Contenu du sommaire : La sémantique linguistique en vision périphérique

Revue Langages Mir@bel
Numéro no 201, mars 2016
Titre du numéro La sémantique linguistique en vision périphérique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Pour une vision périphérique de la sémantique linguistique présente et à venir - Jacques François, Dirk Geeraerts p. 5-14 accès libre
  • The semantics-pragmatics interface: The role of speaker intentions and the nature of implicit meaning aspects - Kristin Börjesson p. 15-32 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Définir la nature de la sémantique et de la pragmatique et leur mode d'interaction dans l'interprétation des énoncés est un objectif de recherche qui a beaucoup retenu l'attention depuis une quinzaine d'années (cf. Carston 1999 ; Turner 1999 ; Dölling 2001 ; Bianchi 2004 ; Borg 2004b ; Cappelen & Lepore 2005 ; Horn 2006 ; Dölling & Zybatow 2007 ; Carston 2009 ; Frisson 2009 ; Recanati 2010 ; Borg 2012 ; Carston & Hall 2012 ; Börjesson 2014). Dans cet aperçu synthétique, je recenserai diverses approches théoriques des questions suivantes concernant la recherche d'une démarcation adéquate entre sémantique et pragmatique : le rôle des intentions du locuteur en sémantique et en pragmatique, et la nature des aspects pragmatique du sens qui s'appliquent à la proposition nucléaire d'un énoncé.
    Defining the nature of semantics and pragmatics and how they interact in utterance interpretation is a research task that has received much attention in the past 15 years and still continues to do so (cf. Carston 1999; Turner 1999; Dölling 2001; Bianchi 2004; Borg 2004b; Cappelen & Lepore 2005; Horn 2006; Dölling & Zybatow 2007; Carston 2009; Frisson 2009; Recanati 2010; Borg 2012; Carston & Hall 2012; Börjesson 2014). In this overview article, I will review different theoretical approaches to the following issues in the debate on the appropriate demarcation between semantics and pragmatics: the role of speaker intentions in semantics and pragmatics, and the nature of pragmatic meaning aspects contributed to the minimal proposition of an utterance.
  • Vers une analyse multimodale du sens. Perspectives constructionnelles sur la gestualité co-grammaticale - Steven Schoonjans, Paul Sambre, Geert Brône, Kurt Feyaerts p. 33-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La présente contribution vise à mieux cerner le statut de la gestualité en grammaire. À cet effet sont fournies deux études de cas sur les gestes co-grammaticaux indexicaux et iconiques. L'idée centrale de cette grammaire multimodale est que mots et gestes, au sens large, appartenant à des canaux sémiotiques à première vue incompatibles, se doivent d'être intégrés dans une seule construction, fidèle à l'hypothèse cognitiviste que les constructions grammaticales assemblent des éléments linguistiques matériels en une seule représentation conceptuelle schématique. Cette intégration du geste, situé traditionnellement en marge de la construction grammaticale, répondrait ainsi à une demande posée à la linguistique cognitive, et plus particulièrement aux grammaires de construction, de la part des études sur la gestualité.
    On the basis of two empirical case studies, one on indexical and one on iconic co-grammatical gestures, this contribution aims to mark out the status of gesture in grammar. The main idea of this multimodal grammar is that words and gestures, although belonging to two distinct semiotic channels, have to be integrated into one single construction. This is in line with the cognitivist hypothesis that grammatical constructions combine linguistic elements into one single schematic conceptual representation. This integration of gesture, typically situated at the edge of the grammatical construction, would thus meet the requirements imposed on cognitive linguistics, and especially on construction grammars, by gesture studies.
  • Sémantique distributionnelle en linguistique de corpus - Kris Heylen, Ann Bertels p. 51-64 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans le domaine du Traitement Automatique des Langues Naturelles (TALN), les modèles sémantiques distributionnels sont les piliers pour modéliser la sémantique lexicale à grande échelle (Turney & Pantel 2010). Ils sont fondés sur le calcul de la proximité sémantique entre mots sur la base des contextes partagés. La modélisation distributionnelle permet aux linguistes d'appuyer leurs analyses sur de grandes quantités de données authentiques et d'élargir la base empirique, pour ainsi détecter des motifs sémantiques intéressants (Geeraerts, 2010 : 165-178). Dans cet article, nous procédons à une présentation non technique de la modélisation sémantique distributionnelle et nous discutons une application lexicologique pour l'analyse de la polysémie. Finalement, nous présentons une méthode de visualisation qui permet aux experts humains d'interpréter les structures sémantiques cernées par les modèles distributionnels.
    Within Computational Linguistics, distributional semantic models have become the mainstay in the large-scale modelling of word meaning (Turney & Pantel 2010). They are based on the principle that the semantic similarity between words can be calculated by comparing the typical contexts they occur in within a corpus. Distributional models also hold a large potential for research in Linguistics proper. It allows linguists to base their analysis on large amounts of usage data, thus vastly extending their empirical basis, and making it possible to detect potentially interesting semantic patterns (Geeraerts, 2010:165-178). In this article, we give a non-technical introduction to distributional semantic models and we present a lexicological application to the analysis of polysemy. Finally, we introduce a visualisation method that allows human experts to interpret the semantic structure detected by the models.
  • Mapping explorations of linguistic influences on nonlinguistic thought - Caleb Everett p. 65-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    De récentes découvertes à base expérimentale démontrent que les disparités interlangues influent sur la cognition extralinguistique de manières très variées. Ces découvertes suggèrent qu'à quelques exceptions près, les chercheurs concernés par la question de la relativité linguistique vont au-delà de la question insipide : Est-ce que notre vision du monde est modelée ou déterminée par notre langue maternelle ? Au lieu de cela, ils cherchent à mieux éclairer les voies par lesquelles s'entrecroisent les deux formes linguistique et extralinguistique de la cognition, et à comprendre si ces intersections sont larges ou étroites. Le paysage post-Whorfien est rassasié d'études tentant à rendre compte minutieusement de confusions extralinguistiques tout en délivrant des preuves de la diversité cognitive entre des populations de langues différentes. Nous décrirons des résultats majeurs de recherches démontrant les effets relativistes associés à trois domaines sémantiques : l'espace, la numération et la couleur. Nous constatons qu'en dépit de la luminescence actuelle de la recherche portant sur ces thèmes, le débat populaire sur la relativité linguistique est différé en raison d'une focalisation anachronique sur les idées pionnières de Whorf.
    Researchers concerned with linguistic relativity are, with some exceptions, moving beyond the effete question is our worldview shaped or determined by our native language? Instead, they seek to better illuminate the avenues through which linguistic and nonlinguistic cognition intersect, and to understand just how broad or narrow those intersections are. This post-Whorfian landscape is replete with studies that attempt to carefully account for nonlinguistic confounds while offering evidence for cognitive diversity across different linguistic populations. This paper examines key research results demonstrating relativistic effects associated with three semantic domains: space, number, and color. It is noted that, despite the ongoing florescence of empirically oriented research on this topic, popular debate on linguistic relativity is seemingly held back by an anachronistic focus on the seminal ideas of Whorf.
  • Traduire sans comprendre ? La place de la sémantique en traduction automatique - Thierry Poibeau p. 77-90 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Une bonne traduction implique de comprendre le texte à traduire pour le transposer aussi finement que possible dans une langue-cible. La traduction automatique a longtemps reposé sur ce constat et c'est essentiellement par une absence ou du moins une déficience au niveau de l'analyse sémantique que l'on a longtemps expliqué l'échec de la première vague de systèmes de traduction automatique (1950-1965). Les recherches se sont alors orientées vers la « compréhension automatique » visant justement à fournir une représentation formelle du contenu d'un texte. À rebours de cette conception quasi unanimement acceptée à la fin des années 1980, on a vu se généraliser depuis les années 1990 des systèmes reposant sur une approche statistique et sans représentation explicite de la sémantique des textes. On s'interrogera sur cet état de choses, sur la raison du succès des systèmes actuels et sur leurs limites éventuelles.
    The translation activity involves understanding the text to be translated so as to transpose the main ideas as precisely as possible in the target language. It is largely assumed that the first generations of machine translation systems (1950-1965) failed because of the absence of semantic analysis or at least because of weaknesses in their semantic analysis component. Research has then largely focused on text understanding, in order to be able to calculate a relevant semantic representation of the text. Contrary to this approach, the late 1980s and 1990s have seen new kinds of systems based on a purely statistical analysis, with no explicit semantic representation of the textual content. In this article we will investigate the attitude of current systems towards semantics. To what extent do current systems based on large collections of texts (the “big data” approach) integrate semantic information?
  • Le débat sur la place de la sémantique dans l'acquisition des structures argumentales - Jacques François p. 91-110 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les deux ouvrages de S. Pinker (1984, 1989 réédité en 2013) consacrés à l'acquisition des structures argumentales ont entraîné une réplique de M. Tomasello (1992) basée sur des observations développementales mettant en avant l'acquisition de fragments syntaxiques associés à un contenu sémantique et des conditions pragmatiques d'emploi. En 2008, M. Bowerman et W. Croft ont soumis la thèse de S. Pinker à une critique détaillée intégrant les acquis de M. Tomasello pour l'acquisition de l'anglais et ceux du Modèle de Compétition de E. Bates et B. MacWhinney. Le débat dont cet article rend compte tourne autour de la réalité du « paradoxe de Baker » (la distinction progressive par le jeune locuteur entre des verbes de sens apparenté, les uns permettant des constructions en alternance, les autres les excluant). Je suggère finalement une approche dynamique tenant compte de l'évolution de structures instables.
    This contribution is concerned with “Baker's paradox” (i.e. the ability of young speakers to distinguish among semantically related verbs which ones allow and which ones prohibit alternating constructions such as Dative, Locative and Causative shift) as investigated by M. Bowerman & W. Croft (2008) on the basis of the conflicting studies by S. Pinker (1984, 1989) and M. Tomasello (1992) and in agreement with E. Bate's and B. MacWhinney's Competition model (1989).
  • Sémantique et Aphasie – Approche neuropsycholinguistique des processus cognitifs/linguistiques de haut niveau - Jean-Luc Nespoulous p. 111-128 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans le présent article, nous tentons tout d'abord de montrer en quoi l'observation de dissociations comportementales – verbales et non-verbales – chez le sujet cérébrolésé, aphasique ou non, est susceptible d'enrichir la modélisation de l'architecture fonctionnelle du langage et de la cognition humaine. Parallèlement, nous identifions certaines lacunes et limitations dans la manière dont se trouvent souvent définis, par des non-spécialistes en Sciences du langage, les notions et les phénomènes soumis à investigation : en particulier, le périmètre de la sémantique et des processus (conceptuels) de haut niveau demeure encore trop souvent imprécis en amont, rendant fort délicate l'interprétation des données recueillies en aval.
    The current paper is an attempt to show in what way the observation of behavioral dissociations –both verbal and non-verbal– in brain-damaged patients, with or without aphasia, is liable to enrich the modelling of the functional architecture of language and cognition in the human brain/mind. In parallel, some limitations and caveat are identified in the way some non-specialists in Language Sciences define several notions and phenomena under investigation: in particular, the perimeter/scope of both semantics and high level (conceptual) processes remains, far too often, underspecified “upstream”, thus weakening the interpretation of data, further downstream.
  • L'émergence du sens au cours de l'évolution - Jean-Louis Dessalles p. 129-145 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Pour Darwin, les facultés mentales de l'être humain diffèrent de celles des autres animaux par leur degré, et non par leur nature. Pourtant, l'analyse des compétences cognitives humaines révèle certaines opérations qui ne prennent leur sens que par rapport au langage. Par exemple, les mécanismes qui nous permettent de combiner les significations ou de former des prédicats sont essentiels pour raconter ou pour argumenter. En revanche, ils n'ont pas de rôle comportemental évident. Il est alors tentant de penser que ces mécanismes cognitifs sont propres à notre espèce et qu'ils sont apparus dans un ordre défini au cours de la phylogenèse, pour remplir des fonctions langagières particulières.
    According to Darwin, the difference in mind between humans and higher animals is one of degree and not of kind. The study of human cognitive competences however reveals several operations that make sense only in relation to language. For instance, the way we combine meanings or form predicates have no evident behavioural role, except that they are crucial to tell narratives or to take part in rational discussions. It is tempting to regard these cognitive mechanisms as characteristics of our species, and to consider that they emerged in some definite order during the phylogenetic history of our species, to fulfil particular language functions.