Contenu du sommaire : De la Révolution à l'Histoire
Revue | Archives de philosophie |
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Numéro | tome 80, no 1, janvier 2017 |
Titre du numéro | De la Révolution à l'Histoire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Editorial - p. 5-6
De la Révolution à l'Histoire
- De la Révolution à l'Histoire - Frédéric Brahami p. 7-12 La philosophie de l'histoire, qui appréhende la société sous la catégorie du temps, ne naît pas de rien. Elle suppose que la société constitue un ordre de réalité capable de s'arracher au règne immobile de la nature sans pourtant s'éparpiller en un chaos de destinées individuelles. Entre l'écueil de la nécessité et celui de l'arbitraire, elle articule difficilement rupture et continuité. La Révolution française, d'abord interprétée comme la rupture de la chaîne des temps, fut l'expérience fondatrice qui rendait urgente l'élaboration de la philosophie de l'histoire.The philosophy of history, which apprehends society as a category of time did not come out of nothing. It was grounded in the belief that society establishes an order of reality that escapes the immobility of natural rule without breaking up into a chaos of individual destinies. Striving to steer clear of the two pitfalls of necessity and arbitrariness, it reconciles the idea of breaking from the past with the idea of continuity. The French Revolution was first interpreted in terms of a disintegration of the chain of times, and as such it came to be seen as the founding experience which called for the emergence of the philosophy of history.
- Le Progrès comme catastrophe : La pensée contre-révolutionnaire face à la déhiscence de l'histoire - Jean-Yves Pranchère p. 13-32 La pensée contre-révolutionnaire a exercé une véritable « contrainte » sur la philosophie de l'histoire du xixe siècle. Elle a confronté les idéaux libéraux et démocratiques à leurs impensés en soulignant la nécessité de comprendre la société comme une réalité ayant sa consistance et ses structures propres. Mais, en formulant ainsi le programme d'une sociologie, elle s'est trouvée elle-même confrontée à l'obligation « dialectique » de penser le sens de l'événement révolutionnaire dans le tout de l'histoire : la déploration de la rupture de la trame du temps devait paradoxalement déboucher, soit dans l'espoir « progressiste » d'une refondation scientifique de la monarchie, soit dans l'attente messianique d'un nouveau régime du temps.The counter-revolutionary thought has exerted a constraint on the 19th century philosophy of history. It has forced liberal and democratic ideals to face up to their blind spots while stressing the need to understand society as a self-powered set of structures. Its sociological approach, however, was condemned to face up to the need for a dialectical interpretation of the meaning of the French Revolution in global history. The grievance against the tear of the web of time could not but overturn itself in a progressivist hope for a new enlightened monarchy, or in a messianic expectation of a new regime of time.
- Le « détournement » de la Révolution : Continuité historique et conflit social chez Saint-Simon - Stefania Ferrando p. 33-54 L'article pose le problème d'une tradition révolutionnaire, à savoir la transmission des idéaux d'égalité et de liberté ainsi que les pratiques démocratiques dans lesquelles ils s'articulent. On interroge la manière dont la sociologie française, dans son surgissement, a élaboré une telle problématique en altérant la perspective de la philosophie politique elle-même. L'article se concentre sur la théorie de l'histoire développée par Saint-Simon pour penser la Révolution dans sa signification sociale et pour comprendre la nature des blocages historiques qui entravaient la réorganisation de la société post-révolutionnaire. C'est notamment la conception saint-simonienne du conflit social qui est analysée dans ses rapports à un savoir proto-sociologique prétendant orienter la politique.The article focuses on the problem of a revolutionary tradition, namely the transmission of the ideals of equality and freedom and the transmission of the democratic practices articulating them. We analyse the way in which French sociology, at its beginning, elaborated this problem by transforming political philosophy itself. The article focuses on Saint-Simon theory of history developed to understand the Revolution social meaning and the nature of the historical blockages obstructing the reorganization of post-revolutionary society. Particularly, it examines the saint-simonian conception of social conflict and its relations to a proto-sociological knowledge claiming to orient politics.
- « Le Sphinx de la Révolution ». Pierre Leroux et la promesse révolutionnaire - Lucie Rey p. 55-74 Représentant d'un courant de philosophie sociale développé pendant le premier XIXe siècle français et devenu une zone d'ombre de l'histoire des idées, Pierre Leroux est un philosophe socialiste considéré par nombre de ses contemporains comme le Rousseau du XIXe siècle et pourtant très largement oublié aujourd'hui. Mais la redécouverte de ce mouvement philosophique a un rôle majeur à jouer dans notre compréhension du legs philosophique et politique de la modernité. Le passage par les textes de Leroux permet de rendre manifestes les conflits que suscite au XIXe siècle l'héritage de la Révolution et des Lumières, et d'en présenter une interprétation originale, fondée sur une philosophie de l'histoire continuiste, remettant en cause la lecture dominante de l'époque, qui fait de la Révolution une rupture brutale, voire un cataclysme historique.Representative of a barely unknown social philosophical stream of French first nineteenth century, Pierre Leroux is a socialist philosopher. Although he was considered by several contemporaries as the Rousseau of the nineteenth century, he has been forgotten by the history of philosophy. However, the rediscovery of this philosophical movement has a major part to play in our understanding of the political and philosophical heir of modernity. Reading Pierre Leroux permits to understand the conflicts inherited from the French Revolution and to discover an original interpretation of this historical event, based on a continuist philosophy of history. He thus questions the dominating comprehension of his time, which describes the Revolution as a brutal rupture, not to say a historical cataclysm.
- La philosophie de la nation chez Jules Michelet - Aurélien Aramini p. 75-97 L'étude de l'œuvre de Michelet révèle la présence de deux conceptions de la nation en apparence contradictoires. Élaborée dans l'Introduction à l'histoire universelle (1831), la première conception s'inscrit dans la perspective historique visant à mettre en lumière le long travail par lequel la France s'est faite elle-même. La seconde conception développée dans l'Histoire de la Révolution française (1847-1853) repose sur l'institution volontariste du peuple révolutionnaire. Cet article a pour objet d'examiner comment Michelet articule ces deux conceptions de la nation qui constituent les deux dimensions d'une même dynamique d'affirmation de l'identité nationale.This study of the works of Michelet reveals the presence of two apparently contradictory concepts of nation. Elaborated in the Introduction à l'histoire universelle (1831), the first concept sits within a historical perspective that illuminates the lengthy process of France's self-constitution. The second concept which he developed in the Histoire de la Révolution française (1847-1853) is based in the national self-determination of the revolutionaries. The purpose of this article is to examine how Michelet articulates these two concepts of nation as two complementary aspects of the process of constructing a national identity.
- Le dieu intérieur - Frédéric Brahami p. 99-118 Cet article suit les grandes étapes qui conduisent à la constitution d'une philosophie de l'histoire républicaine en France, en s'arrêtant sur l'œuvre de l'un de ses maîtres : Edgar Quinet. Les contre-révolutionnaires avaient revendiqué les droits de la société contre ceux du peuple, en affirmant que le tout social est irréductible au consensus des volontés individuelles. Aussi fallait-il montrer que la promesse révolutionnaire était elle-même inscrite au plus profond des aspirations sociales, ce qui impliquait une lecture sociologique de l'histoire, dont Guizot et Saint-Simon fournirent la trame. Et c'est contre cette interprétation « sociologique » de l'histoire que Quinet a cherché à réactiver la spiritualité moderne qui s'est manifestée avec la Révolution française, en posant la valeur sacrée de la personne.This paper maps out the main stages leading to the construction of a Republican philosophy of history in France by focusing on the works of one of its masters, Edgar Quinet. The counter-revolutionaries had championed the rights of society against those of the people, on the grounds that society was not reducible to a consensus of individual wills, which made it necessary to show that the revolutionary promise itself was embedded in the deepest social aspirations, and called for a sociological approach to history whose storyline was provided by Guizot and Saint-Simon. Quinet challenged this “sociological” interpretation of history and endeavoured to revive a modern form of spirituality that emerged during the French Revolution by positing the sacred value of the individual.
- Bacon, Hobbes : Les angles morts de la philosophie politique - Philippe Crignon p. 119-139 Le silence de Hobbes à l'endroit de Bacon est particulièrement étonnant, mais il fait écho au silence tout aussi énigmatique de Bacon à l'endroit de la science civile. Il se joue là tout autre chose qu'un désintérêt ou une occultation insignifiante. La thèse que nous défendons est que ces deux silences sont liés et qu'ils sont motivés par la manière respective dont les deux auteurs rapportent la philosophie à la politique. L'un comme l'autre, mais de deux manières différentes, découvrent l'impossibilité de neutraliser et de normaliser la philosophie politique. Ils révèlent ce faisant l'incroyable tension qui soude et oppose en même temps la philosophie et la politique.Hobbes's silence about Bacon is assuredly strange, but it “echoes” the no less astonishing silence of Bacon himself about civil science. What is at stake, here, goes far beyond a mere disinterest for Bacon or for political science. Our claim, in this paper, is that these two silences are linked and grounded in the different ways Bacon and Hobbes construe how philosophy relates to politics. Both of them, although from divergent perspectives, face the impossibility to neutralise and normalise political philosophy. Thereby, they shed light on the extraordinary tension which unites and opposes at the same time philosophy and politics.
- De la Révolution à l'Histoire - Frédéric Brahami p. 7-12
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 141-144
- Bibliographie - p. 145-146
Bulletin cartésien XLVI
- Bulletin cartésien XLVI - p. 147-224