Contenu du sommaire : « Humaniser » la ville
Revue | Histoire urbaine |
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Numéro | no 48, avril 2017 |
Titre du numéro | « Humaniser » la ville |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- « Humaniser » la ville ? - Harold Bérubé, Olivier Chatelan p. 5-12
- Modèle ou repoussoir ? : La ville américaine en débat(s) dans l'Entre-deux-Guerres en France - Valérie Foucher-Dufoix, Stéphane Dufoix p. 13-34 La période de l'entre-deux-guerres en France est marquée par un véritable intérêt pour les États-Unis, intérêt qui se manifeste par la publication de récits de voyage, de romans, d'essais. Ces ouvrages et articles, parfois à fort tirage, donnent lieu à de vifs débats dans les revues et journaux. Si cet aspect a été peu étudié, la ville américaine occupe néanmoins une place importante dans ces écrits. Certains s'avèrent teintés d'une forte dimension critique, voire d'un anti-américanisme patent, lisant dans la ville américaine une forme inhumaine et machinisée alors que d'autres insistent sur la modernité de la métropole américaine et sur son caractère précurseur. Mais les descriptions de la ville américaine et de ses habitants laissent transparaître la vision d'une civilisation américaine distincte, opposée presque terme à terme à une civilisation européenne déjà fragilisée. La différence entre l'ancien et le nouveau monde devient peu à peu une menace, celle qui guette la civilisation européenne si elle ne parvient à défendre ses propres valeurs.In France, the Interwar period saw genuine interest in the United States, as shown by the publication of travel journals, novels and essays. These books and articles, sometimes published in large numbers, gave rise to lively debates in magazines and newspapers. Although the American city is an often-overlooked aspect, it still occupied a significant place in these writings. Some of these writings are tinted with a strong critical dimension or even clear anti-Americanism, viewing the American city as an inhuman and mechanised entity, whereas others emphasised the modernity the American metropolis and its trailblazing nature. However, the descriptions of the American city and its inhabitants hint at a view of a distinct American civilisation, opposed in almost every way to an already weakened European civilisation. The difference between the Old and New World gradually became a threat, which European civilisation would face if it could not defend its own values.
- Culture catholique et savoir technique au Chili, 1957-1970 : L'œuvre du Hogar de Cristo, la Operación Sitio et le plan de développement de La Reina - Emanuel Giannotti, Samira Zaouya p. 35-51
- D'un taudis à un autre ? : Réaménagements urbains et déplacements de population à Glasgow de 1945 à la fin des années 1970 - Fabien Jeannier p. 53-76 À Glasgow, après la Seconde Guerre mondiale, une grande partie des logements ouvriers situés dans les quartiers proches du centre-ville sont insalubres. Jusqu'au milieu des années 1970, les politiques urbaines mises en œuvre consistent essentiellement à les détruire. Pendant plus de vingt ans, sous couvert d'améliorer drastiquement les conditions de vie des classes populaires de la ville, la municipalité met en place une politique de déplacement, d'éloignement et de relogement des populations du centre dans des « villages verticaux », tours d'habitation construites à la hâte, principalement en périphérie ou dans des villes nouvelles. Cette contribution s'attache à contextualiser ces politiques urbaines, à en analyser les véritables ressorts et à montrer qu'il s'agit d'un échec social, politique et urbanistique majeur.After the Second World War, a great deal of the traditional tenement houses in the centre of Glasgow was unfit for human habitation. Consequently, urban planning in Glasgow consisted mainly of eradicating slums. For more than twenty years, until the mid-1970s, Glasgow Corporation implemented a brutal overspill policy of the population to new towns and “vertical villages”, or “high rises”, which were built in haste in huge public-sector housing estates in the periphery of the city. At the time, the municipality claimed that it aimed at providing better housing conditions to the working-class population. This paper intends to contextualise these policies, to analyse the political and urbanistic intricacies of their making, and to show that they resulted in a major social, political and environmental failure.
- Aux origines du BERU : Un bureau d'études pour une ville plus « humaine », 1957-1977 - Maryvonne Prévot p. 77-93 Fondée sur la découverte puis l'exploitation de fonds d'archives publics et privés inédits, cette contribution éclaire d'abord les conditions de création du très influent Bureau d'études et de réalisations urbaines (BERU) à la fin des années cinquante, ses solides parrainages et leur signification, les trajectoires militantes et professionnelles de ses premières recrues et les mobilisations des réseaux, anglo-saxons compris, de Max Stern, son fondateur. Elle s'emploie ensuite à décrypter les influences intellectuelles et méthodologiques à l'œuvre au sein du BERU à ses débuts, à la croisée du planisme et de l'“human engeneering”. Enfin, si l'objet social du BERU fut bien de concourir, par des missions de conseil, d'études et d'assistance technique à la résolution des problèmes posés par la conception et la réalisation d'opérations d'urbanisme et d'aménagement d'envergure, c'est d'abord la question de l'habitat qui préoccupa ses créateurs. La volonté du BERU - partagée notamment par les jeunes architectes de l'Atelier de Montrouge (ATM) - de donner une dimension subjective et plus humaine à l'architecture et à l'urbanisme va trouver à s'exprimer dès ses premiers contrats de rénovation des centres-villes en Basse-Seine, où le « cœur de ville » est envisagé comme l'interface privilégiée entre l'individu et la communauté.This paper is based on the discovery and use of an unpublished collection of archives from the public and private sectors. Firstly, it sheds light on the conditions surrounding the creation of the very influential BERU (Bureau d'études et de réalisations urbaines, Urban Design and Development Office) in the late 1950s, including its powerful sponsors and their meaning, the trajectories (in terms of activism and careers) of its early recruits, and its founder Max Stern's use of his networks, including in the Anglo-Saxon countries. The paper then endeavours to decipher the intellectual and methodological influences at work within the BERU in its beginnings, at the crossroads of central planning and “human engineering”. Lastly, while the BERU's purpose was indeed to provide consulting, research and technical assistance in order to help resolve problems raised by the design and development of large-scale urbanism projects, its creators were first concerned about housing-related issues. The BERU's desire (notably shared by the young architects of Atelier de Montrouge, ATM) to give a subjective, more human dimension to architecture and urbanism would find expression in its earliest contracts to renovate city centres in the Lower Seine region, with the “heart of the city” being viewed as the favoured interface between the individual and the community.
- Jacques Riboud, promoteur militant : Constructeur d'une alternative aux grands ensembles à la Haie Bergerie à Villepreux, 1955-1970 - Philippe Dehan p. 95-116 Ingénieur pétrolier, Jacques Riboud se lance dans la promotion immobilière au milieu des années 50. Il vise à proposer une alternative aux grands ensembles par la construction de petites villes nouvelles privées, totalement équipées, composée très majoritairement de maisons individuelles en quartiers denses. Il conçoit la Haie Bergerie comme un premier laboratoire visant à démontrer ses thèses, qu'il promeut à travers de nombreux livres et articles. Son approche industrielle qui intègre au sein d'un même groupe l'ensemble des compétences (promotion, urbanisme, architecture et construction) se détache de celle des grands ensembles par des choix constructifs et économiques originaux et son attention aux désirs des habitants. Un exemple toujours actuel dans la perspective d'un urbanisme durable.Jacques Riboud, a petroleum engineer, became a property developer in the mid-1950s. He sought to offer an alternative to large housing estates by building small, private new towns, fully equipped and with a wide majority of detached houses in densely-built neighbourhoods. He designed the La Haie Bergerie neighbourhood as an initial “laboratory” to test his ideas, which he promoted through many books and articles. His industrial approach, which incorporated the full range of expertise areas into a single group (development, urbanism, architecture and construction), was distinct from the approach for large housing estates due to unique building and economic choices and attention paid to the inhabitants' desires. This example is still relevant today in a sustainable urbanism perspective.
- Humaniser le béton ou les politiques publiques au service de l'humanisation de la ville : L'exemple de la politique de la ville à ses origines, 1975-1985 - Thibault Tellier p. 117-131 Sur la moyenne durée de l'histoire urbaine du seconde vingtième siècle, il existe bel et bien de la part des pouvoirs publics une volonté de procéder à l'humanisation des cités HLM dans la mesure où elles sont apparues dès leur création comme potentiellement dangereuses pour le maintien de l'ordre social. Cette approche s'inscrit d'ailleurs elle-même dans le temps long du développement de la ville contemporaine. L'article a donc pour objet d'en resituer les grandes étapes qui, au final, aboutiront à l'invention d'une nouvelle politique publique, la politique de la ville.In the medium term of urban history in the second half of the twentieth century, public authorities did indeed seek to humanise social housing estates insofar as these estates had, since their creation, appeared potentially dangerous for maintaining the social order. Moreover, this approach fit into the development of the contemporary city in the long term. This paper thus aims to describe the major stages that eventually led to a new public policy: the politique de la ville, i.e. “urban policy”.
Études
- Une ville abbatiale bretonne : Redon du IXe au XIVe siècle - Julien Bachelier p. 133-154 Redon est connu pour ses cartulaires carolingiens ; l'abbaye, la région, les conditions socio-économiques ont été étudiées, mais la ville reste dans l'ombre pendant un très long Moyen Âge. Or, nous avons-là un exemple de ville née à côté d'une abbaye sans que le rapport entre l'une et l'autre n'ait été interrogé. On considère qu'après un premier réseau urbain constitué au cours de l'Antiquité, un second se déploie durant le haut Moyen Âge, avant les transformations du Moyen Âge central. Redon apparaît en 834. En Lotharingie ou dans le Languedoc, des recherches, menées sur les IXe-XIVe siècles, ont associé les sources textuelles, archéologiques et planimétriques. Les notions de villes abbatiales (Abteistädte) et de bourgs monastiques ont ainsi été revues. C'est dans cette optique que nous avons travaillé, même si Redon demeure en Bretagne un cas original faute d'étude d'envergure.Redon is known for its Carolingian cartularies; its abbey, region and socioeconomic context have been studied, but the town itself remains largely unexplored for the whole of the Middle Ages. And yet, Redon provides us with an example of a town growing next to an abbey where the relationship between the two has not yet been the object of extensive research. So far, it has been assumed that a second urban network was developed during the Early Middle Ages, before the transformations of the Central Middle Ages and around an initial settlement established over the antiquity period. Redon appears in 834. Research conducted on the period ranging from the ninth to the fourteenth centuries in Lotharingia and Languedoc has combined textual, archaeological and planimetric sources, therefore enabling the notions of abbey towns and monastic villages to be reviewed. I have used a similar approach for my work even if Redon, for lack of thorough wide-ranging research, remains a highly specific case in Brittany.
- Quelle place royale pour Brest ? : Tensions politiques autour du projet de Claude Jean-Baptiste Jallier de Savault - Yvon Plouzennec p. 155-176 Apparue au début du XVIIe siècle, la place royale devient rapidement un élément caractéristique de l'urbanisme d'Ancien Régime. Permettant à la fois d'embellir la cité et de glorifier le souverain, elle est intimement liée à la période historique de la monarchie absolue. Bien que Paris soit la mieux pourvue en la matière, le modèle de la place royale s'est également développé dans de nombreuses villes françaises jusque dans les dernières années du règne de Louis XVI. En 1786, le plan d'un projet de place royale à Brest, proposé par l'architecte parisien Claude Jean-Baptiste Jallier de Savault (1739-1806) est approuvé par le roi en son Conseil. Il ne sera pourtant jamais réalisé du fait des tensions politiques qu'il suscite. Ce désaveu immédiat du choix royal est une illustration des profondes crispations locales et provinciales qui se manifestent dans la cité du Ponant et en Bretagne à la fin de l'Ancien Régime.From its inception in the early seventeenth century, the “royal square” (place royale) quickly became a characteristic part of Ancien Régime town planning. By embellishing a town and glorifying the sovereign, the royal square is closely linked to the historical period of absolute monarchy. Although Paris has the largest number of royal squares, the model was also developed in many other French cities until the final years of the reign of Louis XVI. In 1786, plans for a royal square in Brest, drawn up by Parisian architect Claude Jean-Baptiste Jallier de Savault (1739-1806), were approved by the king in Council. However, these plans would never be carried out because of the political tensions that they caused. This immediate disavowal of the king's choice is an illustration of the deep local and provincial tensions in Brest and in Brittany in the late Ancien Régime.
- Une ville abbatiale bretonne : Redon du IXe au XIVe siècle - Julien Bachelier p. 133-154
Quartier libre
- Ville et musique, essai d'historiographie critique - Rémy Campos p. 177-196 Cet essai tente de dégager les lignes de force organisant le champ des études sur la musique dans la ville, domaine que les historiens et les musicologues ont renouvelé en profondeur dans les trente dernières années. L'article distingue trois grands types d'approches : une histoire sociale s'interrogeant sur les relations réciproques de la ville et des musiques qui s'y font, une géographie historique attachée aux formes spatiales de la pratique musicale et enfin une analyse des paysages sonores insistant sur la dimension sensible des lieux. L'article s'efforce de dresser un bilan critique des propositions anglophones (urban musicology, soundscape studies) ainsi que des contributions en langue française en mettant un accent particulier sur les problèmes soulevés par des approches transdisciplinaires dont les dimensions théoriques ne sont que rarement explicitées.This essay endeavours to distinguish the driving forces that organise the study of music in the city, a field that has been thoroughly renewed by historians and musicologists over the past thirty years. This paper picks out three major types of approaches: social history investigating the reciprocal relations between the city and the music that is made there, historical geography focusing on the spatial forms of musical practice, and lastly, an analysis of the soundscapes, with emphasis on the sensible dimension of places. It endeavours to establish a critical review of proposed approaches from English-speaking countries (urban musicology, soundscape studies), as well as French-language contributions, with particular emphasis on the issues raised by transdisciplinary approaches whose theoretical dimensions are seldom described in explicit terms.
- Ville et musique, essai d'historiographie critique - Rémy Campos p. 177-196