Contenu du sommaire
Revue | Etudes anglaises |
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Numéro | vol. 69, no 3, juillet-septembre 2016 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Decontextualizing Caryl Phillips's Crossing the River - Kerry-Jane Wallart p. 259-277 Si l'on peut être tentée de voir dans les arrière-plans historiques de Crossing the River la patente manifestation d'une « réécriture » postcoloniale revenant non sans rancune sur des siècles d'esclavage trans-atlantique, les aspérités du dispositif narratif et les renoncements discrets à tout réalisme limitent une telle lecture. La référentialité sait se faire évasive dans un roman dont la continuité est mise en déroute dès ce prologue que l'on lit trop souvent comme la garantie d'un sens, voire d'une rédemption. Les conditions d'existence du roman historique, ou engagé, se voient révoquées par la dissémination des points de vue. La lectrice se retrouve prise dans d'inattendus réseaux herméneutiques, dont le présent article isole deux cas : celui des connexions par-delà toute contextualisation historique, connexions reliant des moments d'oppression transcendant la question raciale ; celui d'une dérive onomastique. J'identifie cette dernière comme le point culminant et paradoxal de la construction du roman.While the historical contexts taken up in Crossing the River could be seen as a distinct form of postcolonial “writing back” at centuries of trans-Atlantic slavery, the asperities in the structural device and the subtle anti-realistic stance obfuscate such reading. The novel's literalness can be elusive, its continuity immediately fractured by a prologue too often read as explanatory or even redemptive. The conventions of the historical novel, or of the committed novel, are thrown off balance by a dissemination of perspectives. The reader finds herself caught in unconventional hermeneutic webs, which the present article outlines: the connections transgressing historical contextualisation and linking various states of oppression beyond the racial question; the onomastic drifting, which I see as the paradoxical climax of construction in the novel.
- L'accent mis ailleurs : My Ántonia, de Willa Cather - Nathalie Cochoy p. 278-288 « Roman de la terre », My Ántonia concourt à réinventer le réalisme américain : écrire la terre consiste moins à la cadastrer, à l'encadrer, à relever les traces de ses mutations, qu'à instaurer une coïncidence entre la matière malléable des mots et les transformations du monde sensible. Dans ce roman en effet, Cather sollicite la structure et la substance du discours afin de donner à ressentir la présence de la terre américaine. Le sens du roman ne se trouve pas du côté des enchaînements d'actions qui entraînent le narrateur vers le succès social ou des événements du progrès qui métamorphosent la wilderness en territoire balisé, mais du côté des moments d'intensité, des « coexistences sensibles » où les choses ordinaires revêtent soudain un sens inédit et radieux.As a “novel of the soil,” Willa Cather's My Ántonia succeeds in reinventing American realism: writing the land does not so much mean mapping, framing or recording the traces of its transformations, as creating some coincidence between the malleable texture of discourse and the constant movements of the earth. In this novel, Cather addresses the structure and the substance of discourse in order to make the reader feel the presence of the American land. The sense of the novel is not situated in the succession of actions that lead the narrator to social success or in the achievements of progress transforming the wilderness into some chartered territory, but in the moments of intensity, of coexistences, when ordinary things are suddenly endowed with some unexpected, radiant meaning.
- Of Mirrors, Paintings and Windows: Spectatorship in Ang Lee's Sense and Sensibility (1995) - Jean-François Baillon p. 289-300 Le présent article se penche sur l'utilisation des dispositifs de cadrage (miroirs, tableaux, fenêtres) utilisés par Ang Lee dans son adaptation cinématographique du roman de Jane Austen Sense and Sensibility (tirée du scénario d'Emma Thompson). Il examine la façon dont ces dispositifs mettent en avant l'implication des spectateurs dans la réception du film. La thèse soutenue est que l'entorse aux conventions du film patrimonial que cela suppose attire notre attention sur la réception genrée de cette catégorie de films tout en déplaçant ces conventions. En insistant sur l'identité féminine des spectatrices et en atténuant la virilité de certaines figures masculines (Edward et Brandon principalement), les stratégies de cadrage invitent à une réflexion sur la portée culturelle des conventions génériques.This article focuses on Ang Lee's use of framing devices—mirrors, paintings and windows—within his cinematic adaptation of Jane Austen's Sense and Sensibility (based on Emma Thompson's script) to examine in what way they foreground the audience's implication in the reception of the film. It is argued that the twist on the conventions of the heritage film this entails draws our attention to the gendered reception of that category of films even as it displaces these conventions. By focusing on female spectatorship and by deflating the virility of some masculine figures in the film (mostly Edward and Brandon), the framing strategies invite a reflection on the cultural implications of generic conventions.
- Reassessing a Turbulent Decade: the Historiography of 1970s Britain in Crisis - Stéphane Porion p. 301-320 Ce n'est que récemment que les années 1970 ont suscité un regain d'intérêt pour les historiens. Par le prisme de la crise financière mondiale qui débuta en 2008, ces derniers se sont penchés de nouveau sur cette décennie, mettant en perspective les concepts de « crise », « déclin » (relatif ou absolu), « échec » des politiques gouvernementales à résorber la crise politico-économique et « déclinisme ». Afin de comprendre l'évolution des débats historiographiques sur la représentation d'une Grande-Bretagne en proie à la crise et au déclin, cet article reviendra sur les clichés et la mémoire populaire des années 1970. Il s'interrogera notamment sur la pertinence d'une analyse de cette décennie comme période à part entière de l'histoire britannique, et sur l'idée de continuité avec les années 1960. L'historiographie de la crise en Grande-Bretagne a été influencée par l'évolution des analyses des années Heath (1970-1974) d'une part, et des gouvernements Wilson et Callaghan (1974-1979) de l'autre. Enfin, avec le trentième anniversaire de l'Hiver du Mécontentement en 2009, on a assisté à un foisonnement de relectures de cette séquence politico-économique, qui ont amené les historiens à repenser leurs analyses de toute la décennie, grâce à l'accessibilité des sources dans les archives.Historians have only recently regained interest in the 1970s. Since the global financial crisis broke out in 2008, they have studied the 1970s again in order to set into perspective key concepts relating to this decade, such as those of “crisis,” “decline” (relative or absolute), the “failures” of governments to handle the economic and political crisis, and “declinism.” In order to grasp the historiographical rebirth of 1970s Britain in crisis, this article aims to shed light on clichés and the popular memory of events. It will question whether this decade is to be seen as a continuation of the Swinging Sixties, or a unitary political and economic sequence of its own. The historiography of the 1970s has depended on the evolution of analyses of various political sub-sequences, such as the Heath years, or the Wilson-Callaghan ones. The Winter of Discontent also attracted much attention from historians, and sometimes at the expense of comprehensive analyses of the decade as a whole. From 2009 onwards, marking both the thirtieth anniversary of the Winter of Discontent and the end of this turbulent decade, there has been a major renewal of historical interest in the 1970s, as primary sources and archives have all become available to historians and political scientists.
- Crossing the River: A Conversation with Caryl Phillips - Vanessa Guignery p. 321-333 This interview took place on 27 September 2016 at Yale University and the École Normale Supérieure de Lyon and is for the most part devoted to Caryl Phillips's fifth novel Crossing the River (1993).1
- Decontextualizing Caryl Phillips's Crossing the River - Kerry-Jane Wallart p. 259-277
Varia
- From Evelyn's Practical Knowledge on Trees to Marianne's “Passion for Dead Leaves” in Jane Austen's Sense and Sensibility: The Evolution of the Perception and Appreciation of Trees in England in the Long Eighteenth Century - Emmanuelle Peraldo p. 334-359 La terrible tempête de 1703 a considérablement modifié le paysage anglais en 1703-1704, détruisant bon nombre d'arbres et d'édifices, et causant de nombreuses pertes humaines. Cette catastrophe a également eu un fort impact sur plusieurs auteurs qui ont réagi à l'événement et à ses conséquences, notamment en soulignant la nécessité de protéger et replanter les arbres. On constate au cours du siècle une évolution du regard porté sur les arbres : on passe ainsi de celui de l'observateur scientifique mandaté par la Royal Society (Evelyn) ou du journaliste qui observe les dégâts causés par la tempête (Defoe), à celui, précis, du naturaliste qui allie observation scientifique et point de vue esthétique (White), et enfin à celui de la romancière qui écrit comme on peint un paysage (Austen). Les arbres, décimés lors de la tempête, ont peu à peu envahi les écrits du XVIIIe siècle, au cours duquel on assiste à une évolution épistémologique et à une mutation des sensibilités par rapport à la Nature. Ainsi, une forme de sensibilité écologique apparaît sous la plume de certains auteurs, avant que l'arbre ne devienne le motif privilégié des Romantiques, des peintres pittoresques ou de la littérature de la sensibilité. Le but de cet article est de comprendre l'évolution du couvert forestier dans le long XVIIIe siècle (1660-1820), mais aussi de voir comment la perception des arbres a évolué au cours de la période dans leurs représentations : doit-on nécessairement séparer l'intérêt scientifique pour les arbres et la sensibilité pré-romantique dans la représentation de l'arbre au XVIIIe siècle ?The dreadful storm of 1703 had a dramatic impact on the English landscape in 1703-1704, as it destroyed numerous trees, buildings and lives. This catastrophe also strongly impacted several authors who reacted to the event and its effects, underlining the necessity to protect trees or plant new ones. As the century went by, the perception of trees evolved from that of the scientific observer sent by the Royal Society (Evelyn) or that of the journalist accounting for the damage caused by the storm (Defoe), to the analytical perspective of the naturalist who blends scientific observation and an aesthetic point of view (White) or that of the novelist who writes as one paints a landscape (Austen). Trees, which had been decimated in the storm, progressively invaded the writings of the eighteenth century, which underwent an epistemological evolution as well as a mutation of sensibilities towards Nature. Thus, a form of ecological sensibility appeared in certain texts and the tree became the privileged motif of the Romantics, the painters of the Picturesque or the literature of sensibility. The aim of this article is to understand the evolution of the forest cover in the long eighteenth century (1660-1820), but also to see how the perception and representations of trees evolved through the period: do we have to separate the scientific interest in trees at the time from the preromantic sensibility present in the representation of trees in the eighteenth century?
- A Selective Bibliography on the British Contemporary Novel (2008-2016) - Vanessa Guignery p. 360-369
- From Evelyn's Practical Knowledge on Trees to Marianne's “Passion for Dead Leaves” in Jane Austen's Sense and Sensibility: The Evolution of the Perception and Appreciation of Trees in England in the Long Eighteenth Century - Emmanuelle Peraldo p. 334-359
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 370-382