Contenu du sommaire : L'Éthiopie après Meles
Revue | Politique africaine |
---|---|
Numéro | no 142, 2016/2 |
Titre du numéro | L'Éthiopie après Meles |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le dossier : L'Éthiopie après Meles Zenawi
- L'Éthiopie après Meles Zenawi : l'autoritarisme ethnique à bout de souffle ? - Jean-Nicolas Bach p. 5-29
- La mort du Premier ministre éthiopien Meles Zenawi (août 2012) : dissimulation, assomption et sanctification - Eloi Ficquet p. 31-56 L'annonce de la mort de Meles Zenawi, le Premier ministre éthiopien, le 21 août 2012, après plusieurs semaines de nouvelles contradictoires sur son état de santé, marquait la fin de plus de vingt années de pouvoir. Sa disparition inattendue soulevait de nombreuses questions, notamment sur la capacité du régime à survivre à son fondateur. Pour décrire chaque épisode de cette dramaturgie mortuaire d'ampleur nationale, plusieurs sources d'information sont collectées, examinées et complétées par des observations personnelles. Depuis les signes avant-coureurs d'affaiblissement de la santé du dirigeant jusqu'aux actes de dévotion poursuivis au-delà de la célébration de ses funérailles, il s'agit de rendre compte des significations politiques, symboliques et spirituelles revêtues par les discours et pratiques exprimés dans les médias, la classe politique et l'opinion publique.Meles Zenawi, the Ethiopian prime minister, died on the night of August 20 to 21, 2012, at the age of 57. This article provides an overview of the media coverage of this event (press, TV, online media), both inside and outside Ethiopia, complemented by personal observations in Addis Ababa between June and September 2012. Through the description of the management by the Ethiopian government of the leader's hidden illness, the public announcement of his death and the celebration of funerals, the analysis deals with popular perceptions of this pivotal event, and more broadly the symbolism of death, spiritual and political power within Ethiopia.
- Le developmental state éthiopien et les paysans pauvres. Économie politique du développement rural par le bas - Sabine Planel p. 57-76 Cet article propose une économie politique du développement rural depuis la situation des paysans pauvres. Il analyse les pratiques de mise en dépendance organisées au sein des communautés rurales et par l'État. Il présente un nouvel ordre rural, fondé sur la diffusion d'une figure politisée et sur le renforcement de la dépendance des plus pauvres, permis par l'évolution des formes paysannes du partage de la ressource mais également par la transformation des politiques publiques. Enfin, il analyse la gestion publique de l'endettement paysan et la nature du gouvernement réservé aux pauvres.This paper contributes to a political economy of rural development based on the case of poor farmers. It focuses on dependency practices developed within rural communities by farmers or organised through the implementation of development public policies. It presents the rise of a new rural order based on the spread of a politicized rhetoric, on the growing dependency of poor farmers via the transformation of peasant ways of sharing resource or by means of a shift in public policies. The article concludes with an analysis of the public management of peasant's debt and the nature of the governance of poor farmers.
- Santé publique, participation communautaire et mobilisation politique en Éthiopie : la Women's Development Army - Alessia Villanucci, Emanuele Fantini, Miriam Perier p. 77-99 L'étude des stratégies de soins de santé ruraux permet d'appréhender le projet biopolitique du gouvernement éthiopien, qui mêle mobilisation politique et offre de services, mode de gouvernement hiérarchique et participation populaire. Cet article s'intéresse aux processus de subjectivation des « femmes soldats du développement » qui agissent à l'interface du gouvernement local et de la société, en examinant comment l'État développementaliste se déploie au quotidien en étant dilué, au double sens d'incarnation et d'adaptation suivant une pluralité de logiques et de dynamiques (sociales, politiques, religieuses).Rural healthcare strategies are a meaningful case to reflect on the Ethiopian government biopolitical project mingling political mobilisation and service delivery, top down leadership and grassroots participation. We look at the processes of subjectivation of “Women's development soldiers” acting at the interface between local government and the society, analysing how the developmental state works in practice by getting diluted in the double sense of embodied and accommodated according to a plurality of logics (social, political, religious…) and dynamics.
- Le fédéralisme ethnique au prisme de la formalisation des droits fonciers : le cas de la zone Majang (Gambella) - Mehdi Labzaé p. 101-120 Construit sur la base d'une ethnographie de l'administration locale, cet article revient sur le conflit qui a frappé la zone Majang en 2014-2015 et éclaire certains modes d'ethnicisation du politique dans l'Éthiopie contemporaine. Irréductibles au seul système institutionnel ethno-fédéral, les tensions s'ancrent dans des rapports à la terre divergents entre groupes sociaux, résultats de pratiques agricoles différentes, des politiques foncières asymétriques de l'État et de la pluralité des systèmes de droits fonciers. Les dissensions sont réactivées par les politiques agricoles actuelles du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (Ethiopian People's Revolutionary Democratic Front, EPRDF), et notamment par la formalisation de ces droits fonciers.The ethnography of local administration offers insights into the ethnicization of politics in contemporary Ethiopia. This article takes the conflict that erupted in 2014 in the Majang zone as a case study. Tensions should not be credited solely to the ethnofederal institutional framework, but are informed by contrasted agricultural practices and land use patterns, the state's unbalanced land policies, and a plurality of land rights systems. Today, the formalisation of land rights and broader EPRDF agricultural policies rekindle tensions.
- La crise de l'EPRDF : « Devenir inclusif ! » - René Lefort p. 121-144 Le pouvoir éthiopien monopolise les domaines politique, exécutif et législatif. L'opposition légale, harcelée, continue de se déliter. La croissance économique reste forte. Pourtant, le régime s'enfonce dans une crise accentuée par la disparition, en 2012, de l'omnipotent Meles Zenawi. Celle-ci s'enracine dans la perpétuation d'un système de pouvoir élitiste, centralisé, autoritaire et ethniquement biaisé. Dès lors, le fédéralisme, tel qu'appliqué, ne peut répondre aux poussées identitaires qu'il a intensifiées. La nouvelle classe moyenne, urbaine comme rurale, reste marginalisée. Ses compétences, indispensables à la poursuite de la croissance par une libéralisation économique, demeurent bridées. Divisé entre et au sein de ses quatre composantes ethniques, le parti-État se réduit à une machinerie qui n'avance plus que sur la lancée fixée par Meles, figé face aux enjeux de son indispensable refondation.The hegemony of the Ethiopian ruling power is almost uncontested in the political, executive and legislative arenas. Harassed and divided, the legal opposition is still crumbling. The economic growth rate remains high. Nevertheless, the regime is sinking into a crisis aggravated by the passing away in 2012 of the omnipotent Meles Zenawi. The roots of the current crisis lie in the perpetuation of an elitist, centralised, authoritarian and ethnically biased power system. Due to the way in which it is being implemented, federalism is unable to respond to the identity-based claims it has heightened. The new middle class, both urban and rural, remains marginalized. While its capacities are vital for the economic liberalization, which determines a sustained growth, they are still restrained. The party-state comes down to a machinery which moves only by keeping strictly to Meles's legacy. Divided between its four ethnic components and within them, the ruling power is frozen while its vital aggiornamento is at stake.
Recherches
- « Même si tu as tes papiers, ils t'embarquent » : gestion policière de l'immigration africaine ou institutionnalisation de la xénophobie dans l'Afrique du Sud post-apartheid - Rodolphe Demeestère p. 145-167 Les abus de pouvoir des policiers sud-africains à l'encontre des immigrés du continent ont rarement été resitués dans le cadre du partenariat institutionnel développé entre les forces de l'ordre et le ministère de l'Intérieur. L'article analyse la coproduction d'une politique migratoire ultra-répressive basée sur les rafles armées, les reconduites à la frontière et les mesures d'exception. S'il est montré que cette politique a une influence forte sur les pratiques policières au quotidien, les abus policiers sont également questionnés dans un contexte de xénophobie latent et de guerre ouverte déclarée à une criminalité à laquelle les immigrés africains sont, à tort, largement assimilés.Recurrent power abuses by the South African police on African immigrants have rarely been situated within the framework of the institutional partnership developed between the police and the Department of Home Affairs (DHA). The paper analyses the co-production by the South African Police Services (SAPS) and the DHA of an ultra-repressive immigration policy based on armed raids, deportations and emergency measures. It shows how much this policy impacted on the ordinary practices of the police. It also interrogates power abuses within the South African Police Services daily practices in a broader context of latent xenophobia and zero-tolerance policy against criminality − as African immigrants are still largely, yet mistakenly, associated with crime.
- « Même si tu as tes papiers, ils t'embarquent » : gestion policière de l'immigration africaine ou institutionnalisation de la xénophobie dans l'Afrique du Sud post-apartheid - Rodolphe Demeestère p. 145-167
Conjoncture
- Qui gouverne (réellement) l'Algérie ? - Mohammed Hachemaoui p. 169-190 La détérioration manifeste de l'état de santé d'Abdelaziz Bouteflika depuis 2013 et la vacance de la présidence de la République qui s'est ensuivie depuis ramènent à la surface la question déterminante de savoir qui gouverne (réellement) l'Algérie. Un récit hégémonique prétend que l'avènement de Bouteflika IV et le départ à la retraite du célèbre général Mohamed Mediene traduisent la « perte du leadership du DRS », la puissante police politique algérienne. Cet article démontre à l'inverse que la narration hégémonique procède d'un storytelling dont la rationalité se décline comme suit : projeter le simulacre de la déstructuration de la police secrète pour éviter d'endosser la responsabilité du quatrième quinquennat ; façonner l'après-Bouteflika. En usant de la pseudopolitique, l'establishment de l'État profond parvient à imposer son ordre narratif : rendre invisible le régime institutionnel que la police secrète a forgé durant un quart de siècle.As Abdelaziz Bouteflika's health as evidently deteriorated since April 2013, thus creating a vacuum of power at the level of the Presidency of the Republic, the decisive question of who (really) governs Algeria arises. A hegemonic narrative claims that the advent of Bouteflika IV in 2014 and the subsequent retirement of the infamous General Mohamed Mediene reflect the “loss of leadership of the DRS”, the Algerian political police. At the opposite, this article demonstrates that the hegemonic narrative stems from a storytelling process whose rationality unfolds as follows : projecting the simulacrum of the disintegration of the DRS to avoid endorsing the responsibility of the fourth presidential term ; saving time for shaping the post-Bouteflika. Deploying pseudopolitics, the establishment of the « deep state » succeeds in imposing its narrative order to make invisible the institutional regime that the secret police forged during a quarter shaping the post-Bouteflika era. Deploying pseudopolitics, the state establishment succeeds in imposing its narrative order to make invisible the institutional regime that the secret police forged during a quarter century.
- Qui gouverne (réellement) l'Algérie ? - Mohammed Hachemaoui p. 169-190
Lectures
- Revue des livres - p. 191-204