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Revue Futuribles Mir@bel
Numéro no 421, novembre-décembre 2017
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  • La foudre technologique - JOUVENEL Hugues (de) p. 3 accès libre
  • Nouvelle vague technologique et emploi. Une analyse critique des travaux sur les destructions d'emplois - CARRÈRE-GÉE Marie-Claire p. 5 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À chaque vague d'innovations techniques, les sociétés se sont interrogées sur l'impact de ces innovations sur l'emploi. Ce fut le cas avec la mécanisation, puis l'industrialisation ; et voici venu le tour des technologies de l'information qui ont révolutionné nos modes de vie et de travail à un rythme effréné ces dernières décennies. Robotique, automatisation, numérisation, essor des intelligences artificielles… : les progrès en cours ont ravivé les débats autour du remplacement possible de l'homme par la machine dans de nombreux secteurs d'activités.Néanmoins, comme le souligne ici Marie-Claire Carrère-Gée, les analyses portant sur le sujet n'ont pas toujours la même approche, se cantonnent parfois aux destructions d'emplois sans regarder les créations d'emplois découlant de ces changements technologiques ; elles ne tiennent pas toujours compte de la diversité des tâches inhérente aux métiers concernés ; en somme, le débat en la matière est rarement bien posé. C'est pourquoi le Conseil d'orientation pour l'emploi s'est penché sur la question de l'impact véritable de cette nouvelle vague technologique sur l'emploi en partant non d'une analyse par métiers (qui est l'angle de vue le plus fréquemment adopté dans les travaux récents) mais d'une étude présentant ce que font concrètement les salariés (en l'occurrence français) dans leur emploi actuel. Il en ressort, comme l'indique cet article, que si une petite fraction des emplois (moins de 10 %) sont effectivement menacés de disparaître en raison de l'automatisation et du numérique, la grande majorité des métiers sera plutôt amenée à se transformer, et que la structure de l'emploi évoluera très certainement en faveur de l'emploi qualifié. De manière plus générale, Marie-Claire Carrère-Gée montre ici qu'il est indispensable de raisonner globalement, en regardant à la fois le contenu des métiers et la façon dont ils pourront évoluer et se complexifier sous l'effet de l'automatisation, mais aussi les nouveaux besoins induits, en termes d'emploi, par ces évolutions. S.D.
    With each successive wave of technical innovation, societies have asked themselves what the impact will be on employment. This was true of mechanization, then of industrialization. It is the turn now of information technologies, which have revolutionized our ways of living and working at a frantic pace in recent decades. Robotics, automation, digitization, the rise of artificial intelligence — current advances have reignited the debates around the possible replacement of human beings by machines in many sectors of activity.Nevertheless, as Marie-Claire Carrère-Gée highlights here, analyses of this subject have not always used the same approach and have sometimes confined themselves to job destruction without looking at the job creation ensuing from these technological changes. And they do not always take into account the diversity of tasks within the occupations concerned. All in all, the debate on this question is seldom well-framed. This is why the French Employment Orientation Board (Conseil d'orientation pour l'emploi) has looked into the question of the real impact of this new technological wave on employment, basing their investigation not on an analysis by occupation (which is the standpoint most often adopted in recent studies) but on what employees (in this instance, French ones) actually do in their current jobs. The findings are, as this article points out, that, though a small fraction of jobs (less than 10%) are indeed threatened with disappearance by automation and digital technology, the great majority of occupations will end up being transformed, and the structure of employment will definitely shift in the direction of skilled work. More generally, Marie-Claire Carrère-Gée shows it is essential to take an overall view, looking both at the content of jobs and the way they might evolve and complexify as a result of automation, and also at the new needs in terms of employment that will be generated by that evolution.
  • La révolution de l'immatériel - PORTNOFF André-Yves p. 19 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Beaucoup d'entreprises, d'analystes, de décideurs économiques ou politiques ont encore aujourd'hui le regard rivé sur le court terme et les profits immédiats, se fondant sur des indicateurs essentiellement quantitatifs et financiers. Pourtant, la richesse et la pérennité d'une organisation ne reposent pas uniquement sur des facteurs quantitatifs, comme le montre régulièrement, dans ces colonnes, André-Yves Portnoff. De nombreux éléments d'ordre immatériel entrent en jeu, allant de la prise en compte du numérique aux relations humaines dans l'entreprise, en passant par le style de management.Cet article fait ici le point sur cette révolution de l'immatériel dans les organisations (territoires inclus) et sur la façon dont elle peut être prise en compte par celles-ci dans leurs stratégies. André-Yves Portnoff rappelle ainsi les grandes caractéristiques du capital immatériel, quels en sont les principaux facteurs constitutifs (intelligence collective, capital relationnel, management horizontal, etc.), et fait le point sur la méthode d'évaluation du capital immatériel et de la valeur des organisations (V3) qu'il a mise au point en s'appuyant sur un groupe de travail réuni par l'association Futuribles International. Cet outil alternatif, testé à plusieurs reprises dans diverses entreprises, vise à aider les organisations à intégrer ce capital immatériel dans leurs diagnostics stratégiques, et à en faire un facteur de croissance et de richesse. S.D.
    Many companies, analysts, economic or political decision-makers are still narrowly focussed on the short-term and on immediate profit, relying for their vision on essentially quantitative and financial indicators. Yet the wealth and permanency of an organization do not depend solely on quantitative factors, as André-Yves Portnoff shows regularly in these pages. Many elements of an intangible kind are involved, ranging from the way digital technology is used to human relations within the enterprise, not to mention management style. This article provides insight into this intangibles revolution within organizations (including territories) and into how they can incorporate it into their strategic thinking. André-Yves Portnoff reminds us, for example, of the major characteristics of intangible capital and the main factors that go to make it up (collective intelligence, relational capital, horizontal management etc.), and he describes the method for evaluating intangible capital and the value of organizations (the so-called V3 method) which he has developed with the aid of a working group brought together by Futuribles International. This alternative tool, tested in several different instances in a variety of companies, aims to help organizations incorporate this intangible capital into their strategic diagnoses and make it a factor of growth and wealth-creation.
  • La physique quantique : une révolution ? À propos du livre de Jean-Pierre Pharabod et Gérard Klein, “Heurs et malheurs de la physique quantique” - PAPON Pierre p. 35 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Pierre Papon nous livre ici une analyse du livre de Jean-Pierre Pharabod et Gérard Klein Heurs et malheurs de la physique quantique, en même temps qu'un texte remarquablement clair et pédagogique sur les développements de la physique quantique, ce qu'elle est, en quoi elle bouleverse les conceptions jadis régnantes en physique ainsi que nos représentations de l'Univers, et comment elle peut entraîner à l'avenir d'importants changements technologiques.Si son texte peut sembler ardu à ceux de nos lecteurs n'ayant point de culture scientifique, il est riche d'enseignements, y compris pour ceux qui s'intéressent à la prévision et à la prospective. Ils découvriront ici, en effet, combien toute simulation sur l'avenir des systèmes, y compris en sciences dures, faute de déterminisme absolu, comporte une part d'aléatoire et d'incertitude, combien nous sommes loin en réalité des relations causales simples telles que celles sur lesquelles s'appuient, par exemple, bien souvent les modèles économétriques. Ce texte explique comment la physique quantique remet en cause les lois de la physique classique, présente les « vérités incroyables » qu'elle révèle et qui seront peut-être demain à l'origine de développements scientifiques et techniques majeurs. H.J.
    Pierre Papon provides an analysis here of Jean-Pierre Pharabod and Gérard Klein's book Heurs et malheurs de la physique quantique [Joys and Woes of Quantum Physics] while, at the same time, giving us a remarkably clear and informative text on developments in quantum physics, telling us what it is, how it overturns hitherto dominant conceptions in physics and our ideas about the universe, and how it may lead to important technological change in the future. Though his text may seem tough going to those of our readers with no scientific background, it provides a wealth of information, including for those concerned with forecasting and foresight studies. They will discover how, in the absence of absolute determinism, any simulation of the future of systems, including in the hard sciences, involves a degree of randomness and uncertainty, and they will find how far we really are from simple causal relations of the kind that econometric models often rely upon. Papon's review explains how quantum physics throws the laws of classical physics into question, while setting out the “incredible truths” it reveals, which may be a source of major scientific and technical developments in years to come.
  • L'évolution des usages du temps. Exploit, labeur, honneur, travail : une analyse internationale sur longue période - GERSHUNY Jonathan, FISHER Kimberly p. 47 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les débats récents sur les conséquences de la robotisation sur l'emploi (combien restera-t-il d'emplois non automatisés ?) posent en filigrane la question de la capacité des sociétés modernes à offrir un emploi à chacun à temps plein. Le temps de travail diminue-t-il nécessairement avec le progrès technologique et le développement économique ? C'est pour répondre à cette question que Jonathan Gershuny et Kimberly Fisher ont étudié les résultats d'enquêtes sur l'emploi du temps des individus dans 16 pays au cours des cinq dernières décennies : ils présentent ici les tendances qui s'en dégagent concernant le travail au sens large.Après un rappel historique montrant comment ont évolué les aspirations et rapports au travail et au loisir depuis le XIXe siècle (s'appuyant principalement sur les théories de Veblen), les auteurs présentent les différentes enquêtes sur lesquelles s'appuie leur analyse ainsi que la méthodologie utilisée. Puis ils relèvent plusieurs grandes tendances : une certaine constance historique et une certaine similitude entre pays s'agissant du temps consacré au travail (rémunéré + non rémunéré) sur les 55 dernières années ; une convergence hommes-femmes dans les évolutions et une quasi-équité entre les sexes concernant le temps consacré à l'ensemble du travail (rémunéré + non rémunéré) ; un apparent nivellement historique de ce temps de travail autour de huit heures et demie par jour ; et une inversion de la variation de la répartition travail / loisir selon le capital humain (ce sont aujourd'hui les plus diplômés qui travaillent le plus), que les auteurs associent à une croissance de la part de l'« exploit » au détriment de celle du « labeur » (selon la terminologie de Veblen) dans le travail rémunéré des sociétés de ce début de XXIe siècle. S.D.
    Constantly running beneath recent debates on the effects of robotization on employment (how many non-automated jobs will there be ?) is the question whether modern societies are able to offer everyone a full-time job. Does working time necessarily diminish with technological progress and economic development ? It is in order to answer this question that Jonathan Gershuny and Kimberly Fisher have studied the results of surveys on individual workers' hours in 16 countries over the last five decades. In this article, they describe the trends that emerge with regard to work in the broader sense. After looking back over the way aspirations and relations to work and leisure have changed since the 19th century (drawing mainly on Veblen's theories), Gershuny and Fisher present the various surveys that underpin their analysis and describe their methodology. They then identify a number of major trends : a degree of historical constancy and similarity between countries over the last 55 years in terms of the time devoted to (paid + unpaid) work ; a convergence in the trends among male and female workers and near parity between the sexes as far as time devoted to all (paid + unpaid) work is concerned ; an apparent historic levelling-off of working hours around eight-and-a-half hours per day ; and a reversal in the human-capital-related work-leisure gradient (the better educated now work more), which the authors associate with a growth in “exploit” as opposed to “industry” (to use Veblen's terminology) within paid work in early 21st century societies.
  • Le “design fiction”. Une méthode pour explorer les futurs et construire l'avenir ? - MINVIELLE Nicolas, WATHELET Olivier p. 69 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Une série a été ouverte, dans Futuribles, sur les relations et apports de la science-fiction à la prospective, afin de discerner si, et dans quelle mesure, les auteurs de science-fiction ont eu une influence sur les imaginaires collectifs et sur les réflexions prospectives (numéros 413 de juillet-août 2016, 416 de janvier-février 2017 et 420 de septembre-octobre 2017). Cet article porte sur un outil de représentation des futurs qui se développe depuis quelques années et prolonge certaines réflexions exprimées dans cette série : le design fiction (parfois traduit par design critique ou spéculatif). Le design fiction se présente en effet comme  une nouvelle façon de produire des récits ou des objets (plus ou moins futuristes, dérangeants, dystopiques…) visant à nous permettre de mieux appréhender le futur.Nicolas Minvielle et Olivier Wathelet, qui pratiquent le design fiction, montrent ici en quoi cette technique consiste précisément et présentent des exemples de mise en œuvre. Ils soulignent en particulier l'importance du recours à l'imaginaire puisqu'il s'agit bien de faire réagir une audience sur la représentation (via des vidéos, des objets…) de futurs possibles, plus ou moins désirables, et de susciter un débat à partir de ces réactions. Cet outil émergent a sans aucun doute un rôle à jouer dans les démarches de créativité, d'innovation, d'aide à la décision et de représentation de l'avenir ; il pourrait en outre évoluer rapidement grâce aux possibilités ouvertes par l'essor des techniques telles que la réalité virtuelle ou augmentée… S.D.
    Futuribles recently began the publication of a series of articles on the contributions of science-fiction to foresight studies and the general relations between the two, with the aim of determining whether — and to what extent — science-fiction writers have influenced foresight thinking and the collective imaginary (see Futuribles 413 of July/August 2016, 416 of January/February 2017 and 420 of September/October 2017). This article is about a tool for depicting potential futures that has been developed over recent years and it expands on some of the thinking previously expressed in this series. That tool is “design fiction”, sometimes also called critical — or speculative — design. “Design fiction” was conceived as a new way of producing (more or less futuristic, disturbing or dystopian) narratives or objects aimed at giving us a better handle on the future. Nicolas Minvielle and Olivier Wathelet, practitioners of design fiction, describe the precise content of this technique here, giving examples of its implementation. They stress particularly the importance of the use of the imagination, since the aim is to elicit an audience reaction to depictions of — more or less desirable — possible futures (by way of videos or objects) and, on the basis of those reactions, to stimulate debate. This emerging tool doubtless has a role to play in approaches to creativity, innovation, decision-making and the depiction of the future. And it could be set to develop quickly, thanks to the possibilities afforded by the rise of technologies such as virtual or augmented reality…
  • Forum

    • L'intelligence artificielle est-elle intelligente ? - LANDIER Hubert p. 85 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les annonces et publications relatives aux évolutions et perspectives de l'intelligence artificielle se sont multipliées ces derniers mois, laissant miroiter des changements majeurs dans notre vie quotidienne et dans de nombreux secteurs d'activité. Comme souvent, ce type de rupture scientifique laisse augurer le meilleur comme le pire, mais elle reste aussi très tributaire de ce qu'accepteront effectivement les individus en la matière. Or, tous ne sont pas dans les mêmes attentes, en France, en Europe, dans les pays en développement, à l'égard de ces évolutions, comme le rappelle Hubert Landier, qui s'emploie ici à rappeler un certain nombre de limites au déploiement annoncé de l'intelligence artificielle. Car il y a une réelle différence entre l'intelligence humaine et l'intelligence artificielle, que la technique ne peut pour l'heure abolir ; et une plus grande encore entre les rêves des développeurs de la Silicon Valley et la réalité de notre civilisation, confrontée aux limites physiques de la planète et aux inégalités de développement. Un point de vue qui participe des débats en cours sur l'intelligence artificielle et vise à modérer les attentes en la matière. S.D.
      There have been an increasing number of statements and publications relating to developments in — and the prospects for — artificial intelligence (AI) in recent months, dangling before our eyes major changes in our daily lives and in many sectors of activity. As is often the case, this kind of scientific breakthrough may seem to imply either the best or worst of possible futures, but it remains also very greatly dependent on what individuals will find acceptable. As he rehearses here some of the limits to the roll-out of AI, Hubert Landier reminds us that not everyone — in France, Europe or the developing nations — has the same expectations of these developments, since there is a real difference between human and artificial intelligence which technology is not yet able to overcome. And there is an even greater difference between the dreams of the developers in Silicon Valley and the reality of our civilization, as it faces up to the physical limits of the planet and the facts of uneven development. This is a viewpoint which draws on the current debates on AI and tends toward downplaying the expectations around it.
  • Tribune européenne

    • Vers le retour du fédéralisme ? - DREVET Jean-François p. 91 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Soixante ans après la signature du traité de Rome et les débuts de l'Union européenne (UE), les instances dirigeantes de l'UE ont engagé un processus de réflexion sur l'avenir de l'ensemble européen. Nous y avons fait écho dans notre numéro de juillet-août dernier (419) au travers d'un article de Gabriel Arnoux sur les scénarios ouverts en matière de partage des compétences entre l'Union et ses États membres. Jean-François Drevet prolonge cet examen des futurs possibles en s'intéressant ici à l'aspect institutionnel et aux perspectives d'évolution vers le fédéralisme. Ce débat, récurrent depuis la création de l'UE, entre partisans d'un fonctionnement intergouvernemental et défenseurs du fédéralisme, penche depuis bien longtemps en faveur des premiers, tant l'attachement des États à leur souveraineté est fort et les points de blocage, fréquents. Néanmoins, les temps changent et sur le plan tant socio-économique que géopolitique, ce fonctionnement intergouvernemental montre ses limites ; le temps est peut-être venu, comme le suggère cette tribune, de regarder avec plus d'objectivité les avantages que procurerait le passage au fédéralisme — et d'y préparer les citoyens européens. S.D.
      Sixty years after the European Union (EU) was formed with the signing of the Treaty of Rome, its governing bodies initiated a process of reflection on the future of Europe. We reflected this discussion in our July/August issue (419) with Gabriel Arnoux's article on the various scenarios for the sharing of competences between the Union and its member states. Jean-François Drevet continues that examination of the EU's possible futures here by looking into the institutional dimension and the prospects for a move in the direction of federalism. There are so many sticking points and member states are so attached to their sovereignty that this debate, recurrent since the creation of the EU, between the advocates of intergovernmental operation and the proponents of federalism has for many years seen the former group in the ascendant. Nevertheless, times are changing and, both at the socioeconomic and geopolitical levels, the limitations of that intergovernmental operation are beginning to show. The time has perhaps come, as this column suggests, to look more objectively at the advantages a shift to federalism would bring — and to prepare European citizens for it.