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Revue | Mathématiques et sciences humaines |
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Numéro | no 164, hiver 2003 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Modéliser l'évolution de l'inégalité des taux de scolarisation - Guy Morel La modélisation de l'évolution des inégalités liées aux taux de scolarisation a suscité un long débat dans les années 84-97. Après avoir essayé de synthétiser les principales contributions nous considérons une modélisation basée sur une variable latente appelée «revenu scolaire». Les taux de scolarisation à un niveau donné nous servent à estimer les moyennes de cette variable sur les catégories sociales concernées. Ce passage d'une propriété locale à une propriété plus globale peut s'interpréter comme un changement d'échelle de mesure. Beaucoup des échelles déjà proposées, pour juger des différences de taux, sont peu compatibles avec ce point de vue, mais ce n'est pas le cas de la plus utilisée actuellement : l'échelle logistique. Sous cet éclairage, elle n'est cependant pas un modèle idéal.During the years 84-97, a long debate occurred in France about models for the evolution of inequalities related to the percentages of a given educational level. First we try to synthesize the main contributions, then we consider models based on a latent variable called: "educational income". The frequencies at a given level of education are used to estimate the means of this variable for the social categories concerned. This passage from a local property of a distribution to a more central property can be interpreted as a measurement scale. The scales comparing percentages, already suggested in the debate, are often not very compatible with this point of view. It is not the case of the currently most used one: the logistic scale. Under this light, it is not an ideal model however.
- La critique de la théorie des ensembles dans la dissertation de Brouwer (1907) - Michel Bourdeau S'il faudra attendre 1917 pour que Brouwer développe une mathématique distincte des mathématiques classiques, certains des thèmes caractéristiques de l'intuitionnisme, comme l'attachement à une intuition de type kantien ou l'idée que le continu est une donnée irréductible, apparaissent dès la Dissertation de 1907. C'est le cas en particulier de l'attitude à l'égard de la création cantorienne, où il convient, nous dit-on, de distinguer deux aspects : les acquis proprement mathématiques (topologie, ordinaux), qu'il s'agit de sauvegarder, une confiance excessive dans les pouvoirs de la logique, qui est responsable des contradictions. Le transfini se présente ainsi sous deux formes : la théorie des puissances, les ordinaux. Brouwer accepte celle-ci mais non celle-là. La même attitude explique encore que l'hypothèse du continu soit examinée en deux endroits différents : dans la première partie, pour sa version proprement mathématique, dans la troisième, pour sa version logique. Dans ce dernier cas, Brouwer admet les deux principes de construction des ordinaux, mais estime que cela n'autorise pas à considérer la seconde classe de nombres comme une totalité achevée.Although Brouwer had not developed intuitionistic mathematics by 1917, some of his main ideas are already to be found in his 1907 Dissertation, for instance his attitude towards set theory. We are invited to distinguish two aspects in Cantor's creation: the authentic mathematical contribution (topology, ordinals), and a spurious one, which leads to contradictions and reflects an excessive confidence in the power of logic. Consequently, the transfinite has two faces: the hierarchy of the alephs, and the ordinals. Brouwer agrees with the latter, not with the former. This explains also why the Continuum Hypothesis is discussed in two different places: the mathematical version in the first chapter, the logical one in the third chapter. In the latter, Brouwer accepts the two generating principles for ordinals, but he thinks that these provide no ground for taking the second class of numbers as a completed totality.
- Malthus ou Boserup : validité et continuité historique des modèles démo-économiques - Hervé Le Bras Malthus qui n'était pas un mathématicien a fourni une description courte mais élaborée du rapport entre ressources, population et progrès technique dont on a retenu la célèbre opposition des deux progressions arithmétiques et géométriques. Quetelet puis Verhulst, en tentant de donner une expression plus mathématique aux idées de Malthus les ont simplifiées et déformées. Les économistes modernes, de Solow à R.D. Lee ont accentué cette dérive. Pour que les mathématiques puissent « passer » et respecter l'orthodoxie économique, ils ont déformé un peu plus l'idée originale de Malthus jusqu'à l'inverser pour l'opposer aux idées d'Ester Boserup, elles aussi inversées pour les besoins de la cause. Cette dérive n'est sans doute pas limitée au modèle malthusien ou boserupien mais montre le danger fréquent en mathématiques sociales de préférer l'élégance mathématique et le respect des théories en vigueur au simple déroulement des faits, et plus précisément de croire qu'en introduisant le temps t dans les équations, on traduit la dynamique profonde des phénomènes.Malthus was not a mathematician but he provided in few sentences a very fine view of the relationship between population, resources and technical improvement, a view summarized in the well-known competition between arithmetical and geometrical progressions. After him, Quetelet and Verhulst formulated a more mathematical view at the expense of the true process envisioned by the English scholar. More recently, the economists, starting with Solow until R.D. Lee went further away from Malthus's ideas in the name of mathematics and mainstream economics. In fact, we see in this paper, they went as far as to inverse the scheme of Malthus into its opposite, putting in face of it a “boserupian” model, itself inverting the ideas of the great agrarian and human scientist, Ester Boserup. Such a process, where elegant mathematics respects more the current social theory than the crude facts, is quite illustratory of a way of dealing with social and economic dynamics by introducing the time in the formulae instead of coping with the complexity of the reality. In this case, progress in mathematics is paralleled with loss of contact with the real world.
Analyses bibliographiques