Contenu du sommaire : Coexistence des mondes ruraux et des agricultures
Revue | Les Cahiers d'Outre-Mer |
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Numéro | no 273, janvier-mars 2016 |
Titre du numéro | Coexistence des mondes ruraux et des agricultures |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Ligne éditoriale : Nouveau départ pour les COM : tensions dépassées et débats assumés ! - p. 7-11
Dossier
- Coexistence des mondes ruraux et des agricultures dans les Suds : Intégration des relations urbain-rural à l'économie mondialisée - Sylvain Racaud p. 15-41
- Coexistences rurales et mobilités spatiales en Bolivie : De la multilocalisation familiale aux territoires multisitués - Geneviève Cortes, Anaïs Vassas Toral p. 43-79 Cet article propose de montrer comment la mobilité en milieu rural – aux échelles internes ou internationales – brouille les cadres d'interprétation classiques des modes d'existence des familles rurales et crée des formes d'articulation complexes entre villes et campagnes, entre local et global, entre l'ici et l'ailleurs. Dans certains contextes ruraux anciennement marqués par les processus migratoires, l'analyse de trajectoires de circulation, de multilocalisation et de dispersion familiale éclaire la coexistence de systèmes pluriels d'activité et de résidence. Ces logiques interrogent les ancrages et les territorialités des individus et des groupes, et plus largement la manière dont on pense la notion de territoires ruraux multisitués au regard notamment des dynamiques agricoles dans leurs liens aux processus de globalisation. Cette perspective d'analyse est développée à partir de la recomposition des espaces ruraux et de l'agriculture familiale de l'Altiplano Sud bolivien liée à l'essor de la production du quinoa d'exportation qui se greffe à des pratiques anciennes et renouvelées de mobilités.This article aims at understanding how mobility in rural contexts – at internal or international scales – blurs the classic frameworks of interpretation of rural families' ways of life. Mobility reshapes complex links between cities and rural areas, local and global scales, here and there. In some rural contexts where migration patterns began a long time ago, circulation paths, multi-localization and scattering of families reveal the coexistence of different systems of activities and residence. These logics reframe integration processes and territorialities, both individual and collective. More broadly, they define multisited rural territories, especially regarding agricultural dynamics in a context of globalization. This is what one can observe through the recomposition of rural spaces and family agriculture in Bolivian Southern Altiplano, where the rise of quinoa production for exportation combines with old and more recent mobility trends.
- Quand la modernité altère l'identité : Les Chagga face à la nouvelle gestion de l'eau sur le Kilimandjaro, Tanzanie - Léa Sébastien p. 81-114 Notre objectif est ici d'étudier l'évolution d'une identité territoriale au prisme de bouleversements environnementaux et institutionnels liés à la ressource en eau. Le mont Kilimandjaro et ses habitants, les Chagga, sont marqués par deux enjeux majeurs la concernant : la baisse de sa disponibilité et la nouvelle politique de l'eau amenant modernisation, marchandisation, privatisation et centralisation de la ressource. La notion d'identité territoriale est appréhendée en tant que système socio-patrimonial, empreint de rapports sociaux (relations entre acteurs) et patrimoniaux (relations aux objets naturels et culturels). Le modèle de l'Acteur en 4 Dimensions offre un support méthodologique permettant de décortiquer un territoire en système socio-patrimonial à partir d'entretiens semi-directifs et de différencier les identités individuelles et collectives, sociales et spatiales. Nous testons l'hypothèse selon laquelle un objet territorial comme l'eau peut être porteur de relations sociales comme de liens affectifs au territoire, et que nier ces attachements peut modifier l'identité territoriale. Au niveau social, nous mettons en exergue une opposition fondamentale entre tradition (portée par les enracinés, représentée par les canaux d'irrigation) et modernité (portée par les détachés, représentée par « l'eau moderne »). Au niveau patrimonial, l'eau engendre des attachements porteurs de savoirs, pratiques et représentations spécifiques, niés par les nouveaux gestionnaires des ressources naturelles. Ce qui faisait la spécificité culturelle des lieux (la gestion villageoise des canaux) n'est plus et un nouveau rapport à l'eau s'installe sur le Kilimandjaro perturbant grandement l'identité territoriale chagga.Our objective is to study the evolution of a territorial identity in relation to environmental and institutional changes over a natural resource, water. Mount Kilimanjaro and its inhabitants, the Chagga, are facing two major challenges: the decline in water availability and the new water policy leading to modernization, commodification, privatization and centralization of the resource. The notion of territorial identity is understood as a socio-spatial system, embedded in social relations (relations between actors) and spatial relations (relations with natural and cultural objects). The 4-Dimensional Actor model offers a methodological support to dissect a territory in a socio-spatial system using semi-directive interviews and to differentiate between individual and collective, social and spatial identities. We test the hypothesis according to which a territorial object like water can carry social relations as well as emotional ties to the place, and that denying these attachments can change the territorial identity. On the social level, we highlight a fundamental opposition between tradition (carried by the rooted actors defending irrigation channels) and modernity (carried by the detached actors defending “modern water”). At the spatial level, water generates attachments that carry specific knowledge, practices and representations, denied by the new water managers. For a long time, the village management of the canals made the cultural specificity of the territory, but the new water rules on the Kilimanjaro today greatly disrupt the Chagga territorial identity.
- Tous au village le week-end ! À propos de l'intensification des mobilités hebdomadaires de citadins vers les campagnes au Cameroun - Aristide Yemmafouo p. 115-138 L'urbanisation et les efforts de reprise économique sont porteurs d'une intensification des mobilités villes-campagnes pendant les week-ends. Ils apportent en effet un rythme d'activité plus intense les jours ouvrables et conduisent à un resserrement des liens de solidarité entre citadins. Cependant, ces liens construits en ville s'expriment le plus dans des situations en rapport avec la ruralité, d'où l'intensification de la mobilité du week-end. C'est ce que relève l'étude de cas menée au Cameroun. En construisant une hypothèse autour des territoires de mobilité du week-end, le poids des flux conduisant aux pratiques socioculturelles et économiques renforçant la coexistence ville-campagne est démontré. Entre multilocalité, bi-residentialité, « effet provisions » et redécouverte de la ruralité, émerge une complexité des territoires de mobilité peu explorée dans les Suds.Urbanization and the efforts to roll back economic crisis bring an intensification of rural-urban mobility during the weekends. It, in fact, presupposes a rate of more intense activity on working days and leads to a tightening of solidarity among citizens. However, these connections built in the city are expressed in situations most relevant to the rural, hence the intensification of mobility on the weekend. It is obvious in this case study conducted in Cameroon. By building a hypothesis on weekend mobility territories, the importance of the flows leading to the sociocultural and economic practices reinforcing urban-rural coexistence is shown. The complexity of mobility territories, poorly explored in developing countries, emerges between multilocality, biresidentiality, “food supply effect” and rediscovery of rurality.
- À la recherche du paysan résilient : Éléments de réflexion sur une notion à la mode - Benoît Lallau p. 139-170 Cet article interroge la figure du « paysan résilient », telle qu'elle est mise en avant dans les discours actuels de nombreux bailleurs. Les questions de la gestion des risques et de l'adaptation étant étudiées depuis fort longtemps en agriculture, qu'apporte alors la notion de résilience ? Quels défis méthodologiques pose-t-elle ? Quelle articulation peut-on faire avec des analyses en termes de soutenabilité, à l'échelle d'un territoire par exemple ? Et au final, quelle mise en politique induit-elle ? Autant d'interrogations qu'il est nécessaire d'aborder de front, pour faire de ce « paysan résilient » autre chose qu'au mieux une poétique métaphore, au pire un nouvel alibi pour le désengagement.This article questions the figure of the “resilient peasant”, as recently used in many donor discourses. While issues of risk management and adaptation in agriculture have been studied for a long time, is there anything new with this concept of resilience? What methodological challenges does it pose? What linkage can be done with sustainability framework, at the scale of a territory for example? And finally, what policy-setting does it induce? Those questions must be addressed, in order not to make this “resilient peasant” just a poetic metaphor or a new alibi for disengagement.
- Les paysanneries des Suds face à une modernisation polymorphe : Perspectives récentes en Asie du Sud-Est - Jean-Philippe Peemans p. 171-194 La présente contribution présente deux thèmes de réflexion critique articulés autour d'une même question : quel avenir pour le monde paysan dans les Suds dans la recomposition toujours plus accélérée des rapports entre espaces ruraux et espaces urbains ? Un premier thème concerne la place que la paysannerie et les Espaces ruraux et urbains ont reçu dans les différentes variantes du paradigme de la modernisation. Un deuxième thème est qu'à côté du paradigme de la modernisation, on a de nouvelles pistes de réflexion qui renouvellent complètement le regard sur la paysannerie et sur les territoires ruraux et urbains au Sud, notamment en mettant en avant le rôle historique et actuel des acteurs populaires dans la production de ces territoires. On se référera surtout à l'expérience récente de l'Asie du Sud-Est. On essaie dans les remarques finales de situer quelques implications des réflexions proposées pour la recherche d'un développement rural et urbain un peu moins non durable que les tendances dominantes actuelles.This contribution presents two themes of critical reflection articulated around the same question: what future for the peasant world in the South in the ever more accelerated transformations of the relations between rural and urban areas? A first theme is the place that the peasantry and rural and urban areas received and continues to receive in the paradigm of modernization. A second theme is that there are new avenues of reflection which renew completely the way to look at the peasantry and at rural and urban territories in the South. That includes highlighting the historical and current role of popular actors role in the production of these territories. We refer especially to the recent experience of Southeast Asia. In the concluding remarks one tries to situate some implications of the reflections proposed for the search of a rural andurban development path, a little less unsustainable than the current dominant trends.
- Développer la filière ti piment de l'île Rodrigues : Contraintes et opportunités d'une valorisation par la qualité liée à l'origine dans l'océan Indien - Grâce Joffre, Marion Le Moal, Jérôme Minier, Olivier Grosse, Frédéric Descroix, Michel Roux-Cuvelier, Céline Pérès, Jean-Paul Danflous, Camille Séraphin, Julie Gourlay, Vincent Porphyre p. 195-218 L'île Rodrigues, district autonome de la République de Maurice, est riche de spécialités régionales dont le gouvernement souhaite tirer parti pour relancer le secteur agricole. En particulier, le minuscule « ti piment » est réputé pour son piquant et sa saveur spécifique. Mais sa renommée est affectée par une perte de typicité (hybridations non contrôlées). Mélangé de facto avec d'autres piments, il est valorisé en condiments par des transformatrices entre lesquelles la concurrence se fait de plus en plus rude, faute de débouchés sur Rodrigues même. Peu structurée, la filière peine en effet à satisfaire les exigences du marché mauricien en termes de quantité et de qualité. Le présent article discute ainsi de l'intérêt et des conditions de la création d'un label de qualité pour mieux valoriser ce piment, à la lumière de ses spécificités et de l'organisation actuelle de la filière.Rodrigues Island, which is an autonomous district within the Republic of Mauritius, is rich with regional specialties. The local government wishes to take advantage of them to boost the agricultural sector. Special attention was drawn to the tiny “ti piment” a chilli variety that is renowned for its pungency and specific flavour. However, loss of typicity threats its fame due to over hybridisations. De facto blended among other chillies, it is processed into pickles by small processors. Competition is increasing, due to the demand limitations on Rodrigues itself. Indeed the sector is poorly organized and encounters issues to satisfy the quality and quantities requirements of the Maurician market. This article discusses the potential of a quality label to increase the value of the Rodriguan ti piment and the conditions to achieve it taking into accounts its typicity attributes and the current organisation of the value chain.
Varia
- La politique fait-elle pousser les arbres ? Essai d'interprétation des permanences et mutations de la gestion forestière en Tunisie (1881-2016) - Sophie Bouju, Jean Gardin, Laurent Auclair p. 221-248
Atlas de COM
- « La France des marges : points de vues et perspectives à partir de l'outre-mer » - Anthony Goreau-Ponceaud, Bernard Calas p. 251-266
- Maré, la ferme des îles Loyauté (Nouvelle-Calédonie) - Jean-Christophe Gay p. 267-270
- Marie-Galante (Guadeloupe) : le blues du rhum - Marie Redon p. 271-276
- Une activité agricole redynamisée au cœur de La Réunion : vers un « modèle » de développement mafatais ? - Thierry Simon p. 277-280
- Marginalité, dépendance et coprahculture dans les atolls de Polynésie française - Rémy Canavesio p. 281-285
- Le jardin créole de Martinique, re-con-naissance d'un système cultural marginalisé ? - Nicolas Lemoigne p. 287-293
Rubriques
- Le Sahara déborde-t-il ? Migrations et perception d'une région en mouvement - Salim Chena p. 297-311
- L'œuf ou la poule : qui décide de ce que l'on mange ? Une esquisse géographique du secteur du poulet de chair en Inde - Michaël Bruckert p. 313-320
- Le dernier refuge (2013, 1 h 05 min) : Réalisateurs : Anne-Laure Porée (journaliste et doctorante en anthropologie) et Guillaume Suon (réalisateur franco-cambodgien). Coproduction : Bophana Production/Centre Bophana/Tipasa Production. - Marie Mellac p. 321-327
- Wrong elements (2017, 2 h 13 min) : Réalisateur : Jonathan Littell - Bernard Calas p. 328-330
- Entretien avec Bernard Charlery de la Masselière : Propos recueillis par Bernard Calas et Sylvain Racaud - Bernard Calas, Sylvain Racaud p. 331-348
- Remarques sur l'article de Bertin Kadet : « L'ouest forestier ivoirien : enjeux et problèmes d'une zone grise », Les Cahiers d'Outre-Mer, 2015, n° 271, p. 437-458 - Alfred Schwartz p. 349-358