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Revue | Commentaire |
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Numéro | vol. 40, no 158, été 2017 |
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Politique française
- Et Macron vint... - Jean-Claude Casanova p. 245-248
- Un séisme politique : L'élection présidentielle de 2017 - Pierre Martin p. 249-264 La victoire d'Emmanuel Macron, candidat centriste libéral, face à Marine Le Pen, après un premier tour caractérisé par l'élimination de François Fillon et de Benoît Hamon, les candidats des deux forces politiques ayant gouverné la France depuis plus de trente ans, et la percée de la gauche radicale derrière Jean-Luc Mélenchon font de cette élection présidentielle un séisme politique. Ces résultats sont la conséquence de la profonde crise politique que traverse le pays. P. M.
- Un nouveau clivage : Perdants versus gagnants de la mondialisation - Jérôme Fourquet p. 265-270 Présidentielle autrichienne, référendum sur le Brexit en Grande-Bretagne, présidentielle américaine, chacune de ces élections avait sa propre logique et s'inscrivait dans un contexte national particulier. Néanmoins, ces trois scrutins ont donné à voir la montée en puissance d'un clivage extrêmement puissant, celui opposant, pour faire court, les gagnants et les perdants de la mondialisation. Dans ces trois pays et ces trois scrutins, c'est cette ligne de fracture qui a structuré les votes bien davantage que la logique traditionnelle de l'affrontement gauche/droite. En France, l'opposition entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron incarne et confirme ce nouveau clivage. J. F.
- La politique française et la fourmi de Langton - Jean-Éric Schoettl p. 271-274 J'écris ces lignes la veille du second tour des présidentielles. Mercredi dernier, le débat télévisé opposait deux candidats dont l'un incarnait le mal aux yeux de l'autre (et des électeurs de l'autre). La scène étant par construction manichéenne, l'invective était consternante, mais attendue ; le pugilat programmé, pour lamentable qu'il fût. Il aurait été moins convenable encore que la confrontation fût convenable, car, alors, le FN se voyait banalisé. Nous voici aux antipodes de la démocratie assagie dont rêvaient les Lumières. D'un côté, un enfant prodige du juste milieu, doté de pouvoirs de persuasion quasi hypnotiques et (sous réserve de quelques projets hasardeux, notamment en matière fiscale) plein de vues tempérées et d'orientations consensuelles, entraînant une gauche moderniste vers un centre qui embrasse partout, tout en ayant du mal à étreindre quelque part. De l'autre, l'héritière dynastique d'une droite qu'on dit extrême (et qui l'est en effet, extrême, par son projet socio-économique ébouriffant), mais qui, à en juger par ses meetings (qui ressemblent plus à la kermesse d'une amicale bouliste qu'à une réunion de Chemises brunes), ne fait renaître le péril fasciste que pour qui tient furieusement à sonner le tocsin. Comment en sommes-nous arrivés là ? On pressent une pluralité de causes. J.-É. S.
- Le spleen - Bruno Durieux p. 275-279
- Un triste constat - Hervé Mariton p. 279-280
Politique mondiale
- Poutine : un héros de conte russe - Victor Erofeev, Christel Vergeade p. 281-284 Victor Erofeev est un écrivain russe né en 1947. Il a grandi au cœur du pouvoir soviétique. Dans Ce bon Staline (Moscou, 2004), traduit en français en 2005 chez Albin Michel, il a raconté son « enfance stalinienne » et parisienne. Son père appartenait à la « cour de Staline », conseiller et interprète avant de devenir conseiller culturel à l'ambassade d'URSS à Paris de 1955 à 1958. L'annonce de sa « dissidence », racontée dans le puissant roman La Belle de Moscou (1990), brisa la carrière de son père. Il publia ensuite d'autres livres, dont La Vie avec un idiot (recueil de récits adapté en opéra en 1992), qui ont été traduits dans les principales langues occidentales, mais aussi en chinois, en japonais, en iranien, et qui font de lui un contemporain majeur. Il vit en Russie et a bien voulu nous confier ce portrait de Poutine. Nos lecteurs admireront la verve puissante et perspicace de cet écrivain. COMMENTAIRE
- La Révolution russe : Lettre de Petrograd au journal L'Humanité - Boris Kritchewsky p. 285-292 En 1919, la librairie Félix Alcan, à Paris, publia un ouvrage de 276 pages intitulé : Vers la catastrophe russe. Lettres de Petrograd au journal L'Humanité. Octobre 1917-février 1918. L'auteur Boris Kritchewsky était né en Russie en 1866, il mourut, à Paris, l'année même où son livre parut. Le 25 octobre 1917, L'Humanité avait fait précéder le texte de sa première lettre, portant la date du 2 octobre 1917, de l'explication suivante : « Nous donnons aujourd'hui la première lettre de notre envoyé spécial en Russie. Notre camarade Boris Kritchewsky, qui depuis plusieurs années traitait avec talent à L'Humanité les questions de politique extérieure, nous enverra régulièrement de Petrograd des correspondances sur les événements russes. Nos lecteurs suivront certainement avec intérêt ces études d'un écrivain averti et clairvoyant. Ils y trouveront une source précieuse de documentation sur les phases mouvementées que traverse la jeune Révolution russe. » Militant socialiste russe, Kritchewsky avait été le correspondant à Paris de deux grands journaux socialistes allemands (Vorwärts et Neue Zeit), il sympathisait avec le syndicalisme révolutionnaire français et dans les années précédant la guerre il collaborait à L'Humanité sous le pseudonyme de Bernard Veillard, à la rubrique des informations internationales, aux côtés de Jean Longuet (le petit-fils de Marx) et de l'Espagnol Antonio Fabra Ribas. L'ouvrage comporte 17 lettres, s'étalant du 2 octobre 1917 au 23 février 1918. L'Humanité a publié toutes les lettres qui ont précédé le coup d'État « bolcheviste », comme on disait à l'époque, et une seule après ce coup d'État. Sans doute la situation confuse en Russie et l'influence exercée au sein du Parti socialiste français par les futurs complices des « bolchevistes » (Marcel Cachin notamment) expliquent ces atermoiements qui indignèrent Kritchewsky. La lettre que nous publions en entier, après en avoir publié des extraits dans les n˚ 56 et 120 de Commentaire (hiver 1991 et hiver 2007), en espérant qu'un éditeur rééditera ce livre en entier, est la huitième. Elle porte la date du 11 novembre 1917. Elle raconte le coup de force décisif qui permit aux « bolchevistes », à Lénine et à Trotski, de confisquer le pouvoir à Petrograd. Pour éclairer le lecteur, résumons la chronologie de cette révolution. Le 12 mars 1917, il est constitué à Petrograd un gouvernement provisoire dirigé par le prince Georges Lvov (Alexandre Kerenski, seul socialiste de ce gouvernement, est ministre de la Justice). Le 16 mars, le tsar Nicolas II abdique en faveur de son frère Michel, qui abdique lui-même le lendemain en faveur du Gouvernement provisoire. Fin mars, la Finlande, la Pologne et l'Estonie deviennent indépendantes. Les réformes sociales sont esquissées et renvoyées à la future Assemblée constituante. Les socialistes avaient organisé le 12 mars, à Petrograd, un Conseil des députés, des travailleurs et des soldats (Soviet) qui peu à peu s'opposa au Gouvernement provisoire, notamment en ce qui concerne les opérations militaires face à l'Allemagne. Le 16 avril, Lénine et d'autres bolcheviks arrivent à Petrograd, les autorités allemandes ont assuré leur transport de Zurich à la Russie, à travers l'Allemagne. Trotski les rejoint début mai, venant d'Angleterre. Les bolcheviks s'opposent aux mencheviks, au sein du Parti socialiste, et aux sociaux-révolutionnaires. Le 16 mai, Kerenski devient ministre de la Guerre du Gouvernement provisoire et relance une offensive russe au mois de juin, elle échoue le 7 juillet. Le 16 juillet, les bolcheviks tentent de prendre le pouvoir à Petrograd. Ils n'y parviennent pas. Lénine se réfugie en Finlande. Le 20 juillet, le prince Lvov démissionne et il est remplacé par Kerenski. Le général Kornilov, commandant en chef, s'oppose à lui. Il est défait, mais Kerenski devient dépendant des bolcheviks qui dominent désormais le soviet de Petrograd. Le 6 novembre, les bolcheviks (avec l'aide de troupes de la garnison) s'emparent du palais d'Hiver et arrêtent les membres du Gouvernement provisoire. Kerenski parvient à éviter son arrestation et s'exile. Le 7 novembre, il est constitué un Conseil des commissaires du peuple dirigé par Lénine et comprenant Trotski et Staline. L'Assemblée constituante est élue le 25 novembre. Les bolcheviks s'y trouvent en minorité. Quand elle se réunira, le 18 janvier 1918, à Petrograd, elle sera dispersée par l'Armée rouge. En nous faisant lire le livre de Kritchewsky, il y a bien longtemps, Boris Souvarine nous disait tout le prix qu'il accordait à ce témoignage exceptionnel. J.-C. C.
- Carnets 1959-1983 - Jean Laloy p. 293-300 Quand Commentaire fut créé en 1978, aux côtés de Raymond Aron, deux hommes de sa génération, qui étaient ses amis et qui partageaient ses convictions, ont joué un grand rôle pour guider les plus jeunes d'entre nous et ils ont dès le début appartenu aux conseil et comité de la revue. Il s'agissait de Jean-Marie Soutou (1912-2003) et de Jean Laloy (1912-1994) : deux diplomates de haut rang et de grande compétence, deux spécialistes de l'Union soviétique, deux hommes qui s'étaient engagés dans la Résistance après la défaite de 1940. Ils sont suffisamment connus de nos lecteurs et de ceux qui s'intéressent à la politique mondiale pour devoir les présenter. Les souvenirs de Jean-Marie Soutou ont été publiés par son fils, Georges-Henri Soutou (Un diplomate engagé. Mémoires 1939-1979, Éditions de Fallois, 2011, 560 pages). Jean Laloy est disparu avant Soutou et a laissé de très importants carnets. Dans ses carnets il notait quotidiennement et brièvement, à l'emporte-pièce, mais toujours avec acuité et profondeur, sans précautions et sans illusions, ses impressions, ses rencontres, ses analyses, ses jugements. Son fils, Vincent Laloy, a bien voulu nous en confier quelques extraits, pour la période 1959-1983 : du retour du général de Gaulle au pouvoir à la mort de Raymond Aron. Ils concernent des événements majeurs et des personnalités importantes pour les lecteurs de Commentaire. Vincent Laloy a bien voulu les choisir et les annoter. Nous l'en remercions vivement. Avec son aide, nous espérons publier d'autres notes inédites de cet homme exceptionnel dont nous conservons fidèlement la mémoire. J.-C. C
- Henry Kissinger, Theodore Roosevelt et l'ordre mondial selon Trump - Niall Ferguson, Isabelle Hausser p. 301-312 Cet article a été publié dans The American Interest (mars-avril 2017), revue que dirigent Charles Davidson et Francis Fukuyama. Ils ont autorisé, et je m'en réjouis, sa traduction en français et sa publication dans Commentaire. Quatre mois après l'investiture de Donald Trump comme 45e Président des États-Unis, nous n'avons aucune certitude sur la direction que prendra sa politique étrangère ; on a en revanche beaucoup spéculé – généralement de manière alarmiste – sur ce qu'a dit Trump dans ses discours et ses interviews. Pourtant, très rares sont les Présidents qui fondent leur politique étrangère uniquement sur leur rhétorique de campagne. Très rares sont ceux qui rompent complètement avec les politiques de leurs prédécesseurs. En effet, très rares sont ceux dont on peut dire qu'ils ont en pratique quelque chose d'aussi cohérent qu'une doctrine de politique étrangère, moins encore une grande stratégie. L'expérience suggère également que la politique étrangère de l'Administration Trump dépend largement des positions de ceux qui occupent des postes clés – secrétaire d'État et secrétaire à la Défense ainsi que conseiller national de Sécurité – et surtout de qui l'emportera dans la lutte entre les départements ministériels : bataille pour la priorité bureaucratique, combat pour un accès régulier au Président et guerre des fuites aux médias. Pourtant, on est encore bien loin de savoir qui prend le dessus pour mener les politiques étrangères de Trump. Plutôt que de spéculer sur ces questions, il est peut-être plus constructif de s'interroger pour l'instant sur ce que sont en fait les options stratégiques de Trump, compte tenu des paramètres les plus importants de la réalité. Dans ce contexte, c'est une bonne chose que Henry Kissinger, le penseur stratégique et praticien vivant le plus respecté de la nation, ait déjà rendu publiques certaines de ses vues. N'ayant soutenu aucun des deux principaux candidats à la présidence, mais les ayant rencontrés tous les deux durant la campagne, Henry Kissinger mérite d'être écouté. On ne peut être certain, bien sûr, que le Président élu, ou son équipe de sécurité nationale, tiendra compte de ses idées. Il serait imprudent de supposer que le Président élu ne prend pas au sérieux les idées qu'il a lui-même souvent exprimées, or celles-ci ne concordent pas spécialement avec celles d'Henry Kissinger. Mais il a demandé conseil à Kissinger et il est fort possible que les responsables de son futur cabinet soient disposés à l'écouter. Il n'y a donc pas de raison de supposer que l'Administration embryonnaire est tellement attachée à une doctrine stratégique particulière que ce qui suit peut être écarté d'un revers de main. N. F.
- Les options stratégiques de Trump : continuité, solitude ou réalisme - Adam Garfinkle, Isabelle Hausser p. 313-322 La politique étrangère de Donald Trump reste mystérieuse. Trois voies sont possibles : poursuivre la politique menée depuis 1947, choisir une politique plus solitaire ou bien encore prendre froidement le monde tel qu'il est et adopter une politique totalement réaliste. Cet article a paru en anglais dans The American Interest, dont Adam Garfinkle est l'editor, en mars-avril 2017. Le texte avait été rédigé six semaines avant l'investiture de Donald Trump. Adam Garfinkle a bien voulu apporter quelques mises à jour pour Commentaire. Nous l'en remercions bien vivement. COMMENTAIRE
- Trump : le Président d'une génération perdue - Giuseppe Sacco p. 323-332 Les valeurs fondatrices de l'Amérique, selon une récente et solennelle formulation, émise, paradoxalement, par une Chancelière allemande, seraient « le respect de la loi et de la dignité de chaque individu, indépendamment de son origine, de la couleur de sa peau, de sa religion, de son genre, de son orientation sexuelle ou de ses idées politiques ». Aucune mention n'est faite d'une garantie contre la discrimination pour l'âge. Et pourtant de là vient la tragédie dont a été victime une génération entière d'Américains, la génération qui est à l'origine du succès de Donald Trump, et de l'énorme secousse que l'Amérique vient de donner à la globalisation, et au système mondial dont les États-Unis ont, jusqu'ici, été le centre et le moteur. G. S.
- L'arbitrage international - Emmanuel Gaillard p. 333-342 L'arbitrage dans le monde d'aujourd'hui L'arbitrage est un mode alternatif de résolution des différends par lequel les parties à un tel différend acceptent d'en confier la solution à une ou plusieurs personnes choisies par elles plutôt que de s'adresser au juge. L'arbitrage a des origines fort anciennes, mais s'est développé considérablement avec la mondialisation des échanges. Il joue aujourd'hui un rôle important dans trois domaines : l'arbitrage commercial, l'arbitrage interétatique et l'arbitrage d'investissement. L'arbitrage était traditionnellement le fait des commerçants. Les contrats commerciaux comportaient et comportent fréquemment des clauses compromissoires à cet effet. Cette solution conserve la faveur de nombreuses entreprises qui confient ainsi la solution de leurs difficultés contractuelles à des personnes de confiance ayant la connaissance du milieu et pouvant statuer en toute discrétion le cas échéant en équité. Elle s'est institutionnalisée avec la création de nombreux centres d'arbitrage sur tous les continents, de Londres au Caire et de Stockholm à Kuala Lumpur. La Chambre de commerce internationale (CCI) installée à Paris et sa cour internationale d'arbitrage ont ainsi vu leur activité se développer considérablement dans les dernières décennies. En 2015, la CCI a reçu 801 requêtes dont 87 % concernaient des litiges entre particuliers et sociétés. Les tribunaux arbitraux constitués sous son égide ont rendu cette même année 498 sentences. Soucieux de favoriser ce mode de règlement et son implantation sur leur territoire, les États ont adopté des législations de plus en plus favorables à l'arbitrage. Ainsi en France depuis l'intervention de la loi du 18 novembre 2016, celui-ci est accessible non seulement aux commerçants, mais plus généralement dans le cadre de toute activité professionnelle. Le Code civil ne prohibe l'arbitrage que sur les questions d'état et de capacité des personnes et sur celles relatives au divorce ou à la séparation de corps. En revanche, sauf disposition législative spéciale, l'État, les collectivités publiques et les établissements publics administratifs ne peuvent compromettre. L'exécution des sentences arbitrales a en outre été rendue de plus en plus aisée. En cas de difficulté d'exécution, le juge doit certes être saisi et prendre une ordonnance d'exequatur. Dans le cas de la France, il ne peut cependant s'y refuser que si la sentence est manifestement contraire à l'ordre public international. L'ordonnance d'exequatur n'est pas susceptible d'appel et la partie qui se refuse à exécuter la sentence doit en demander l'annulation. Celle-ci ne peut être prononcée que pour l'un des motifs limitativement énumérés par la convention de New York du 10 juin 1958 ou par les articles 1491 et 1518 du Code de procédure civile. L'arbitrage interétatique s'est, quant à lui, développé au cours du xix e siècle comme une première forme de règlement des différends entre États. À l'origine, ce règlement a fréquemment été confié par les chefs d'État à leurs pairs, monarques ou présidents de Républiques d'États tiers. Puis ont été constitués des tribunaux arbitraux composés de juristes dont le premier exemple fut celui créé par les États-Unis et le Royaume-Uni pour régler le différend qui les opposait du fait que l'Alabama, navire sudiste, avait été ravitaillé et réparé dans un port britannique au cours de la guerre de Sécession. Par la suite, la convention de La Haye du 18 octobre 1907 établit une cour permanente d'arbitrage qui rendit une douzaine de sentences avant la Première Guerre mondiale. En 1922 était cependant créée la Cour permanente de justice internationale devenue en 1945 la Cour internationale de justice et l'on put s'interroger sur l'avenir de l'arbitrage interétatique. Celui-ci connut une éclipse pendant la majeure partie du xx e siècle avant de rencontrer à nouveau la faveur des États. Aujourd'hui, si le rôle de la Cour internationale de justice demeure bien fourni, de nombreuses affaires sont par ailleurs soumises à arbitrage. Ce renouveau s'explique pour l'essentiel par la liberté dont jouissent les parties dans la désignation des membres des tribunaux arbitraux. Il trouve ses limites dans les difficultés qu'a parfois rencontrées l'exécution de ces sentences. L'arbitrage en matière d'investissement a pour sa part été organisé sous l'égide de la Banque mondiale par la convention de Washington du 18 mars 1965 qui a créé le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Dans ce cadre ont été signées plus de 3 000 conventions bilatérales de protection des investissements par lesquelles les États acceptent que les entreprises ayant procédé à des investissements sur leur territoire puissent en cas de litige recourir à l'arbitrage. En 2014, le CIRDI administrait 209 affaires. Un mécanisme analogue a été mis sur pied dans un cadre régional par le traité établissant une zone de libre-échange en Amérique du Nord (ALENA). Aux termes de l'article 54 de la convention de Washington, chaque État contractant reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de la convention comme obligatoire et assure l'exécution des condamnations pécuniaires prononcées comme s'il s'agissait d'un jugement définitif d'un tribunal fonctionnant sur son territoire. Les sentences CIRDI sont donc exécutoires sans donner lieu à exequatur. On sait que ce régime qui avait initialement été conçu pour favoriser les investissements des pays développés dans les pays en voie de développement a suscité récemment certaines critiques lorsqu'il a été envisagé de l'étendre aux rapports transatlantiques. Au total, cette triple évolution a fait de l'arbitrage une discipline juridique à part entière, un secteur de l'économie non négligeable et même un champ de recherche sociale, comme l'a souligné à juste titre le professeur Emmanuel Gaillard dans sa remarquable communication à l'Académie des sciences morales et politiques, le 17 octobre dernier. L'arbitrage vit aujourd'hui une vie qui lui est propre. Mais, du fait même de son succès, il est devenu un enjeu de puissance et de prospérité auquel les États ne sauraient demeurer étrangers. Un équilibre délicat doit dès lors être recherché entre ces diverses considérations. C'est probablement à travers les mécanismes d'exécution des sentences que cet équilibre peut être atteint. GILBERT GUILLAUME
- Poutine : un héros de conte russe - Victor Erofeev, Christel Vergeade p. 281-284
Idées
- L'humilité et l'humiliation - Michel Zink p. 343-350 L'humilité n'est pas une vertu dans le monde antique. Elle est une vertu chrétienne. Le monde médiéval européen adhère profondément à une religion de l'humilité. Il doit concilier l'honneur et l'humilité. C'est cette contradiction ancienne permanente qu'étudie Michel Zink, dans son nouveau livre L'Humiliation, le Moyen Âge et nous (Albin Michel, 2017, 272 pages). Il a bien voulu nous en confier le prologue. Nos lecteurs seront particulièrement attentifs à cet important ouvrage. COMMENTAIRE
- Comment peut-on être libéral ? - Guillaume Barrera p. 351-358 Depuis 2011, la ville de Langres, berceau de Denis Diderot, organise des « Rencontres philosophiques » ouvertes au public et destinées à réunir des professeurs de l'Université, des classes préparatoires et de l'enseignement secondaire. Chaque année, ces rencontres portent sur un thème distinct. En octobre 2016, « le politique » était au programme. Nous livrons ici à nos lecteurs la communication de Guillaume Barrera invité à relire Montesquieu sous un biais contemporain. COMMENTAIRE
- La montée du narcissisme ? - Antoine Albertelli, Bruno Lemaitre p. 359-370 Le narcissisme est à la mode. C'est un terme passe-partout, que ce soit pour parler d'une célébrité comme Paris Hilton, d'un joueur de football (« Moi, Zlatan »), ou des politiques. Nous serions à l'ère de l'ego ! Les recherches sur le narcissisme ont connu un vif développement aux États-Unis, pour deux raisons. D'abord, de nombreux acteurs de la crise financière de 2008 ont été décrits comme des personnalités narcissiques. Les experts mentionnent la personnalité de Jeffrey Skiling, ex-P-DG d'Enron Corp., qui pressé d'évaluer son intellect lors d'un entretien d'admission à Harvard affirmait tout simplement : « Je suis un putain de génie ! » ; on connaît les conséquences de la chute d'Enron sur l'économie mondiale. Deuxième raison, plus fascinante : ce trait de caractère serait en augmentation rapide aux États-Unis, et sans doute dans le monde, ainsi les sociétés modernes deviendraient plus narcissiques. A. A. et B. L.
- L'humilité et l'humiliation - Michel Zink p. 343-350
Société
- Les retraites : problèmes et solution - Philippe Trainar p. 371-382 En dépit des propos rassurants de tels responsables politiques ou de certains experts, la situation de notre système de retraites par répartition est préoccupante dès lors que l'on retient des hypothèses économiques et démographiques tendancielles. Même si l'on peut critiquer ces hypothèses, n'est-il pas paradoxal que notre système, qui devrait être prudent et résilient eu égard à la nature de ses engagements extrêmement longs, voire infinis, ne soit pas capable d'affronter des situations économiques qui dévient tant soit peu d'hypothèses optimistes ? Afin de comprendre les raisons de ce paradoxe, il faut revenir sur les spécificités de notre système ainsi que sur ses déterminants structurels de long terme. Nous verrons alors que les problèmes récurrents d'équilibre et d'équité du système français sont imputables à une incitation intrinsèque à la gestion au jour le jour, que l'on a beaucoup de mal à rattacher à une quelconque philosophie cohérente de la répartition. La première priorité consiste donc à clarifier cette philosophie pour en tirer une discipline rigoureuse qui permette d'assurer l'équilibre et l'équité du système dans la stabilité des taux de cotisations. Afin de garantir la pérennité de ce nouvel équilibre, il serait souhaitable de l'accompagner d'un certain nombre de réformes institutionnelles qui aideraient grandement à limiter les incitations à la procrastination. Ph. T.
- Les souffrances sociales - Claude Seibel p. 383-388 Les milieux populaires sont confrontés depuis une quarantaine d'années à de graves difficultés. S'agit-il d'un abandon qu'ils ressentiraient ou du choc en retour d'un chômage qui, de longue date, frappe ces populations ? Cette thèse mériterait d'être analysée, région par région, pour mieux comprendre leur évolution économique et, en particulier, les impacts d'un marché mondialisé et d'un progrès technique important, parmi d'autres causes, sur la désindustrialisation qu'elles ont subie. Cette analyse détaillée n'est pas à notre portée, mais il est possible de dessiner à grands traits des domaines où les politiques publiques n'ont pas répondu aux attentes des milieux populaires depuis plusieurs décennies déjà. On se centrera sur une partie d'entre eux, en privilégiant les thèmes « Éducation-formation-emploi » et en suggérant des évolutions à la portée des responsables politiques et des partenaires sociaux. C. S.
- Partager les héritages entre les générations - Frédéric Laloue p. 389-396 L'héritage vient aujourd'hui pour l'essentiel conforter des situations acquises, sans effet immédiat sur l'activité économique et sur la situation sociale des bénéficiaires. Le partage des héritages entre les enfants et les petits-enfants des défunts permettrait de compenser en grande partie ce phénomène, en répartissant mieux le patrimoine et en le réorientant vers les jeunes. Il s'agirait d'une rupture avec notre conception de la famille issue du Code Napoléon, qui pourrait participer de la définition d'un nouveau pacte social entre les générations. F. L.
- La musique délaissée - Jean-Noël Tronc, Karol Beffa p. 397-406 La place occupée par la musique dans la politique culturelle française est inversement proportionnelle à l'importance du secteur, qu'il s'agisse de son importance économique ou de son rayonnement international. Jean-Noël Tronc, directeur général du premier acteur français du secteur, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), plaide pour un soutien accru à l'exportation et un véritable plan national pour l'éducation musicale. K. B.
- Les retraites : problèmes et solution - Philippe Trainar p. 371-382
Sans commentaire
- Sans commentaire - p. 407-408
Chroniques
- Pascal dans le siècle - Michel Schneider p. 409-411 Que Pascal, qui passe pour le plus métaphysique de nos écrivains et le plus mélancolique de nos penseurs, ait été aussi un homme avisé en affaires, un politique soucieux de s'imposer et d'en imposer, un témoin de son siècle et un guide pour comprendre le nôtre, voilà qui va à l'encontre des idées reçues et des images arrangées. M. S.
- Un poète devenu chanteur : Leonard Cohen : Lentus in umbra. — XIX - Gil Delannoi p. 412-414 Bob Dylan, le chanteur poète, aurait finalement reçu son prix Nobel à Stockholm le 1er avril (sic) ou le 2, en marge d'un concert donné en Suède. L'événement eut lieu à huis clos. Mais ceci au fond ne concerne que les jurés et Dylan. L'attribution est faite pour toujours au sens symbolique et polémique du terme. Suite et fin de la chronique parue dans le précédent numéro de Commentaire (« Un poète chanteur : Bob Dylan ») sur les rapports de la chanson contemporaine avec les ballades traditionnelles. Les chansons, même les plus réussies, perdent souvent leur âme quand on ôte aux paroles leur musique ou à la musique ses paroles. Il se peut néanmoins qu'il y ait quelques exceptions. G. D.
- Pascal dans le siècle - Michel Schneider p. 409-411
Revue de presse
- Revue de presse - Serge Lançon p. 415
- L'Europe, l'euro et l'élection présidentielle - Jean-Claude Casanova p. 417-418
- Les aventures de la justice - François Sureau p. 419-420
- Contre une République fondée sur le Parquet - Claudio Cerasa p. 420-422
- Un bréviaire de la bienséance et de la soumission - Alain Finkielkraut p. 422-424
Les idées et les livres
- Démocratie sans fin - Paul Thibaud p. 425-432 Paul Thibaud a bien voulu étudier pour nos lecteurs le livre de Marcel Gauchet : L'Avènement de la démocratie IV. Le Nouveau Monde (Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 2017, 768 pages). COMMENTAIRE
- Joseph Bonaparte - Thierry Lentz p. 432-435 Thierry Lentz a prononcé ce texte à l'Institut de France, le 26 février dernier, lorsque le prix Chateaubriand, dont le jury est présidé par Marc Fumaroli, lui a été remis pour son livre : Joseph Bonaparte (Perrin, 2016, 752 p.). Le prix Chateaubriand, instauré par le département des Hauts-de-Seine, est décerné à l'Institut sous la présidence de MM. Gabriel de Broglie, chancelier de l'Institut, et de Patrick Devedjean, président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine. COMMENTAIRE
- Démocratie sans fin - Paul Thibaud p. 425-432
Critique
- Jésus et les Romains - Claude Fouquet p. 435-438
- Que lire de Tournier ? - Christophe Mercier p. 438-440
- Gilson historien de la philosophie - Rémi Brague p. 440-443
- Sur le nombre et le monde - Laurent Lafforgue p. 444
- Sur le nombre et le monde - Laurent Lafforgue
- Philosophie et monde moderne - Jacques de Larosière
- La décadence selon Onfray - Nicolas Saudray p. 445-446
- La science politique d'Aron - Gwendal Châton p. 447-448
- Oakeshott au long cours - Cédric Argenton p. 448-450
- État d'exception et libéralisme - Alexis Carré p. 450-452
- Chateaubriand, le temps et l'histoire - Guy Berger p. 452-453
- Prière de n'oublier ni Jacques Perret ni Thierry Maulnier - François Kasbi p. 454-455
- Comment déchiffrer Marguerite Yourcenar - Jean-Pierre Castellani p. 455-456
- Le Vichy de Laval - Arnaud Benedetti p. 457-459
- À quoi sert le ministre du Travail ? - Dominique Andolfatto p. 460-462
- La malédiction du favori - Jacques Bille p. 463-465