Contenu du sommaire : Chômage, non-emploi, sous-emploi

Le réexamen des théories néo-classiques et keynésienne a, pour l'essentiel, débouché sur des analyses du chômage en termes de « Job Search » ou de « Chômage Classique et Keynésien ». Mais dans l'un et l'autre cas, la capacité de ces analyses à rendre compte de la croissance et de la persistance du chômage dans l'ensemble des nations développées apparaît médiocre. Les tentatives de synthèse de ces analyses ne tiennent pas compte de ce que, du point de vue macro-économique, le salaire est en même temps coût et revenu. L'interprétation en termes d'accumulation intensive est à bien des égards inquiétante en ce qu'elle laisse penser que même la sortie de crise pourrait ne pas s'accompagner d'une vague de créations d'emplois. Si le chômage est ainsi appelé à durer, le schéma de rationnement de l'emploi prend une grande importance. Dans sa configuration actuelle, la « société duale » est fortement tributaire des flux de l'économie officielle et non pas des ressources de l'économie informelle (travail noir, productions domestiques,...) comme on l'affirme souvent.

La géographie du chômage : le cas du Danemark. La géographie danoise du chômage (ou des taux d'inactivité - les deux variables étant largement corrélées -) rencontre les grandes tendances observées ailleurs en Europe capitaliste : chômage plus faible dans la région-capitale ; croissance plus rapide du chômage dans les régions centrales que dans les régions périphériques depuis le début des années 70 ; chômage féminin et des jeunes particulièrement fort dans les zones périphériques alors que le chômage masculin est relativement plus élevé dans les régions centrales. Les statistiques danoises permettent une analyse géographique fine des segmentations sur le marché du travail, en tenant compte à la fois de l'offre et de la demande de travail. S. Illeris analyse ainsi, pour l'ensemble du Danemark, le marché du travail des jeunes femmes ayant une formation commerciale ou de bureau, celui des universitaires des deux sexes et, à l'intérieur de la région de Copenhague, celui des hommes sans qualification âgés de 25 à 49 ans. Les schémas de localisation de ces trois marchés du travail sont fort différents. Cette conception de la géographie du chômage s'ajuste bien aux modèles généraux qui avancent qu'il n'y a pas une seule explication simple au chômage dans les pays capitalistes avancés.

La controverse sur la nature du chômage actuel, keynésien ou classique, laisse au moins une question en suspens : celle de savoir comment s'opère le rationnement de l'emploi entre des actifs occupés et d'autres totalement privés de travail. Partant de la typologie traditionnelle chômage frictionnel, conjoncturel, structurel, complétée par la notion de chômage structuré, Serge L. Gouazé tente de montrer sur l'exemple concret du bassin industriel de la Ruhr comment la conjonction de facteurs conjoncturels et structurels d'une part et l'existence d'autre part de certains mécanismes de sélection répartissant de façon inégale le risque de chômage entre les diverses catégories de main-d'œuvre ont entraîné - après une première phase d'assainissement « passif » du marché de l'emploi - une « structuration » du chômage de plus en plus marquée. Si, dans les années 60, le chômage dans la Ruhr était principalement structurel, depuis une dizaine d'années la particulière et inégale réactivité des entreprises de la Ruhr aux fluctuations conjoncturelles a produit un chômage « structuré » dont le chômage de longue durée et le chômage récurrent sont deux manifestations extrêmes.

La situation spatiale du chômage en Belgique est étudiée sur la base de la population résidente des communes et ce pour la période 1970 à 1984. La situation de chômage minimal d'avant la crise faisait ressortir en 1970 le chômage structurel de la région industrielle wallonne. Par la suite, le nord-est de la Belgique sera le plus touché et le chômage féminin dominera l'image spatiale. Les explications des différences régionales résident dans des facteurs démographiques, des facteurs sociaux et dans la structure de l'emploi. Une étude plus détaillée permet de découvrir des différences qui sont fonction du revenu, de la hiérarchie urbaine et de la structure interne des régions urbaines.

L'article analyse les flux d'entrée et de sortie du chômage dans l'espace et dans le temps en Belgique, selon l'âge et le sexe. La durée de la période de chômage est un obstacle à la réinsertion professionnelle. Les taux d'entrée et de sortie des femmes sont plus faibles que ceux des nommes et s'affaiblissent avec l'âge. Au cours des années récentes, la croissance du chômage féminin est plus due à un allongement des périodes de chômage qu'à une intensification des flux de passage. La Wallonie se caractérise par un rapport entre flux d'entrée et de sortie nettement moins favorable qu'en Flandre mais régionalement il n'y a pas de relation entre l'intensité des flux de passage et l'évolution du nombre de chômeurs.

La géographie du chômage au Royaume-Uni dans les années 80. En dépit d'un demi-siècle de politique régionale et malgré les fortes croissances récentes du chômage, la localisation des problèmes régionaux majeurs du Royaume-Uni subsiste, bien qu'elle ait subi certaines modifications. Cependant, au cours des dernières années, des pertes d'emploi importantes ne sont plus seulement intervenues dans le nord (sauf le nord de l'Ecosse) et les grandes conurbations industrielles, comme c'était le cas précédemment, mais touchent aussi l'Angleterre des petites villes et toutes les catégories d'emploi. Simultanément, la population en âge de travail continue d'augmenter. L'article analyse la géographie du chômage à trois échelles : régionale (le sud est en gros mieux loti que le nord), locale, micro-locale (divisions de recensement). Les politiques gouvernementales ont réagi à l'aveuglette à la croissance du chômage.

L'article étudie dans le temps (1955-84) et l'espace le chômage et l'activité en Espagne. Il souligne les difficultés méthodologiques provenant de la pénurie de l'information statistique et de sa désagrégation inadéquate. Il montre l'intensité très au-dessus de la moyenne européenne du chômage espagnol, ce qui s'explique, outre la situation économique, par une série d'aspects démographiques. Le marché du travail espagnol est fortement segmenté, par l'âge et le sexe d'une part, dans l'espace d'autre part.

La politique gouvernementale de décentralisation, le déclin des vieilles régions industrielles, la crise et les politiques de redéploiement des entreprises ont produit une nouvelle géographie industrielle de la France. Les caractéristiques des bassins d'emploi sont devenues le facteur majeur des stratégies de localisation, en particulier l'intérêt pour les bassins d'emploi ruraux. Les villes industrielles ne sont pas toujours sans attrait mais souvent la reconversion des vieux bassins industriels est difficile, entraîne une déqualification de la main-d'œuvre ou remplace une main-d'œuvre masculine par une main-d'œuvre féminine non qualifiée. Dans le Nord et en Lorraine, le déclin industriel frappe à l'échelle régionale. Il ne faut pas perdre de vue que toute opération de (re)localisation industrielle modifie les dimensions et caractéristiques des bassins d'emploi.

Une analyse sur période longue montre que la croissance du tertiaire et la désindustrialisation sont plus nettes et plus précoces en région parisienne qu'ailleurs en France. Le mouvement s'y amorce dès l'entre-deux-guerres. Le pouvoir de domination économique de Paris sur la province est solidement établi dès la mi-XIXe s. Il a eu tendance à se renforcer en dépit des politiques de décentralisation des emplois, voire grâce à elles. Il apparaît mieux dans la structure des emplois que dans celle des activités. Le marché de l'emploi parisien est central dans la dynamique du système migratoire intérieur et extérieur français. L'article étudie aussi les transformations des spécificités de la classe ouvrière parisienne entre 1962 et 1982.

L'article s'attache à l'évolution quantitative de l'emploi et des taux d'activité dans le cadre d'une utilisation tendue de la force de travail. Il analyse les différenciations spatiales de la croissance de l'emploi et les évolutions sectorielles et qualitatives de celui-ci. Les mouvements naturels et migratoires sont mis en relation avec les disponibilités de travail. La structure et la dynamique spatio-temporelle des mouvements migratoires entre arrondissements sont décrits par la mesure de l'entropie et le modèle des chaînes de Markow.

Le Nord-Pas-de-Calais connaît un des taux de chômage les plus élevés de France et un taux record d'émigration, du fait duquel les effectifs de population active y ont gonflé moins que la moyenne française. Ils ont régressé chez les hommes, par modification des taux d'activité par âge, mais progressé nettement chez les femmes, dont le taux d'activité reste le plus faible de France mais connaît cependant un certain rattrapage. L'exemple du Nord-Pas-de-Calais est une bonne illustration du danger que présente l'interprétation de l'évolution de la population active à partir d'agrégats, que ce soit sur le plan des sexes, des âges ou des bassins d'emploi.

Les études sur le vécu du chômage doivent prendre en compte les réalités spatiales : le chômage est vécu différemment en zones urbaines ou rurales. Dans celles-ci, le chômage de longue durée s'accompagne d'un retrait partiel de l'économie marchande et de l'extension d'activités de substitution. Ceci peut contribuer à expliquer le meilleur comportement migratoire des zones rurales enregistré en Belgique depuis quelques années.