Contenu du sommaire : Réforme et poésie en Europe aux XVIe et XVIIe siècles
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 226, n°1, 2009 |
Titre du numéro | Réforme et poésie en Europe aux XVIe et XVIIe siècles |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Véronique Ferrer p. 5-8
- Réforme et poésie en Allemagne - Marie-Thérèse Mourey p. 9-31 La Réforme luthérienne, dont la traduction de la Bible en langue vernaculaire constitua un tournant décisif, eut un impact considérable sur le développement de la littérature allemande, et singulièrement de la poésie. Toutefois, elle orienta cette poésie dans une voie presque exclusivement religieuse, dont témoigne la prédominance du cantique (Kirchenlied), puis de la poésie sacrée ou spirituelle (geistliche Lyrik). Le milieu du XVIIe siècle voit le plein épanouissement de la production poétique dans tous les registres, y compris profane. Au début du XVIIIe siècle, la poésie religieuse a largement perdu sa fonction liturgique et collective, ainsi que son caractère parfois polémique, pour se concentrer sur l'expression très personnelle d'une piété individuelle.The Lutheran Reformation had a considerable impact on the development of German literature and especially poetry. But it also turned that poetry towards an almost exclusive religious way, as the importance of choral and of meditation poetry shows. In the middle of the 17th century however, poetic production has blossomed out also in secular ranges. At the beginning of the 18th century, the liturgical function of poetry (including sometimes its polemic character) has largely been replaced by a very personal expression of individual faith.
- Réforme et Renaissance de la poésie en Angleterre au XVIIe siècle - Élisabeth Soubrenie p. 32-54 La Réforme continentale n'imprime sa marque sur la poésie anglaise qu'à partir du XVIIe siècle, non sous la forme d'œuvres militantes mais par le développement en profondeur du lyrisme, qui aboutit à une religion poétique du Livre. Non seulement parce que toute poésie religieuse s'inspire de la Bible (surtout des Psaumes, où s'engage un dialogue subjectif entre l'homme et Dieu, entre intimité et altérité), mais plus encore parce que cette poésie célèbre la gloire du Verbe incarné, au principe de toutes les figures de l'écriture.It was not until after the sixteenth century that the Reformation from central Europe initiated in English poetry new trends characterized not so much by historical commitment as by a strong allegorical lyricism resulting in a metaphorical religion of the Book. Not only did the Bible become the natural cornerstone of any poetry - the poet as a new psalmist starting an amazingly casual dialogue with God - but this poetry consequently developed into an articulate celebration of the Word, while poetic writing kept combining Spirit and wit into ever more elaborate conceits of the Book.
- La lyre protestante : Calvin et la réforme poétique en France - Véronique Ferrer p. 55-75 Si la Réforme calvinienne eut les répercussions politiques, sociales et culturelles que l'on sait sur la France du XVIe siècle, elle marqua de manière moins connue mais tout aussi décisive la littérature de son temps. Dans ses Commentaires sur les Psaumes, Calvin mena, toujours sous l'autorité du théologien qu'il fut, une réflexion poétique qui fraya les voies à une poésie originale, éprise d'authenticité et de spiritualité. Nous nous proposons dans cet article de décrypter les grandes lignes de cette poétique réformée et d'en mesurer la portée à l'aune des productions ultérieures des poètes.The calvinian Reformation had a great influence on French literature during the 16th century, mostly on poetry which it contributed to revive. Through his theological commentaries, Calvin reflected very precisely on biblical style and on the possibility to reform poetry by imitating David's Psalms. In a discontinuous way, his reflection formed a kind of poetical manifesto, which became a reference for French protestant poets. This article aims at drawing the main points of this Protestant poetics, and at examining it in the light of religious lyric poetry at the end of the century.
- Les réécritures poétiques de l'histoire de Jonas au XVIe siècle et la poétique réformée - Olivier Millet p. 76-101 La figure biblique de Jonas est un révélateur du potentiel de la poétique réformée au XVIe siècle. Si Jonas reste une préfiguration typologique du Christ et de la rédemption, son cantique donne lieu à des paraphrases lyriques permettant une appropriation personnelle et collective de la figure de l'élu sauvé, dans le cadre d'une nouvelle herméneutique biblique et de la poétique issue de Marot et de Bèze. Par ailleurs, Jonas est également valorisé comme porteur de la Parole de Dieu et prophète ultime de la pénitence. Aubigné achève de transformer le scénario calvinien de la vocation divine à une fonction prophétique, récusée puis assumée par l'élu, en un nouveau type humain complexe, typiquement réformé, et qui est à la fois un prophète élu et un prédicateur-poète.The biblical character of Jonas is an eloquent example of the scope of reformed poetics in the 16th century. While Jonas is still typologized as a harbinger of Christ and the redemption, his prayer gives rise to lyrical retellings which are at once a personal and a collective appropriation of the figure of the man chosen for salvation, within a new form of biblical hermeneutics combined with poetics inherited from Marot and Beza. Jonas is equally celebrated as the bearer of the Word of God, and as the foremost prophet of penitence. Aubigné succeeded in transforming the Calvinist scheme of divine vocation, with a prophetic function that the chosen one first challenges then faces up to, into a complex human portrait which is both original and typically reformed, in which God's chosen prophet is also a poet with a preaching mission.
- Licence poétique versus métrique sacrée (II) - Max Engammare p. 102-125 Il s'agit de renouer avec la polémique entre Théodore de Bèze et Gilbert Génébrard au sujet des paraphrases versifiées latines des Psaumes (1579) et du Cantique des cantiques (1584) du poète huguenot. L'interprétation du second livre auquel nous nous limitons ici est similaire chez les deux controversistes, tant par la méthode allégorique utilisée que dans le sens ecclésial donné à la parabole bucolique, mettant en scène le Christ et l'Église. Le conflit n'est donc pas d'abord dogmatique, mais poétique et éthique : une seule métrique sacrée convient à la versification latine de la Bible pour le philologue hébraïsant, tandis que le poète s'autorise l'usage de nombreux mètres lyriques. Preuve en est que, toute sa vie, Bèze resta poète.The article re-examines the polemics between Theodore Beza and Gilbert Génébrard over the question of the Huguenot poet's versified Latin paraphrases of the Psalms (1579) and the Song of Solomon (1584). The two controversialists have similar interpretations of the second book, our sole focus here, in terms of both the allegorical method they adopt and the ecclesiastical meaning they attribute to the bucolic parable foreshadowing Christ and the Church. In other words, the controversy is not so much about dogma as poetics and ethics; the Hebrew scholar and philologist maintains that there is only one type of sacred prosody suited to versifying the Bible in Latin, while the poet allows himself to use various lyrical meters. This only goes to show how, throughout his life, Beza was first and foremost a poet.
- Une « Muse Prétendue Réformée » ? - Julien Gœury p. 126-153 Les manifestations de l'identité confessionnelle dans la poésie religieuse des protestants français sous le régime de l'édit de Nantes (1598-1685) sont de plus en plus difficiles à identifier et à interpréter au cours de la période. Cela s'explique certes en partie par une intériorisation des normes restrictives en matière de controverse, qui tend à marginaliser, puis à supprimer, toute forme de transgression, mais cela traduit surtout une auto-limitation du champ de la muse chrétienne. Il s'agit dans cet article d'expliquer cette pratique de la dissimulation en la rapportant d'une part à la situation socio-historique des protestants français et d'autre part à un processus d'intégration dans un espace littéraire qui tend à imposer un discours chrétien conforme.Under the Edict of Nantes (1598-1685), the signs of confessional affiliation in religious poetry by French Protestants became less obvious and not as easy to identify and make sense of. This phenomenon can be partly explained by an internalizing of norms in a controversial context, which tends to marginalize, eventually to suppress, any form of transgression; but it is mainly the sign of the self-limitating of the Christian muse's domain. This article aims at explaining this self-concealment, by replacing it in the socio-historical context which was that of French Protestants, and relating it to a process of integration into a literary space which tends to impose a “proper” Christian discourse.
- Ours de la Revue de l'histoire des religions (2009)