Contenu du sommaire : L'intensification
Revue | Langue française |
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Numéro | no 177, mars 2013 |
Titre du numéro | L'intensification |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Autour du concept d'intensification - Jean-Claude Anscombre, Irène Tamba p. 3-8
- Qui sème la quantification récolte l'intensification - Silvia Adler, Maria Asnes p. 9-22 Notre étude enquête sur la relation entre quantification et intensification telle qu'elle apparaît dans le cas des prépositions fonctionnant comme modifieurs de quantifieurs (au-delà de, jusqu'à, près de, etc.). Étant donné que l'intensification implique une relation entre deux degrés d'une propriété, où l'un est soit supérieur soit inférieur à l'autre, on s'attendrait à ce qu'en principe seuls les modifieurs de quantifieurs monotones, qui ordonnent les valeurs d'après une échelle croissante ou décroissante, participent à l'intensification, ce qui ne se vérifie pas. Paradoxalement, certains modifieurs de quantifieurs non-monotones peuvent aussi déclencher un effet d'intensification (cf. le cas de près de). Qui plus est, le domaine quantificationnel nous offre d'autres énigmes liées à l'intensification, qui seront dénouées dans la présente étude : celle de la quantification bornée (cf. le cas de jusqu'à) qui produit un effet d'amplification et celle de la quantification approximative implicite dont l'effet d'intensification amplifiante résulte de l'absence d'un modifieur de quantifieur.They that sow quantification shall reap intensification
This paper explores the relationship between quantification and intensification, such as itemerges from the case of prepositions functioning as modifiers of quantifiers (au-delà de, jusqu'à, près de, etc.). Since intensification implies a relationship between two degrees of a property, one being superior or inferior to the other, we would expect that only monotonous modifiers of quantifiers, which order their values along an increasing or a decreasing scale, would participate in intensification. This hypothesis can, however, be falsified. Paradoxically, certain non-monotonous modifiers of quantifiers can also trigger an intensification effect (cf. the case of près de). Moreover, the quantificational domain offers us other puzzles related to intensification, which will be solved in the present paper : bound quantification (cf. the case of jusqu'à) that produces an amplification effect ; implicit approximative quantification whose intensification effect results from the omission of the modifier of quantifier. - Les exclamatives : intensification ou haut-degré ? - Jean-Claude Anscombre p. 23-36 Depuis l'étude désormais classique de Milner (1978), les phrases exclamatives ont été assimilées à des phrases exhibant des marqueurs du groupe de qu –, à savoir quel, comme, combien, que, etc., et signifiant le haut-degré, voire le degré maximum, et étant donc de nature scalaire. Cette approche traditionnelle laisse sans réponse un certain nombre de questions. Après avoir établi une liste des différents candidats au statut d'exclamative de type Quel SN ! et de leurs propriétés, on proposera donc une définition unitaire deces exclamatives en termes non pas de degré, mais d'intensification, le degré et le haut-degré n'en étant qu'une manifestation. De ce point de vue, l'exclamative repose sur un mécanisme fondamentalement sémantique, ce qui explique l'hétérogénéité des moyens susceptibles d'être employés pour y parvenir.The exclamatives: intensification or high-degree?
Following their well-known study by Milner (1978), exclamatives have been considered assentences bearing markers of the qu – category, as for instance quel, comme, combien, que, etc., involving a high degree and even a maximum degree, and then of a scalar nature. This traditional approach fails to account for a certain number of phenomena. Within the category of exclamatives of the Quel SN ! kind, several subclasses are distinguished and their properties specified. A unitary definition is intended, mainly based not upon degree, but intensification, being degree and high degree one manifestation of it among others. In this aspect, exclamatives appear to be based on a semantic mechanism, which explains the heterogeneity of its surface realizations. - Esquisse d'un guide des perplexes : problèmes de définition et de classification des adverbes de degré en français - David Gaatone p. 37-50 Les notions de quantité et d'intensité sont très présentes dans le lexique du français. Mais elles restent trop intuitives. On essaie ici de les circonscrire plus rigoureusement, en notant tout d'abord qu'il s'agit des deux faces d'une même notion, le degré, dont la définition inclut les termes mesure ou dimension. En effet, de nombreux adverbes désignent tant la quantité que l'intensité (tellement) et des adverbes différents, les uns visant plutôt la quantité (beaucoup), les autres plutôt l'intensité (très), fonctionnent comme variantes libres ou contextuelles. On distinguera aussi les purs marqueurs de degré (combien) de ceux où le degré est associé à d'autres sèmes (loin, longtemps). Par ailleurs, ces adverbes ne forment pas une classe sémantique ou syntaxique homogène. Certains sont des marqueurs de mesure de degré (beaucoup), d'autres, de conformité, d'égalité ou d'emphase de degré (assez, trop, si). D'autres propriétés, telles que l'orientation argumentative (peu, un peu), la définitude (trois, beaucoup), les niveaux (faible, moyen, élevé : peu, pas mal, beaucoup), la nombrabilité (peu, un peu), découpent l'inventaire en diverses sous-classes.Sketch of a guide for the perplexed : problems of definition and classification of degree adverbs in French. The notions of quantity and intensity are prominently present in the French lexicon. Theircharacterization has remained, however, at the level of intuition. This study attempts to define them more rigorously, starting from the observation that they are facets of a single notion, the degree, whose definition encompasses the concepts of ‘measure' or ‘dimension.' Thus, numerous adverbs may denote either quantity or intensity (tellement), while other adverbs, some primarily suitable for quantity (beaucoup), and some, for intensity (très), function as free or contextual variants. We will also distinguish between pure degree markers (combien) and markers in which the degree combines with other semes (loin, longtemps). Moreover, these adverbs do not form a homogeneous semantic or syntactic class. Some are markers of the extent of a degree (beaucoup), others, of the conformity or equality of a degree (assez, trop) or of emphasis (si). Other properties, such as argumentative orientation (peu, un peu), precision vs. vagueness (trois, beaucoup), levels (weak, medium, high : peu, pas mal, beaucoup), and numerosity (peu, un peu), divide the adverbial inventory in various subsets.
- Focus sur la quantité - Pierre Larrivée p. 51-61 Des affirmations non démontrées sur les valeurs affectives, évaluatives ou gradientes des quantifieurs nous amènent dans cet article à clarifier les rapports entre quantification et interprétation de degré. Le choix de trois quantifieurs prototypiques (quelques, beaucoup et plusieurs) permet de vérifier l'effet de mécanismes marquant le degré (l'accent d'insistance, la modification de degré, la réduplication). Les attestations et les données construites démontrent que l'évocation d'une échelle partiellement ordonnée permet aux quantifieurs beaucoup et plusieurs une interprétation de degré, qui est spontanément indisponible avec le quantifieur sans valeur scalaire inhérente qu'est quelques, que néanmoins une cœrcion contextuelle peut imposer. L'analyse donne des repères explicites et transférables pour débrouiller la scalarité, l'intensité, l'affectivité, le degré et la quantification.Focusing on quantity
This work assesses degree readings relating to quantification, about which a number ofimpressionistic claims are being made in recent studies. It does so by looking at the reading emerging from a selection of standard French quantifiers (quelques ‘some-PL', beaucoup ‘many' and plusieurs ‘several') and mechanisms of degree marking (focus, degree modifier, reduplication of the quantifier). Based on attested and elicited data, degree readings are shown to obtain with vague quantifiers that imply a partially-ordered scale ; inherently non-scalar items like some are not spontaneously amenable to a degree reading, although this can be coerced. The analysis provides transferable results that help clarify the relation between scalarity in its different instantiations, axiological readings, degree interpretations and quantification. - À la recherche de l'intensité - Georges Kleiber p. 63-76 Notre contribution a pour objectif, non pas de proposer une nouvelle définition de l'intensité, qui règlerait tous les problèmes que pose cette notion, mais de mettre en évidence comment la conception standard de l'intensité comme « quantité de propriété » est amenée, par des « dérapages incontrôlés », à des mutations définitoires qui aboutissent à une autre intensité qui n'est plus de l'ordre de la quantité, mais de la qualité. Nous essaierons en effet de montrer que, pour dissiper la confusion qui règne dans la conception que l'on a de l'intensité, il est nécessaire de distinguer deux acceptions différentes : l'intensité comprise comme détermination quantitative de propriétés et l'intensité comprise comme étant elle-même une propriété, en l'occurrence une qualité. Cette distinction, on le verra chemin faisant, est à même de résoudre un grand nombre de difficultés qu'a pu faire naître dans les travaux linguistiques le recours à la notion d'intensité.Looking for Intensity
Our contribution does not aim at introducing a new definition of intensity that would be a solution to all the problems that this notion sets, but rather at showing up how the standard conception of intensity as a ‘quantity of property' leads through uncontrolled deviations to definitory mutations ending in another conception of intensity, this time based on quality and not on quantity. As a matter of fact, we will show that in order to dissipate the confusion that prevails as far as intensity is concerned, two different meanings must be distinguished : intensity seen as a quantitative determination of properties on one hand, and intensity defined as being itself a property, that is a quality, on the other one. Such approach, as will be seen, will allow to solve an great number of obstacles that were traditionally linked to linguistic works appealing to such a notion. - Repérages compacts et discrets dans les ensembles : le contraste quelques / plusieurs revisité - Lucien Kupferman p. 77-93 Quelques et plusieurs sont revisités à partir d'une analyse de l'organisation des sous-ensembles dénotés. Deux hypothèses centrales sous-tendent la démonstration. En premier lieu, la quantification qu'ils déclenchent s'ordonne en deux phases, autour d'un noyau dur, de nature lexicale, et éventuellement inférentielle à partir de la situation où ce noyau se voit appliqué. La seconde hypothèse soutient que la distinction entre les deux quantifieurs relève d'une prise en charge polairement différenciée du sous-ensemble dénoté : massifiante pour quelques et discrétisante pour plusieurs.The contrast between ‘quelques' and ‘plusieurs': a semantic and/or pragmatic analysis?
The quelques and plusieurs French quantifiers are re-visited, starting from the analyzing ofthe subsets inner organization. Two hypotheses underlie the demonstration. The quantifying process is ordered over two phases – a hard, lexical, kernel, and an inferential derivation. The second hypothesis supposes that the polarized contrast between quelques and plusieurs pertains to a differentiated take-over of the denoted subset : a massifying one (quelques) and a discretizing one (plusieurs). - De la complétude à l'intensité : totalement, entièrement et complètement - Véronique Lenepveu p. 95-109 Nous nous proposons d'analyser le fonctionnement sémantique des adverbes totalement, complètement et entièrement intégrés à la sous-classe des adverbes de complétude au sein des adverbes de manière quantifieurs chez Molinier & Levrier (2000). Nous étudions en particulier ces adverbes dans les constructions verbales transitives pour reconnaître, d'une part, un fonctionnement strictement quantitatif, qui respecte la contrainte de télicité (détruire totalement une ville / *regarder totalement le tableau), et nécessite une structure partie/tout pour le sujet ou l'objet du verbe et, d'autre part, un fonctionnement qualitatif qui n'est pas soumis à cette contrainte de télicité et produit éventuellement une intensification (avoir totalement raison). La comparaison entre les trois adverbes au moyen d'exemples attestés montre qu'à l'effet de sens intensif sont associées des exigences contextuelles spécifiques qui peuvent varier selon l'adverbe employé.From completion to intensity : ‘totalement', ‘entièrement' and ‘complètement'. This paper is an attempt to study, from a semantic point of view, the French adverbs withthe suffix – ment : totalement, complètement and entièrement. We describe the use of these “completion adverbs” (Molinier & Levrier 2000) in the direct transitive construction. We identify a quantitative value which impose a constraint of telicity (détruire totalement une ville / *regarder totalement le tableau). We also identify a qualitative use which doesn't impose such a constraint and eventually produces an intensive interpretation (avoir totalement raison). Through the analysis of real exemples, we then describe their typical context and discuss the respective uses of the three adverbs.
- Quelle intensité pour les adverbes en – ment dits intensifs ? - Laurence Rouanne p. 111-125 Nous procédons, dans une démarche contrastive, à l'analyse de trois sous-classes d'adverbes appartenant à la catégorie des adverbes en – ment qualifiés d'intensifs : ceux du type extrêmement ou considérablement, d'autres comme rudement ou drôlement, d'autres encore tels diablement ou bigrement. Nous démontrons, par le biais des divergences observées quant à l'origine de la valeur intensive et aux spécificités d'emploi des différents adverbes résultants, qu'il convient de ne pas réduire lesdites divergences à la seule étiquette de l'intensité et proposons une distinction entre marqueurs de degré et d'intensité, intrinsèques ou extrinsèques.What intensity to the so-called intensive ‘ – ment' adverbs ?
We shall study, through a comparative study, three sub-types of adverbs that belong to theso-called intensive “ – ment” adverbs : those of the extrêmement or considérablement type ; others such as rudement or drôlement ; and finally others such as diablement or bigrement. We shall illustrate, after looking at differences as far as the origin of the intensity and the particularities of use of the various adverbs are concerned, that we should not confine these differences to the single matter of intensity, and we propose that we should differentiate in terms of intrinsic and extrinsic markers of degree and intensity. - L'intensification des noms de propriété - Sunniva Whittaker p. 127-140 Cette contribution vise à établir dans quelle mesure les procédés d'intensification qui s'appliquent aux adjectifs peuvent aussi être mis en œuvre pour l'intensification des noms de propriété (NPr) – dont beaucoup sont dérivés d'adjectifs –, et à examiner les constructions d'intensification qui sont spécifiques à ce type de nom (en particulier les suites d'un NPr + intensificateur et intensificateur + de NPr). L'article cherche aussi à montrer qu'il y a une relation intéressante entre la fonction syntaxique remplie par un nom de propriété et les possibilités de l'intensifier. L'hypothèse qui est avancée est que les secondes dépendent de la première : moins saillante sera la position syntaxique du nom de propriété et plus grande sera la probabilité qu'il fasse l'objet d'une intensification.The intensification of property nouns
This article has a twofold aim : a comparison of how intensification is realized in property nounsand adjectives respectively, and an overview of intensifying constructions that are specific to property nouns (in particular the following two constructions : d'un NPr + intensifier and intensifier + de NPr). The article also aims to highlight the relationship between the syntactic function of a property noun and the likelihood of it being intensified. Our hypothesis is that property nouns are more likely to be intensified when they occupy positions with low syntactic saliency.