Contenu du sommaire : Traductions vers le latin au XVIe siècle
Revue | Astérion |
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Numéro | no 16, 2017 |
Titre du numéro | Traductions vers le latin au XVIe siècle |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Chronique d'un figement annoncé : les traductions vers le latin au XVIe siècle - Martine Furno
- Production et diffusion des traductions latines de Lucien à la période de la fin du manuscrit et des débuts de l'imprimé (fin XVe siècle-fin XVIe siècle) - Ioannis Deligiannis L'introduction de Lucien en Europe occidentale à la fin du XIVe siècle est marquée par la traduction en latin de nombre de ses œuvres dans le courant du XVe siècle, notamment en Italie. Cet intérêt s'étend ensuite hors d'Italie, et à la fin du XVe siècle, presque tous les textes de Lucien ont fait l'objet d'une traduction latine, lesquelles commencent à être imprimées, mouvement qui est encore amplifié par l'édition du texte grec, en 1496. Le développement de l'imprimé dans la première moitié du XVIe siècle facilite la diffusion des ces traductions dans toute l'Europe, qui ne seront concurrencées qu'à la fin du siècle par des traductions en vernaculaire. La recension de ces traductions latines de Lucien de la fin du XVe siècle à la fin du XVIe siècle, tant manuscrites qu'imprimées, nous donne quelques indications sur l'intérêt des humanistes pour cet auteur, mais aussi sur les fluctuations spatiales et chronologiques de cet intérêt, visibles à partir de l'imprimé. Elles nous instruisent aussi sur la notoriété et l'influence relatives des traducteurs, et les probables raisons des écarts.The successful introduction of Lucian to Western Europe in late 14th century, which was followed by Latin translations of a number of his works produced in the first half of the 15th century, continued in Italy also in the second half of the century. This attitude subsequently passed to scholars from outside Italy, and by late 15th century almost all of Lucian's texts had met with at least one Latin version and started reaching the printing houses of the time. The edition of the Greek text in 1496 prompted scholars to produce new Latin translations, most of which were soon printed in places all over Europe. The printing boom of the first half of the 16th century facilitated and accelerated their diffusion, and then the gradual decline of the printed editions of Lucian's Latin versions may be attributed to the vernacular translations, which had started appearing already in the 15th century. Tracing the production and diffusion of the Latin versions of Lucian from the late 15th to the late 16th century, both in manuscript and in print, reveals some informative details about the texts that appealed most to humanists of the time, the geographical and chronological fluctuations of their interest in Lucian's texts as these emerge from the printed editions, but also the most influential of the translators and their Latin versions and the reasons for this.
- Denis Lambin versus Joachim Périon : quel style pour traduire Aristote ? - Laurence Bernard-Pradelle Cet article examine les choix de traduction, exposés dans deux préfaces se répondant, de deux traducteurs vers le latin de l'Ethique à Nicomaque, Joachim Périon, dont la traduction paraît en 1540, et Denis Lambin, dont le texte paraît en 1572. L'un et l'autre de ces traducteurs, à travers leur polémique, semblent en fait continuer les thèses d'un autre traducteur d'Aristote, théoricien du style de la traduction, Leonardo Bruni, dont le De interpretatione recta date de 1424-1426. Si Périon pense que le seul style possible pour traduire Aristote en latin est celui des ouvrages philosophiques de Cicéron, qui a créé le seul latin philosophique, Lambin, après avoir remis en cause le principe même d'une traduction du grec vers le latin, finit par en accepter la validité, le latin restant la langue la plus riche stylistiquement, et la plus à même de rendre la richesse du grec.This paper proposes a reflexion on why did scholars continue to traslate Greek into Latin all the sixteenth century long, and how they justifed their works. For example in 1540, J. Perion began a new translation of Aristotle to answer to the needs of a readership who certainly knew Latin better than Greek. Founded on Bruni's ideas on translation, he used Cicero's style because he thought it was the most appropriate to Greek philosophy, as Cicero already translated it into Latin. So did Denis Lambin thirty years later, when he proposed a new translation of his own, without calling into question the choice of the language, that it to say without questionning what language, either latin or vernacular, would be more efficient. He justified his project by the difficulty of the exercise of translation itself, and by the fact that he was the only scholar able to perfectly achieve it.
- La traduction latine du Commentario de le cose de' Turchi de Paolo Giovio : desseins politiques et destin historiographique (1537-1577) - Martine Furno Cet article examine les conditions d'élaboration et la fortune éditoriale de la traduction latine d'un texte italien, le Commentario de le cose de' Turchi de Paolo Giovio publié à Rome en 1532. Ce texte politique voulant donner des éléments à Charles Quint pour engager la croisade contre les Turcs est traduit en latin en 1537 à Strasbourg par un italien en exil pour motifs religieux, Francesco Negri. Publiée cinq fois à Strasbourg, Wittenberg et Paris entre 1537 et 1539, cette traduction détourne le texte de ses premiers objectifs pour servir à la propagande réformée du parti de la paix : cette lecture politique est construite par l'association des autres textes avec lesquels il est publié, qui en orientent le sens. Une fois sortie de l'actualité, cette traduction est publiée parmi les œuvres latines de Giovio, sans mention du traducteur, et se fige en un texte historiographique à simple valeur documentaire.Translating into latin modern texts was a way Protestants used to enhance the diffusion of their propaganda, first written in a vernacular tongue, and to enlarge their readership, notably from South Europe to North. In the case of the Commentario delle Cose dei Turchi, written by Paolo Giovio in Italian and translated by Francesco Negri, to be turned into latin also contributed to change the way people read this text: the translation cancelled the critical topics on faith, and reduced the text to documentary interests. Later in the century the text in Latin was included in the Opera omnia edition of Giovio, as if it had been written by Giovio himself in this language, and was counted among the historiographic works of this scholar.
- La traduction latine des Dialoghi della Historia de Francesco Patrizi da Cherso par Nicholas Stupan (1570) et la réception européenne de sa théorie de l'histoire - Susanna Gambino-Longo La traduction latine des Dialoghi della historia du philosophe néo-platonicien Francesco Patrizi da Cherso est publiée à Bâle en 1570. L'étude de la circulation de ce texte et des choix de traduction permet de mieux comprendre la réception des artes historicae italiennes dans le Nord de l'Europe et les fluctuations ou limites du latin face à la montée en puissance de l'italien vernaculaire comme langue philosophique.This paper aims to show how at the end of the Sixteenth Century, translating in latin modern and comtemporary historiography, first written in Italian, had limits: as S. Lambino saw reading Nicola Stupan's translation into latin of the Dialoghi della historia by Francesco Patrizi, the latin language could not carry out the vivacity and the colours of the modern discourse, and even could not translate exactly the meanings. The modern texts in this kind of translation could acquire a larger audience, but could also lost part of their identity: in this case, the fact does not depend from the ability of the translator but actually from the convenience, or inconvenience, of the ancient language, unable to adapt exactly the modern concepts to ancient ways of thinking and writing.
Varia
- Le Corbusier : architecture et politique - Mickaël Labbé Les rapports entretenus par Le Corbusier, architecte le plus emblématique de la modernité, avec le pouvoir politique sont foncièrement ambivalents. Promoteur inlassable du bonheur pour tous à travers l'architecture, Le Corbusier a pourtant frayé avec à peu près tous les pouvoirs, apparemment sans témoigner de préférences politiques, d'une manière qui semble contradictoire avec ses propres objectifs. À travers une série de paradoxes, nous cherchons à montrer que l'attitude politique de Le Corbusier ne doit pas simplement être référée à un ensemble d'arguments factuels et historiques, voire à une forme d'opportunisme consubstantiel à l'architecte en recherche de commandes, mais également à une certaine conception théorique et philosophique de la nature du pouvoir lui-même. Le pouvoir, conçu de manière purement formelle et extrêmement individualiste, n'est jamais pensé autrement que comme simple moyen ou cause efficiente visant à mettre en action la seule révolution valable pour Le Corbusier, à savoir la transformation de la culture par l'architecture. Se dessine ainsi la figure d'une pensée profonde des pouvoirs de l'architecture, en même temps que d'une singulière absence d'intelligence du politique.Le Corbusier, certainly the most iconic representative of modern architecture, always had ambivalent connections with the political power. Although he constantly claimed that he wants to promote the idea of an everyday happiness for the people through architecture, he was in the same time trying very hard to be in the circle of power, regardless of its ideology. Through a series of paradoxes, I aim to show that Le Corbusier's political attitude can not only be explained by historical and empirical arguments, but that it also has to be referred to a particular theoretical and philosophical conception of the nature of power. He always considered power in a purely formal and an extremely individualistic manner. Moreover, he reduced power to a simple means of efficiency in order to realize the only valuable revolution, i. e. the architectural one. Le Corbusier's conception of power thus allies a profound reflection on the potencies of architecture and a noticeable lack of political intelligence.
- Les affinités aléatoires : une contribution à l'étude du rapport Spinoza-Marx - Bernardo Bianchi Ces dernières décennies, la relation entre Spinoza et Marx a été abordée par des auteurs comme Louis Althusser, Antonio Negri et Maximilien Rubel. Néanmoins, bien que l'on puisse établir un lien entre les deux au niveau des affinités théoriques, il manque une analyse du rapport entre ces affinités et les références effectives que Marx fait à Spinoza. Nous ne savons pas davantage, jusqu'à maintenant, comment ces références s'articulent avec les objectifs du militantisme philosophique et politique que Marx s'est fixé tout au long de sa vie. La présente étude cherche donc à parcourir les premières oeuvres de Marx de manière à y étudier la présence de Spinoza, et à démontrer simultanément à quels buts cette présence était subordonnée.In the last decades, the relationship between Spinoza and Marx has been addressed by authors such as Louis Althusser, Antonio Negri, and Maximilien Rubel. That said, if a connection between the two can be made at the level of theoretical affinities, an analysis of the correspondence between these affinities and actual references to Spinoza made by Marx is lacking. At this point, we do not know how these references fit (or not) with the philosophical and political objectives Marx set out to achieve throughout his life. The present study, therefore, will review Marx's first works to examine Spinoza's presence and simultaneously demonstrate to which goals this presence was subordinated.
- L'ordre du goût chez Rousseau - Gabriela Domecq S'il n'y a pas de théorie du goût chez Rousseau, la question du goût traverse néanmoins toute son œuvre. Elle apparaît d'abord comme une critique adressée à la société mondaine, puis fait place, dans les écrits de la maturité, à une analyse des conditions sociales du bon goût général. En dépit de la terminologie classique de ses textes, ceux-ci développent en fait une conception sui generis du goût. Rousseau ne se réfère pas à un ordre de perfection pour expliquer et fonder le bon goût. Le goût est selon lui un phénomène collectif qui manifeste l'état des affections sociales. Le goût tant social qu'individuel est dit « bon » lorsque le jugement sur ce qui plaît ou ce qui déplaît n'est pas soumis à l'opinion. L'autonomie du goût et le bon goût se confondent, la volupté et l'égalité relative en sont alors les conditions.If there is no theory of taste in Rousseau, the question of taste nevertheless is present throughout all his work. It appears at first as a criticism addressed to worldy society, and then gives way, in the writings of his maturity, to an analysis of the social conditions of general good taste. In spite of the classical terminology of its texts, they in fact develop a conception sui generis of taste. Rousseau does not refer to an order of perfection to explain and base the good taste. Taste is, according to him, a collective phenomenon which manifests the state of social affections. The taste, as much the social and the individual, is called “good” when the judgment on what pleases or what displeases is not subject to opinion. Autonomy of taste and good taste are confounded, voluptuousness and relative equality are then the conditions.
- Le Corbusier : architecture et politique - Mickaël Labbé