Contenu du sommaire : Phonologies contemporaines
Revue | Langages |
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Numéro | no 198, juin 2015 |
Titre du numéro | Phonologies contemporaines |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Phonologies contemporaines : présentation - Gabriel Bergounioux p. 5-10
- La géométrie des traits - Jean-Marc Beltzung p. 11-30 Dans cet article, nous envisageons les différents développements théoriques qui ont conduit à l'émergence de la géométrie des traits. Après un examen des critiques adressées à la phonologie générative classique, nous montrons comment l'introduction de la phonologie autosegmentale a permis de résoudre certains problèmes posés par le formalisme linéaire de SPE. Sous couvert de certains critères servant à formuler ce que doit être une théorie phonologique adéquate, nous mettons en évidence l'incapacité de la phonologie autosegmentale à exprimer pourquoi certains groupes de traits fonctionnent souvent ensemble dans les processus phonologiques. Pour résoudre ce problème, les traits distinctifs doivent être hiérarchisés et dominés par des constituants. Après avoir discuté de l'architecture et des implications de certains modèles géométriques, nous analysons, l'harmonie sibilante du copte, une langue afro-asiatique désormais éteinte, dans le cadre de la géométrie des traits.In this paper, we consider the various theoretical developments that lead to the emergence of feature geometry. After a review of the criticisms of classical generative phonology, we show how the introduction of autosegmental phonology has solved some problems from the linear formalism of SPE. With the help of some criteria that express what should be an adequate phonological theory, we highlight the inability of autosegmental phonology to express why certain groups of features often pattern together in phonological processes. To solve this problem, the distinctive features should be hierarchized and dominated by constituents. After discussing the architecture and implications of certain geometric models, we give a feature geometric account of the sibilant harmony of Coptic, a now extinct Afro-Asiatic language.
- L'acquisition phonologique, de Jakobson aux modèles fréquentiels - Naomi Yamaguchi p. 31-50 Cet article passe en revue quelques théories traitant de l'ordre d'acquisition des consonnes par les enfants, en essayant de rendre compte de tendances universelles et d'expliquer les différences inter-langues et individuelles. Nous confrontons les propositions universalistes de Jakobson (1941) et celles de modèles fréquentiels à des données longitudinales d'enfants francophones. Face aux mauvaises prédictions de ces modèles, nous proposons un modèle mixte, combinant principes phonologiques universels et fréquence des traits, qui rend compte de l'intégralité des données.This paper reviews some theories that focus on the order of consonant acquisition by children, trying to capture universal tendencies and to explain cross-linguistic and individual differences. We confront the universalist propositions of Jakobson (1941) and the propositions of frequential models to longitudinal data of French-speaking children. These models making incorrect predictions, we propose a mixed model, combining universal phonological principles and feature frequencies, to account of the whole data.
- Économie, contraste et contours - Ali Tifrit p. 51-72 Cet article explore deux concepts-clés du programme phonologique : l'économie des systèmes et le contraste. Ces deux concepts ont été récemment réinvestis et reformulés dans une perspective autosegmentale par Clements (2003, 2006), d'une part, Dresher (2009) et Hall (2011), d'autre part. L'objectif est de réduire le nombre de primitives nécessaires à définir les systèmes et les processus. Cependant, ces deux hypothèses font l'impasse sur les relations inter-segmentales. Nous développons une hypothèse basée sur des contours qui donne du poids à ces relations. Ces contours, vus comme des structures, sont à l'origine de ce qui est interprété en surface comme des traits.We explore in this paper two fundamental concepts of the phonological program: Economy and Contrast. These have been revisited in an autosegmental perspective, respectively by Clements (2003, 2006), Dresher (2009) and Hall (2011). One of the purpose of these approches is to reduce and to justify the number of primes used to describe systems and processes. We underline one of the major problem of these approaches: they do not draw on inter-segmental relationships. Hence, we develop a hypothesis based on contours: structures which are interpreted, on the surface, as features.
- De l'émergence des contraintes phonotactiques en français - Julien Eychenne p. 73-90 Cet article présente le modèle MaxEnt (« Maximum Entropy »), un modèle formel basé sur contraintes, et se propose de l'appliquer à l'étude de la phonotaxe du mot en français. Nous évaluons ce modèle sur la base d'un corpus d'apprentissage de formes issues de la base Lexique. Après entraînement, le modèle a saisi un certain nombre des généralisations distributionnelles du français et des contraintes pesant sur les formes superficielles. Nous évaluons ensuite les capacités de généralisation du modèle : celui-ci évalue avec succès des formes hautement dysharmoniques (emprunts, formes contenant des hiatus, etc.). Une comparaison des prédictions du modèle quant au degré d'harmonie du corpus de test révèle que l'acceptabilité phonologique n'est pas corrélée à la fréquence des formes.This paper is an attempt to apply the MaxEnt (« Maximum Entropy ») model of phonotactic learning to French. The model is trained on a corpus drawn from the Lexique database. It is shown to capture important distributional generalizations on French phonotactics. Its predictive power is evaluated on a test corpus of unseen forms: marked forms such as borrowings and words containing a hiatus are scored as highly dysharmonic. Further exploration of the model's predictions reveals that phonological acceptability and token frequency are not correlated.
- La structure phonologique des marqueurs flexionnels de l'imparfait de l'indicatif du français - Nicola Lampitelli p. 91-108 Cet article illustre, à l'aide des formes verbales de l'imparfait de l'indicatif du français, les traits principaux d'un cadre analytique fondé, d'une part, sur la Morphologie Distribuée et, d'autre part, sur la Théorie des Éléments et le modèle CV. Il est proposé que chaque morphème soit associé à un exposant phonologique unique. Cet exposant s'applique à toute occurrence du même morphème à l'intérieur du paradigme flexionnel. Chaque forme fléchie est décomposée en unités minimales, chacune correspondant à un nœud terminal de l'arbre syntaxique. La forme de surface des morphèmes est donc le produit de l'interaction entre les opérations phonologiques et les positions syntaxiques. À ce titre, la phonologie occupe une place centrale dans la formation des mots.This papers focuses on French imperfect inflectional paradigm. It draws the main lines of an analytical framework which stems from two distinct theoretical bases. On the one side, it builds on Distributed Morphology; on the other, it assumes the principles of Autosegmental phonology and the CV model. Each morpheme is associated to a unique phonological exponent. This exponent applies to each occurrence of a given morpheme within the inflectional paradigm. As a consequence, an inflected form is decomposed into minimal units, each one of which corresponds to a terminal node in the syntactic tree. The surface form of the morphemes results from the interaction between the phonological operations and the syntactic positions. Thus, phonology occupies a central place in word-formation processes.
- Accent tonique : substance(s) et représentation(s) - Emilie Caratini p. 109-132 Cet article s'intéresse aux effets de l'accent tonique sur les objets phonologiques qui l'entourent, à sa substance ainsi qu'à sa/ses représentation(s). Divers mécanismes phonologiques (synchroniques comme diachroniques) à l'œuvre dans la phonologie de l'allemand sont examinés dans le but de comprendre sa substance : allongement vocalique et consonantique (diachronie), occurrence de l'attaque glottale, aspiration des occlusives et réalisation des voyelles longues (synchronie). Dans le cadre de la phonologie CVCV (cf. Lowenstamm 1996 ; Scheer 2004), il est démontré que l'accent peut se manifester de deux manières différentes : il peut faire surface comme de l'espace syllabique supplémentaire dont peut disposer son entourage (une unité CV) ou comme un diacritique qui rend possible l'expression phonétique de la longueur phonologique.This paper focuses on the effects of stress on its surroundings, on its substance and its representation(s). A number of phonological (diachronic and synchronic) mechanisms playing a significant role in the phonology of German are discussed in order to better understand what stress really is: vocalic and consonantal lengthening (diachrony), glottal stop insertion, aspiration and the phonetic realisation of phonologically long vowels (synchrony). Within the framework of Strict-CV phonology (cf. Lowenstamm 1996 ; Scheer 2004), it is shown that stress may be interpreted as some additional syllabic space (a CV-unit) which may be used by the neighbouring objects, or as a diacritic which licenses the phonetic expression of phonological (in this case vocalic) quantity.
- La Phonologie de Laboratoire : à l'interface phonologie-phonétique - Lucille Wallet p. 133-150 Cet article traite de l'émergence de la phonologie de laboratoire. Cette discipline récente est à la croisée entre phonétique et phonologie. L'objectif de ce modèle est de mettre à profit les méthodes expérimentales afin de valider et d'objectiver des représentations phonologiques de surface viables. La première partie de cet article est consacrée à la définition des domaines de la phonétique et de la phonologie. Par la suite, nous examinons l'historique et la définition même du concept de Phonologie de Laboratoire. Nous montrons, et ce, plus particulièrement à travers un exemple sur le dévoisement final en néerlandais, en quoi cette discipline permet aux phonologues et aux phonéticiens de travailler sur des questions d'intérêt commun. La seconde partie apporte un exemple concret et personnel des investigations faites dans le cadre de la Phonologie de Laboratoire. Nous traitons du maintien du trait de voisement des occlusives chez une population ayant subi une cordectomie laser, en comparaison avec une cohorte saine. D'un point de vue cognitif, nous savons que l'opposition de voisement est intacte chez ces sujets pathologiques. Néanmoins, les changements anatomiques liés à la chirurgie peuvent nous amener à nous interroger sur l'implémentation phonétique du trait de voisement.This article deals with the emergence of the Laboratory phonology. This recent science is at the crossing between phonetics and phonology. The objective of this model is to use experimental methods to validate and objectify surface phonological representations. The first part of this article is devoted to the phonetics and phonology definitions. Subsequently, we examine the history and the definition of the Laboratory Phonology. We show, and more particularly with an example on the final devoicing in Dutch, which this discipline allows phonologists and phoneticians to work on issues of common interest. The second part of this work provides a concrete example and personal investigations made in the context of the Laboratory Phonology. We deal with the maintenance of the voicing feature in stop consonants in a population who have undergone a laser cordectomy, compared with an healthy cohort. From a cognitive point of view, we know that voicing opposition is intact in these pathological subjects. Nevertheless, anatomical changes related to the surgery can lead us to question about the phonetic implementation of the voicing feature.