Contenu du sommaire : Vers une extension du domaine de la phraséologie
Revue | Langages |
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Numéro | no 189, septembre 2013 |
Titre du numéro | Vers une extension du domaine de la phraséologie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation : Vers une extension du domaine de la phraséologie - Dominique Legallois, Agnès Tutin p. 3-25
- Qu'est-ce qui est préfabriqué dans la langue ? – Réflexions au sujet d'une définition élargie de la préformation langagière - Günter Schmale p. 27-45 La préformation langagière, dont la linguistique fait état depuis plus d'un siècle, connaît de nouveaux développements depuis quelque temps, notamment un assouplissement de la notion de figement ainsi qu'un élargissement du champ de recherche à d'autres types d'expressions préformées. Sur la base de sept caractéristiques définitoires de la préformation relatives au degré de l'extension, de la stabilité ou du figement, de l'idiomaticité, de l'ancrage pragmatique, de la saturation lexicale des « constructions », de la dissémination et durabilité de l'usage, ainsi que de la présence d'activités non verbales concomitantes, la présente contribution développe une définition nouvelle élargie des expressions préformées qui seront désormais appelées unités de construction préformées (UCP).What is prefabricated in a language ? – Reflections on an expanded definition of formualic speech Formulaic language, acknowledged by various linguists for more than a century, has known new developments in recent years, concerning in particular a revised, less rigid understanding of the notion of fixedness and, at the same time, a widening of its scope of analysis towards new types of formulaicity. Following the discussion of seven basic defining characteristics of formulaic expressions as to the degree of their formulaic extension, their stability or fixedness, their idiomaticity, their pragmatic imbrication ; their lexical saturation within “constructions”, their dissemination and durability, as well as nonverbal concomitant activities, the present contribution develops a new expanded definition of formulaic expressions which are henceforth called formulaic turn-construction units.
- Les collocations lexicales : une relation essentiellement binaire définie par la relation prédicat-argument - Agnès Tutin p. 47-63 Les collocations lexicales, définies comme des associations lexicales privilégiées et sémantiquement compositionnelles (ex : tristesse infinie, pertes abyssales, jouer un rôle, etc.) constituent désormais une notion essentielle dans les approches contemporaines de la phraséologie. Nous revenons ici sur une propriété qui nous paraît constitutive de ce sous-ensemble d'expressions, la binarité catégorielle et fonctionnelle, dont nous montrons qu'elle n'est nullement le fruit du hasard, mais déterminée par le fonctionnement sémantique sous-jacent, analysable en termes de structure prédicat-argument. On observe, en outre, que certaines relations sémantiques « primitives » (l'intensité, la cause, par exemple) sont particulièrement susceptibles de donner lieu à des lexicalisations souvent idiosyncrasiques qui répondent toutefois à des schémas sémantiques et syntaxiques productifs.Lexical collocations : a binary and predicate-argument based relation Lexical collocations, defined as recurrent and compositional expressions (e.g. tristesse infinite, pertes abyssales, jouer un role, etc.) now constitute a central notion in contemporary approaches of phraseology. We address here a property which appears essential for this kind of expressions, the categorial and functional binariness, which is shown to be closely linked to the underlying predicate-argument structure. Moreover, several universal semantic relations (intensity, cause, for example) are particularly likely to welcome idiosyncratic lexicalizations which obey productive semantic and syntactic schemas.
- Le motif : une unité phraséologique englobante ? Étendre le champ de la phraséologie de la langue au discours - Dominique Longrée, Sylvie Mellet p. 65-79 L'objectif de cet article est de proposer, dans le cadre d'une conception récente de la phraséologie fondée sur des critères de fréquence, de récurrence et de mémorisation, et non pas du seul figement, l'intégration d'un nouveau concept – celui de motif – à l'ensemble conceptuel et terminologique de la discipline. On montre que cette proposition, qui a certes l'inconvénient d'alourdir une terminologie déjà riche et complexe, a aussi deux avantages : (i) le premier est de permettre une réflexion sur les différents types d'unités phraséologiques reconnues et de suggérer la possibilité d'un concept intégratif qui, sans nier la pertinence des oppositions établies, pourrait être à même d'en subsumer certaines ; (ii) le second est d'ouvrir le champ de la phraséologie à l'analyse de discours en mettant en exergue une des fonctionnalités importantes de la création phraséologique jusqu'ici relativement sous-estimée : en effet, dans la définition que nous en proposons, nous considérons que certains motifs peuvent jouer un rôle fondamental d'agencement discursif propre à structurer les textes et à caractériser certains usages. Ainsi, après une définition de la notion de motif sur le plan formel et sur le plan fonctionnel, on confronte le motif avec les principales unités phraséologiques traditionnellement reconnues pour en montrer les proximités et les différences. Puis, à partir d'exemples empruntés au latin, on illustre la fonction structurante et la fonction caractérisante des motifs et de leurs différentes instanciations en discours.From language to speech : the ‘motif', a new item to widen the scope of phraseology ? A new and recent approach grounds phraseology not only on idiomaticity, but also on criteria such as frequency, recurrence, and memorization. In this context, this paper aims to introduce the “motif” as a new phraseological concept. While this proposal has the disadvantage of adding yet another term to an already rich and complex terminology, we will try to show that it nevertheless has rewarding advantages : (i) it promises to allow a discussion of the various acknowledged types of phraseological units, as well as an evaluation of the possibility of defining an integrative concept which could be able to subsume some of them, without denying the relevance of long-established oppositions ; (ii) it can widen the field of phraseology to incorporate discourse analysis by highlighting important but usually underestimated features of phraseological entities, that is to say the structuring and characterizing functions of certain text patterns. First, we will define the notion of “motif” from a formal and from a functional point of view ; we will then evaluate the differences and similarities between motifs and the main types of phraseological units that are usually acknowledged by linguists. Finally, we will illustrate, with some basic Latin examples, the structuring and characterising functions of some motifs and of their discursive variations.
- Les constructions causatives avec mouvement en allemand : d'une saisie phraséologique à une explication constructionnelle - Martine Dalmas, Laurent Gautier p. 81-102 Cet article propose une analyse constructionnelle de certaines structures de l'allemand (du type Sie sang das Kind in den Schlaf) en les situant par rapport aux constructions causatives avec mouvement (caused motion constructions) analysées en anglais par Goldberg (1995). La thèse centrale repose sur l'idée d'un continuum de causativité partant d'un côté de mini-systèmes plus ou moins grammaticalisés et/ou lexicalisés (locutions à verbe fonctionnel) pour se clore sur des structures au premier abord difficilement explicables en termes de constructions régulières. La démonstration vise à mettre en évidence l'existence d'un schéma, relativement abstrait, commun aux différents types d'énoncés envisagés qui, dans les cas les moins attendus et à première vue les moins figés/lexicalisés, nécessite tout de même de revenir aux notions de restrictions et, dans une certaine mesure, de figuration propres aux approches phraséologiques classiques.Caused-motion constructions in German : from a phraseological to a constructional approach. This paper argues for a constructional approach to some typical German structures such as Sie sang das Kind in den Schlaf by comparing them to the English caused-motion causative constructions studied by Goldberg (1995). The main thesis is that of a continuum of causativity leading from small, more or less grammaticalized and/or lexicalized systems (light verb constructions for instance) to structures that cannot easily be described as regular constructions. The discussion aims at showing that such structures rely on an abstract schema that is common to all types of utterances. For the less fixed and lexicalized ones, this abstract schema has to be enriched with the notions of restriction, and to some extent, of figuration, that are the heart of more classical phraseological approaches.
- Les greffes phraséologiques – ou quand la syntaxe se compromet - Dominique Legallois p. 103-120 L'article vise à distinguer deux modes d'innovation en syntaxe ; le premier mode, généralement bien décrit, est fondé sur l'analogie et la productivité. Le second mode, qui fait l'objet d'une discussion développée, est fondé sur « l'interception » d'une forme par une autre, phénomène désigné sous le terme de « greffe syntaxique ». Par exemple, la manifestation s'annonce pour être exceptionnelle est composé d'un mélange entre la manifestation s'annonce exceptionnelle et la manifestation est partie pour être exceptionnelle. L'article souligne le rôle joué par la phraséologie dans le phénomène de greffe, phénomène en œuvre également au niveau lexcical (les mots porte-manteaux) et collocationnel (greffe collocationnelle).Syntactic blends and grammatical creativity. This paper deals with syntactic blendings, or ‘syntactic grafts', that is to say, speech errors whereby parts of competing formulations are interwined in speech (for example : la manifestation s'annonce pour être exceptionnelle). In fact, blending is a general process : it also operates both at the word level (portemanteau words), and at the collocational level. In order to distinguish between syntactic blending from analogical extension, we study the role played by phraseological units in the wording of syntactically deviant sentences : it appears that conventional units and formulaic language provide the necessary interface between productivity within the linguistic system (analogy/productivity) and creativity in speech.
- Une approche psycholinguistique des phénomènes phraséologiques : le cas des expressions conventionnelles - Amanda Edmonds p. 121-138 L'omniprésence d'unités phraséologiques dans toute langue découle, selon de nombreux chercheurs, de leur statut psycholinguistique tout à fait particulier ; de telles unités seraient stockées et extraites en bloc du lexique mental, ce qui rend leur traitement plus « facile » et/ou plus « rapide ». Ce présupposé psycholinguistique est généralement accepté, en dépit d'un manque général de preuves psychométriques. Le présent article tente de déterminer si un sous-ensemble d'unités phraséologiques – les expressions conventionnelles – jouit d'avantages psycholinguistiques pour un groupe de locuteurs natifs et deux groupes de non natifs du français. Pour ce faire, nous avons mis au point une expérience chronométrée, et l'analyse des temps de réaction suggère que les expressions conventionnelles ont, en effet, un corrélat mental pour les natifs comme pour les non natifs. Deux hypothèses (l'hypothèse lexicaliste et l'hypothèse de la compétence pragmatique) seront confrontées afin d'expliquer ces résultats.A psycholinguistic approach to phraseological phenomena : The case of conventional expressions The pervasiveness of phraseological units has been argued to follow from the fact that such sequences are stored holistically in the lexicon, implying that they are “easier” and/or “faster” to process. This psycholinguistic assumption is widespread in the literature, despite the fact that psychometric-based evidence for it is rare. This article attempts to address the question of whether the processing of a subset of phraseological units – conventional expressions – is associated with processing advantages for native and nonnative speakers of French. To this end, an online moving window task was created and administered to 20 natives and 40 nonnatives. The reaction time results suggested that conventional expressions do have a mental correlate for both groups, and two hypotheses (the lexicalist hypothesis and the pragmatic competence hypothesis) are compared in order to explain these findings.