Contenu du sommaire : L'économie de l'esclavage en Méditerranée médiévale et moderne
Revue | Rives méditerranéennes |
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Numéro | no 53, 2016/2 |
Titre du numéro | L'économie de l'esclavage en Méditerranée médiévale et moderne |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Réévaluer l'économie de l'esclavage en Méditerranée au Moyen Âge et au début de l'époque Moderne : Une introduction - Ivan Armenteros Martínez, Mohamed Ouerfelli p. 7-17
Repenser la question de la main d'oeuvre esclave en Méditerranée médiévale
- Travail et esclavage : Y a-t-il eu un modèle oriental ? - Salah Trabelsi p. 21-39 Les sources arabes font état de profonds changements liés à la formation d'un immense empire, s'étendant de l'Atlantique à l'océan Indien. La conquête arabe a incontestablement favorisé les débuts d'une économie agraire stimulée par le travail des esclaves. Dès le milieu du VIIe siècle, on voit apparaître les grands traits d'un monde nouveau, accordant à l'acquisition des esclaves un intérêt supérieur. Principale source d'énergie et de prestige, les esclaves font ainsi très tôt l'objet d'une demande effrénée. Tout en soulignant la différence des statuts entre les salariés libres, les fermiers pauvres et les travailleurs dépendants, les chroniques décrivent des systèmes marqués par une extraordinaire extension de l'esclavage. Cette phase transitoire se renforce sous l'empire omeyyade et atteint des paliers décisifs sous les Abbassides et les Fatimides.Arab sources indicate profound changes related to the formation of a vast empire, which was extending from the Atlantic to the Indian Ocean. The Arab conquest undoubtedly fostered the beginnings of an agrarian economy fueled by slave labor. From the middle of the seventh century, we saw the emerging of a new world outlines, in granting a higher interest to the acquisition of slaves. As a main source of energy and prestige, slaves very soon would be the subject of a frantic request. While highlighting the difference of status between the free workers, poor farmers and dependent workers, Arab chronicles describe systems which are marked by an extraordinary extension of slavery. This transitional phase will strengthen under the Umayyad Empire and would reach critical levels under Abbasids and Fatimids.
- La production du sucre en Méditerranée médiévale : Peut-on parler d'un système esclavagiste ? - Mohamed Ouerfelli p. 41-59 Les historiens du sucre des Caraïbes et des Amériques n'ont pas cessé de défendre la thèse d'une structure esclavagiste que le Nouveau Monde a empruntée à la Méditerranée. Ils soutiennent que l'emploi des esclaves s'est amorcé dans les plantations et les sucreries méditerranéennes avant de gagner l'Atlantique. Pourtant l'examen rigoureux des sources montre que les sucreries méditerranéennes font appel à des paysans, à des entrepreneurs agricoles ou à des ouvriers rémunérés, pour accomplir les différentes tâches de la production. Cette activité ne peut pas être envisagée en tant que forme d'économie esclavagiste, et donc ne peut pas servir de modèle au Nouveau Monde. Ce sont surtout les progrès techniques accomplis qui sont mis à profit à grande échelle pour développer l'industrie sucrière dans les Caraïbes et en Amérique.Historians of Caribbean and American sugar have constantly defended and contended the proposition of an existing slavery structure that was borrowed from the Mediterranean by the New World. They postulate that employing slaves was initiated in the Mediterranean plantations and sugar manufactures prior to conquering the Atlantic. Controversially, the rigorous scrutiny of sources indicates that Mediterranean sugar manufactures attracted farmers or agricultural entrepreneurs, along with employers, toward accomplishing the different tasks of the refineries. Sugar production in Medieval Mediterranean can not be conceptualised as a slavery-based economic system, nor could it be such a model for Atlantic plantations. However, technical progress being intensively invested in Mediterranean sugar manufactures permitted to attain the level of developing sugar industry in the Caribbean and America.
- Travail et esclavage : Y a-t-il eu un modèle oriental ? - Salah Trabelsi p. 21-39
Investissement, profit et fiscalité publique autour du commerce des esclaves
- Un marchand italien d'esclaves à Lisbonne à la fin du XVe siècle : Bartolomeo Marchionni - Francesco Guidi Bruscoli p. 63-81 Pendant la seconde moitié du XVe siècle, la Couronne portugaise a adopté différentes stratégies pour contrôler le marché des esclaves africains. En 1486, un contrat fut conclu avec le marchand florentin Bartolomeo Marchionni, qui put de cette façon importer au Portugal la majorité des esclaves de la région des Rios dos Escravos. Marchionni ne se limitait pas à importer les esclaves à Lisbonne, mais il jouait également un rôle important dans la redistribution vers les autres pays. Dans les années 1490, il fut le plus grand exportateur vers Valence, place sur laquelle il utilisait l'Italien Cesare Barzi comme intermédiaire. Par ailleurs, Marchionni envoyait des esclaves vers Séville et Florence, sa patrie d'origine.
Crown adopted various strategies to control the market of African slaves. In 1486 a contract was agreed with the Florentine merchant Bartolomeo Marchionni
: he could in this way import to Portugal the majority of slaves from the region called Rios dos Escravos. Marchionni, however, did not limit his activity to the import of slaves to Lisbon, but he also played an important role in redistributing them to other countries
: especially during the 1490s, he was the largest exporter of slaves to Valencia, where he used the Italian Cesare Barzi as an intermediary. But Marchionni also sent slaves to Seville and to Florence, his native country. - L'alcabala des esclaves de Séville : Notes et données pour une étude dans la seconde moitié du xvie siècle - Rafael M. Perez Garcia, Manuel F. Fernandez Chaves p. 83-102 Les auteurs étudient ici l'alcabala, l'impôt qui frappait les ventes d'esclaves à Séville entre les xve et xvie siècles et qui était connu sous le nom d'alcabala de moros y tártaros. En théorie, cet impôt représentait 10 % de la valeur d'achat, mais il dépassait rarement 8 % ad valorem. Les taux variaient selon les objectifs, la volonté des percepteurs, la conjoncture du marché, l'identité des vendeurs et des acheteurs, etc. Notre étude s'attache plus particulièrement à onze années comprises entre 1571 et 1598, à partir des sources de l'Archivo General de Simancas et de l'Archivo Histórico Provincial de Sevilla.In this paper the authors study the alcabala tax over the buy and selling of slaves in thecity of Seville between the 15th and 16th centuries, called until the mid-16th century “alcabala de moros y tártaros”. In theory, the tax was fixed in a 10% of the final value of the purchases, but it didn't use to overcome an 8% ad valorem, and this percentage depended on the aims and will of the taxmen, as it was strongly related to the selling conditions and to the identity of buyers and sellers, as well as to the market situation. Eleven years between 1571 and 1598 are here specially studied, crossing the sources from the Archivo General de Simancas and the Archivo Histórico Provincial de Sevilla.
- La géographie du commerce des esclaves dans l'Empire ottoman et l'implication des marchands d'Europe occidentale - Hayri Gökşin Özkoray p. 103-121 L'approvisionnement en esclaves dans l'Empire ottoman s'effectue principalement en fonction des avancées et des conquêtes militaires, appuyées par un réseau commercial complexe qui comprend des acteurs extérieurs ou périphériques à l'État ottoman. Dans cet article, il s'agit d'établir une hiérarchie analytique des différentes aires géographiques à partir desquelles les Ottomans s'approvisionnaient en esclaves à l'époque moderne. En prenant comme point de départ l'historiographie et des documents d'archives constituant « une géographie vue d'Istanbul », l'article examine également le rôle des marchands d'Europe occidentale dans le commerce des esclaves comme cas d'étude, afin de mieux saisir la place des réseaux ottomans au sein de l'échelle globale de la traite à l'époque moderne.The Ottoman Empire's slave supply came mainly from military conquests and territorial advances which were enhanced by a complex commercial network that included agents who were external or peripheral to the Ottoman state. The article establishes an analytical hierarchy of different geographical areas whence Ottomans obtained their supply of slaves in the early-modern era. Taking “a geography seen from Istanbul” as the point of departure (formed by historiography and archival material), the article ends with the examination of Western European merchants' place in the slave trade as a case study that allows to situate Ottoman networks on the global scale of slave trade in the early-modern era.
- Un marchand italien d'esclaves à Lisbonne à la fin du XVe siècle : Bartolomeo Marchionni - Francesco Guidi Bruscoli p. 63-81
Après la captivité : l'insertion des esclaves dans les sociétés chrétiennes ibériques
- Des êtres sans passé ? : La question du bagage professionnel des esclaves musulmans dans la Méditerranée au bas Moyen Âge - Roser Salicrú i Lluch p. 125-138 Les esclaves en terre chrétienne de l'Europe méditerranéenne médiévale ont toujours été considérés comme un ensemble d'êtres sans passé. Mais l'analyse approfondie de sources conservées par la Couronne d'Aragon permet d'en finir avec l'image de vide existentiel des captifs musulmans arrivés à Valence au cours du XVe siècle. Elle révèle une réalité socio-économique riche et complexe de l'Islam occidental. Une information directe sur le passé des captifs était à la disposition de l'acquéreur lors de la première vente, mais leur bagage socio-professionnel fut systématiquement dédaigné. On peut en conclure que l'esclavage ne fut pas pour eux une mort sociale, mais un assassinat. Même si, une fois en terre chrétienne, on leur attribuait une nouvelle naissance sociale et professionnelle.Up to now, medieval slaves in Mediterranean European Christian lands have been considered as individuals without a past. An extensive analysis of sources preserved in the Crown of Aragon allows us to end with the existential void image of Muslim captives arrived in Valencia in the fifteenth century. It reveals a rich and complex picture of the socio-economic reality of Western Islam. In their first sale, direct information about the captives' past was available to the buyer, but their socio-professional background was routinely scorned. We can therefore conclude that slavery was not for them a social death, but a murder. Although, once in Christian lands, they were assigned a new social and professional birth.
- Le Portugal et l'Atlantique : Expansion, esclavage et race en perspective (XIVe-XVIe siècles) - António de Almeida Mendes p. 139-157 Les recherches engagées ces dernières années sur la première traite atlantique (XVe-XVIe siècles) et sur l'esclavage en péninsule Ibérique se caractérisent par des approches surtout quantitatives. Le désintérêt pour l'étude des conséquences socio-politiques pour les sociétés européennes est alimenté par la difficulté à penser l'histoire coloniale comme étant une partie intégrante de l'histoire de l'Europe et enfin à poser la problématique de la longue durée de l'esclavage colonial et de la construction des catégories socio-raciales. Le croisement de milliers de documents des fonds d'archives portugaises, castillans et de la Couronne d'Aragon permet de repenser la place de l'esclavage colonial européen dans la construction d'un paradigme économique et racial sinon différent du moins autonome du modèle des sociétés esclavagistes des Amériques.In the last decades, the researches on the first Atlantic slave trade (15th-16th centuries) and on slavery in the Iberian Peninsula are characterized by quantitative approaches. The indifference for the study of the slavery's socio-political consequences for the European societies is fed by the difficulty on thinking the colonial history as being a part of the history of Europe, and to think the longue durée of the colonial slavery and the construction of the socio-racial categories. The confrontation of thousands of documents of Archives from Portugal, Castille and the Crown of Aragon allows rethinking the place of Portuguese slave trade in the construction of an economic and racial paradigm otherwise different from the least autonomous of the model of the slave societies of the Americas.
- Des êtres sans passé ? : La question du bagage professionnel des esclaves musulmans dans la Méditerranée au bas Moyen Âge - Roser Salicrú i Lluch p. 125-138