Contenu du sommaire : Construire des patrimoines culturels en mobilité
Revue | Autrepart |
---|---|
Numéro | no 78-79, 2016 |
Titre du numéro | Construire des patrimoines culturels en mobilité |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Construire des « patrimoines » culturels en mobilité : acteurs, circuits, réseaux - Aurélie Condevaux, Anaïs Leblon p. 5-20
- (Re)construire un patrimoine en mobilité : une exposition sur le hammam à Marseille - Émilie Francez p. 21-37 À partir de l'étude du projet d'exposition Hammam, présentée en 2007 à Marseille, cet article propose d'examiner comment des acteurs associatifs construisent un discours sur une pratique culturelle et son évolution à Marseille. Plus précisément, il s'agit d'analyser de quelles manières le hammam marseillais, initialement qualifié de « patrimoine », est présenté par la suite comme un « lieu de mémoire », associé aux « populations issues de l'immigration maghrébine », en comparaison avec les hammams du monde méditerranéen. Cet article vise à interroger les significations dont le hammam est l'objet dans le cadre de l'exposition, et plus particulièrement son interprétation comme un lieu de rencontre entre les cultures françaises et maghrébines, dans un contexte politique de stigmatisation des populations immigrées, notamment en provenance du Maghreb.(Re-)building heritage in mobility: an exhibition on the hammam in Marseille
Based on the study of the exhibition on hammam organised in Marseille in 2007, this article examines the construction by a nonprofit organisation of a discourse on a cultural practice and its evolution in Marseille. The article examines how the hammam of Marseille, at first viewed as “heritage”, later becomes a “place of memory” associated with populations from Maghreb immigration, by comparison with the hammams of the Mediterranean world. It also questions the meanings of the hammam put forward through the exhibition, and its interpretation as a place of encounter between French and Maghreb cultures in a political context of stigmatisation of immigrant populations, particularly from the Maghreb. - La création d'un orchestre rom à partir d'un squat de migrants : quels usages de l'« authenticité identitaire » ? - Alexandra Clavé-Mercier p. 39-54 Cet article entend questionner les discours sur l'« authenticité identitaire » et les enjeux qui leur sont sous-jacents à travers l'analyse de la construction de la musique « rom » comme objet patrimonial. Dans une agglomération française, un orchestre réunissant des migrants roms bulgares a été mis en place par deux acteurs de la société civile. Les membres de l'orchestre étant présentés dans la presse comme des Roms vivant en squat et jouant une musique « traditionnelle des plus authentiques », il est intéressant d'analyser les discours sur ce dispositif en lien avec l'identité ethnique « rom ». Sont également interrogées les motivations des différents acteurs participant à cette construction d'objet culturel, en soulignant l'importance des contextes migratoire et sociopolitique et notamment la fortement présente « injonction à l'intégration ». Les effets de cette construction culturelle et les changements qu'elle entraîne pour les membres du groupe sont ensuite analysés. L'article montre in fine que la création de l'orchestre cristallise les ambiguïtés entre une assignation identitaire et les stratégies d'acteurs qui s'en saisissent à leur façon.Creation of a Roma orchestra from a migrant squat and uses of “authentic” identity
This article looks into the discourse on “authentic” identity and its underlying issues through the analysis of “Roma” music set up as a heritage object. In a French city, two civil society members set up an orchestra gathering Bulgarian Roma migrants, and the media presented the orchestra members as Roma living in squats and playing a “most authentic traditional” music. The article analyses the speeches on this initiative in connection with the ethnic “Roma” identity, and questions the motivations of the various actors involved. It also highlights the importance of the migration and socio-political contexts, especially the strongly present injunction to integrate. The article examines the effects of this cultural construction, and the changes it entailed for the members of the music group. It shows that setting up the orchestra crystallises the ambiguity between identity assignation and what actors make of it. - Musiques kanak en mouvement : contextes, enjeux et institutionnalisation en Nouvelle-Calédonie - Stéphanie Geneix-Rabault p. 55-67 La Nouvelle-Calédonie, pays d'outre-mer, s'est vue destituée d'une part importante de son patrimoine culturel lors de sa colonisation et de son évangélisation. Elle bénéficie à partir du milieu des années 1970-1980 d'un développement considérable à la suite des revendications identitaires, puis des politiques de rééquilibrage du pays, des Accords de Matignon (1988) jusqu'à l'Accord particulier (2002). L'analyse du contexte politique et social calédonien questionnera le processus de patrimonialisation musicale, son origine et son évolution, mais aussi les profils des acteurs musicoculturels participant à la création de ces « patrimoines ». Nous examinerons les notions d'authenticité, de mémoire, de tradition, d'héritage et d'identité. Leur récurrence dans les discours nous poussera à interroger non seulement leur sens, mais aussi les mécanismes d'institutionnalisation entérinant une patrimonialisation qui tend aujourd'hui plus largement à légitimer une politique musicoculturelle axée sur « l'exportation ».Kanaka music in motion: context, challenge and institutionalisation in New Caledonia
New Caledonia, a French overseas collectivity, was deprived of an important part of its cultural heritage after its colonisation and evangelisation. From the mid 1970s, New Caledonia witnessed an important cultural development prompted by identity claims and resulting rebalancing policies, from Matignon Agreements (1988) to the “Accord particulier” (2002). The article questions the process of musical patrimonialisation through the analysis of the Caledonian political and social context. It focuses on its origin and evolution, but also on the characteristics of the musical-cultural actors who take part in creating this “heritage”. It examines the notions of authenticity, memory, tradition, legacy and identity. The recurring use of these terms leads to questioning their meanings as well as the institutionalisation processes that sanction heritage-making, and nowadays tend, in a wider way, to legitimate a music-cultural policy focused on “export”. - Circulation et patrimonialisation des pratiques esthétiques expressives dans le Pacifique : les exemples de Tonga et de la Nouvelle-Zélande - Aurélie Condevaux p. 69-84 Cet article part du constat que, dans leur circulation, certaines pratiques musicales et chorégraphiques du Pacifique sont redéfinies comme « patrimoine ». Il s'agit de comprendre les facteurs expliquant cette requalification au regard des contextes dans lesquels elle intervient. L'article examine également ce que ces « patrimonialisations » peuvent nous apprendre sur la dynamique des appartenances sociales générée par la migration d'une part et sur la place accordée aux populations migrantes dans leur pays d'installation d'autre part.Mobility and patrimonialisation of expressive aesthetic practices in the Pacific: examples from Tonga and New ZealandThis article stems from the observation that, as they circulate, some musical and choreographic practices of the Pacific are redefined as “heritage”. The article aims to understand the factors explaining this re-characterisation according to the contexts in which it intervenes. The article also examines what these heritage-making processes can tell us about the dynamics of social belonging produced by migration, and about the status of migrants in the countries where they settle.
- Une patrimonialisation des migrations en tension entre le local et le transnational. L'exemple d'un projet « d'écomusée peul » dans la région de Matam (Sénégal) - Julie Garnier, Anaïs Leblon p. 85-102 Dans cet article, nous proposons d'explorer les rapports qui lient la fabrique « d'un patrimoine culturel » à l'expérience de la migration, celle-ci apparaissant comme un élément déclencheur de la patrimonialisation. Nous prendrons appui pour cela sur l'étude d'un projet d'« écomusée peul » dans la région de Matam au Sénégal, porté par un collectif de migrants ouest-africains en France : quels enjeux de signification recouvrent ces mobilisations qui émergent au nom de la culture en contexte migratoire ? Que nous disent-elles sur les collectifs et les réseaux qui s'y construisent ? Que nous apprennent-elles de l'articulation entre les échelles locales d'investissement des migrants et les circulations transnationales à l'œuvre, sur les difficultés à patrimonialiser en migration ?Patrimonialisation of heritage between the local and the transnational. The case study of a project of “Fulani ecomuseum” in the region of Matam (Senegal)This paper explores the relations between cultural heritage creation and the migration experience, the latter triggering heritage-making. To this end, we study a project of “Fulani Ecomuseum” in the region of Matam in Senegal, carried out by a group of West African migrants in France. What is the significance of the mobilisation emerging in the name of “culture” in a migratory context ? What does it tell us about the “collectives” and networks set-up in this context ? What can we learn from the articulation between local migrant investment and transnational movements ? What can we learn about the difficulties to build a heritage in migration ?
- Un Janus à deux visages. Patrimonialisations du religieux initiatique et discours de la tradition dans les musiques « tradi-modernes » du Gabon - Alice Aterianus-Owanga p. 103-124 Des années 1960 aux années 1990, plusieurs chanteurs se sont faits au Gabon les hérauts d'un projet de construction d'une identité gabonaise et africaine décolonisée participant d'un processus de façonnage de « traditions » et de « patrimoines ». Ils ont alors été, consciemment ou non, des acteurs majeurs de la patrimonialisation des sociétés initiatiques et de leur reconnaissance comme « tradition » à préserver. Fondé sur l'examen des trajectoires de trois de ces musiciens (Pierre-Claver Akendengué, Aziz'Inanga et Vyckos Ekondo), cet article démontre comment ces derniers élaborèrent un discours de valorisation de la « tradition » et participèrent à une « patrimonialisation ordinaire », en se nourrissant de voyages dans leurs villages d'origine, de confrontations avec les réseaux du panafricanisme ou de la world-music, des influences de l'africanisme ethnologique et de négociations stratégiques avec les politiques culturelles du régime d'Omar Bongo. L'étude multiscalaire et diachronique des mobilités musiciennes révèle ici les rapports ambigus entretenus avec l'idée de « tradition » dans le projet de construction d'un État gabonais moderne, et la manière dont ils se sont répercutés dans le processus de patrimonialisation des sociétés initiatiques.The two faces of Janus: patrimonialisation of initiation rituals and discourses about tradition in “tradimodern” Gabonese musicFrom the 1960s to the 1990s, several singers in Gabon were the heralds of a project aiming at building a decolonised Gabonese and African identity drawing from a process of shaping “traditions”and “heritage”. Consciously or not, they played a major role in turning initiation rituals into heritage and having them recognised as “traditions” to preserve. This paper analyses the career of three musicians – Pierre-Claver Akendengué, Aziz'Inanga and Vyckos Ekondo. It shows how they stressed tradition in their discourse. They took part in a process of “ordinary patrimonialisation”, drawing inspiration from their trips to their villages of origin, and confrontations with Pan-African or world music networks. They were also influenced by ethnological African studies, and by their negotiations with the cultural policies of Omar Bongo's regime. The multi-scalar and diachronic study of musical mobility unveils the ambiguity of the idea of tradition underlying the Gabonese modern state construction project of construction, and how it impacted the heritage-making of initiatory societies.
- Faire communauté et consolider la filiation par le patrimoine musical. Un regard transnational sur le monde judéo-espagnol - Jessica Roda p. 125-143 À Paris, Tel-Aviv, Istanbul ou Los Angeles, on entend et chante les fameux standards judéo-espagnols. Ce partage de connaissances est le résultat d'une patrimonialisation qui a commencé dès les années 1950 dans un espace transnational à la suite de l'éclatement géographique des Judéo-Espagnols de l'Empire ottoman. Cet article expose les différentes étapes de ce processus, tant dans la diachronie que dans la synchronie, à partir d'un terrain multisite mené en France, aux États-Unis et sur le cyberespace. On découvrira que la construction du patrimoine à travers l'expérience de la migration peut être envisagée comme un mouvement de reterritorialisation permettant aux Judéo-Espagnols de faire communauté, de reconsolider la filiation judéo-espagnole dans l'espace familial et ainsi, de constituer un territoire historique fédérateur incarné par le patrimoine. Au-delà de ce cas spécifique, l'article montre comment le patrimoine musical, en raison de son statut d'objet immatériel facilement transportable, peut nous conduire à repenser la patrimonialisation au-delà du territoire et à l'envisager comme un processus de consolidation et de création de liens entre des individus et des groupes d'individus partageant un sentiment d'appartenance.Making community and consolidating descent through musical heritage. A transnational view on the Judaeo-Spanish worldThe famous Judaeo-Spanish standards are sung and heard in Paris, Tel Aviv, Istanbul or Los Angeles. This knowledge-sharing is the result of a patrimonialisation started in the 1950s in a transnational space, after the dispersal of the Judaeo-Spaniards of the Ottoman Empire. This article outlines the various stages of this heritage-making, in diachrony and synchrony, drawing from a multi-sited fieldwork conducted in France, in the United States and on the web. It shows that heritage-making can be envisaged, through the experience of migration, as a reterritorialisation movement. It allows Judaeo-Spaniards to form a community, to assert the Jewish-Spanish lineage in the family space and thus, to define a federative historical territory that heritage embodies. Beyond this example, the article shows that musical heritage, because of its intangible and easily portable nature, can lead us to reconsider heritage-making beyond the limits of the territory, as a creation and consolidation of links between individuals and groups sharing a sense of belonging.
- Patrimonialisation de la danse tango : une « tradition » au prisme de sa déterritorialisation - Christophe Apprill p. 145-162 L'inscription du tango au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco en 2009 laisse entendre que danse et musique circulent de manière identique. Fondée sur une mobilité transcontinentale, la résurgence de la danse tango depuis les années 1990 atteste au contraire de modes spécifiques de diffusion qui ont déterminé une revalorisation de ce genre. Sur le terrain français, comment les interprétations institutionnelles du tango entrent-elles en tensions avec l'expérience sensible des pratiquants ? Quelles « traditions » sont en jeu à travers les processus de transmission et la segmentation stylistique qui caractérise ses circulations contemporaines ?Patrimonialising tango dance: a “tradition” through the lens of its deterritorialisation
The inclusion of tango in the intangible cultural heritage of Unesco in 2009 suggests that dance and music circulate in the same way. Stemming from transcontinental mobility, the revival of tango dance since the 1990s shows, on the contrary, that specific modes of diffusion influenced it. How do the institutional interpretations of tango come into tension with the practitioners' sensorial experience? Which “traditions” are at stake through the transmission and the stylistic partition that characterise its present-day circulation? - « À propos d'Eleven » : écriture de création, pratique de recherche - Anne Dubos p. 163-181 Eleven est une pièce en kit. L'écriture dramaturgique fonctionne sur le mode du « work in process ». Elle se travaille étape par étape, tout au long du cheminement de la compagnie. À partir de l'analyse des modalités de transmission des gestes de Kathakaḷi, l'auteure interroge la manière dont les techniques du corps traditionnelles évoluent : qu'arrive-t-il à la forme du geste lorsqu'il est transmis d'un corps à l'autre : de celui d'un danseur contemporain à un acteur amateur ? Et comment cartographier son changement dans l'espace et le temps ? Liée à un laboratoire du geste itinérant, la pièce met en scène l'hypothèse d'une nécessaire mobilité dans la conception de l'architecture des administrations patrimoniales.About the Eleven project
Eleven is a work-in-process play. Based on Kathakali basic movements, the author questions the ways in which traditional body techniques change when passed on from one body to another: from a contemporary dancer to a young drama actor. What happens to the first shape of the gesture? How to map its changes in space and time? Linked to a laboratory of the itinerant gesture, the play depicts the theory that mobility is necessary to conceive the architecture of patrimonial administrations. - Son jarocho entre Mexique, États-Unis et Europe : patrimonialisation réticulaire d'une pratique culturelle transnationale - Christian Rinaudo p. 183-199 Défini comme un genre musical originaire de Veracruz et comme le produit du métissage de différents univers culturels (espagnols, africains, indigènes), le son jarocho a été considéré pendant longtemps comme une des composantes constitutives de l'héritage culturel mexicain. Au début des années 1970, quelques musiciens et universitaires ont commencé à questionner les dérives commerciales et folklorisantes de cette pratique, donnant ainsi naissance au « mouvement jaranero » (du fait de l'usage central de la jarana, petite guitare d'origine espagnole). Ce dernier va contribuer à l'émergence d'un discours patrimonial renvoyant à un passé mythique : celui des fandangos, fêtes traditionnelles dans et par lesquelles se transmet une mémoire collective commune. À partir des années 1990-2000, la collaboration entre la nouvelle génération de musiciens de Veracruz et le mouvement chicano aux États-Unis va multiplier les propositions de production d'une mémoire commune et développer un activisme social et politique qui, en s'articulant avec le mouvement zapatiste, constitue un des enjeux de la patrimonialisation d'une pratique qui se déploie désormais dans un champ social transnational.Son jarocho between Mexico, the United States and Europe: reticular patrimonialisation of a transnational cultural practiceDefined as a Veracruz (Mexico) musical style and as the product of mingling different cultural universes (Spanish, African, indigenous), son jarocho has long been considered one of the constituents of Mexican cultural heritage. In the early 1970s, some musicians and academics began to question the commercial and folkloric drifts of its practice. The result was the “jaranero movement” (because of the central use of jarana, a small guitar of Spanish origin). From this movement emerged a discourse on heritage referring to a mythical past that of the fandangos, traditional festivals where memory was transmitted. From the 1990s onwards, the new generation of musicians from Veracruz and the Chicano movement in the United States multiplied proposals to produce a common memory. They also collaborated to develop a social and political activism which, articulating itself with the Zapatista movement, is one of the stakes of patrimonialising a practice that now expands in a transnational social sphere.
- Construire « par le bas » un patrimoine graphique ethnique en situation transnationale (Mexique-USA) - Aline Hémond p. 201-218 Le présent article s'attache aux processus de constitution des patrimoines graphiques ethniques, en partant de l'exemple des créations picturales sur papier d'écorce appelées « amates » réalisées par les peintres nahuaphones du sud-ouest du Mexique. Après mes travaux doctoraux réalisés sur ce sujet il y a 20 ans dans une perspective émique, je m'intéresse aujourd'hui à la rencontre entre des acteurs réseau (artistes indigènes) et des amateurs, collectionneurs, anthropologues et institutions transnationales qui ont permis la reconnaissance et la patrimonialisation de ces peintures. On se centrera ici notamment sur « l'extériorité légitimante » du Musée national d'art mexicain de Chicago. Cette institution muséale a permis de requalifier dans son propre espace d'action le statut des peintures et de leurs créateurs, créant ainsi un espace de traduction propre à la participation de la communauté hispanique à Chicago et à la réception dans les espaces sociaux caractéristiques du multiculturalisme aux États-Unis.Bottom-up construction of a Mexican native graphic heritage in a transnational situation (Mexico-USA)This article focuses on how an ethnic graphic heritage is established. It is based on a study of paintings made on bark paper (amates) by Nahuatl speakers in South-west Mexico. In my Ph. D. dissertation two decades ago, I adopted an emic perspective. I now take a transnational actor-network approach to examine the interactions between native artists and art lovers, collectors, anthropologists and others. All these social categories contribute to the public recognition of these artworks as part of a cultural legacy. I pay particular attention to the role of the National Museum of Mexican Art in Chicago as an external expert conferring legitimacy on this process. This museum made it possible to reclassify in its own space of action the status of paintings and painters. It thus created a specific space for translation, allowing the participation of the Hispanic community in Chicago and reception in the social spaces characteristic of the United States' multiculturalism.
- Revisiting Iraqi Cultural Heritage from “Outside” in Times of Looting and Destruction: Al-Mutanabi Street in Motion - Diane Duclos p. 219-233 Comment penser la question de l'héritage dans une société caractérisée par la destruction et la dispersion de son patrimoine matériel et immatériel ? En mars 2007, une bombe a explosé dans la rue Al-Mutanabi, quartier rassemblant historiquement les bouquinistes de Bagdad. Survenant quatre années après les pillages des musées de la capitale irakienne, cet événement meurtrier incarne la destruction de la vie culturelle à Bagdad. Des artistes irakiens en exil réagissent rapidement de l'extérieur, ressuscitant par leurs créations l'atmosphère d'une ville perdue. Entre hommage et testament, leur travail interroge la notion d'héritage comme processus en (de) construction à travers un ensemble de pratiques transnationales. À partir d'entretiens conduits auprès d'artistes irakiens en exil et d'analyse de certaines de leurs productions liées à la rue Al-Mutanabi, cet article met en lumière des processus simultanés d'abstraction et de matérialisation de pratiques patrimoniales, fragilisant l'idée d'héritage défini comme trace d'authenticité.How can we think heritage in a society characterised by the destruction and dispersion of its material and immaterial cultural heritage? In March 2007, a bomb exploded in Al-Mutanabi Street, the historic centre of Baghdad bookselling area. Four years after the looting of Baghdad museums, this deadly event embodied destroyed cultural life in the Iraqi capital. Iraqi artists in exile quickly reacted from outside, reviving through their creations the atmosphere of the lost city. Between tribute and testament, their work questions heritage in the (un-) making, through a set of transnational practices. Drawing on interviews conducted with Iraqi artists in exile and on analyses of work related to Al-Mutanabi Street, this paper highlights the simultaneous processes of abstraction and rematerialisation of heritage practices, challenging the idea of heritage as a mark of authenticity.
- Patrimonialisation des mémoires douloureuses : ancrages et mobilités, racines et rhizomes - Dominique Chevalier p. 235-255 L'objectif de cet article est de montrer pourquoi et comment des lieux de mémoires douloureuses aussi divers que les musées de la Shoah édifiés dans les principales capitales occidentales après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la prison réhabilitée de Tuol Sleng à Phnom Penh, tristement célèbre lieu de tortures et de crimes commis par les Khmers rouges de Pol Pot entre 1975 et 1978, ou encore les tunnels de Cu Chi au sud du Vietnam, récemment mis en tourisme, représentent des objets spatiaux à part entière, requalifiés en tant que lieux patrimoniaux par la fréquentation de touristes nationaux et internationaux.Patrimonialisation of painful memories: anchors and mobility, roots and rhizomes
The purpose of this article is to show why and how places of painful memories represent space objects in their own right. Those places include sites as diverse as the Holocaust museums built in major Western capitals after the end of the Second World War, the rehabilitated Tuol Sleng prison in Phnom Penh, an infamous place of torture and crimes committed by Pol Pot's Khmer Rouge between 1975 and 1978, or the Cu Chi tunnels in Southern Vietnam, recently open to tourism. These sites are reclassified as heritage because of the national and international tourists visiting them. - La fabrique circulatoire d'un patrimoine national ou la coproduction de la nature au Costa Rica - Linda Boukhris p. 257-275 Cet article propose d'analyser le triple processus circulatoire à l'origine de la production patrimoniale au Costa Rica. Tout d'abord, le patrimoine naturel costaricien s'est construit à partir de représentations de la nature éminemment circulantes. Les voyageurs à la conquête des Amériques ont joué un rôle-clé dans la production du Costa Rica comme objet de nature tropicale dès le xixe siècle. Un deuxième processus circulatoire s'illustre dans la production contemporaine du patrimoine naturel costaricien. En effet, la mise en place du système national de conservation se structure à partir d'une circulation de concepts, de méthodes et d'expériences, émanant principalement des États-Unis. Enfin, cette qualification patrimoniale se trouve validée symboliquement par la mobilité touristique nationale et internationale. Revenir sur ces processus circulatoires permet également de saisir les différents rapports de pouvoir structurant la construction patrimoniale.The circulatory making of a national heritage or the co-production of nature in Costa Rica
This article proposes to analyse the threefold circulation at the origin of heritage production in Costa Rica. First, Costa Rica natural heritage was shaped through circulating representations of nature. The role of travellers exploring the Americas in the nineteenth century, including many naturalists, was key to making Costa Rica an object of tropical nature. A second circulation is illustrated in the modern construction of Costa Rica natural heritage. The structure of the national conservation system draws from the circulation of concepts, methods and experiences, mainly from the United States. Finally, national and international tourist mobility symbolically confirms the status of heritage. Revisiting this circulation allows us to grasp the different power relations that structure heritage-making. - Le « patrimoine culturel du renne » : pratiques touristiques et trajectoires nomades chez les Évenk de Chine (Mongolie-Intérieure) - Aurore Dumont p. 277-291 En Mongolie-Intérieure, les Évenk éleveurs de rennes sont confrontés depuis peu au développement du tourisme sur leur territoire. Le « village ethnique évenk d'Aoluguya », ses habitants et certains de leurs campements nomades sont devenus représentatifs de la « culture du renne », érigée en patrimoine culturel immatériel par les autorités locales en 2008. Fondé sur des enquêtes de terrain récentes (2008-2014), cet article explore les pratiques touristiques à l'œuvre chez les Évenk éleveurs de rennes, afin d'appréhender les différents types de mobilité qu'elles entraînent. On s'intéressera notamment à la compréhension de deux aspects du patrimoine de la « culture du renne » : sa mise en application par les autorités chinoises d'une part et sa perception par les Évenk d'autre part.The “Reindeer cultural heritage”: tourist practices and nomadic trajectories among the Evenki of China (Inner Mongolia)Inner Mongolia Evenki reindeer herders have recently witnessed tourism development on their territory. The “Aoluguya Evenki ethnic village”, its inhabitants, and some of their nomadic camps have become the representatives of the “reindeer culture”, promoted since 2008 as an intangible cultural heritage by the local government. Based on recent fieldwork (2008–2014), this article explores the tourism practices among Evenki reindeer herders to analyse the different types of mobility they involve. We focus here on two facets of the “Reindeer cultural heritage”: its implementation by the Chinese authorities, and its perception by the Evenki.