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Revue | La Revue de l'IRES |
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Numéro | no 85-86, 2015/2-3 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les exonérations de cotisations sociales patronales : une évaluation à partir d'un modèle de croissance et de rentabilité de la firme - Aziza Garsaa p. 3-43 Jugé excessif, le coût du travail est considéré par certains comme le principal frein au développement des entreprises en France. En réduisant les cotisations sociales à la charge de l'employeur, les politiques d'exonération visent à agir sur l'emploi en rendant son prix plus attractif. À la différence des travaux antérieurs, basés sur une approche relevant de l'économie du travail, le présent article propose une évaluation fondée sur une approche d'économie industrielle. L'impact de l'allègement du coût du travail est analysé à l'aide de modèles de croissance de l'emploi et de rentabilité de la firme dans lesquels le taux d'exonération figure comme variable explicative. Les résultats obtenus montrent que les exonérations de cotisations sociales patronales ont eu un effet positif, mais relativement faible, sur l'emploi. Les entreprises n'affectent donc pas l'intégralité de la réduction du coût du travail permise par l'allègement des cotisations sociales patronales à la réduction de leurs prix de vente, mais en captent une partie pour restaurer ou augmenter leurs marges.
Excessive labour costs are held by some to be the principal hindrance to company development in France. Exemption policies reducing employers' social security contributions are intended to increase employment by pricing it more attractively. Unlike earlier research on the topic which drew on a labour economics approach, the present article bases its evaluation on industrial economics. The impact of reducing labour costs is analysed by modelling employment growth and company profitability, with exemption rates as an explanatory variable. The results demonstrate that exemption from employers' social security contributions have a positive, albeit relatively limited, impact on employment rates. Companies do not assign the full savings in labour costs due to reduced employers' contributions to cutting prices at the point of sale ; rather, they use part of the savings to safeguard or increase their margins. - Apprendre le travail : les liens entre le savoir et l'action : Regards ethnographiques sur le travail et la formation pour deux métiers de la petite enfance - Anne-Lise Ulmann p. 45-71 Cet article porte sur les liens entre le travail et son apprentissage et explore la manière dont la formation professionnelle peut tenir sa promesse émancipatrice tout en répondant à des exigences opérationnelles. À partir d'une activité ordinaire (le travail auprès de jeunes enfants), il montre que les savoirs généraux ne peuvent contribuer à régler l'action s'ils se trouvent désenclavés de ceux éprouvés ou exigés par le travail réel. Former dès lors ne se réduit pas à l'enseignement de protocoles rarement pensés en intégrant les dimensions non visibles de l'activité mais suppose de s'attacher à l'analyse des situations professionnelles pour traiter conjointement l'action et la pensée sur l'action. Cette analyse resserrée des situations donne l'opportunité aux professionnels de se rendre présents dans leur travail et non plus seulement agis par des exigences pensées en dehors d'eux.The article studies the links between the work learning process and work itself and explores how professional training can maintain its promise as a source of emancipation while still fulfilling operational requirements. It draws on an everyday example (two early years childcare professions) to demonstrate that general forms of knowledge can only play a role in regulating action if dissociated from those tested or required by actual working practices. Consequently, training is not simply a matter of teaching protocols that rarely incorporate the invisible dimensions of the activity in question ; rather it requires an analysis of professional situations for a simultaneous approach to action and thinking about action. A close analysis of such situations creates the opportunity for professionals to be fully present in their work rather than simply be acted by requirements elaborated without their input.
- De l'influence des conditions pratiques de la négociation collective : le cas d'une entreprise de la restauration de collectivités - Jörg Franke p. 73-97 Dans cet article, nous mettons en lumière l'influence de l'organisation matérielle et logistique des réunions de la négociation collective en entreprise sur les rapports de pouvoir entre employeurs et délégués syndicaux. Ce travail de recherche a été réalisé sous forme de monographie d'une grande entreprise française de la restauration de collectivités et démontre le poids des rapports sociaux qui pèse sur les syndicalistes en entreprise. Ce poids se trouve accentué par les « conditions de travail » difficiles des négociateurs syndicaux. L'organisation imposée par les employeurs participe à un éloignement des militants syndicaux de leur base et favorise une relative autonomisation du syndicalisme dans l'entreprise. La position de l'auteur comme syndicaliste a permis une analyse fine « de l'intérieur de la machine ».
The article aims to shed light on the impact of material and logistical arrangements in company collective bargaining meetings on the power relationship between employers and union representatives. The research, based on a full-length study of a major French catering company, demonstrates the significance of the social relations that weigh on union representatives within companies. The arrangements imposed by employers play a role in distancing union activists from their base and encourages a relative degree of autonomy in trade union practice within companies. The author's own union activity allows him to offer a fine-grained analysis from “within the machine”. - Les effets de l'invitation européenne à agir sur la conciliation emploi-famille : une analyse comparée de la négociation collective en France et au Luxembourg - Delphine Brochard, Carole Blond-Hanten, Fanny Robert p. 99-143 L'article s'interroge sur l'effectivité de l'invitation faite par les instances européennes aux États membres et aux partenaires sociaux d'agir en faveur d'une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, notamment à travers le dialogue social. Il étudie plus précisément la réponse des partenaires sociaux dans le cadre de deux pays, la France et le Luxembourg, présentant une convention de genre et un système de relations professionnelles bien différenciés. Après avoir explicité la nature de l'invitation européenne et ses déclinaisons institutionnelles en France et au Luxembourg, l'article procède à une analyse exploratoire du produit de la négociation collective aux niveaux de la branche et de l'entreprise sur la base d'un échantillon comparable en France et au Luxembourg. La question qui est posée est plus précisément d'apprécier sous quelle forme et avec quel contenu la thématique de la conciliation emploi-famille a été négociée dans cet échantillon restreint, pour mieux en saisir la portée, en rapportant ces résultats à la diversité des dispositifs institutionnels existants.
The article explores the effectiveness of the call from European institutions to member states and social partners to work towards improving the work-life balance, particularly by engaging in social dialogue. It focuses particularly on the response from social partners in France and Luxembourg, two countries with very different gender conventions and systems of professional relations. The article begins by outlining the nature of the European call and how it was received by institutions in France and Luxembourg. It then conducts an exploratory analysis of the results of collective bargaining at branch and company level, drawing on comparable samples from the two countries. The article sets out to explore in what form and with what content the theme of work-life balance was bargained within the limited sample as a means of fully understanding its impact by relating the results to the range of institutional forms of support currently extant. - Temps de travail, charge de travail et articulation emploi-famille : enjeux pour les milieux syndicaux - Diane-Gabrielle Tremblay p. 145-169 Nous nous intéressons à l'articulation travail-famille chez les employés et conseillers des organisations syndicales, à partir d'une recherche par entrevues. Nos résultats montrent que malgré leur expertise en matière de négociation sur ce sujet, les conseillers syndicaux ne semblent pas toujours pouvoir utiliser des aménagements pour la famille pour eux-mêmes. Bien que l'organisation ait mis en place quelques mesures pour mieux harmoniser les sphères professionnelle et personnelle de ses employés, l'ethos de fort engagement et de militantisme façonne l'implication dont doit faire preuve un « bon » conseiller. La charge de travail, les horaires de travail et les déplacements constituent des défis majeurs, qui pèsent sur la vie personnelle.The article focuses on work-life balance for trades union employees and advisors, drawing on interview-based research. The results demonstrate that despite their expertise in negotiating issues of work-life balance, union advisors do not always seem to be able to enjoy family-friendly workplace arrangements themselves. While the organization has implemented a number of measures to improve the balance between work and home life for its employees, the powerful activist ethos shapes the degree of workplace involvement expected of a “good” advisor. Workload, working hours, and travel are all major challenges to a harmonious work-life balance.
- Mettre en perspective la perspective d'investissement social - Chantal Nicole-Drancourt p. 171-209 L'objet de cet article est de donner à voir la cohérence d'un chantier qu'on appelle communément la stratégie d'investissement social. Autour d'idées simples (concentrer les moyens sur la jeunesse et l'enfance) et de slogans entêtants (mieux vaut prévenir que guérir), cette stratégie affiche des objectifs partiels sans parvenir à valoriser ce que pourrait être le chantier une fois achevé. Cet article invitera donc à le faire à travers un questionnement spécifique : le degré de cohérence de la perspective d'investissement social dans ses référentiels d'action. Ce niveau de réalité sera saisi à travers les grands rapports prescripteurs mondiaux, régionaux et locaux et à travers la mise en forme des dispositifs de réformes en cours, notamment en France. L'argumentaire montre qu'aujourd'hui la perspective d'investissement social a fait son chemin, s'est frottée à l'épreuve des faits et s'est imposée au point de devenir une option sérieuse pour un imaginaire collectif alternatif.
The aim of the present article is to shed light on the coherence of a project generally known as the Social Investment Strategy. Based on simple ideas (devoting the majority of resources to children and young people) and catchy slogans (prevention is better than cure), the strategy sets out partial objectives yet fails to provide any vision what the project might look like once completed. The article sets out to sketch out such a vision by studying the degree of coherence of the Social Investment perspective within its frame of reference for action. This level of reality will be explored through the prescriptive reports issued by major institutions at a global, regional, and local level and through the shaping of reforming structures currently underway, particularly in France. The article demonstrates that nowadays the social investment perspective, having been trialed on the ground, has gained traction to the extent that it has become a serious option for an alternative collective imaginary. - Annexes - Aziza Garsaa