Contenu du sommaire : La construction des libéralismes face à leurs adversaires, XVIIIe-XIXe siècle
Revue | Cahiers d'économie politique |
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Numéro | no 73, été 2017 |
Titre du numéro | La construction des libéralismes face à leurs adversaires, XVIIIe-XIXe siècle |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La construction des libéralismes face à leurs adversaires, XVIIIe siècle-XIXe siècle : Présentation - Jean-Daniel Boyer, Simon Hupfel p. 7-12
- Montesquieu, critique de Law. Qui est l'ennemi du libéralisme ? - Catherine Larrère p. 13-30 À la différence des théoriciens français du commerce au XVIIIe siècle (Melon, Gournay, Forbonnais) Montesquieu a mené une critique constante de la réforme de Law, en qui il a vu un « promoteur du despotisme ». Non seulement il explique la chute du Système comme une victoire du « doux commerce », mais il utilise, aux niveaux politique et social où il situe sa critique, des arguments repris ultérieurement par des auteurs libéraux comme Tocqueville. La critique que mène Montesquieu des modes autoritaires de généralisation des rapports commerciaux invite à distinguer entre la défense des libertés politiques et l'apologie doctrinaire du libéralisme économique.Whereas French 18th century economists (Melon, Gournay, Forbonnais), supported Law's System, Montesquieu persistently criticized Law in whom he saw « one of the greatest promoters of despotism ». He does not only explain the System's demise as a victory of « doux commerce » on State authority, but uses, at the political and social levels of his critique, arguments which are to be found again in liberal writings such as Tocqueville's. The way Montesquieu criticized the despotic ways of easing the tide of the commercial spirit invites us to distinguish between the vindication of political liberties and the dogmatic apology of economical liberalism.JEL Codes : B11, B31
- Fermiers et Grains : deux moments de confrontation de Quesnay à la science du commerce : Police contre Polices au nom des libertés - Jean-Daniel Boyer p. 31-65 Les articles Fermiers et Grains que Quesnay publia dans l'Encyclopédie ont souvent été considérés comme ayant un statut semblable dans son œuvre économique, annonçant d'ailleurs le Tableau œconomique. Nous montrons pourtant que l'adversaire du médecin de Mme de Pompadour change au cours de ses écrits. D'abord opposé à la police des grains d'Ancien Régime, dans une perspective similaire à celle de la science du commerce, Quesnay devient ensuite l'adversaire de cette dernière. Dans ces deux écrits, il propose en outre une police plus qu'un système.The articles Fermiers and Grains that Quesnay published in the Encyclopédie have often been seen as holding a similar status within his economic work, and as representing besides, the early stages of the Tableau œconomique. However, we show that the viewpoint of the adversary of Mme de Pompadour's physician changes in the course of this writings. Initially opposed to the Ancien Régime grain police, in a perspective similar to that of the science of trade, Quesnay then turns into the opponent of the latter. In this two writings besides, it is rather a police than a system that he propounds.JEL Codes : B11
- Contre les colbertistes et les anglomanes : Du Pont de Nemours et la liberté du commerce - Joël Thomas Ravix p. 67-90 L'objet de cet article est de montrer que le discours de Du Pont de Nemours sur la liberté du commerce évolue considérablement au fil du temps. S'il commence en effet par reprendre les concepts développés par François Quesnay, il abandonne par la suite progressivement le vocabulaire physiocratique et concentre son argumentation sur la réciprocité des avantages du libre-échange. Cette évolution s'explique non seulement par le souci affiché par Du Pont de vouloir convaincre ses adversaires, mais aussi par la nécessité qu'il rencontre ensuite d'adapter son discours à ceux d'Adam Smith et de Jean-Baptiste Say pour tenter de contourner les critiques qu'ils adressent aux thèses physiocratiques.The purpose of this article is to show that the discourse of Du Pont de Nemours on freedom of trade evolved considerably over time. If he begins by using the concepts developed by François Quesnay, he abandoned thereafter gradually Physiocratic vocabulary and focuses his argument on mutual benefits of free trade. This transformation is explained not only by the desire of Du Pont to convince his opponents, but also by the need to adapt his discourse to those of Adam Smith and Jean Baptiste Say to try to circumvent their criticism of Physiocratic theses.JEL Codes : B11, B12, B17
- Le « système de la liberté naturelle » face aux partisans du système mercantile. Qui sont les adversaires de Smith ? - Céline Bouillot, Daniel Diatkine p. 91-119 Selon Smith (1776) les mercantilistes comme Locke et Mun donnent un rôle central aux métaux précieux en tant que monnaie, ce qui les conduit à confondre richesse et monnaie. Cependant, Smith n'accorde pas la même place à Locke et Mun : ce dernier semble pour Smith le vrai opposant mercantiliste. Ce papier explique l'origine de la différence de traitement entre Locke et Mun. Notre hypothèse est que Locke défend une stabilité sociale entre les landed men et les moneyed men. Il est donc en faveur d'un équilibre des intérêts et ne confond pas l'intérêt des marchands avec l'intérêt général.According to Smith (1776) mercantilist such as, Locke and Mun give a central role to precious metals as money, leading them to confuse wealth and money. However, Smith doesn't give the same attention to Locke and Mun: it seems that for Smith Mun is the true mercantilist opponent. This paper inquires why we encounter such differences of treatment between Locke and Mun. Our hypothesis is that Locke defends social stability between the landed men and the moneyed men. Thus he is in favour of equilibrium of interest and doesn't confuse the merchant's interest with the general interest.JEL Codes : B10, B11, B12
- L'Inquiry into the Nature and Origin of Public Wealth de Lauderdale : une critique d'Adam Smith pour dénoncer le système mercantile - Jean-Daniel Boyer, Simon Hupfel p. 121-150 L'objectif de cet article est de montrer que l'Inquiry publiée par Lauderdale en 1804 consiste essentiellement à approfondir la critique que fait Smith du système mercantile, afin de dénoncer la politique économique de William Pitt. Cette perspective permet de mettre en lumière le lien entre les raisonnements élaborés par Lauderdale au sujet de la notion de richesse, du capital et de son accumulation, de la demande. Ces raisonnements semblent s'inscrire dans le cadre d'un discours politique whig caractéristique du XVIIIe siècle et d'un libéralisme où la principale tâche de l'État serait de garantir la libre expression des demandes privées.The purpose of this article is to show how the Inquiry published by Lauderdale in 1804 consists chiefly in a development of Smith's critique of the mercantile system, directed against William Pitt's economic policy. This perspective enables one to understand the relationships between Lauderdale's reflections on wealth, capital and its accumulation, and demand. These reasonings seem to fit in the framework of a typical whig political discourse of the 18th century, and display a liberalism in which the main task of the State would be to secure the free expression of private demands.JEL Codes : B11, B12, B31
- Construire et défendre le libéralisme en période révolutionnaire : les justifications de la préservation illibérale de la liberté chez Sieyès - Erwan Sommerer p. 151-179 Sieyès est sous le Directoire l'un des intellectuels dont la pensée exprime le mieux les ambiguïtés du libéralisme. Confronté au problème de la préservation de l'ordre républicain, il doit gérer tant sur le plan théorique que pratique le passage d'une logique révolutionnaire à une position conservatrice visant à protéger le système politico-institutionnel né de la révolution. Ainsi, l'équivocité de son parcours intellectuel naît de la distinction entre les principes libéraux applicables à une société pacifiée et les méthodes illibérales que l'État assume d'utiliser contre ceux qu'il identifie comme ses ennemis.Sieyes is under the Directory one of the intellectuals whose thought best expresses the ambiguities of liberalism. Confronted with the problem of preserving the republican order, he must manage both theoretically and practically the transition from a revolutionary logic to a conservative position aimed at protecting the political-institutional system born from the revolution. Thus, the equivocality of his intellectual journey springs from the distinction between the liberal principles applicable to a pacified society and the illiberal methods that the State assumes to use against those it identifies as its enemies.JEL Codes : B11, B12, B31
- Libéralisme d'État ou libéralisme civil : la controverse entre Wilhelm von Humboldt et Hardenberg - Pauline Clochec p. 181-196 Après 1789, dans l'espace germanique, deux théories et stratégies libérales s'opposent : un libéralisme d'État fondé sur la nécessité de moderniser la société par une action volontariste du gouvernement pour dépasser les structures sociales traditionnelles, et un libéralisme civil insistant au contraire sur l'autonomie de la société civile et la nécessité de restreindre l'intervention étatique. Cette opposition à l'intérieur du libéralisme est incarnée par la polémique entre Humboldt et Hardenberg, deux représentants de l'ère des réformes prussienne. C'est à travers ce problème de la possibilité d'une société civile autonome que se construit le libéralisme allemand, comme un espace traversé de polémiques.After 1789, two theories and liberal strategies are opposed in Germany: a state liberalism based on the need to modernize society through a voluntarist action of the government to overcome the traditional social structures, and a civil liberalism insisting on the contrary on the autonomy of civil society and the need to restrict state intervention. This opposition within liberalism is embodied by the controversy between Humboldt and Hardenberg, two representatives of the Prussian Reform Movement. German liberalism is constructed as a space crossed by polemics through this problem of the possibility of an autonomous civil society.JEL Codes : B12, E61, N93
- De la défiance à l'éloge des coopératives par J. S. Mill : retour sur la constitution d'une pensée libérale dans la première moitié du XIXe siècle - Philippe Gillig, Philippe Légé p. 197-221 Cet article analyse l'évolution du libéralisme de John Stuart Mill à travers son rapport aux coopératives. En comparant la critique qu'il adresse en 1825 aux coopératives oweniennes et l'éloge des coopératives figurant plus tard dans les Principles of Political Economy, nous montrons qu'il va progressivement opérer une forme de synthèse entre socialisme et libéralisme, tous deux porteurs pour lui d'un même idéal démocratique. Cela tient au fait que les coopératives vont aussi être perçues par Mill comme le lieu d'une révolution morale. Cette étude permet également de repenser avec Mill le rapport du libéralisme au « capitalisme ».This article examines the shift in John Stuart Mill's liberalism through the analysis of his viewpoint on cooperatives. Comparing the criticism he addressed in 1825 to the Owenite co-operatives, on the one hand, to the apology of cooperatives later on in the Principles, on the other, we show that he will gradually operate a form of synthesis between liberalism and socialism, both seen as bearing a democratic ideal. This also comes from the fact that Mill perceives cooperatives as the source of a moral revolution. In addition, this study leads to rethink with Mill the relation between liberalism and “capitalism”.JEL Codes : B12, B14, P13