Contenu du sommaire : Suisse et Guerre froide dans le tiers-monde

Résumé. – Au cours de la Guerre froide, les puissances occidentales furent parfois tentées d'utiliser la Suisse, pays neutre et sans passé colonialiste, comme relais de l'Occident vers le tiers-monde. Leur volonté d'y défendre le « monde libre », la démocratie et l'économie de marché coïncidait avec celle des milieux dirigeants helvétiques, qui infléchirent la politique d'aide au développement dans ce sens à la fin des années 1950. L'IUHEI, créé à Genève dans l'entre-deux-guerres avec l'appui décisif de la Fondation Rockefeller, participa pleinement de ce mouvement, contribuant même à le faire émerger. En plein « moment Bandung », Jacques Freymond, tout nouveau directeur de l'IUHEI, décida de revitaliser l'institut en l'engageant notamment vers la formation des cadres des pays en voie de décolonisation. Sa bataille multifacettes relative au tiers-monde donne à voir une subtile combinaison helvéto-américaine, entre privé et public, science et politique, au cœur des enjeux de la Guerre froide.

Résumé. – Cet article analyse l'influence de la Révolution culturelle prolétarienne sur les relations entre la Suisse et la République populaire de Chine (RPC) en 1966 et 1967. Il montre que des concepts tels que la neutralité et la défense nationale spirituelle (geistige Landesverteidigung) dans le cas de la Suisse et, dans le cas de la Chine, celui de la « révolution continue » et le discours sur l'humiliation nationale, ont eu un impact énorme sur les relations bilatérales. Pour le démontrer, l'article se concentre sur trois études de cas. Premièrement, la façon dont les diplomates suisses à Pékin ont été traités par les Gardes rouges et les fonctionnaires chinois en 1966. Deuxièmement, les tensions graves causées par l'attitude de la Suisse dans la crise tibétaine, en particulier la décision des autorités fédérales d'autoriser l'immigration de cinq lamas tibétains en 1967. Et finalement, l'augmentation massive des activités subversives chinoises en Suisse pendant la Révolution culturelle et les efforts des Suisses pour découvrir les réseaux d'espionnage chinois et mettre un terme à la propagande chinoise sur leur sol.

Résumé. – Cet article analyse le rôle de la Suisse comme puissance protectrice des intérêts américains à Cuba entre 1961 et 1963. À un moment d'escalade sans précédent des tensions entre Cuba et les États-Unis, les diplomates suisses sont soumis aux pressions intenses de ces deux pays. Cette position au cœur de la Guerre froide pourrait exposer la Suisse à des critiques contre sa neutralité. Toutefois, une ouverture prudente de la part des représentants helvétiques à l'égard des autorités cubaines leur permet de gagner la confiance de ces dernières et ainsi de faciliter leur mission, en dépit de l'alignement de Berne sur la politique américaine. Le succès de sa diplomatie des bons offices à La Havane vaut à la Suisse de voir l'utilité politique de sa neutralité reconnue par Washington.

Résumé. – Au début des années 1960, le vif intérêt que suscitent le Ghana et la République du Congo (Léopoldville) dans les milieux économiques suisses, attirés par le dynamisme de ces marchés nouvellement indépendants, est rapidement mis à mal par les politiques autoritaires de Nkrumah et de Mobutu qui bouleversent la physionomie des activités commerciales et financières en vigueur durant la colonisation. Dans cet article, nous nous focalisons sur la défense des intérêts helvétiques dans ces deux territoires, alors au centre des enjeux la Guerre froide en Afrique subsaharienne. Nous avançons que la Confédération helvétique n'a pas encore mis en place de stratégie claire pour soutenir les activités des acteurs suisses au cours des premières années d'indépendance, mais que cette situation ne les empêche toutefois pas d'éviter les multiples écueils qui menacent leurs intérêts au Ghana et dans la République du Congo.

Résumé. – Cet article analyse la mise en place des relations diplomatiques entre la Suisse et le Mozambique au milieu des années 1970. La Suisse se heurte aux réticences du Front de libération du Mozambique (Frelimo) marxiste, qui critique sa politique de neutralité. Utilisée par le gouvernement helvétique pour justifier sa position abstentionniste durant la guerre de libération, cette politique lui sert ensuite d'argument pour chercher à établir des relations diplomatiques avec le Mozambique après son indépendance en 1975. Dans ce contexte, la Suisse instrumentalise l'aide humanitaire pour parvenir à surmonter l'incompréhension du Frelimo et à améliorer l'image de la neutralité suisse en Afrique australe.

Résumé. – En 1969, le gouvernement suisse est confronté au terrorisme international lors une attaque perpétrée à l'aéroport de Zurich Kloten par des membres du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP). En septembre 1970, le PFLP frappe à nouveau en organisant plusieurs détournement d'avions simultanés à travers le monde. Cette attaque terroriste à grande échelle aboutit à la capture de trois cent dix passagers et a comme conséquence de concerner et d`impliquer de nombreux pays. Plus tard, cet évènement sera connu sous le nom de Skyjack Sunday. Cet article étudie les réponses des dirigeants suisses aux deux attentats, les implications concernant la neutralité helvétique et le développement d'une stratégie antiterroriste. Plus précisément, l`article trace la décision helvétique de se positionner clairement du côté de l'Occident dans la Guerre froide globale et, en ce faisant, d`abandonner les considérations liées à la neutralité.

Résumé. – À la fin des années 1960, les relations entre l'Égypte et la Suisse se trouvent au point mort et le conflit israélo-arabe est loin d'être résolu. Dans ce contexte, la Confédération helvétique lance en direction de l'Égypte deux initiatives de politique étrangère de grande envergure au printemps de 1973. L'une est d'ordre économique, avec la conclusion d'un accord bilatéral de protection des investissements. L'autre, d'ordre politique, avec la tenue d'une conférence régionale au Caire rassemblant des ambassadeurs suisses en poste dans le monde arabe. Cet article montre que ces rapprochements reflètent une position historique privilégiée de la Suisse auprès du gouvernement égyptien, provenant entre autres de sa neutralité. Au-delà, ils marquent les prémices d'une ouverture de l'Égypte vers l'Occident, qui s'opéra de manière décisive après la guerre israélo-arabe d'octobre 1973.