toward launching an alert are distorted or lured : the duck decoy in British bird reserves, the « toll-like receptor » in contemporary immunological theories and the use of Hong Kong as a « sentinel » for pandemic flu. This comparison allows us to avoid the false oppositions between nature and culture in debates on the mobilization against pandemic flu. It also aims at building a concept of sentinel as sending « costly signals » in a competitive situation, inspired by Zahavi and Zahavi's « handicap theory ».
    • La subtilité du phoque. La nature équivoque dans la Grèce archaïque - Dingremont F. p. 129-141 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans l'Antiquité, naturalistes et poètes reconnaissaient dans la nature amphibienne du phoque une subtilité. C'est sur cette dernière que s'appuie Homère, lorsque dans le chant V de l'Odyssée, il décrit la confrontation entre Ménélas et Protée, le « Vieux de la mer » au savoir prophétique, gardien des phoques de Poséidon. Ce dernier pour échapper à la capture par les hommes et ne pas avoir à délivrer sa connaissance divinatoire avait pour habitude de se lancer dans un cycle de métamorphoses. Le savoir de Protée est pourtant nécessaire à Ménélas afin qu'il apprenne les raisons pour lesquelles il se trouve bloqué sur cette île faute de vents favorables pour reprendre la route vers sa patrie. Le héros parvient à déjouer les leurres de Protée. Il le défait en surenchérissant dans la logique des leurres. Il se dissimule en effet sous la peau d'un phoque pour surprendre Protée et faire cesser ses transformations. Le vieillard est pris au piège de plus ondoyant que lui.Cet article, s'inscrivant dans un cadre de réflexion anthropologique sur la mètis, pose la question de l'efficacité de la ruse de Ménélas. L'hypothèse envisagée tend à montrer que modifiant sa propre nature, grâce au contact avec l'épiderme du phoque, Ménélas tire momentanément profit des qualités ambivalentes et équivoques de l'animal. En quelque sorte lui aussi, ayant pris l'apparence d'un phoque, se métamorphose et bénéficie de la subtilité de l'animal. Ce faisant, il dépasse les limites de sa nature et parvient à faire de l'adversité de Protée, et de l'univers marin en général dont le vieillard est une figure, une complicité. Comme souvent chez Homère, l'exposition de la subtilité de Ménélas renforce celle d'un poème aussi rusé que ses protagonistes.
      During antiquity, naturalists and poets recognized a sublety in the amphibian nature of the seal. This subtlety is the subject in question in part of song V of the Odyssey. Homer describes the confrontation between Menelaus and Proteus, the «Old Man of the Sea», keeper of Poseidon's seals. Proteus, to evade being captured by men and so as not to have to hand over his prophetic knowledge, used to enter into a cycle of metamorphoses. Proteus's knowledge is however necessary to Menelaus so that he may learn why he is blocked on this island for want of favorable winds to sail back to his homeland. The hero succeeds in thwarting the lure of Proteus. He defeats him by outbidding him the logic of lures. He hides under the skin of a seal to catch Proteus and stop his transformations. The old man is trapped by a more changeable, more swinging than him. This article, part of a framework of anthropological reflexion on Greek mètis, attempts to analyze the effectiveness of Menelaus's cunning. The hypothesis suggests that modifying his own nature, through contact with the skin of the seal, Menelaus benefits temporarily from the ambivalent and ambiguous qualities of the animal. In some sense, having taken on the appearance of a seal, he metamorphoses and benefits from the subtlety of the animal. In doing so, he exceeds the limits of his nature and manages to become complicit with the adversity of Proteus, and with the marine world in general to which the old man belongs to. As often in Homer, describing the subtlety of Menelaus reveals the poem to be as cunning as his protagonists.
    • La mer à fleur de sens. De la "mètis" maritime à quelques invariants sur le leurre - Artaud H. p. 142-155 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'éthologie est sans doute la première à avoir aperçu dans le leurre un outil heuristique. Modélisant les perspectives, réduisant à une forme perceptive minimale le « monde » de chaque espèce, la « méthode des leurres » laisse supposer que les perceptions du vivant puissent tenir en des formes sensibles, résiduelles et schématiques. Qu'en est-il du leurre tel qu'il nous est présenté par les différentes sociétés humaines ? Que nous apprend-il sur la relation de ces dernières à leur environnement, sur leurs représentations et leurs sensibilités propres ? Partant de l'exemple des pêcheurs Imrâgen de Mauritanie, sur lesquels ont porté mes recherches doctorales, et mobilisant d'autres sources, littéraires et ethnographiques dans lesquelles apparaissent des occurrences voisines, le présent article tâche de comprendre comment le leurre, et la disposition qui est à son principe : la mètis, forment la trame d'une relation privilégiée au monde et à ses existants.
      Ethology is probably the first field to have considered the lure as a heuristic tool. Modeling perspectives, reducing to a critical pattern of information the “world” of each species, the “technique of lures” suggests that perceptions consist of sensible, residual, and schematic forms. What does the lure represent, as it is presented to us by different human societies? What do we learn about the relationship of human societies to their environment, their representations and sensibilities? Taking the example of Imrâgen fishermen from Mauritania, -on which my doctoral research focussed-, and using additional literary and ethnographic sources based on the sea, this article tries to understand how the lure and its principle, the metis, form the basis of a special relationship to the world and its existents.