Contenu du sommaire : Fêtes sous influences

Revue Psychotropes : Revue internationale des toxicomanies et des addictions Mir@bel
Numéro vol. 9, 2003/3
Titre du numéro Fêtes sous influences
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Editorial - François Beck, Stéphane Legleye p. 5-9 accès libre
  • Sociabilités, styles musicaux et usages de substances psychoactives à 18 ans - Stéphane Legleye, François Beck p. 11-35 accès libre avec résumé
    Aujourd'hui, les niveaux d'usage de substances psychoactives en population générale sont relativement bien documentés, notamment chez les jeunes. L'enquête annuelle ESCAPAD, qui interroge plus de 15000 jeunes de 17 à 19 ans en métropole et dans les DOM fournit en 2001 un éclairage assez précis sur la sociabilité amicale (soirées dans les bars, au restaurant, chez des amis, conversations téléphoniques, etc.) et les sorties dans des concerts de différents styles musicaux (rock, reggae, rap, techno, etc.) en isolant des profils de sociabilités comme des profils de préférences musicales. Il est ainsi possible de mettre en évidence les liens spécifiques qui existent entre ces profils de sociabilités et certains usages de substances psychoactives en les différenciant quantitativement et qualitativement. Garçons et filles se distinguent nettement par leurs styles de concerts et par leurs comportements de consommation. La discothèque est le lieu de sortie musicale le plus commun, et sa fréquentation est associée à des ivresses plus fréquentes. L'ivresse alcoolique est également plus fréquente parmi ceux qui sortent en concert reggae, en fête techno ou en concert rock. En revanche elle est moins commune parmi les amateurs de concerts rap, ou d'autres musiques. La proportion d'usagers réguliers de cannabis est plus importante parmi les adeptes des concerts reggae, tandis que l'usage d'ecstasy est plus répandu parmi les jeunes qui sortent souvent en fête techno, et dans une moindre mesure, dans des concerts de reggae. Bien qu'ils les consomment plus souvent que les jeunes qui ne sortent que très peu, les amateurs de rock s'avèrent être des consommateurs plus modérés de ces substances.
  • Stairway to heaven : Les consommations d'alcool et de cannabis dans les concerts de rock métal - Sylvain Aquatias p. 37-55 accès libre avec résumé
    La description du public des concerts rock de métal et des consommations de cannabis et d'alcool montre plusieurs types de spectateurs, dont la consommation et la fréquentation des concerts varient fortement selon la plus ou moins grande insertion qu'ils ont dans ce milieu. Les consommations varient aussi selon la place du concert dans la semaine et sa durée et selon la renommée du groupe. Ces différences de consommations sont interprétées comme des moyens de créer de la rupture par rapport à la quotidienneté des jeunes. La nécessité de maîtrise de soi que la société impulse trouve sa contrepartie dans des instances de décontrôle émotionnel. Les concerts de métal en sont une expression, qui réclame parfois l'addition de produits psychoactifs tels que l'alcool et le cannabis pour produire la sortie du contrôle de soi.
  • Les usages de l'héroïne en France chez les consommateurs initiés à partir de 1996 : La contribution d'une étude qualitative exploratoire menée en 2002 - Catherine Reynaud-Maurupt, Céline Verchère, Abdalla Toufik, Pierre-Yves Bello p. 57-77 accès libre avec résumé
    Les usages de l'héroïne ont connu des bouleversements en France depuis la mise sur le marché des traitements de substitution en 1996. Ce constat a conduit à mettre en place une étude qualitative exploratoire auprès de consommateurs d'héroïne récents. Elle s'appuie sur l'analyse de quarante entretiens semi-directifs auprès d'usagers d'héroïne initiés à partir de 1996 et ayant moins de trente ans lors de cette première prise. L'héroïne est principalement utilisée comme une «solution» pour «le lendemain » d'une consommation festive de substances stimulantes ou hallucinogènes. Des usages occasionnels même réguliers peuvent être recensés, mais la majorité des personnes rencontrées a finalement perdu le contrôle de sa fréquence d'usage de l'héroïne. Les pratiques et les représentations qui ont cours dans l'espace festif techno apparaissent comme un vecteur de banalisation de l'usage d'héroïne mais les scènes ouvertes ne constituent pas un contexte propice à la consommation, car les pratiques de l'héroïne y sont mal acceptées. Cette étude permet de poser des hypothèses raisonnées sur l'évolution des usages de l'héroïne depuis 1996, et sur l'identification des facteurs sociaux et subjectifs qui favorisent sa consommation.
  • L'usage de psychotropes en free-party : désordre ou critique ? - Emmanuelle Hoareau p. 79-94 accès libre avec résumé
    Cette recherche repose sur mon expérience personnelle des free-partys : ce qui m'intriguait était l'aspect répété de la pratique des états de conscience modifiés dans un espace-temps ritualisé, bien qu'étant stigmatisée car induisant des modifications physiologiques et psychologiques plus ou moins importantes et réversibles chez les individus. Le problème était de savoir si les free-partys, en rassemblant plusieurs centaines ou milliers de personnes autour de l'accès à un état modifié de conscience, favorisent l'adoption d'un mode de consommation régulier, voire exponentiel de substances psychotropes, hors de tout contrôle social et policier. Or, dans le discours des teufers, la pratique de modification de l'état de conscience est surtout une composante de la fête, et non un but en soi. La pratique prend sens par rapport à l'éventualité des risques elle même: ses significations sociales se distribuent sur deux axes socio-anthropologiques, le rite ordalique et le rite initiatique.
  • Articles

    • La drogue dans la fête : Un point d'interrogation aux politiques sanitaires - Thierry Trilles, Barbara Thiandoum p. 95-103 accès libre avec résumé
      La Fête introduit dans nos sociétés un lien culturel qui est à la fois un espace de transgression et de régulation sociales. Elle incite l'individu à un dépassement de soi, à une rupture du quotidien. Cette rupture se traduit par l'abus. Un des abus spécifiques de la fête est, bien entendu, celui de la drogue. Dans ce contexte, la prise de drogue acquiert un sens symbolique en s'intégrant dans un cadre rituel, en créant du lien social entre les membres qui y participent et en facilitant le passage du Je au Nous. Les raves-party développent quant à elles des consommations spécifiques à ce mode culturel qui viennent interroger les représentations de la drogue, qui conduisent les politiques de soins en direction des toxicomanes à se redéfinir et qui enfin, questionnent l'orientation biopolitique de la société. L'usage social de stupéfiants au sein des fêtes techno vient directement heurter les figures de l'illégalité de la drogue.
    • Fréquentation des fêtes techno et consommation de produits psychoactifs : L'apport d'une enquête ethnographique quantitative - Charly Barbero, François Beck, Renaud Vischi p. 105-133 accès libre avec résumé
      – L'espace festif techno entre actuellement dans une phase de transformation rapide consécutivement à l'application d'un dispositif légal visant à réglementer l'ensemble de ses manifestations. L'association Médecins du Monde (MDM) a réalisé, entre août1998 et janvier 1999, une enquête par questionnaires dans huit régions de France dans le cadre des Missions Rave, recherche-action liée à des démarches sanitaires et préventives menées en environnement festif techno. Première enquête quantitative réalisée en France sur le milieu festif techno, elle porte sur 949 participants à différents types de fête. Le traitement des données liées à ces questionnaires informe sur les dynamiques de différenciation ayant cours au sein de l'espace festif techno dans la période précédant ødiatement la mise en place d'une politique répressive. Qu'il s'agisse des représentations sociales des participants interrogés ou de leurs usages de drogues, une distinction nette sépare les manifestations officielles (rave payante/club) des manifestations clandestines (free party/teknival). Cette distinction qui apparaît de manière évidente au niveau statistique, répond à une histoire et à un processus d'évolution des configurations festives. Elle éclaire sur les enjeux endogènes au mouvement techno et constitue un précédent utile pour comprendre les logiques de transformations actuelles et à venir.
    • Réflexion sur le milieu festif et clandestin des « raves-parties », au travers de deux populations caractéristiques en France et à Détroit, aux États-Unis - Emmanuelle Mollet p. 135-151 accès libre avec résumé
      Cette étude explore le rapport de l'individu toxicomane avec la notion de mort, dans un cadre particulier et défini par le mouvement techno, celui des rave-parties clandestines. Reliant le phénomène français avec le phénomène américain, cette étude est une réflexion comparative entre les deux mouvements, qui se recoupent au travers de divers aspects et de comportements toxicomaniaques similaires. La problématique s'est construite petit à petit, au travers de l'expérience acquise lors de sorties avec l'équipe de la Mission Rave de Médecins du Monde en France, et lors de raves à Détroit aux États-Unis. Une polyconsommation abusive et répétée tout au long de la nuit peut être constatée chez certains ravers dans des conditions parfois extrêmes et peu sanitaires. Les substances les plus consommées dans le cadre de ces soirées, après l'alcool, le cannabis et le tabac, sont des drogues de synthèse puissantes. Aussi, quelles sont les conditions de prévention ou de réduction des risques appliquées sur le terrain, notamment aux États-Unis? Qu'est-ce qui amène ces jeunes à faire parti de ce mouvement techno clandestin et agitateur ? Cette recherche clinique tentera d'évaluer l'évidence ou l'absence de modalités subjectives à la relation de mort et au risque, dans un protocole de sujets présentant une addiction1 aux substances psychoactives : seront ainsi observées les possibles interactions entre le vécu et les conduites addictives de ces jeunes dans deux groupes comparatifs de sujets, en France et à Détroit.
    • La culture du « clubbing » globale et locale : Une comparaison de la scène culturelle des drogues dans les clubs en Estonie et en Finlande - Mikko Salasuo, Airi-Alina Allaste p. 153-162 accès libre avec résumé
      L'usage récréatif de drogues dans le contexte de la culture «club» a pris une place prépondérante au sein de la jeunesse européenne au cours de la dernière décennie. Notre enquête porte sur les caractéristiques les plus prégnantes du clubbing et de l'usage de drogues en Estonie et en Finlande. Ces deux pays, géographiquement proches l'un de l'autre, ont des héritages culturels assez semblables. Néanmoins, il y a des différences majeures entre ces deux sociétés, dans la mesure où l'Estonie a été gouvernée par le régime Soviétique jusqu'en 1991, tandis que la Finlande était une société occidentale indépendante. Dans les deux pays, la culture «club» a suivi des dynamiques semblables, avec une nature très ésotérique et une sphère culturelle élitiste jusqu'à la fin des années 1990, mais son influence sur l'usage de drogues illicites a été, d'une certaine façon, différente. Nous avons examiné la diffusion et les différences de la culture «club» en Estonie et en Finlande en distinguant trois phases : la période ésotérique de 1990 à 1994, la période clandestine ou underground de 1995 à 1997, et une période dominante ou mainstream, de 1998 à aujourd'hui.
    • Sorties en discothèques et usage de substances psychoactives : Exploitation d'une enquête représentative menée auprès des lycéens - Gaël De Peretti, François Beck, Stéphane Legleye p. 163-184 accès libre avec résumé
      La description du lien entre les sorties et l'usage de produits psychoactifs a fait l'objet de nombreuses études, mais rarement dans le cadre d'enquêtes en population générale. Le présent article s'attache à étudier ce lien dans une population de lycéens de 15 à 19 ans. Il confirme l'existence d'une corrélation positive entre la fréquence des sorties en discothèques et le niveau d'usage et ce quels que soient l'âge, le sexe et le produit consommé. Il montre en particulier que cette corrélation n'est pas le fait d'autres variables de type socio-démographique ou de loisir et que le fait de sortir fréquemment (plus d'une fois par mois) en discothèque multiplie environ par deux la probabilité d'être un consommateur régulier de tabac, d'alcool et de drogues par rapport à une personne qui n'y va pas ou seulement rarement, le cannabis étant la seule exception notable. Enfin, il souligne l'importance de la mise en place de politiques préventives au sein des discothèques. En effet, non seulement la discothèque est le lieu privilégié des ivresses des adolescents mais de plus, un quart des personnes qui ont conduit lors de leur dernière sortie et qui sortent régulièrement en discothèque ont déclaré avoir bu plus de cinq verres d'alcool au cours de la soirée.
    • De « Bedrogen » à « Partywise » : Des campagnes de sensibilisation pour la prévention des drogues dans la vie nocturne belge - Wouter Devriendt, Tom Evenepoel p. 185-194 accès libre avec résumé
      Dans plus de 30% des 10000 appels passés à «DrugLijn» (la ligne d'assistance téléphonique flamande en matière de drogues) les questions posées ont trait aux «party drugs». La méconnaissance des appelants à propos de l'ecstasy et des «party drugs» est parfois confondante. C'est à la suite de deux décès liés à l'usage de PMA, au cours de l'été 2001 en Belgique, que fut créée notre ligne d'assistance pour lancer une campagne d'information. Cette campagne de promotion de santé de la vie nocturne fut la première du genre en Flandre. Elle a été initiée en étroite collaboration avec les professionnels présents sur la scène «dance», avec lesquels nous avions noué des contacts les années précédentes. Le point de départ fut notre reconnaissance réciproque du phénomène «dance» comme style de vie positif et créatif pour une génération entière de jeunes, évoluant loin des frontières de l'industrie de la nuit. Les buts premiers étaient de sensibiliser et d'informer. «Tu ne sais pas toujours ce que tu prends» et «Informez-vous !» furent les principaux messages de cette campagne. L'information sur les «party drugs» et la réduction des méfaits y furent incluses, ainsi que le numéro de téléphone de «DrugLijn» pour un soutien individuel et de l'information. «DrugLijn» opta pour une stratégie de va et vient. La stratégie consiste à faire de la publicité dans les principaux magazines de «danse» et à distribuer des affiches, des autocollants et des dépliants dans les réseaux des médias consacrés à la vie nocturne. La stratégie consista, elle, à susciter l'intérêt des acteurs impliqués et à les inciter à prendre des mesures concrètes au plan local. Un mailing destiné au night club et au propriétaire de boutiques du circuit, de clubs et aux acteurs de prévention les invitant à commander du matériel de prévention concernant les «party drugs» leur fut adressé. 50% d'entre eux répondirent favorablement. La stratégie «pull» consistait également à trouver des partenaires pour s'impliquer dans une politique de prévention à long terme. Il en a résulté jusque-là des collaborations fructueuses, parmi lesquelles figure «I Love techno», le plus grand festival techno à l'intérieur de l'Europe.
    • L'influence du groupe des pairs sur les usages de drogues - Karl Bohrn, Regina Fenk p. 195-202 accès libre avec résumé
      Une étude conduite par le réseau IREFREA dans 10 villes européennes fournit des données quantitatives et qualitatives sur différents aspects de l'usage de drogue en Europe. Cet article illustre quelques aspects de la consommation et s'attache notamment à décrire l'influence des groupes de pairs sur les usages récréatifs. Il montre que les consommateurs de drogue (licite ou illicite) ont tous beaucoup plus d'usagers parmi leurs amis que les non consommateurs. Inversement, les non consommateurs comptent très peu d'usagers parmi leurs amis, et lorsque c'est le cas, il ne s'agit que d'usagers de cannabis. Même s'ils sortent dans les mêmes endroits pour se divertir, consommateurs et non consommateurs paraissent former deux groupes séparés : interrogés à ce propos, les jeunes de l'enquête avancent notamment comme argument que les individus adaptent leur comportement aux normes du groupe auquel ils appartiennent, et qu'il est plus facile de communiquer avec des personnes qui consomment la même substance. Le comportement des consommateurs semble difficile à comprendre par les non consommateurs, voire leur semble étranger.
    • Exploratoire de l'usage des drogues dans les bars - Karen Trocki, Laurence Michalak, Patricia Mc Daniel p. 203-211 accès libre avec résumé
      L'objectif de cet article est d'explorer les caractéristiques des bars où on observe l'usage de drogues en comparaison avec celles des bars où cet usage n'est pas observé. L'étude a été effectuée en combinant des techniques qualitatives et quantitatives et les données étaient collectées à partir d'observations et d'entretiens. Parmi les principaux indicateurs de cette étude on peut citer les types d'activités (la danse en particulier) et le niveau de tapage constaté dans les bars. En outre, l'usage des drogues s'est avéré plus fréquent que d'autres types d'infraction à la loi. Les caractéristiques des clients (plus d'hommes) et les types de comportements (courir plus de risques en matière de sexualité) ont aussi distingué ces bars.