Contenu du sommaire : Le commerce des cultures

Revue Gradhiva : revue d'anthropologie et de muséologie Mir@bel
Numéro no 4, 2006
Titre du numéro Le commerce des cultures
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Etudes et essais

    • Anthropologie d'un tube des Années folles - Jean Jamin, Yannick Séité p. 5-33 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir de la musique de jazz et de l'un de ses plus célèbres thèmes, cet article se propose d'explorer cette sorte d'« épopée de la chose » que sont, selon la belle formule du philosophe Alain, musique et chant, et où ce qui s'exprime dans leur apparente contingence est non seulement une modulation mais un modelage du rapport de soi à soi, et de soi à l'autre. Sujet bien évidemment anthropologique qui sera abordé à travers l'étude de trois œuvres d'écrivains du XXe siècle (Pierre Mac Orlan, Jean-Paul Sartre, Alessandro Baricco). Le « chant du jazz », que toutes trois placent au premier plan, traduit une dialectique de l'identité et de l'altérité en jouant sur des associations et des contrastes de couleurs tout autant musicales que charnelles. À l'image de la célèbre suite Black, Brown and Beige que Duke Ellington créa en 1943, vingt ans plus tôt Darius Milhaud avait voulu les restituer dans la musique de ballet La Création du monde en combinant jazz, blues et traditions musicales européennes savantes, le tout joué et dansé dans un décor conçu par Fernand Léger, aux longs aplats de couleur, en noir, blanc et ocre. Nous sommes ici, avec ces trois œuvres, en noir, blanc et blond.
      Starting with jazz and one of its best known themes, the article sets out to explore that kind of « epic of the thing » that, as the philosopher Alain so aptly phrases it, music and song constitute, and where what is expressed in their apparent contingence is not only a modulation but also a modelling of the relationship between self and self and between self and the other. This is clearly an anthropological subject, which is approached through a study of three works by 20th century writers (Pierre Mac Orlan, Jean-Paul Sartre and Alessandro Baricco). The « jazz singing », which all three focus upon, expresses a dialectic of identity and otherness, playing on associations and contrasts of colours, both musical and fleshly. As the famous Black, Brown and Beige suite created by Duke Ellington in 1943, Darius Milhaud sought to recreate them twenty years sooner in his music for the ballet The Creation of the World, combining jazz, blues and scholarly European musical traditions, all played and danced in a set designed by Fernand Léger, composed of long black, white and ochre flats. Here, with these three works, our colours are black, white and blond.
    • L'Indochine vue de l'Ouest* - Bernard Formoso p. 35-51 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le présent essai est une revue critique des thèses qu'ont produites entre 1910 et 1960 les principaux orientalistes européens et leurs émules asiatiques à propos de l'entre-deux des pôles de civilisation indien et chinois que constituait à leurs yeux l'Asie du Sud-Est ; une interface régionale parfaitement résumée par le terme Indochine appliqué à sa partie continentale. Qu'ils soient français (S. Lévi, G. Cœdès, P. Mus), hollandais (J.C. van Leur), britanniques (H.G. Quaritch Wales) ou indiens (B.R. Chatterjee, N. Sastri, R.C. Majumdar), leurs points de vue, profondément marqués par l'emprise idéologique et institutionnelle des spécialistes de l'Inde sur l'orientalisme de l'époque, oscillaient entre une approche diffusionniste qui faisait des cultures autochtones du Sud-Est asiatique le simple assemblage d'idées venues d'ailleurs et une approche certes plus respectueuse du dynamisme des sociétés locales, mais qui malgré tout leur conférait un rôle mineur dans leur propre fabrique culturelle.
      The essay takes a critical look at theses produced by the best-known European orientalists and their Asian emulators between 1910 and 1960 regarding the halfway stage between Indian and Chinese civilisations that Southeast Asia appeared to them to be – a regional interface neatly summed up in the term Indochina that was applied to its continental part. Whether they were French (S. Lévi, G. Cœdès and P. Mus), Dutch (J.C. van Leur), British (H.G. Quaritch Wales) or Indian (B.R. Chatterjee, N. Sastri and R.C. Majumdar), their points of view, deeply influenced by the ideological and institutional hold that India specialists had over the orientalism of the period, oscillated between a diffusionist approach, which saw Southeast Asian autochthonic cultures as a simple hotchpotch of ideas come from elsewhere, and a certainly rather more respectful approach that recognised the dynamism of local societies, but which nonetheless saw them as playing a minor role in their own cultural fabric.
    • Le musée d'un lieu saint en chantier - Mathieu Claveyrolas p. 71-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'église catholique de la Sagrada Família, à Barcelone, est un lieu saint monumental dont la construction, entreprise à la fin du XIXe siècle par l'architecte catalan Antoni Gaudí, est encore de nos jours en pleine activité. Ce chantier comprend un musée qui illustre et concentre la plupart des enjeux de ce lieu. D'une part, le musée ne se contente pas d'exhiber, de façon plus ou moins pédagogique, les étapes et les techniques du chantier ; il contribue aussi pleinement à la patrimonialisation de ce lieu saint à venir qu'est la Sagrada Família et à la béatification en cours de son architecte principal. D'autre part, non content de récapituler la visite du chantier que touristes et fidèles effectuent, le musée illustre, à travers des procédés muséographiques souvent originaux, les différentes temporalités du chantier et remplit une fonction de projection de l'œuvre achevée.
      The Catholic Sagrada Família church in Barcelona is a monumental holy place whose construction began in the late 19th century under the Catalan architect Antoni Gaudí, and is still underway. The site includes a museum illustrating the history of the place in concentrated form. It is not, however, simply content to educate us with exhibits recounting the various stages and techniques of construction – on the contrary, it contributes fully to patrimonialisation of this holy place in the making and to the ongoing beatification of its main architect. Nor is it content to offer us a simple recapitulation of the mandatory visit to the site by tourists and the faithful, but provides illustration of the site's various temporalities, using some often very original museographic procedures, and gives its visitors an idea of what the finished work will be like.
    • Le musée Leleque et le groupe Benetton en Patagonie - Julio Vezub p. 53-69 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le groupe Benetton a financé la réalisation d'un musée d'histoire régionale, qui a ouvert ses portes en mai 2000 au milieu d'une grande estancia dont la société est propriétaire dans le nord-ouest de la Patagonie argentine. C'est à partir de l'expérience de l'un des membres de l'équipe d'anthropologues et d'historiens qui a élaboré les expositions du musée Leleque que sont analysées les utilisations et les interprétations de photographies de la fin du XIXe siècle représentant des indigènes alors définitivement écartés du contrôle du territoire de la Patagonie. L'article retrace les conflits de mémoire et ceux relatifs à la propriété de la terre qui se sont ouverts à cette occasion entre le groupe Benetton et les familles mapuche. Il s'interroge aussi sur les aspects éthiques de la participation de professionnels des sciences sociales à l'élaboration de récits historiques dans les conditions d'un parrainage privé.
      The Benetton Group financed the setting up of a museum of regional history, which opened in May 2000, located on a large estancia owned by the group in northwestern Argentine Patagonia. Based on the experience of a member of the team of anthropologists and historians who planned the exhibitions housed in the Leleque museum, analysis is made of the use and interpretation of late 19th century photographs of natives with no outside territorial monitoring. The article takes a closer look at the conflicts of memory and over land ownership that the event gave rise to between the Benetton Group and Mapuche families, and also considers the ethical aspects of participation by social sciences professionals in the drawing up of historical accounts in a context of private patronage.
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