Contenu du sommaire : Anthropotechniques

Ce texte est une variation sauvage sur la couveuse, objet médical pensé sous l'angle de ses conséquences pour le nouveau-né récalcitrant. Il tente de rendre intéressante la précarité de l'adhésion à trois grandes idées : l'autonomie, la liberté et le sentiment d'appartenance stable au monde des vivants. Si la couveuse est bien ce dispositif subtil, composé de pratiques et de techniques, au sein duquel se négocie quelque chose d'autre que la mort, elle est aussi le lieu privilégié de l'expérience des relations fortes qui se nouent entre des humains et des techniques. La couveuse dramatise une dépendance vitale des premiers aux dernières, loin du vacarme de la volonté de maîtrise ou de la recherche d'immortalité.

La sociologie des attentes traite l'objet technique du point de vue des promesses et défend la thèse que les choix d'aujourd'hui non seulement déterminent le futur mais ce faisant oblitèrent d'autres options peut-être plus souhaitables ou en tout cas possibles. Ce texte critique la notion de « futurs possibles » sur le plan ontologique et cosmologique. Forme hybride entre la fiction et l'argumentation académique sur le mode de la rhapsodie, il imagine la possibilité d'une conception différente du temps sur le modèle de la rétro-causalité, en prenant appui sur l'objet technique. Il tente de montrer que la sociologie des attentes ne présente pas de réelles alternatives dans la mesure où elle fait de la projection du présent sur le futur le moteur de notre avenir, obscurcissant par là tout effort créatif voire même la possibilité de faire sens. De la sorte, la sociologie des attendes épouse et renforce le système de domination qu'elle prétend critiquer.

En 2163, Cato Republicanus prend la plume depuis Singapour pour raconter l'histoire récente de l'humanité ayant survécu aux désastres industriels du XXe siècle. Ce qu'il dévoile est une dystopie effrayante qui débute un siècle plus tôt, dans le plus grand secret. Le capitalisme, lui, se porte encore à merveille, entouré de techniques multiples entièrement dévouées à sa reproduction.

Les liens entre les humains et les techniques nourrissent ici une critique de l'humanisme. Dans un premier temps, une brève généalogie de l'humanisme montre à quel point il s'agit d'une séparation qui place la technique dans le domaine du monstrueux. Dans un second temps, je cherche à réinscrire les pratiques techniques dans leurs conditions ordinaires, en m'interrogeant sur le type de responsabilité ou d'attention à l'œuvre dans ces pratiques. Le travail de Bruno Latour sert de référence principale à l'article, et le recours à l'anthropologie et aux fétiches apparait non pas comme une contestation frontale de toute forme de modernisme, mais comme une stimulation pour la recherche de modes d'attachements plus attentifs et non anthropocentrés.

Souvent opposés, l'occultisme et la science vont depuis toujours de pair, et la situation n'a pas changé aujourd'hui. La nouvelle occulture s'inspire autant de la haute technologie que de la fantasy, de la pop-culture et des anciennes traditions magiques. Quant aux spéculations hyperrationalistes des transhumanistes, elles présentent bien souvent des analogies avec les théories des vieux grimoires. Mais contrairement à la plupart des transhumanistes, le magicien moderne voit le transhumain comme une extension de notre être biologique plutôt qu'une fusion avec la machine.

Cet essai se présente sous forme d'un dialogue transtemporel entre des observations qui éclairent la figure de la machine, envisagée comme une boucle autoréférente qui canalise et capte les désirs des individus, et qui se nourrit de ces derniers et en les intégrant à sa structure. L'objectif de l'essai est aussi de déceler des lignes de fuite de l'ordre mécanique ainsi examiné. Afin d'atteindre ce but, la forme du dialogue vise aussi à rompre avec l'évidence d'un développement linéaire. Cette forme privilégie l'examen de la technosphère en tant que système d'échos dont le futur émerge de la résonnance des antécédents, et qui se laisse dévier par l'introduction de faits dissonants. Élaboré dans le cadre du projet du Fond National Suisse Sinergia « PostCarWorld », l'article s'appuie notamment sur la voiture automobile en tant que figure emblématique de la technosphère.

Ce bref texte dénonce une tendance à présenter le progrès technologique sous des aspects qui ne correspondent pas à la réalité. Il s'agit, d'une part, de l'idée d'un progrès constant et rapide allant dans le sens d'une plus grande efficacité ; d'autre part, d'un discours sur « l'intelligence des machines » qui passe à côté des enjeux réels des procédures algorithmiques. Le rôle de la philosophie doit être celui d'une critique des concepts qui se cachent derrière un discours mystificateur. Les exemples sont largement tirés de l'expérience de l'auteur dans le domaine de l'ingénierie du logiciel.

Les services tels que Google, Facebook, YouTube et Twitter comptent parmi les sites web les plus populaires dans une grande partie du monde. Ce texte propose de mettre en lumière quelques aspects du rapport entre ces services et les individus qui les utilisent en prenant comme point de départ trois citations qui, chacune à sa façon, proposent une certaine manière de penser ce rapport. Sans viser l'exhaustivité, les trois approches abordées se veulent complémentaires et ont comme objectif d'ouvrir quelques pistes de réflexion sur certains enjeux sociotechniques liés à l'utilisation des plateformes numériques contemporaines.

Les technologies numériques restructurent nos relations sociales et nous permettent d'envisager une démocratie directe digne de ce nom. Pour décrire ce que pourrait être un tel logiciel de gouvernance, nous tenterons d'extrapoler les tendances actuelles en imaginant une plateforme ouverte et fiable qui permette à chaque personne de donner son avis à propos de tous les sujets de débat possibles. Avec la notion de consensus se basant sur la loi d'impossibilité d'Arrow, l'objectif est de viser l'optimal, ce qui implique une certaine conception politique d'ensemble