Contenu du sommaire : Faire tenir les murs. Pratiques professionnelles en milieu fermé
Revue | Sociétés contemporaines |
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Numéro | no 103, 2016 |
Titre du numéro | Faire tenir les murs. Pratiques professionnelles en milieu fermé |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction : Faire tenir les murs. Pratiques professionnelles en milieu fermé - Mathilde Darley, Camille Lancelevée p. 5-18
- Contraintes matérielles et « schizophrénie institutionnelle » : L'interaction entre justice et monde pénitentiaire en matière d'enfermement - Christian Mouhanna p. 19-42 L'examen des interactions entre magistrats du parquet ou du siège et directeurs de prison montre comment le processus de décisions d'incarcération dans le cadre de petites peines amène ces acteurs, tiraillés entre des politiques répressives et l'impossibilité matérielle de faire exécuter ces peines dans des conditions acceptables, à agir à l'encontre de leurs aspirations et leur ethos professionnel. Autant que la personnalité du délinquant ou les circonstances du délit, les variables intrinsèques au système pénal expliquent le recours ou non à l'incarcération, donnant à celui-ci un caractère apparemment aléatoire et peu lisible pour les justiciables.Material Constraints and ‟Institutional Schizophrenia”. Interaction between Magistrates and Prison System in FranceIn the case of short-term prison sentences, interactions between magistrates and prisons managers are part of a process of decision which leads to determine if the sentenced persons will really go to jail or not. These actors of the penal system suffer from a tension between law and orders policies on the one hand and the overcrowded prisons on the other, which doesn't allow them to imprison all sentenced people. Therefore they have to take decisions against their own opinion or professional ethos. Conditions of the penal organizations are as much important as the delinquent personality or the crime circumstances to explain the decision, giving the impression of a penal system based on random.
- Penser le conflit professionnel : Sécurité et thérapie dans une prison suisse - Christopher Young p. 43-64 Suite à une révision du code pénal suisse, plusieurs prisons suisses ont créé une unité thérapeutique sécurisée, entraînant une arrivée importante de personnel soignant psychiatrique. Fondé sur des données ethnographiques, l'article met en évidence et analyse le discours critique envers la thérapie tenu par des surveillants. Si ce discours comprend des éléments empruntés aux représentations sociétales dominantes, il convient également, pour le cerner, de tenir compte des interactions locales dans lesquelles il prend corps. L'analyse montre que les surveillants tentent de maintenir l'ordre symbolique local et que l'appel à la « sécurité » leur sert de ressource discursive pour s'opposer au capital symbolique du personnel psychiatrique.Embedding Staff Conflict: Security and Therapy in a Swiss Prison
Following a revision of the Swiss criminal code, a number of therapeutic units have opened in Swiss prisons. This has led to an influx of psychiatric staff into prisons and tensions between psychiatric staff and custody officers. Using ethnographic field notes and interviews, the therapy-critical discourse of custody officers is shown to be tied to broad cultural discourses as well as to the specific field of relations within the prison. Custody officers struggle to preserve local symbolic orders and use security discourse as a form of symbolic capital to challenge psychiatric symbolic capital. - « Moderniser » l'enfermement en psychiatrie ? : Le cas des unités pour malades difficiles - Livia Velpry p. 65-90 En matière de santé mentale comme ailleurs, recours à l'enfermement et lieux sécurisés sont souvent analysés comme un mode de gestion des populations par les risques, typique des sociétés post-disciplinaires. Examinant l'articulation originale entre enfermement, dangerosité et soin que définissent les unités pour malades difficiles en France, à partir d'une analyse documentaire, d'entretiens et d'observations, cet article montre que les professionnels de l'unité recourent à une définition contextuelle de la dangerosité et qu'ils inscrivent son fonctionnement sécurisé dans une logique de soin, maintenant l'inscription dans le dispositif psychiatrique général. Il éclaire ainsi les reconfigurations contemporaines de l'enfermement dans ses relations avec l'intervention psychiatrique.‟Modernizing” psychiatric confinement? The case of units for difficult patients
In mental health as in other domains, confinement practices and secure settings are often conceptualized as being part of the post-disciplinary societies tendency to manage populations through risk assessment. This paper examines units for difficult patients in France as an original configuration between confinement, dangerousness and care. A documentary analysis, combined with interviews and observations, show how professionals in the unit define dangerousness as contextual and incorporate security measures as care practices. All the way, psychiatrists maintain the unit's tie to the general mental health care system. The analysis sheds light on the contemporary transformations of confinement in relation to psychiatric practice. - Quand la prison prend soin ? : Gérer les troubles mentaux dans un établissement pénitentiaire allemand pour femmes - Camille Lancelevée p. 91-110 Cet article s'intéresse à la gestion des troubles mentaux en milieu carcéral. À partir du cas de Yasemin le placement dans la cellule sécurisée de la prison pour femmes de Grünstadt, en Allemagne, d'une jeune détenue et les nombreuses discussions professionnelles qui l'accompagnent nous montrons comment le registre psychologique est mobilisé pour comprendre et qualifier le comportement de la jeune femme, puis y répondre. Cette opération permet de légitimer le mandat de professionnel-le-s aux prises avec les limites de l'institution mais également de réintégrer l'usage de la contrainte dans des pratiques de care. Au-delà du cas de Yasemin, cette opération met au jour les modalités d'une psychologisation des établissements pénitentiaires.Prison as a Care Provider? Dealing with Mental Disorders in a German Prison for Women
This article focuses on the management of mental disorders in prison. Based on an ethnographic case meant to be emblematic of the difficulties for the institution to deal with mental troubles the contention in a secured cell of Yasemin, a young female offender at the women prison of Grünstadt, Germany and the numerous staff discussions on her case the article points out a progressive discourse translation from the contextual difficulties onto the troublesome ‟psychological nature” of Yasemin. Carried out by different prison professionals, this translation makes constraint a part of mental health care practices. This operation thus minimizes the institutional coercion and re-legitimates the professional mandates of agents struggling and well aware of prison's limits. Beyond the case of Yasemin, this operation ultimately reveals how a certain psychologisation occurs in the prison system.