Contenu du sommaire : Acteurs et chercheurs de la participation : liaisons dangereuses ?
Revue | Participations |
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Numéro | no 16, 2016/3 |
Titre du numéro | Acteurs et chercheurs de la participation : liaisons dangereuses ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Acteurs et chercheurs de la participation : liaisons dangereuses ?
- Introduction. Chercheurs et acteurs de la participation : liaisons dangereuses ou collaborations fécondes ? - Loïc Blondiaux, Jean-Michel Fourniau, Clément Mabi p. 5-17
- Les usages de la réflexivité dans l'entreprise participative. Un enjeu identitaire aux implications pratiques, théoriques et marchandes - Judith Ferrando y Puig, Guillaume Petit p. 19-43 Nous interrogeons depuis notre expérience de « praticien-chercheur » et une posture de « praticien réflexif » les usages de la réflexivité dans l'entreprise participative. Nous dénombrons et illustrons à cet égard différentes conduites des chercheurs et praticiens dans le champ de la participation, selon des niveaux de réflexivité dans l'action et la production de savoir. Les usages de la réflexivité constituent une ressource sous contraintes pour des professionnels et des chercheurs selon les contextes où ils se déploient. Ils recouvrent un enjeu identitaire dans le cadre de la professionnalisation aux implications alternativement pratiques, théoriques et marchandes. Notre propos est déterminé par la revendication d'une position singulière dans le champ de la participation que nous proposons de mettre en perspective. La figure du praticien réflexif est aussi celle d'un marginal sécant ou d'un agent de circulation qui peut agir comme un miroir grossissant, mais aussi en partie déformant, pour observer des relations entre pratiques professionnelles, marchandes et scientifiques dans le domaine de la démocratie participative en tant que domaine d'activité, de recherche et de marché. À partir de nos observations dans le domaine professionnel, nous relevons comment les capacités réflexives revendiquées et mobilisées par des praticiens débordent aussi vers des formes de gages de scientificité, d'adaptabilité et d'extériorité, qui ont tant des vertus de monstration que de démonstration. Une tension se joue alors entre exigences contractuelles et réflexivité limitée, qui elle-même s'étire entre deux pôles depuis une réflexivité narcissique qui ne vise que sa propre justification jusqu'à une réflexivité analytique, critique ou normative, support de la prise en charge des impensés de l'offre de participation.This paper, based on our experiences of reflective practitioners, discusses both the uses and the purposes of reflexivity in the field of participatory democracy. Various kinds of uses can be categorized depending on actors and contexts. They constitute a resource—framed, conditioned and restricted—both for skilled and research workers. Uses of reflexivity constitute identity issues for some practitioners of participatory democracy with practical, theoretical and market-oriented implications. The focus is on practitioner-researchers who are service providers for contracting authorities that promote participatory devices. By concentrating on these actors, who have intermediary positions as spreading agents or influential outsiders, we adopt a mirror that is, despite being magnifying and distorting, a valuable indicator of the links between practice, business and research in the field of participatory democracy. From our experiences and observations as practitioners, it seems that these patterns of reflexivity engender shapes of claims of scientific legitimacy, of adaptability and of exteriority, which are used by actors for showing and demonstrating their ability. However, these postures are partly contradictory with the business requirements and questions remain regarding the nature of this bounded reflexivity. Its uses can be classified under one of the two poles of a continuum: a narcissistic reflexivity that is its own justification; and an analytical reflexivity, critical or normative, whose aim is to deal with the root issues of participatory democracy.
- Les « méthodologues » de la démocratie délibérative. Entre activisme citoyen et recherche scientifique au sein du G1000 et du G100 - Vincent Jacquet, Min Reuchamps p. 45-65 L'objectif de cette contribution est d'offrir un retour critique de deux chercheurs en science politique engagés au cœur de deux expériences de démocratie délibérative organisées en Belgique : le G1000 et le G100. La première est née en 2011 au niveau national, dans un contexte de crise politique due à l'absence de gouvernement fédéral, et a mené à un dispositif d'ampleur nationale en trois phases : une consultation en ligne, un sommet citoyen le 11 novembre 2011 rassemblant plus de 700 personnes et un panel citoyen de 32 personnes. La seconde est inspirée de la première, mais organisée à l'échelle locale dans la commune de Grez-Doiceau et a rassemblé 50 participants. Dans les deux dispositifs, les auteurs de cette contribution ont fait partie de l'équipe organisatrice. Après une brève description de ceux-ci, nous mettons en évidence des éléments de tension entre cette posture de chercheur et celle d'acteur. D'abord, nous analyserons les ressorts et motivations qui sous-tendent cette position hybride entre acteur et chercheur. Ensuite, nous mettrons en évidence l'impact potentiel de ce type de profil sur la mise en œuvre de dispositifs participatifs et délibératifs. Nous reviendrons également sur les interactions avec les autres initiateurs de ces projets, et plus spécifiquement les consultants privés. Enfin, nous prêterons attention à l'impact sur la recherche de ce type d'engagement.The main objective of this paper is to propose a critical reflection of two political scientists involved in the organization of two deliberative mini-publics in Belgium: the G1000 and the G100. The first case was organized in 2011 at the country level, in a context of political crisis due to the absence of a federal government. It led to a large-scale project divided into three phases: an online consultation, a citizen summit on November 11, 2011 gathering more than 700 participants, and a citizen panel of 32 people. The second case was inspired by the former but was organized at the local level, in the municipality of Grez-Doiceau, and gathered 50 participants. In the two cases, the authors of this contribution were members of the organization group. After a brief description of the two mini-publics, this paper offers insights into the tensions between the position of the researcher and that of the activist. Firstly, we analyze the rationale and the motivations underlying this hybrid position between actors and researchers. Secondly, we discuss the potential impact of such a profile on the design of participatory and deliberative projects. In doing so, we also look at the interactions with the actors of these projects, and more specifically the private consultants. Finally, we reflect on the impact that this type of engagement has on research.
- Méthodologie participative : négociations multiples et reconfigurations des relations entre partenaires. Ateliers cartographiques dans l'archipel des Marquises - Frédérique Chlous p. 67-88 La mise en œuvre de recherches intersectorielles et participatives interroge la place du chercheur, les relations entre les partenaires, les dispositifs techniques utilisés et les productions. Cette réflexion s'appuie sur le projet de recherche PALIMMA qui porte sur la co-construction de la gestion relative au patrimoine culturel lié à la mer. Pour l'ensemble des étapes du projet, construction et mise en œuvre de la méthodologie, mise en forme des données, restitution, les partenaires sont identifiés et les relations entre les membres du groupe analysées.The implementation of research focusing on citizen participation leads us to raise questions about the role of researchers, relations between partners and the effects of devices. This reflection is based on the PALIMMA research project, which concerns the protection and management of cultural heritage relating to the sea. We identify each step of the project: the construction and implementation of the methodology, the finalization of the data, and the feedback workshop. Partners are identified and relationships between group members are discussed.
- Observer la fabrique de la ville à Bruxelles : un détour par la participation - Ludivine Damay, Florence Delmotte p. 89-112 Cet article propose un retour réflexif sur quatre expériences d'observation de dispositifs participatifs en matière de développement urbain à Bruxelles. Les auteures s'interrogent sur les relations entre les chercheurs impliqués dans ces expériences et les autres acteurs, notamment associatifs. En s'appuyant sur certains concepts de la sociologie de Norbert Elias, il s'agit de réfléchir aux configurations mouvantes que forment les acteurs dans le contexte bruxellois et à la dialectique entre l'engagement et la distanciation des chercheurs que dessinent ces expériences. Du côté des chercheurs, le « détour par l'engagement », ou par la participation, contribuerait à mieux comprendre le point de vue des autres acteurs. En partant du terrain, le texte s'interroge au final sur les différentes modalités de l'engagement du chercheur et tente de réfléchir à son impact sur la recherche et sur le dispositif participatif.This article offers a retrospective glance at four experiences of participant observation regarding various participative devices in the realm of urban planning in Brussels. The authors question the relationships between the researchers involved in these experiments and other stakeholders, including associations. Based on the sociology of Norbert Elias, this paper aims at thinking about shifting configurations formed by the actors and the involvement/detachment balance formed by these experiences. As for the researchers, being involved or participating would indeed signify a kind of self-detachment, helping to better understand the realities of participation in Brussels and the other actors' standpoints. Starting with the empirical material, the authors also investigate the impact of their own participation on the research and on the participatory device and its outcome.
- L'hybridation entre recherche et pratique : une condition pour faire progresser les pratiques de concertation d'un grand maître d'ouvrage - Étienne Ballan, Jean-Marc Dziedzicki p. 113-135 Il est courant qu'un maître d'ouvrage d'infrastructures fasse appel à des prestataires pour l'accompagner dans la mise en œuvre de dispositifs de concertation. Ce qui l'est moins, c'est lorsque maître d'ouvrage et prestataire s'engagent dans une forme de dialogue sur plusieurs années afin que le second aide le premier à progresser dans sa vision de la concertation. C'est de ce dialogue qui s'est construit progressivement entre l'équipe de concertants de Réseau ferré de France et celle de l'association Arènes que cet article rend compte. La spécificité de ce dialogue tient tout particulièrement à l'hybridation entre recherche et pratique des responsables de ces deux entités et à celle des réflexions et actions engagées, à la fois entre opérationnalité et questionnements/positionnements éthiques et stratégiques. L'article présente d'abord les différents cadres d'action et outils sur lesquels s'est appuyé ce dialogue : le débat public et sa concertation préparatoire, l'étude de contexte territorial, la charte de la concertation, les référentiels de la politique de concertation de l'entreprise. Il analyse ensuite les conditions et les principaux effets de cette collaboration : si cette expérience montre tout l'intérêt de missions conduites en lien avec des méthodes et des questionnements de recherche, elle témoigne également de la difficulté pour que leurs résultats imprègnent les choix stratégiques d'une entreprise publique.It is common for infrastructure builders to call upon consultancies to help them implement stakeholder and public dialogue approaches. It is however less common for them to work together within a dialogue framework over several years in order to make the infrastructure planner improve its participation and dialogue policy. This paper aims to explain the framework that has been progressively implemented by experts of public participation and stakeholder dialogue at Réseau ferré de France—the public company responsible for management and development of the French railway network in France—, and Arenes, a NGO that works as a consultancy. The specificity of this dialogue is due in particular to the hybridization between the research and practice of the two organizations, and ethical and strategic questionings or positionings. First, this paper explains the various frameworks of action and tools that this dialogue is based on: public debate and its preparatory dialogue, territorial diagnostics, the dialogue and public participation charter, and the reference documents of the company for developing its dialogue policy. This paper then analyzes the conditions and the main effects of this cooperation: whereas this experience shows a major interest in projects led in collaboration with methods and questionings of research, it also shows the difficulty of integrating outcomes into the strategic choices of a public company.
- Dispositifs participatifs et asymétries de pouvoir : expliciter et interroger les positionnements - Cécile Barnaud, Patrick d'Aquino, William's Daré, Raphaël Mathevet p. 137-166 Si de nombreux auteurs dénoncent le manque de prise en compte des asymétries de pouvoir entre les acteurs dans les processus participatifs, plus rares sont ceux qui abordent la question du comment, à savoir comment prendre en compte ces asymétries de pouvoir dans la mise en œuvre d'un processus participatif ? Cette question implique pour les porteurs de ces processus (chercheurs ou professionnels de la participation) de réfléchir à leur positionnement vis-à-vis de ces asymétries, et donc d'interroger un certain nombre de présupposés théoriques voire idéologiques, souvent inconscients et rarement formulés. Revendiquent-ils une certaine neutralité, une absence de parti pris, au risque de participer à une simple reproduction voire à un renforcement des asymétries de pouvoir initiales ? Revendiquent-ils au contraire une non-neutralité, en choisissant de renforcer la voix des acteurs ou des points de vue les moins influents, au risque de voir questionnée leur légitimité à intervenir ainsi sur les rapports de force au sein d'une société ? Dans cet article, nous présentons un outil que nous avons développé, un test destiné à faire expliciter aux porteurs de processus participatifs leur positionnement vis-à-vis des asymétries de pouvoir. Nous l'avons soumis à une cinquantaine de chercheurs et professionnels de la participation. L'analyse des résultats nous a permis de mettre en évidence cinq grands types de positionnements dont la cohérence interne renvoie à différentes façons de concevoir la légitimité de leur intervention.Many papers in the recent literature on participatory approaches emphasize the need to take better account of the complexity of the social contexts in which they are conducted, and to pay greater attention to power asymmetries among stakeholders. However, very few authors address the “how” question, that is, how to take into account power asymmetries when designing and implementing a participatory process. This question is frequently overlooked because it is not so much a matter of method as a matter of positioning. The positionings adopted by the designers of participatory processes are indeed driven by norms, values, or ideologies that are rarely made explicit. Do they claim a neutral positioning regarding power asymmetries, at the risk of being accused of being naively manipulated by the most powerful stakeholders? Or do they adopt a non-neutral positioning and decide to empower some particular stakeholders, at the risk of putting their legitimacy into question? In this paper, we present a tool that we have recently developed, a kind of test aimed at making explicit the positionings adopted by designers of participatory approaches regarding power asymmetries. Fifty researchers and practitioners of participation took the test. The analysis of the results allowed us to identify five main types of positionings among designers, thus five main ways of dealing with power asymmetries corresponding to different ways of conceiving the legitimacy of their intervention.
- Un sens commun délibéré. Retour sur une participation au processus de rédaction d'un avis du CESE sur la concertation - Mathieu Brugidou, Arthur Jobert p. 167-193 Cet article revient sur la participation des deux auteurs, en tant qu'experts associés, à la rédaction d'un avis du Conseil économique social et environnemental (CESE) sur la « Concertation entre parties prenantes et développement économique ». Nous nous interrogeons sur les résultats d'un processus de production de cet avis à travers la notion de « sens commun ». Les énoncés produits sont « communs » parce qu'ils résultent d'un dispositif institutionnel privilégiant le consensus entre les membres de la « société civile organisée » représentée au CESE. Ils sont aussi « communs » parce qu'ils constituent l'expression d'une forme de consensus sur la concertation. Dans une première partie, nous présentons le contexte institutionnel et politique de production de l'avis. Dans une deuxième partie, nous décrivons plus précisément le processus d'écriture collective et le rôle joué par les sciences sociales « embarquées » dans ce processus. Dans une troisième partie, nous essayons de rendre compte du travail de négociation sur les énoncés, en insistant sur les procédés rhétoriques inspirés du management qui permettent de délimiter les convergences mais également les limites de l'accord. Enfin, en conclusion, nous revenons sur la nature ambivalente au plan politique d'énoncés de sens commun issus d'un tel processus.In this paper we draw some conclusions from our participation, as “experts” in the drafting of a collective opinion piece of the French Economic Social and Environmental Council (ESEC) on the links between stakeholder's dialogue and economic development. We point out that the outcomes of such a drafting process can be seen as “common sense.” But we elaborate on the idea that this “common sense” can be viewed as the result of a process within the framework of a consensus-orientated institution such as the ESEC. It can also be considered as the result of a social consensus in French society about the usefulness and basic standards of stakeholders' dialogue. We show that this “consensus” is the result of a negotiation in which managerial rhetoric practices are used to find points of agreement but also to delineate points of contention. This leads us to a conclusion on the political ambivalence of the outcomes of such a process.
Varia
- Quand le savant devient politique. Sociologie de l'expertise du think tank Terra Nova - Camilo Argibay p. 195-222 Bien que la division du travail affichée par les think tanks tende à présenter le travail des experts comme apolitique, cet article propose de l'envisager comme une activité politique. Dans le cadre d'une enquête de terrain consacrée à Terra Nova, ce travail apparaît tout d'abord comme un exercice pour lequel les acteurs ont intériorisé la dimension politique de leur activité. Par les anticipations et les choix qu'ils opèrent, ils produisent du politique avant même que leurs recommandations soient endossées par un décideur public. Ensuite, il s'agit également d'une activité politique dans une seconde acception, en ce sens où la participation au think tank constitue une forme d'engagement politique pour les experts, avec des sociabilités et des rétributions qui lui sont attachées.Think tanks tend to present work undertaken by experts as work that is produced outside of any political considerations. On the contrary, this article studies how this work can be considered as a political activity. In order to do this, we use Terra Nova, a French think tank, for the basis of our study. On the one hand, the work undertaken by experts appears as a contribution to the production of public policies. On the other hand, experts consider this same activity as a way of being politically engaged.
- « Négocier pour mieux lutter » : définition des problèmes publics et stratégies de mobilisation en Guadeloupe (2009) - Pierre Odin p. 223-248 Cet article se propose de porter un regard croisé sur les tensions entre mobilisation et participation des publics, dans l'optique de questionner le cadre de la définition des problèmes publics durant une situation de conflit social généralisé – comme ce fut le cas en Guadeloupe en 2009. Interrogeant les effets du travail de coalition et les enjeux de la concurrence organisationnelle dans la mise en capacité stratégique des acteurs contestataires, il se propose de montrer comment des revendications issues de catégories militantes indigènes accèdent au rang de problème public. Il se propose également d'interroger les conditions de diffusion et de circulation des ressources critiques, au travers d'une approche compréhensive de la dimension conflictuelle du processus des négociations.This article aims at to provideproviding a cross-cutting perspective on about tensions between mobilization and public participation, in order to discuss the framework for defining conditions of public problems definition during a situation of generalized social conflict—as it was the case in Guadeloupe in 2009. By questioning the effects of coalition work and the stakes of organizational competition in the strategic self-empowerment of the protestors, we want aim to explain how indigenous activist categories groups may can transform themselves into public problems. We will also question the conditions of the diffusion and circulation of critical resources diffusion and circulation through a conflict-sensitive approach toof the negotiation process.
- Quand le savant devient politique. Sociologie de l'expertise du think tank Terra Nova - Camilo Argibay p. 195-222
Droit de réponse
- Quand la sociologie critique devient une glace déformante - Luigi Bobbio, Antonio Floridia p. 249-265
Lecture critique
- Comprendre le désintérêt des citoyens pour la participation : un chantier à venir ? - Jessica Sainty p. 267-283