Contenu du sommaire
Revue | Travail et emploi |
---|---|
Numéro | no 146, avril-juin 2016 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Discrimination syndicale et formes d'anti-syndicalisme dans le monde : Repères internationaux et parcours de lecture - Thomas Amossé, Jean-Michel Denis p. 5-16
- Des syndicalistes britanniques toujours blacklistés ! : L'anti-syndicalisme patronal au Royaume-Uni - Steve Jefferys p. 17-49 Au Royaume-Uni, les employeurs ont globalement toujours préféré éviter d'avoir des syndicats dans l'entreprise. Ils ont ainsi établi des listes noires – ou blacklists – de militants qu'ils déconseillaient de recruter aux autres entreprises de la région, contraignant les militants victimes de ces pratiques à changer de ville ou de métier pour trouver un emploi. Pendant plus d'un siècle, des années 1860 aux années 1970, la discrimination syndicale n'a cependant pas été la stratégie dominante du patronat britannique. De nombreuses grandes ou moyennes entreprises toléraient les syndicalistes, allant même jusqu'à coopérer avec eux. Elles cherchaient ainsi à garantir la paix sociale, voyant dans les syndicats le moyen d'obliger les concurrents qui arrivaient dans leur secteur d'activité à en respecter les règles. Ce n'est que sous l'effet du ralentissement économique qui s'est amorcé dans les années 1970 et de l'hégémonie d'un néolibéralisme favorisé ensuite par l'intensification de la concurrence mondiale que la discrimination syndicale est devenue plus systématique. Elle prend des formes directes, qui consistent à éviter l'implantation d'un syndicat, à pénaliser ou à harceler les syndicalistes ; elle est aussi particulièrement répandue sous ses formes indirectes, qui visent à marginaliser les syndicats ou à durcir les conditions légales de leur installation ou de leur action. Alors qu'il était autrefois l'apanage de l'Economic League puis de la Consulting Association – qui, à la suite de la première, a continué de gérer une liste noire dans le secteur de la construction –, l'anti-syndicalisme britannique est devenu une forme sophistiquée et pragmatique de gestion des ressources humaines, dans un contexte où le cadre juridique qui règle désormais les rapports de travail est très favorable à la discrimination à l'encontre de la représentation et de l'action syndicales.
Trade union discrimination in the UK takes both direct and indirect forms. British employers, especially family-owned firms, have always preferred trade union-free workplaces. When they had the opportunity they would deny trade unionists jobs, or dismiss them if “their” employees joined a union and actively promoted collective worker opposition. Often they maintained blacklists of militants whom they advised other local employers not to recruit. Victimised activists were often forced to change town or occupation to get work. But for over a hundred years, from the 1860s to the 1970s, trade union discrimination was not the dominant employer strategy. Many medium and large-sized British-owned firms tolerated and cooperated with trade unionists. They did so to secure industrial peace, and because they wanted the unions to discipline incoming competitors to their industries. Since the economic slowdown from the 1970s and the hegemony of economic neo-liberalism in a context of higher intensity global competition, trade union discrimination has become more systematic. It includes the direct forms of avoidance and victimisation, but is particularly significant in its indirect forms of marginalisation and legal restraint. Organised ideological anti-unionism was once the preserve of the ideological Economic League and its construction industry blacklisting progeny, The Consulting Association. In 21st century UK anti-unionism now become a staple part of more sophisticated pragmatic human resource management within an industrial relations legal framework that discriminates strongly against trade union representation and action. - Employeurs et anti-syndicalisme au Canada : Une étude juridique des stratégies mobilisées - Mélanie Laroche, Marie-Ève Bernier p. 51-74 Cet article traite de l'anti-syndicalisme patronal et propose une analyse de la jurisprudence issue des cas entendus par les commissions des relations du travail de deux provinces canadiennes, le Québec et l'Ontario. Plus spécifiquement, notre analyse porte sur 145 décisions dans lesquelles il a été reconnu par les tribunaux compétents que les employeurs avaient eu recours à une ou plusieurs stratégies anti-syndicales ayant des effets discriminatoires. Nos résultats mettent en évidence la large palette des tactiques utilisées par les employeurs pour combattre la syndicalisation au travail, et ce, lors des différentes étapes de la vie d'un syndicat au sein d'une entreprise. Ils montrent une nette préférence pour les stratégies les plus agressives, celles qui visent la suppression pure et simple des syndicats. Ils attestent enfin que les pratiques de discrimination syndicale ciblent le plus souvent un seul salarié, mais peuvent aussi parfois viser un groupe, voire l'ensemble des salariés.
This article focuses on union busting and provides an analysis of the jurisprudence of the cases heard by the labour relations boards of two Canadian provinces, Quebec and Ontario. More specifically, our analysis includes 145 cases in which it has been recognized by the competent courts that employers had used one or more anti-union strategies that can have a discriminatory effect. Our results show that employers have used many tactics to fight unionization in the workplace at different times of a union's life within a given company. They also show a clear preference for more aggressive strategies relating to the elimination of trade unions. Finally, they show that union discrimination practices often target only one employee, but in some cases, also a group or even all of the employees. - Répression syndicale et « syndicalisme maison » en Espagne : Une analyse socio-historique du secteur du commerce - Enrique Martín-Criado, Pilar Carvajal-Soria p. 75-100 La répression syndicale et les syndicats maison sont très répandus dans les grandes surfaces commerciales en Espagne. Leur objectif est d'assurer un fort contrôle de l'entreprise sur les travailleurs. Deux éléments sont essentiels pour comprendre le rôle de ces syndicats. En premier lieu, l'organisation du travail est fondée sur un système autoritaire de dons et contre-dons : la plupart des améliorations de conditions de travail sont présentées par la direction comme des contre-dons discrétionnaires en échange de la soumission et de la disponibilité des employés. La faible codification des situations de travail permet de sanctionner les employés proches des syndicats qui sont opposés à la direction, ce qui assure l'hégémonie des syndicats maison. En second lieu, les luttes autour des horaires – principal enjeu du contrôle de la force de travail dans les grandes surfaces commerciales – sont centrales pour comprendre l'implantation et l'activité de ces syndicats, qui ont réussi à imposer une forte flexibilisation du temps de travail dans les conventions collectives.
Union busting and company unions are common among big retailers in Spain. Their objective is to assure a strong control of the labour force. Two elements are central to understand the role of company unions in these enterprises. In the first place, the organization of work, based upon an “authoritarian system of gift to gift” : the direction presents most of the working conditions improvements as discretional gifts in exchange of the workers' submission and availability. This weak codification of working conditions is used to punish the workers who approach the “wrong” trade unions and to support the company unions. In the second place, the importance of workers' schedules
–which is the main concern in the control of the labour force in big retail : company unions have allowed a strong flexibilization of schedules in the collective bargaining. - Discrimination syndicale en Turquie : L'action syndicale dans un régime semi-autoritaire - Isil Erdinç p. 101-123 Consacré à la période de gouvernement du Parti de la justice et du développement (Adalet ve Kalkınma Partisi, AKP) au pouvoir en Turquie depuis 2002, notre article étudie les pratiques discriminatoires anti-syndicales et les stratégies de résistance qui leur répondent. Il s'interroge sur la pérennisation de la discrimination syndicale, alors même que les réformes juridiques entreprises pour se conformer aux exigences européennes dans le cadre du processus d'adhésion à l'Union semblaient mettre le pays sur la voie de la démocratisation. À partir d'une enquête menée entre 2011 et 2015, consistant notamment en des observations ethnographiques dans les syndicats doublées d'une centaine d'entretiens semi-directifs auprès de dirigeants et permanents syndicaux, notre article analyse dans une première partie trois stratégies principales de discrimination syndicale mises en œuvre par le gouvernement, les employeurs et certains syndicats. Dans une seconde partie, il montre comment les syndicats luttent contre la discrimination, en s'appuyant sur des études de cas dans deux secteurs d'activité majeurs de l'économique turque : la métallurgie et les activités portuaires (construction navale et transport).
This article aims to study discrimination and resistance strategies against union discrimination in Turkey. The article focuses on the period of the government of the Justice and Development Party (Adalet ve Kalkınma Partisi, AKP) since 2002. It questions the persistence of discriminatory anti-union practices despite the legal reforms Turkey undertook in order to join the European Union that seemed to put it on the way to democratization. It is built on a survey conducted between 2011 and 2015 and is based on ethnographic observations in trade unions coupled with a hundred semi-directive interviews with union leaders and permanents. First, it analyses three main strategies implemented by the government, by the employers and some unions. The second part shows how unions fight against anti-union discrimination. To this end, it focuses on two case studies in two main business sectors of the Turkish economy: metallurgy and harbour activities (shipbuilding and transport). - Vanessa Pinto, À l'École du salariat. Les étudiants et leurs « petits boulots » : Paris, Presses universitaires de France, coll. « Le lien social », 2014 - Aurélien Casta p. 125-128
- Marie-Anne Dujarier, Le Management désincarné. Enquête sur les nouveaux cadres du travail : Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2015 - Daniele Linhart p. 129-132
- Annie Jolivet, Anne-Françoise Molinié, Serge Volkoff (coord.), Le Travail avant la retraite. Emploi, travail et savoirs professionnels des seniors : Rueil-Malmaison, Éditions Liaisons, coll. « Collection Liaisons sociales », 2014 - Benoît Rapoport p. 133-136