Contenu du sommaire : Idéalisme allemand et philosophies de l'esprit

Revue Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques — RSPT Mir@bel
Numéro Tome 85, no 1, 2001
Titre du numéro Idéalisme allemand et philosophies de l'esprit
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Idéalisme allemand et philosophies de l'esprit

    • Présentation : spiritualiser le monde et incarner l'esprit - Jean-Louis Vieillard-Baron p. 3-10 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Trop négligé aujourd'hui, le concept d'esprit doit être approfondi dans l'idéalisme allemand (Schelling, Hegel, etc.) et dans les divers spiritualismes (Lavelle, Gabriel Marcel...). Ceux-ci nous apprennent qu'une philosophie de l'esprit n'est pas du tout équivalente à un dualisme dogmatique. Certes, il y a un moment dualiste de la pensée, celui de la division entre une inspiration et une expiration, entre une incarnation de l'esprit et une spiritualisation de la nature. Mais ce dualisme, en particulier sous la forme du rapport entre la conscience et son corps, n'est posé que pour être dépassé, car l'esprit n'existe que dans une dialectique d'incarnation et de distanciation.
      The too often neglected concept of Spirit in German idealism (Schelling, Hegel, etc.) and in various spiritualisms (Louis Lavelle, Gabriel Marcel, etc.) needs to be researched anew. The latter teach us that a philosophy of the spirit has absoluty nothing to do with a dogmatic dualism. There is of course a dualist moment in thought : the moment of the division between an inspiration and an expiration, between an embodiment of spirit and a spiritualization of nature. But this dualism only lasts long enough to be passed over, especially in its form of the relationship between conscience and its body; for spirit exists only within a dialectic of embodiment and distanciation.
    • L'esprit selon Kant - László Tengelyi p. 11-22 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la Critique de la faculté de juger, le mot Geist désigne la faculté de présenter des idées esthétiques, alors que le terme d'idée esthétique se réfère à une intuition pour qui on ne peut jamais trouver un concept adéquat. Kant fait usage de cet excès de l'expérience sur la pensée, de ce débordement par l'intuition du concept, non seulement pour définir le beau comme l'expression d'idées esthétiques, mais il l'utilise également pour mettre en lumière les caractéristiques principales de l'usage logique de la faculté de juger réfléchissante. Cet usage a pour tâche de rendre possible l'application de la logique à la nature. Il est montré dans l'étude que l'une des conditions indispensables pour achever cette tâche est la présupposition d'une cohésion d'intuitions sans concept qui, saisi par l'imagination dans l'appréhension des objets de la nature, sert de point d'appui pour la formation, par l'entendement, d'un concept défini tout en en débordant la présentation. Il serait, bien évidemment, incompatible avec les principes de la philosophie critique de tenir cette cohésion sans concept pour une similarité — ou, pour parler comme Kant lui-même, « affinité » — inhérente aux choses de la nature, mais il serait non moins infondé de la considérer comme un simple produit de notre faculté de spontanéité. L'idée d'une « technique » de la faculté de juger réfléchissante permet de surpasser cette fausse alternative. Loin d'imposer une loi à la nature, la faculté de juger réfléchissante cherche à découvrir dans le divers intuitif une cohérence qui lui sert de règle. C'est pourquoi elle n'est pas seulement capable de mettre à l'épreuve la présentation des concepts empiriques déjà formés, mais tout aussi bien de susciter la formation — et même la transformation réitérée — de nouveaux concepts. Il n'est pas exagéré de dire que, par cette conception d'une « technique » de la faculté de juger réfléchissante, la philosophie transcendantale rend justice à l'autre de tout ce qui est transcendantal.
      In the Critique of Judgement, the term ‘spirit' designates the faculty of presenting aesthetic ideas, whereas the term ‘aesthetic idea' refers to an intuition which has no adequate conceptual counterpart. The notion of a surplus of intuition over concept is, in the third Critique, not only used to redefine beauty in terms of an expression of aesthetic ideas, but it is designed to shed some light on the basic features of the logical use of reflective judgement as well. Kant assigns to this use the task of making possible the application of logic to nature. Il is shown in the paper that one of the necessary conditions for performing this task is to presuppose a cohesion of intuitions without concepts wich is grasped by imagination in the course of apprehending objects of nature and serves as a starting-point for the formation of a determinate concept by understanding, even if it transcends the limits of the presentation of this concept. It would certainly be incompatible with the principles of Kant's critical philosophy to interpret this cohesion without concepts as a similarity — or, to use a characteristically Kantian term, ‘affinity' — inherent to things of nature. However, it would be no less arbitrary to consider it as a mere product of human spontaneity. The idea of a ‘technique' of reflective judgement makes it possible to transcend this false alternative. Far from imposing a law on nature, reflective judgement is in search of a coherence in manifold intuition which mighte serve as a rule. That is why it is not only apt to put the presentaiton of already formed empirical concepts to the test, but it is equally capable of preparing and guiding the formation — and the repeated transformation — of new concepts. There is no exaggeration in saying that, by this conception of a technique of reflective judgement, transcendental philosophy is made able to do justice to other of what is transcendental.
    • La première philosophie de l'esprit de Hegel - Marie-Jeanne Königson-Montain p. 23-37 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      C'est dans les manuscrits des Cours professés à Iéna que l'on voit Hegel élaborer les projets successifs de système qui ont été édités sous le titre de “Projets de système” (Systementwürfe) dans l'édition des Œuvres complètes; cette présentation permet de ne pas méconnaître le statut fragmentaire, incomplet, expérimental, des élaborations de la philosophie de l'esprit de Iéna. On aperçoit déjà dans les premiers manuscrits la double tendance, caractéristique de la philosophie de Hegel, du panlogisme et du pantragisme; les derniers manuscrits se terminent cependant sur une réconciliation de l'esprit avec le monde, qui annonce l'organisation de l'esprit absolu de l'Encyclopédie au triple niveau de l'art, de la religion et de la philosophie.
      In the manuscripts of the Lessons taught in Iena, one sees Hegel elaborating the successive outlines of system edited under the title : Systementwürfe in the Complete Works edition; in this Edition the fragmentary, incomplete and experimental status of the Philosophy of Spirit in Iena clearly appears. One already perceives in the first manuscripts the “panlogical'' and “pantragical'' inclination of Hegel's Philosophy. The last manuscripts conclude, however, with a reconciliation between Spirit and World, which announces the organization of the Absolute Spirit of the Encyclopaedia, on the three levels of Art, Religion and Philosophy.
    • Schleiermacher et l'esprit de l'idéalisme allemand - Emilio Brito p. 39-59 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le présent article fournit un aperçu global du rapport de Schleiermacher à l'idéalisme allemand. Il montre ensuite que sa théorie de l'esprit ne se déploie dans toute son envergure qu'en comprenant les différents registres de la psychologie, l'éthique, l'esthétique, la philosophie de la religion, et la dialectique. Puis, il considère l'affinité et le contraste entre l'approche dialectique de Schleiermacher et le système de Schelling, en prenant comme fil conducteur le thème de l'esprit. Enfin, il compare les divers registres de la pneumatologie philosophique de Schleiermacher avec leurs homologues dans la philosophie hégélienne de l'esprit subjectif, objectif, absolu.
      This article considers globally, to begin with, the relationship between Schleiermacher and German Idealism. Secondly, it shows that his theory of spirit embraces a whole series of disciplines, namely : psychology, ethics, aesthetics, philosophy of religion, and dialectics. Thirdly, he uses the theme of spirit as a guideline in order to point out the affinity and contrast between the dialectical approach of Schleiermacher and the system of Schelling. Finally, it compares the different levels of Schleiermacher's philosophical pneumatology with the homologous elements in Hegelian philosophy of subjective, objective, and absolute spirit.
    • Temps et esprit chez hegel et Louis Lavelle (essai de chronodicée) - Christophe Bouton p. 81-105 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie la relation de l'esprit au temps dans les philosophies de Hegel et de Louis Lavelle. Nous nous proposons de montrer que Lavelle partage avec Hegel trois attitudes face au problème du passage du temps. 1) La mémoire est conçue comme une résurrection du passé, qui permet de préserver les événements de la négativité du temps, et de les spiritualiser. 2) Hegel et Lavelle tentent dès lors l'un et l'autre de développer une « chronodicée », afin de justifier l'existence du temps et son rôle essentiel dans les diverses activités de l'esprit : le temps est réhabilité dans toutes ses facettes — négativité, irréversibilité, etc. — parce que ces dimensions temporelles sont les conditions de possibilité de la liberté. 3) Cette « réhabilitation »' du temps souligne la plasticité du temps, c'est-à-dire sa capacité à être configuré par la mémoire et la volonté.
      This paper studies the relation between spirit and time, in the philosophies of Hegel and Louis Lavelle. We set out to explain that Lavelle shares with Hegel three positions concerning the problem of the passing of time. 1) Memory is considered as a resurrection of the past, which permits the saving of events from the negativity of time, and to spiritualize them. 2) Hegel and Lavelle both try consequently to develop a "chronodicy" to justify the existence and the essential role of time in the different activities of spirit : time is rehabilitated on all sides — negativity, irreversibility, etc. — because these temporal dimensions include the conditions of freedom. 3) This "rehabilitation" of time points out the plasticity of time, which means its capacity of being shaped by memory and will.
    • Esprit et liberté : La double référence à Hegel et à Schelling dans la pensée de Claude Bruaire - Claudie Lavaud p. 107-118 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Claude Bruaire n'a cessé de mener un dialogue alterné avec deux auteurs majeurs, Hegel et Schelling. La synthèse s'opère autour des couples-clés des concepts d'être et d'esprit d'une part, de liberté et de négativité d'autre part, et la gerbe est nouée par le concept de don. La pensée négative de l'Infini indéterminé et ineffable doit se retourner en une métaphysique positive. Celle-ci engage à penser l'être comme esprit, qui est liberté, et la liberté doit encore être pensée par un retournement de la négativité hégélienne vers la puissance affirmative de l'Absolu schellingien. La spéculation trinitaire intervient alors dans la démarche de Claude Bruaire comme suscitation chrétienne de la philosophie, ouvrant sur une métaphysique de l'esprit comme don, une « ontodologie ».
      Claude Bruaire has never ceased to dialogue with two major authors, Hegel and Schelling. The synthesis is made around two main pairs of concepts, being and spirit on the one hand, liberty and negativity on the other. The negative thought of indeterminate and ineffable Infinity must be made over into a positive metaphysics. The latter suggests determinating being as spirit wich is liberty and liberty itself must be thought through a change of Hegelian negativity into the affirmative power of Schellingian Absolute. Trinitarian speculation then takes place in Bruaire's way of thinking as a “Christian arousing” of philosophy, opening into a metaphysics of spirit as gift, an “ontodology”.
    • Nature et esprit, figures en miroir - Pierre Magnard p. 119-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Signatures de la pensée de la Renaissance, les notions de métamorphose (Jean Pic de la Mirandole) et de vicissitude (Giordano Bruno) trahissent un travail de la forme au sein de la matière, dont on ne sait si on doit l'imputer à un esprit créateur ou à une nature génératrice. On balance entre la primauté du Logos, forme des formes, et celle de la Terre-mère. L'homologie cependant entre procédures mentales et processus naturels témoigne d'une convertibilité entre les deux puissances, qu'on aurait cru concurrentes. Quand une même loi de développement préside aux pensées, aux cristaux, aux plantes et aux organismes, l'entre'expression de la nature et de l'Esprit relance l'interrogation métaphysique.
      The notions of metamorphosis (Pic de la Mirandole) and of vicissitude (Giordano Bruno), typical of Renaissance thought, betray a working of form at the heart of matter, but without knowing whether it is to be credited to a creative spirit or to an engendering nature. One hesitates between the primacy of the Logos, the form of forms, and of Earth-Mother. The homology between mental and natural processes pleads in favour of the two powers being convertible, not in opposition as might have been believed. When a single law of development presides in the cases of thought, crystals, plants and organisms, the inter-expression of nature and Spirit reopens metaphysical inquiry.
    • Le spirituel dans l'homme et l'ontologie - Jacques Colette p. 133-148 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le thème de la participation (relation de l'être et de l'esprit) est ici étudié dans le cadre de la métaphysique classique relue par l'idéalisme allemand, et dans sa réapparition en France à partir de Bergson. La pensée de G. Marcel affrontant les systèmes de Hegel et de Schelling est particulièrement mentionnée. Le recours à l'au-delà de l'essence (Platon) inspire certaines remises en question de l'ontologie, même si elles s'orientent en des sens opposés (Heidegger, Levinas). On peut s'étonner de la rareté, dans ce contexte, des références à Plotin, le premier à avoir entrevu l'idée d'une antériorité radicale par rapport à l'esprit entendu comme identité de l'être et du penser.
      In a thematic study of participation as a philosophical concept (relations between Being and Mind), within the context of classical metaphysics, revisited by German idealism and as it appeared again in France following Bergson, the writer recalls the thought of Gabriel Marcel in confrontation with Hegel's and Schelling's systems. The ressort to the “beyond of essence'' (Plato) calls into question the status of ontology, even if these callings into question leads towards opposite directions (Heidegger, Levinas). Surprisingly Plotinus was rarely mentionned in this problematic, though he was the first to have guessed at the idea of radical anteriority as regards the Mind as identity of Being and Thinking.
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