Contenu du sommaire : Pour une linguistique des odeurs
Revue | Langages |
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Numéro | no 181, mars 2011 |
Titre du numéro | Pour une linguistique des odeurs |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Pour une linguistique des odeurs : présentation - Georges Kleiber, Marcel Vuillaume p. 3-15
- Sémantique des odeurs - Georges Kleiber, Marcel Vuillaume p. 17-36 L'objectif de cet article est de déterminer, via leurs propriétés linguistiques, à quel type d'entités renvoient les noms d'odeurs. En leur appliquant les différentes conceptions de l'opposition abstrait/concret (matériel/immatériel ; accessible aux sens/inaccessible au sens ; autonomie référentielle/non-autonomie référentielle), nous essaierons de montrer que, contrairement à ce qu'il en est dit d'habitude, ce ne sont pas des noms de propriété. Notre analyse nous conduira également à mettre en relief d'autres traits majeurs de la sémantique des noms d'odeurs.A semantic approach of odours The aim of this article is, by highlighting the linguistic properties of odour names, to determine which type of entities they refer to. Using the semantic opposition concrete/abstract and its variations (material/immaterial, accessible/unaccessible by means of our senses, referentially self-sufficient/referentially dependant), we will show that, against the opinion of linguists who have dealed with this topic, they are not property names. Our analysis will finally point out the major semantic features of odour names.
- Les catégories d'odeurs en sont-elles vraiment ? - Joël Candau, Olivier Wathelet p. 37-52 Le langage naturel des odeurs est souvent imprécis et profus. À ce titre, il constitue un défi pour l'étude des processus de catégorisation des stimuli olfactifs. Après un rappel de la théorie roschienne de la catégorisation, nous évaluons sa pertinence dans la manière dont la catégorisation des expériences sensibles est exprimée en langue. Si la catégorisation des couleurs s'accorde assez bien avec cette théorie, nos données ethnographiques ruinent l'idée selon laquelle les « catégories » olfactives sont ce qu'elles prétendent être : elles ne sont pas des catégories du point de vue de la théorie classique et encore moins du point de vue de la théorie des prototypes. Cependant, les stimuli olfactifs sont l'objet de jugements perceptifs qui permettent de construire des pseudo-prototypes, i.e. qui se donnent à voir dans le langage comme des prototypes alors qu'ils n'en sont pas du strict point de vue de leur traitement cognitif. Nous concluons par quelques considérations générales sur les causes possibles de ce « relâchement » catégoriel.The categories of odours are they real categories ? The natural language of odours is often considered for being unspecified and abounding. As such, it constitutes a challenge for the study of the processes of categorization involved in the activity of perception. In this article, we discuss the theory of the prototype formulated by Eleanor Rosch. We argue that if the categorization of colours matches fairly well to this theory, our ethnographical data about the natural language of odours are not compatible with the Rosch's model. There is an inadequacy between the use of this language and five theoretical properties of this model. By way of an alternative proposition, we show that olfactory stimuli give rise to perceptual judgments which allow to build pseudo-prototypes, i.e. which appear in the language as prototypes while they are not from the strict point of view of their cognitive processing. We conclude with some general considerations on the possible causes of this fuzzy categorization.
- Odeur – évolution des profils combinatoires - Peter Blumenthal p. 53-71 Le propos de cet article est de reconstruire l'évolution depuis le XVIe siècle de la combinatoire du substantif français odeur et de ses principaux synonymes (senteur, parfum). À partir de leurs « profils combinatoires », c'est-à-dire de leurs voisinages lexicaux et syntaxiques stéréotypiques envisagés dans de vastes corpus, nous tentons de mettre en lumière la façon dont la communauté linguistique a utilisé ces termes, de la Renaissance à nos jours, pour structurer le domaine de l'olfaction. La perspective historique de long terme révèle les changements progressifs des aspects de la réalité rendus saillants par ces noms. D'un point de vue méthodologique, il semble possible de mettre en relation les changements observés de leur distribution avec l'évolution concomitante des préférences olfactives manifestées par la société française. L'application de cette méthode à des corpus allemands et italiens suggère qu'une étude contrastive de la perception olfactive dans plusieurs pays européens pourrait être d'un grand intérêt.The combinatory evolution of the French noun ‘odeur' This paper attempts to reconstruct the combinatory evolution of the French noun odeur and its principal synonyms (senteur, parfum) since the XVIth century. Starting from their “combinatory profiles”, i.e. their stereotypical lexical and syntactic neighbourhoods in large corpora, we shed light on the question of how the linguistic community has used these words to construe the domain of scents from the Renaissance to the present day. This long-term historical perspective reveals gradual changes in the aspects of reality foregrounded by these nouns. Methodogically, it seems possible to examine the relationship between these piecemeal changes in distributional tendencies and the evolution of olfactory preferences in the French society over time. The extension of our method to German and Italian corpora shows that a contrastive study of scent perception in several European countries would be scientifically rewarding.
- Odeurs et dimension hédonique à travers le prisme des adjectifs - Hélène Vassiliadou, Marie Lammert p. 73-88 Notre étude consacrée à la dimension hédonique des odeurs s'appuie sur l'analyse des adjectifs, postposés et antéposés, qui qualifient le nom odeur(s). Pour ce faire, nous nous sommes appuyées sur un corpus extrait de Frantext et analysé par le concordancier Oxford Wordsmith (2 583 occurrences). Notre attention porte plus particulièrement sur les liens entre les adjectifs hédoniques et leur position par rapport au nom ainsi que sur la question des propriétés des odeurs et de l'existence de types d'odeurs. Différentes sous-classes, véhiculant des traits supplémentaires, se dégagent à l'intérieur des adjectifs hédoniques, spécifiant des effets (agressive/caressante), des propriétés (amère/chaude), de l'intensité (forte/fade). Classer et expliquer les combinaisons possibles du mot odeur avec des adjectifs permet de confirmer et/ou d'infirmer les résultats obtenus dans les études antérieures, mais aussi d'apporter de nouvelles données dans la description des odeurs.Odour(s) and hedonic dimension : evidence from adjectives The aim of this article is to study the relationship between the name odour(s) and the adjectives indicating its hedonic aspect such as good/bad odour(s). We will investigate precisely whether or not this type of adjectives, in connection with their position, conveys information about the properties of this noun and if we can distinguish different types of odours. Under this perspective, we will additionally examine various subclasses of hedonic adjectives including further features such as effects (aggressive, caressing), properties (hot, sour) and intensity (strong, weak). We used for this purpose a written French corpus (Frantext, 2 583 tokens) and the concordancier Oxford Wordsmith in order to provide a classification of these adjectives based on their features and rate of appearance.
- Quand la sémantique se met au parfum - Catherine Schnedecker p. 89-107 Cet article, consacré au nom parfum, a pour objectif de fournir quelques éléments de description sémantique susceptibles d'éclairer et de compléter l'« existant » (David 1997, 2002) où l'on distingue deux emplois de parfum, l'un où il désigne « une propriété » d'une entité i.e. sa « source », l'autre où il rejoint les noms dits de « substance » comme eau, fer, or, etc. et relève du type « objet matériel ». Ces deux emplois coïncident partiellement avec les deux valeurs principales suggérées par les dictionnaires qui distinguent, en outre, deux valeurs supplémentaires manifestement dérivées des deux précédentes. Partant, notre étude se donne pour objectifs i) d'étayer ces quatre valeurs sur la base d'arguments morpho-syntaxiques et synonymiques, ii) à partir d'un double corpus d'occurrences tirées des bases Frantext et Wortschatz, de détailler la valeur de parfum correspondant à odeur et dont sont mises au jour les particularités sémantiques, ce qui permet de faire la distinction entre les deux noms.The noun ‘parfum' : semantic studie The aim of this paper, dedicated in the noun parfum, is to supply some semantic elements of description to highlighten and to complete the “existing” (David 1997, 2002) when we distinguish two uses of the noun, the one where it denotes “a property” ; the other one where it denotes a “substance” as water, iron, gold. These two uses coincide partially with both main values distinguished by the dictionaries where two additional values appear, provided by the previous ones. Our study has for objectives i) to support these four values on the basis of morphosyntactic and synonymic arguments, ii) from a double corpus of occurrences from Frantext and Wortschatz, to detail the value of parfum corresponding to odeur and its semantic particuliarities.
- Sentir : les constructions prédicatives de l'olfaction - Anne Theissen p. 109-125 Notre contribution vise à décrire les principales constructions auxquelles donne lieu le verbe sentir dans le domaine olfactif. Dans la première partie, nous séparerons les emplois olfactifs de sentir de ses autres emplois sensoriels et non sensoriels et mettrons en relief ses trois principaux emplois olfactifs. Dans la seconde partie, nous analyserons d'abord le sens de ces emplois et le rôle que jouent les arguments impliqués dans les constructions qui leur correspondent. Nous dégagerons ensuite les différentes contraintes auxquelles ils sont soumis.Sentir' : the prédicative construction of olfaction Our contribution to this volume aims to describe the principal structures of the French verb sentir (‘smell') as far as the olfaction domain is concerned. In a first place, we will distinguish this verb's olfaction functions (there are three principal functions of this kind) from its other uses (sensorial or not). We will then analyse these three olfaction uses and examine the role of the arguments which participate in the corresponding structures. Finally, we will point out the major constraints these type of constructions are confronted with.
- Odeurs, exclamation et haut degré - Irène Tamba p. 127-143 Cet article étudie deux types d'exclamatives, ça pue ! et qu'est-ce que ça pue ! qui servent à exprimer une sensation olfactive immédiate. On observe tout d'abord que ces exclamatives servent à intensifier de manière indistincte à la fois le stimulus odorant et la sensation éprouvée, en raison de la qualification hédonique (positive ou négative) qu'impose le sémantisme lexical des verbes olfactifs. Puis, on montre que l'exclamation est un mode d'expression emphatique qui amplifie la réaction immédiate du locuteur face à une odeur tandis que le quantificateur de tête extrait la composante intensive d'une odeur et indique, par son indéfinition, qu'il s'agit d'une intensité exceptionnelle qui échappe à toute gradation.Odours, exclamation and high degree In this article, we will examine two forms of exclamative construction : ça pue ! and qu'est-ce que ça pue ! Both forms are used to express an immediate olfactory sensation in French. First, we will attempt to ascertain that given the inherent hedonic undertones (pleasant or otherwise) necessarily present in the lexical semantics of olfactory verbs, such indistinct exclamative forms intensify both the olfactory stimulus and the olfactory sensation. We will then go on to demonstrate that the exclamative form is a type of emphatic modality which increases the speaker's immediate reaction to an odour, while the head quantifier, by its very lack of precise definition, indicates an odour so intense as to be beyond the scope of any possible gradation.