Contenu du sommaire : Le(s) français : formaliser la variation

Revue Langue française Mir@bel
Numéro no 168, décembre 2010
Titre du numéro Le(s) français : formaliser la variation
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • « Le » français ou ce qui arrive lorsqu'un état de choses est observé comme une entité - Mario Barra-Jover p. 3-18 accès libre
  • Picard et français : la grammaire de la différence - Julie Auger p. 19-34 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Pour Éloy (1997), deux conditions doivent être réunies pour que le picard soit considéré comme une langue : il doit être perçu comme étant une variété autonome du français par ses locuteurs et cette perception doit reposer sur des structures linguistiques distinctes. Cet article examine l'épenthèse vocalique. La complexité du système mis à jour, combinée avec le développement d'un standard littéraire picard autonome du français, nous amène à conclure que le picard constitue une langue distincte.
    Picard and French :What their Grammar Tells Us about Their Sociolinguistic Status For Éloy (1997), two conditions must be met in order for Picard to be considered to be a language. First, it must be perceived to be a linguistic variety that is distinct from French. Second, this perception must be based on an empirical distinction between the two varieties. This article analyzes vowel epenthesis. The complexity of the system that is revealed, combined with the fact that a Picard literary standard that is autonomous from that of French is developing, leads us to conclude that Picard is an autonomous language.
  • Le pluriel nominal en français : un parcours sans faute (*s) - Mario Barra-Jover p. 35-52 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le pluriel du Groupe Nominal du français oral (FO) est présenté comme un système indépendant de celui de l'écrit. Sont proposées trois hypothèses : 1) Le nombre du GN n'est pas marqué en FO sur la tête nominale ; il est marqué morphologiquement sur les déterminants (articles, démonstratifs et possessifs) et lexicalement sur les quantifieurs et les noms d'ensemble ; 2) Il s'agit d'une évolution structurale issue de la convergence d'une série de changements locaux indépendants ; 3) Les fautes commises par les locuteurs-scripteurs reflètent la grammaire du FO.
    Plural marking in the French NP: no space for error (s). This article discusses plural marking in French Noun Phrases (NPs), arguing that its grammar in Spoken French (SF) is distinct from that of Written French. Three assumptions are put forward: (i) In SF, number fails to be specified on the head noun; it is morphologically specified on determiners (articles, demonstratives and possessives), and lexically specified on quantifiers and ‘set' terms. (ii) This state of affairs does not result from a phonological change affecting the /s/ coda. (iii) Errors made by French speakers in their written productions are but clues revealing their SF grammar.
  • Opacité phonologique et liaison en français. De la sous-détermination de la variable à la motivation des variantes - Marc Klein, Joaquim Brandão de Carvalho p. 53-70 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La liaison du français constitue un cas de ce que l'on appelle « opacité » en phonologie. Les faits d'opacité sont intéressants, d'une part, en ce qu'ils posent des problèmes tant au modèle génératif classique qu'à son successeur non dérivationnel, la théorie de l'optimalité, et, d'autre part, en ce qu'ils sont un facteur remarquable de variation, comme le montre la liaison dite facultative. Selon nous, c'est l'absence de prise en compte de celle-ci qui est à la source des problèmes posés par l'opacité, dont la solution passe par l'explication de la variation qui lui est intrinsèquement attachée. Nous proposons d'expliquer la variation fondée sur l'opacité à travers la définition d'un petit nombre de « stratégies structurales » visant à la détermination d'une représentation sous-spécifiée de la variable, d'une part ; d'autre part, comme le montrent clairement les données françaises, le choix de telle ou telle variante est motivé par l'existence d'un rapport naturel entre chaque stratégie structurale et la « stratégie sociale » qui lui est associée.
    Phonological opacity and French liaison. From underspecified variables to motivated variants French liaison is a case of so-called ‘opacity' in phonological literature. Opacity is an interesting phenomenon since (i) both classical generative phonology and non-serial theories such as optimality theory fail to provide a straightforward account of this phenomenon, (ii) it is a crucial source of variation, as witnessed by optional liaison. We argue that the theoretical problems raised by opacity arise from the fact that variation is not directly taken into consideration by current research, and that any account of opacity should combine with an explanation of variation. Opacity-based variation is assumed to follow from a small number of well defined ‘structural strategies' which seek to determine an underspecified representation of the variable; furthermore, as clearly shown by French data, the selection of one variant is motivated by a natural relationship between each structural strategy and the ‘social strategy' associated with it.
  • Vox populi vox Dei ? L'identification du genre grammatical en français - Guillaume Jeanmaire p. 71-86 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La présente étude se propose d'expliquer la démarche interne du locuteur-scripteur natif lors de l'assignation du genre à un nom et ainsi d'interpréter ces « fautes » de genre, fréquemment rencontrées. Que nous révèlent-elles du fonctionnement du français ? Ce qui apparaît aujourd'hui comme fautif, le sera-t-il encore demain, sachant que l'usage finit le plus souvent par triompher du « bon usage » ?
    Vox populi vox Dei? How to identify grammatical gender in French This paper aims to demonstrate the internal process by which a native speaker-writer assigns a gender to a name in French, and thus to interpret gender “mistakes” frequently encountered. What does this tell us about how the French language works? What is seen as a mistake today may not be seen as such tomorrow, knowing that current use more often wins over “correct use”.
  • Le patron diglossique de variation grammaticale en français - Benjamin Massot p. 87-106 avec résumé avec résumé en anglais
    Selon l'hypothèse de la diglossie française, les locuteurs éduqués produisent des énoncés à l'aide de deux compétences grammaticales concurrentes, mais pas étanches. La première, le français démotique, est mise en œuvre lors des rapports langagiers paritaires, tandis que la seconde, le français classique tardif, sert aux rapports protocolaires. Contrairement aux opposants à cette hypothèse, je veux montrer que l'intérêt de supposer ces deux grammaires s'observe dans la description de certains faits grammaticaux (la négation, les sujets lexicaux), et que ces deux grammaires s'induisent en effet par le constat de l'incompatibilité de certaines variantes grammaticales dans un idiolecte donné (étude de corpus).
    The French Diglossic Pattern of Grammatical Variation. According to the hypothesis of a French diglossia, French educated speakers produce utterances by means of two competing, but not watertight, grammatical competences. The first one, Demotic French, helps to establish an equal (informal) language relation, whereas the second, Late Classical French, is used for formal relations. Contrary to the critics of this hypothesis, I endeavor to show that those two grammars are easily observed through the advantage of assuming them to exist when describing some grammatical facts (negation, lexical subjects), and that they are indeed induced through the recording of the incompatibility of some grammatical variants in a given idiolect (corpus study).
  • De l'étude de l'acquisition des langues secondes aux descriptions linguistiques : aussi et encore en français - Marzena Watorek p. 107-125 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article part de l'idée générale que les productions des apprenants de langues secondes (L2) sont une manifestation d'un système linguistique à la fois instable et transitoire, mais aussi cohérent et systématique. Ce système linguistique, ou lecte d'apprenant, se caractérise par une organisation plus simple que le système en usage chez les locuteurs natifs. La relative simplicité du lecte d'apprenant met en évidence l'interaction entre différents niveaux de contraintes présentes dans tout système linguistique. C'est dans cette perspective que sont analysés et décrits dans cet article les adverbes aussi et encore. La description proposée tente d'expliquer à la fois les similarités qui existent entre ces deux formes et de rendre compte de la polysémie d'encore. Ainsi, les valeurs temporelles d'encore peuvent être considérées comme secondaires par rapport à sa signification additive, cette signification étant partagée avec d'autres unités de la même classe de particules de portée additives, par exemple aussi.
    From second language acquisition studies to linguistic descriptions: French aussi and encore This contribution is based on the general idea that the productions of learners of a second language (L2) reflect an unstable and transitory, but also coherent and systematic linguistic system. This linguistic system, or learner variety, is characterized by a simpler organization when compared to the system used by native speakers. The relative simplicity of the learner variety makes the interaction between various levels of constraints, which exists in any linguistic system, particularly transparent. Taking this perspective, we analyze and describe the French adverbs aussi and encore. The proposed description aims at explaining at the same time the similarities, which exist between these two forms and the polysemy of encore. More precisely, the temporal functions of encore can be considered as secondary to its additive meaning, which encore shares with other additive particles, for example aussi.
  • Acquisition de la phonologie « du » français : des usages à la structure - Sophie Wauquier p. 127-144 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les données de production d'enfants ajoutent à la variation inter-locuteurs, une variation intra-locuteur : à partir du stade des 50 mots et jusqu'à la stabilisation du lexique, un même enfant peut produire une variété de formes concurrentes parfois très différentes les unes des autres et ne reproduisant pas les usages adultes. Que reflètent alors (quantitativement et qualitativement) les variations produites par les enfants pour une forme lexicale donnée ? À partir de données longitudinales, l'article montre que, contrairement à l'intuition première qui voudrait que la variation mette en cause l'existence d'une représentation unifiée de la liaison, les productions enfantines pour l'acquisition de la liaison nous donnent la nécessité de formaliser la variation et de concevoir qu'il existe bien « un » français dans le sens où les déformations présentées répondent à une logique structurelle.
    Acquisition of French liaison: from usages to structure. Children's productions exhibit both inter-speaker and intra-speaker variation: from the 50-word stage to a stabilized lexicon, a given child may produce many different realizations of the same word that do not mirror adults' uses. What do these variations mean (quantitatively and qualitatively)? On the basis of longitudinal data, this paper shows that we need a unified conception of phonology to account for the acquisition of the highly variable phenomenon of ‘liaison' by French children.