Contenu du sommaire : Doctrine publiciste et droit romain
Revue | Revue française d'histoire des idées politiques |
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Numéro | no 41, 1er semestre 2015 |
Titre du numéro | Doctrine publiciste et droit romain |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Appel à la défense de l'histoire des idées politiques - p. 9-17
- Réponse du ministère - p. 18
Études
- Avant-propos - Yann-Arzel Durelle-Marc p. 19-23
- Le droit romain et les parlementaires anglais du XVIIe siècle - Céline Roynier p. 25-41 Les rapports des parlementaires anglais du XVIIe siècle avec le droit romain sont ambivalents : d'un côté, en effet, l'opposition entre civil lawyers et common lawyers recoupe en grande partie l'opposition entre défenseurs de l'absolutisme et défenseurs du parlement mais de l'autre, la conception de la liberté qui est défendue à l'époque par ces common lawyers est très largement celle du droit romain. L'appel au droit romain dans un contexte de common law traduit donc généralement une conception particulière des rapports que les îles britanniques entretiennent, ou sont censées entretenir, avec le continent.17th Century English Parliamentarians nurtured an ambivalent relation to Roman law : on the one hand, the opposition between civil lawyers and common lawyers largely overlapped the opposition between advocates of absolute monarchy and supporters of Parliament ; on the other hand, early modern common lawyers borrowed much of their views on liberty from Roman law. Generally speaking, this calling forth Roman law within a common law context expresses a particular conception of the relations that the British Isles actually or supposedly entertained with the Continent.
- La dictature à l'époque moderne. La fascination pour une incompréhensible vertu - François Saint-Bonnet p. 43-63 La dictature fascine les auteurs de l'époque moderne parce qu'elle est difficilement compréhensible : le fait que le dictateur n'abuse pas du pouvoir, qu'il soit pauvre et vertueux est en contradiction avec leur anthropologie pessimiste. Par-delà cette incompréhension, la dictature est utilisée comme preuve de la nécessité de la monarchie : puisqu'il faut concentrer le pouvoir exceptionnellement en république pour en corriger les défauts, il vaut mieux anticiper et opter pour le pouvoir d'un seul.Dictatorship fascinates modern authors because it is so difficult for them to understand : the fact that the dictator does not abuse his power and remains poor and virtuous contradicts their pessimistic anthropology. Beyond its incomprehensibility, dictatorship seems to evidence the necessity of monarchy : since in republics power should exceptionally be concentrated, wouldn't it be better to anticipate and opt for a one-man rule ?
- Le droit romain dans l'argumentation des premiers constitutionnalistes américains - Charles Reiplinger p. 65-85 Aux États-Unis, la rédaction et l'adoption de la Constitution fédérale s'accompagnent de l'émergence d'une doctrine constitutionnelle. Les auteurs du Fédéraliste, des professeurs comme James Wilson, des magistrats comme Joseph Story, sont les premières autorités doctrinales en droit constitutionnel, dans leur pays et même au-delà. Loin des bibliothèques européennes, de tradition anglo-saxonne, ces auteurs n'en furent pas moins connaisseurs de la culture juridique des romains, qu'ils citent souvent à l'appui de leurs analyses juridiques. Les références au droit romain servent alors essentiellement un double propos : donner une légitimité scientifique, technique, à une argumentation d'ordre juridique ; à l'inverse, servir de contre-exemple dans le domaine des valeurs politiques. Rome reste admirée pour sa science, mais rejetée pour ses Empereurs, et même ses patriciens.An emerging constitutional doctrine accompanied the redaction and adoption of the Federal Constitution of the United State. The authors of the Federalist, law professors like James Wilson, jurists like Joseph Story were the first authorities in constitutional Law in their country and abroad. Heirs of the Anglo-Saxon tradition working far away from the European libraries, they were nevertheless well acquainted with Roman legal culture, wherefrom they drew arguments to support their legal analyses. Referring to Roman law, then, served a twofold purpose : it legitimized legal arguments both scientifically and technically ; and, contrariwise, it offered counterexamples in terms of political values. Admired for its science, Rome was rejected for its emperors and even its patricians.
- La réception du droit romain par la doctrine publiciste du XIXe siècle : une vue de l'esprit ? - Laurent Hecketsweiler p. 87-101 S'interroger sur l'emploi du droit romain au XIXe siècle équivaut à s'interroger sur les modalités d'un vaste « réemploi » : mise en œuvre, dans une construction, de matériaux provenant d'une construction antérieure. Il s'agit donc certes de marquer à la craie ce qui a été exploité du ius par les architectes modernes (processus de réception du droit romain) mais aussi, plus important, d'éprouver ce qui a été laissé de côté. Au cœur de ce retranchement, le juriste (re)trouve paradoxalement une voie d'accès aux fondements de sa propre pensée.To investigate the use of Roman law in the 19th Century is more or less the same as to study the modalities of a vast “reuse”, of the implementation of materials from a former construction. One needs indeed to chalk up those parts of the ius that were exploited by the modern architects (the reception process of Roman law) but more importantly one must weigh against it what was left aside. At the core of this removal, the jurist paradoxically finds (retrieves) an access to the fundaments of their own thought.
- La doctrine publiciste et les divisions du droit romain - Maud Baldovini p. 103-121 La doctrine publiciste a puisé dans le droit romain les voies d'élaboration d'une science du droit administratif. Tandis que la division du ius privativum et du ius publicum devait lui tracer une voie d'élaboration en marge du droit privé, la division tripartite des Institutes de Gaius devait, paradoxalement, livrer un principe d'organisation des « matières administratives ». La notion de personne juridique, composante de cette tripartition, jouera un rôle majeur dans l'achèvement de la systématisation du droit administratif. En particulier chez Hauriou qui se fait l'apôtre des catégories juridiques classiques.The teachings of the publicists drew from Roman law ways to build up a science of administrative law. Whereas the division between ius privativum and ius publicum allowed for its elaboration outside of private law, the tripartition of Gaius' Institutes paradoxically delivered an organizing principle for the “administrative matters”. The concept of a legal person, an element of this tripartition, would play a major part in the completion of an administrative legal system, particularly in Hauriou's vindication of classical legal categories.
- « A fructibus eorum cognoscetis eos » : Denis Serrigny, le droit administratif romain et la dénonciation du despotisme impérial - Dominique Hiebel p. 123-160 En 1862, Denis Serrigny publie son Droit public et administratif romain, œuvre érudite et novatrice consacrée à la description des institutions et du droit administratif du Dominat. Cependant, la portée de l'ouvrage dépasse le cadre de l'étude du Bas-Empire. À l'heure où la censure guette, le professeur de droit administratif s'appuie sur le droit romain afin de livrer sa pensée intime non sur le seul régime impérial antique, mais également sur le Second Empire sous lequel il vit. La condamnation est sans appel : le despotisme impérial corrompt tout, broie les hommes et tue les libertés dans une machine centralisatrice dévorante.Denis Serrigny published his Droit public et administratif romain in 1862. It was an innovative scholarly work dedicated to the description of the institutions and the administrative law of the Dominate. Its scope, though, extended beyond the limits of a study of the Late Roman Empire. In a period of threatening censorship, this professor of administrative law relied on Roman law in order to express his inner thoughts not merely on the ancient imperial regime but also on the Second Empire wherein he lived. His condemnation is final : imperial despotism corrupts everything and everyone, suppressing liberties in an all-consuming centralizing machine.
- Le stoïcisme de Firmin Laferrière (1798-1861) - Yann-Arzel Durelle-Marc p. 161-184 À travers son important Cours de droit public et administratif (1839), F. Laferrière (1798-1861) est l'un des fondateurs de la science et de la pensée du droit administratif français ; mais, plus historien du droit que véritablement administrativiste, il nourrit toute son œuvre du retour au droit romain dans une perspective constamment savignicienne. Au-delà de la méthode cependant, cet auteur bâtit une vision providentialiste qui mêle idéalement stoïcisme et christianisme au service d'une conception eschatologique de la science juridique conçue comme facteur et instrument actifs.His Cours de droit public et administratif (1839) made F. Laferrière (1798-1861) one of the founders of the science and thought of French administrative Law ; more of an historian of law than a practitioner, he drew heavily on the return to Roman law in a savignian perspective. Beyond mere method, Laferrière nevertheless framed a providentialist view ideally mixing stoicism and Christianity in support of an eschatological conception of jurisprudence as an active factor and instrument.
- Adhémar Esmein et la République romaine - Guillaume Sacriste p. 185-208 L'article vise à montrer les logiques des relations qu'Esmein entretenait avec la référence à la République romaine. Il défend qu'il s'agit d'un terrain fructueux pour comprendre la spécificité du modèle républicain français. Il montre, autour du motif de la République romaine, que l'on peut être tout à fait républicain d'une part et tout à fait libéral d'autre part, une fois que l'on a défini la liberté comme non-domination plutôt que comme non-interférence.The aim of this paper is to show what kinds of logic the connections between Esmein's views and his reference to the Roman republic obey to. Esmein insists that the Roman republic offers fruitful ground to understand the peculiarity of the French republican model. Harping on the theme of the Roman republic, he intends to show that one can be both thoroughly republican and thoroughly liberal provided one has defined liberty as non-domination instead of as non-interference.
- Le modèle romain du corps de droit administratif dans la pensée de Maurice Hauriou - Nicolas Cornu-Thénard p. 209-229 Romaniste de formation, Maurice Hauriou était naturellement incité, pour nourrir ses réflexions, à interroger le fonds juridique romain. Aussi son interprétation du droit administratif est-elle façonnée, à bien des égards, par les textes compilés à l'époque de Justinien. Hauriou y découvre à la fois un modèle pour dessiner l'histoire de sa discipline, des outils pour en exposer la substance et des raisonnements pour vivifier son argumentation.Maurice Hauriou was trained as a Romanist and his reflections naturally tended to feed on the Roman body of law. His interpretation of administrative law was therefore shaped in many ways by the Justinian compilation. Hauriou found in it a pattern wherefrom to draw the history of his legal discipline, tools to express its substance, and rationales to quicken his argument.
Variétés
- Le problème de l'intérêt général dans la pensée d'Alain : un utilitariste libéral au pays de Rousseau ? - Jérôme Perrier p. 231-257 Le philosophe Alain est rarement considéré comme un penseur politique de premier plan. À tort. Ses réflexions en la matière, nombreuses, sont beaucoup plus profondes et plus originales qu'on ne le croit généralement. Rien ne le montre mieux que la conception que l'auteur des Propos se fait de l'intérêt général : une conception libérale, profondément minoritaire au pays de Rousseau (ce qui n'est sans doute pas sans rapport avec le large oubli dans lequel ses écrits politiques sont tombés), mais dont l'analyse approfondie est riche d'enseignements sur les idiosyncrasies de la culture politique française – dont Alain prend, à cette occasion, le contre-pied.Wrongly enough, the French philosopher Alain is seldom considered as a first-rate political thinker. His numerous reflections on politics are actually deeper and more original than is commonly believed. Nothing is more significant in this respect than the views on public interest held by the author of the Propos : a liberal conception, definitely expressing dissent in the land of Rousseau (and that might very well account for the oblivion which Alain's political writing fell into). Alain's analyses enlighten the idiosyncrasies of the French political culture which his stance opposes.
- Le problème de l'intérêt général dans la pensée d'Alain : un utilitariste libéral au pays de Rousseau ? - Jérôme Perrier p. 231-257
Lectures critiques
- Lectures critiques - Eric Desmons p. 259-264