Contenu du sommaire : Figures de Noé de Gilgamesh au Coran
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 232, n°4, 2015 |
Titre du numéro | Figures de Noé de Gilgamesh au Coran |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Figures de Noé de Gilgamesh au Coran : Avant-propos - Viviane Comerro p. 483-485
- « Noé » dans les sources mésopotamiennes - Jean-Jacques Glassner p. 487-498 Dans les sources mésopotamiennes, le survivant du déluge, précurseur du Noé biblique, s'appelait Ziusudra, Atrahasîs ou Ûta-napishtî. Le premier nom signifiait « Vie de jours prolongés », le second « Le Supersage », le troisième « J'ai trouvé ma vie ». Ce qui le distinguait de tous les autres êtres humains, c'était le destin d'être immortel qui lui était réservé au sortir de l'épreuve. Le franchissement du déluge était une forme d'épreuve. La Mésopotamie connaissait deux héros civilisateurs, Sargon et Ziusudra/Atrahasîs/Ûta-napishtî. Leurs expositions respectives n'eurent pas même signification. L'un était élu avant l'épreuve, l'autre après. Pour le premier, on a affaire à un rite de probation ; pour le second on est en présence d'un rite d'institution, mais qui diffère des rites de passage.In Mesopotamian sources, the surviver of the flood had three names : Ziusudra, Atrahasîs or Ûta-napishtî. The first name meant “Life of long days”, the second “The Supersage”, the third “I have found my life”. What distinguished him from other human beings was his status as an immortal being, which was offered to him after the flood. The crossing of the flood was a kind of ordeal. Mesopotamia had two civilizing heroes, Sargon of Akkade and Ziusudra/Atrahasîs/ Ûta-napishtî. Their respective exposures did not have the same meaning. The one was chosen before the ordeal, the other after it. For the first, we are confronted with a rite of probation, for the second with a rite of institution, but a rite which differs from an ordinary rite of passage.
- Le Noé biblique dans ses diverses perspectives littéraires - Stéphanie Anthonioz p. 499-518 Le nom de Noé, dans la Bible, rappelle immédiatement le déluge (Gn 6–9) dont il est le héros, sauvant l'humanité d'une destruction totale. Mais son histoire se réduit-elle à celle du déluge ? Comment définir ce héros et rendre compte de ce qu'il représente dans les traditions des différents livres bibliques ? Notre article, dans une approche littéraire mais également historique et comparatiste, replacera ainsi Noé dans des ensembles et des contextes toujours plus vastes, en commençant par le récit du déluge (I), puis l'histoire des origines (II), le Pentateuque (III), les Prophètes (IV), enfin les deutérocanoniques (V). La question du nom sera, en dernier lieu, étudiée et mise en rapport avec les différentes perspectives littéraires analysées ainsi qu'avec quelques traditions mésopotamiennes (VI).The name of Noah, in the Bible, immediately calls to mind the narrative of the flood (Gn 6‑9) of which he is the hero who saves humanity from total destruction. But can his story be reduced to the flood ? How can we define this hero and understand what he represents in the traditions of various biblical books ? This article, with an approach that is at once literary and also historical and comparative, determines Noah's place within increasingly vast groups and contexts, beginning with the story of the flood (I), then of the origins (II), the Pentateuch (III), the Prophets (IV) and finally the Deuterocanonical books (V). The question of his name will be examined in the final section, notably in relation to the different literary perspectives analyzed in this article and to several Mesopotamian traditions (V).
- Noé et son caractère axial dans la littérature du Second Temple - Madalina Vârtejanu-Joubert p. 519-543 Un certain nombre de textes majeurs écrits ou circulant à l'époque du Second Temple – 1 Hénoch, Jubilés, Apocryphe de la Genèse et quelques autres fragments découverts à Qumrân – accordent une place significative au personnage de Noé, à sa vie et à sa geste. Noé garde, comme dans le livre de la Genèse, le caractère de personnage « axial » qui marque un « avant » et un « après » dans l'histoire de l'humanité, mais les fonctions qui lui sont assignées sont différentes. Il est notamment présenté comme prêtre et exorciste, comme dépositaire d'un savoir essentiel transmis à l'aide d'un livre et comme celui qui, après le déluge, partage la terre entre les fils de Sem, Cham et Japhet.Some important works such as 1 Henoch, Jubilees, Genesis Apocryphon and other short Qumran fragments, composed or circulating during the Second Temple period, show much interest in the character of Noah and in his life and deeds. He maintains the same “axial” position as in the book of Genesis but his concrete functions are different. Noah is depicted as a priest and exorcist, as the depositary of an essential knowledge enclosed in a book, and as the divider of the Land between his sons Sem, Ham and Japhet.
- La figure de Noé chez Philon d'Alexandrie et Flavius Josèphe - Serge Bardet p. 545-565 Philon d'Alexandrie et Flavius Josèphe, deux juifs du i er siècle, partagent largement la même culture composite, mais leur traitement littéraire de Noé est extrêmement différent. Alors que Josèphe livre une paraphrase narrative, un récit d'un seul tenant, centré sur l'épisode du Déluge, Philon procède par allusions éparses, de type midrashique, dans des traités exégétiques et se concentre sur les suites du Déluge. De même, alors que Philon campe en Noé l'exemple de l'homme sage et juste, tantôt imparfait, tantôt exceptionnel, mais qui reçoit entièrement de Dieu sa sagesse, sans se faire enseignant et diffuseur de cette sagesse, Josèphe en fait une sorte de figure presbytérale, qui refonde les actes de piété, à travers le sacrifice et les règles de pureté.
Philo of Alexandria and Flavius Josephus, both Jews in the 1st c. CE, largely share the same composite culture ; nevertheless, they deal very differently with Noah's character. While Josephus makes a narrative paraphrase, in one single and Flood-centric story, Philo refers to him through midrashic interpretations in many exegetical treaties and is focused on what he becomes after the Flood. Similarly, while Philo portrays an exemplarily wise and righteous man, sometimes imperfect, sometimes exceptional, but who only receives wisdom from God, without becoming a teacher of wisdom, Josephus makes him into a sort of priestly figure, who refounds acts of piety and rules of purity. - Noé et le Déluge dans la aggada rabbinique - Jules Danan p. 567-584 Cet article se propose de voir comment les rabbins appréhendent le personnage de Noé et la « génération du Déluge ». Ils s'interrogent à propos du premier sur les raisons qui ont amené Dieu à le sauver et à propos de la seconde sur ce qui l'a conduite à pécher, sur les fautes qu'elle a commises et sur le choix de Dieu de la châtier par le déluge. Nous verrons enfin comment ils envisagent la destinée humaine après le Déluge. Ce faisant, nous tenterons d'expliquer comment les rabbins interprètent – parfois de manière inattendue – les textes bibliques.The purpose of this article is to examine the rabbinical interpretation of the figure of Noah as well as “the generation of the Flood”. The Sages try to understand the reasons leading God to save Noah, but they are interested as well in the causes leading to this generation's sins and, hence, in God' decision to punish it through the Flood. An additional point discussed in this paper is the rabbinical approach toward human destiny after the Flood. The analysis of these texts demonstrates the unexpected manner in which Biblical passages are sometimes interpreted.
- Noé dans la tradition syriaque. Une mer de symboles - Muriel Debié p. 585-622 L'histoire de Noé et du déluge présente dans la tradition syriaque historique aussi bien qu'exégétique des similitudes avec des interprétations juives mais aussi une originalité fondamentale. Exprimée par des poèmes – une des caractéristiques de la littérature syriaque –, l'exégèse de l'histoire noachique présente la particularité unique de faire du père des nations, paradoxalement, un proto-ascète et de l'arche un type non seulement de l'Église, comme dans d'autres traditions chrétiennes, mais un prototype du bâtiment église même. Ce sont quelques-uns de ces symboles et de ces interprétations typologiques que cet article essaie de faire émerger de la mer de textes syriaques consacrés à l'histoire de Noé.The story of Noah and the Flood in the Syriac historical as well as exegetical tradition shows many similarities with Jewish interpretations and yet a strikingly original trend. Through the means of poetry – one of the main features of Syriac literature –, the exegesis of Noah's story is unique in presenting the father of nations, paradoxically, as a proto-ascetic and the ark not only as a type of the Church – as in other Christian traditions – but as a prototype of the church as a building. This article aims at making at least some of these symbols and typological interpretations emerge from the sea of Syriac texts devoted to the story of Noah.
- Un Noé coranisé - Viviane Comerro p. 623-643 Cet article présente la configuration originale prise par la figure de Noé dans la prédication de Muḥammad qui moule les emprunts bibliques dans les stéréotypes coraniques. Le contre-exemple de la sourate 26 qui, échappant à tout comparatisme, voit Noé devenir un prophète sériel dans un corpus coranique clos, nous permettra de réfléchir aux contraintes stylistiques qui pèsent sur la théologie coranique et de là aux conditions de production du texte sacré lui-même.This article tackles the original form taken by Noah's figure in the predication of Muhammad, which moulds the Biblical borrowings of Noah into Quranic stereotypes. The counterexample of Surat 26, which defies any comparatist approach and in which Noah's figure becomes a serial prophet in a settled Quranic corpus, will allow us to examine the stylistic constraints of Quranic theology and hence to examine the conditions for the production of the sacred text itself.
- La figure de Noé entre le Coran et les isrā'īliyyāt - Youssef Taharraoui p. 645-682 La figure de Noé, en raison du caractère elliptique de la narration coranique, a fait l'objet dans la Tradition islamique, comme d'autres figures prophétiques, d'une amplification puisant dans des matériaux extra-coraniques que l'on est convenu d'appeler isrā'īliyyāt.Nous nous proposons d'abord d'examiner les acceptions de ce vocable, ensuite d'étudier la réélaboration des matériaux extra-coraniques dans la littérature exégétique, historiographique (Ṭabarī et Ibn Kathīr) et narrative (Tha‘labī et Kisā'ī), et de dégager enfin la manière dont ce traitement évolue avec Ibn Kathīr vers une attitude résolument hostile ayant pour but d'expurger la tradition exégétique et historiographique islamiques des matériaux exogènes.Because of the elliptical nature of Qur'ānic narrative, the figure of Noah, like other prophetic figures, has within the Islamic tradition been an object of amplification that draws on the extra-Qur'ānic material that is known as the isrā'īliyyāt. This study begins by considering the meanings of this term, before studying the reworkings of extra-Qur'ānic material within the literature of exegesis, historiography (Ṭabarī and Ibn Kathīr) and narrative (Tha‘labī and Kisā'ī). It proceeds to show how the treatment of Noah shifts in the writings of Ibn Kathīr towards a resolutely hostile attitude, whose aim is the expurgation of exogenous materials from the Islamic exegetical and historiographical tradition.