Contenu du sommaire : Vivre, penser, écrire en exil

Revue Revue Européenne des Migrations Internationales Mir@bel
Numéro vol. 33, no 1, 2017
Titre du numéro Vivre, penser, écrire en exil
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier thématique

    • ‪Éditorial‪ - Ralph Schor p. 7-9 accès libre
    • ‪Les écrivains russes blancs en France. Un entre-deux identitaire (1919-1939)‪ - Ralph Schor p. 11-26 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La révolution de 1917 lança sur les routes de l'exil de nombreux écrivains russes dont certains de première importance comme Bounine, premier Russe lauréat du prix Nobel de littérature (1933), Nabokov, Kouprine, Merejkovski, Troyat, Zoé Oldenbourg, Marina Tsvetaeva, Nina Berberova, Irène Némirosvki, etc. Les exilés bénéficiaient de facteurs favorables : la mode russe qui se développa en France dans les années 1920, la présence de réseaux intellectuels de communication, des rencontres avec les Français. Mais la mode se dissipa dans les années 1930, l'intérêt pour l'URSS grandit, des divisions affaiblirent la communauté russe, la solitude et la gêne matérielle furent durement ressenties. La vieille génération éprouva particulièrement la douleur de l'exil. Beaucoup s'interrogeaient sur l'avenir d'une littérature d'exil. La nostalgie du passé et le désespoir semblaient conduire à une impasse. Un grand nombre d'écrivains se réfugièrent dans une Russie idéale et éternelle, ce qui conduisait souvent au dénigrement de la France. Cet état d'esprit inspira beaucoup d'autobiographies qui cristallisaient la mémoire, d'études et de romans historiques. La jeune génération qui avait vécu moins longtemps en Russie marqua un intérêt plus grand pour l'occident, s'ouvrit davantage à la culture française et apprécia la liberté qu'offrait la vie en France. Cependant beaucoup gardèrent une identité double, à la fois russe et française. Sur le plan de la création littéraire, mis à part les Eurasiens hostiles à l'occident, l'inspiration des jeunes se renouvela et s'orienta notamment vers l'analyse de l'existence menée par les émigrés en France. Un débat sur la poésie opposa ces jeunes à leur aîné, Khodassevitch, plus traditionaliste.
      The 1917 revolution throws to exile roads many Russian writers as Bounine, first Russian Nobel of literature (1933), Nabokov, Kouprine, Merejkovski, Troyat, Zoe Oldenbourg, Marina Tsvetaeva, Nina Berberova, Irene Nemirovski, etc. ‪Exiles have favourable factors: ‪‪Russian‪‪ fashion during the 1920's, ‪‪intellectual‪‪ networks of communication, meetings with ‪‪French‪‪ people. But fashion disappears during the 1930's, interest for URSS increases, divis‪‪ion‪‪s weaken Russians, solitude and‪‪ poverty ‪‪are important. Old generation is particular‪‪ly unhappy. Exile literature is ‪‪it possible‪‪? Many t‪‪ake refuge in ideal Russia and denigrate France. So writers publish autobiographies an‪‪d‪‪ st‪‪udies and hist‪‪orical ‪‪novels‪‪. Young generation who knows less Russia is must ‪‪interested‪‪ by occident, ‪‪French‪‪ culture and liberty in this land. But many ‪‪have‪‪ double identity, ‪‪Russian‪‪ and ‪‪French‪‪, except ‪‪Eurasians‪‪. Inspiration of young writers is analysis of their ‪‪French‪‪ experience an‪‪d poetic discussions.‪
    • ‪Les espaces de l'intellectuel en exil : trajectoires et réseaux immigrés dans le Paris d'après-guerre (1945-1960)‪ - Jérémy Guedj p. 27-47 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose d'explorer la manière dont l'expérience de l'exil a pu reconfigurer les appartenances des intellectuels étrangers venus en France après 1945. De fait, ils évoluaient entre plusieurs espaces et appartenaient à divers réseaux, nationaux ou plus particulièrement étrangers, qui, tout en renforçant l'hybridité de leur condition, les conduisaient à réinterroger en permanence leur identité, comme le reflétaient leurs écrits.
      ‪This paper aims at showing how the experience of exile could reconfigure the sense of belonging shared by foreign intellectuals who came in France after 1945. Indeed, they were living between several spaces and were belonging to different networks, which were of national or more particularly foreign origins. By reinforcing their condition hybridity, this phenomenon led those intellectuals to constantly examine their identity, as reflected in their works.‪
    • ‪Décrire l'exil. Vivre l'exil. Les auteurs algériens de langue française et la Ghorba des années 1950 à la fin de la décennie 1980‪ - Jean-Charles Scagnetti p. 49-63 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Entre les années 1950 et la décennie 1980 dans l'Algérie coloniale puis au sein de la RADP ou à l'étranger, plusieurs générations d'écrivains francophones ont su rendre compte de la Ghorba et de ses évolutions. Exil langagier, la description littéraire du départ, vers la métropole puis la France, s'est progressivement muée en un retour vécu et mis en mots par une partie des fils d'émigrés. La constance de la production littéraire sur les deux rives de la Méditerranée invite à la perception d'un phénomène complexe en mutation sur la période d'étude choisie.
      ‪During the 1950-1980 period, in colonial Algeria, then later in The People's Democratic Republic of Algeria and abroad, several generations of writers described, in the French language, “la ‪‪Ghorba‪‪” and its developments. Linguistic exile, literary descriptions of leaving, for the metropolis and then for France, gradually became an experience of returning, expressed by children of emigrants. This literary outpouring on both sides of the Mediterranean, during the period studied, presents a picture of a complex evolution.‪
    • ‪Expérience migratoire et exil social dans la migration congolaise : de l'enjeu d'un corpus littéraire en sciences sociales. Biyaoula, Mabanckou et N'Sonde‪ - Mélanie Pénicaud p. 65-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'appuie sur l'analyse d'œuvres littéraires d'auteurs d'origine congolaise ayant vécu en France pour interroger la migration comme un possible espace d'une convergence disciplinaire entre littérature et sciences sociales. Il conduit à faire l'hypothèse d'un exil de nature sociale, par opposition à l'idée doxatique et restrictive d'un exil synonyme d'une « migration forcée ». Dans ce contexte, l'expérience exilique du Congolais en Afrique et en Europe se situe d'abord dans le continuum d'une « situation coloniale » et se creuse encore dans la migration en France, par le biais d'une marginalisation et d'une violence symbolique, notamment discursive, exercées sur les immigrés au sein de l'État-nation. L'utilisation d'un corpus littéraire dans une perspective anthropologique conduit à interroger la communicabilité des expériences exiliques et par là, à affiner la compréhension des expériences migratoires tout en explorant diverses pistes théoriques et méthodologiques.
      ‪This article is based on an analysis of literary works written by Congolese authors who have lived in France to consider migration as a possible space for meeting points between literature and social sciences. This leads to hypothesize a social nature of exile in contrast with the dogmatic and restrictive idea seen as a “forced migration”. In this context, the Congolese's exile experience in Africa and Europe lies first in a continuum‪‪ ‪‪of the French “colonial situation” and is strengthened in case of migration to France, through marginalization and symbolic violence, mainly discursive, exerted on immigrants inside the Nation-State. The use of a literary corpus from an anthropological angle leads to question the communicability of exile experiences and hence to refine the comprehension of migratory experiences while exploring varied theoretical and methodological tracks.‪
  • Varia

    • Youth in No Man's Land. Immigrant Children on the Outskirts of Madrid - Cecilia Eseverri-Mayer p. 91-109 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article mesure le processus de désaffiliation (Castel, 1995) chez les jeunes dans un quartier sensible de Madrid. L'étude des trajectoires de réussite et d'échec scolaires des enfants issus de l'immigration équatorienne, dominicaine et marocaine souligne les causes de cette problématique qui affecte divers pays européens et permet d'identifier les ressources pour les combattre. Ce cas d'étude identifie l'absence de capital humain (Bourdieu, 1970) des parents comme le facteur le plus déterminant de la désaffiliation. De plus, elle dévoile l'effet positif des réseaux ethniques uniquement quand ils sont porteurs du capital social nécessaire pour connecter les jeunes à de nouvelles opportunités. Ce capital social naît de la collaboration entre les structures intermédiaires (la famille, la communauté ethnique et les réseaux associatifs) qui se produit dans les nouveaux espaces de participation, créant un équilibre entre la solidarité communautaire et la liberté individuelle des jeunes.
      This article discusses new processes of disaffiliation‪‪ (Castel, 1995) among youth in a case study conducted in a disadvantaged neighbourhood of Madrid. Through the study of educational attainment and failure among children of Ecuadorian, Dominican, and Moroccan immigrants, insight is gained into a problem affecting numerous European countries, thus making it possible to identify the resources necessary to combat it. Research shows that the most determining factor in disaffiliation is human capital (Bourdieu, 1970). Likewise it demonstrated that links to ethnic networks can be beneficial as long as they are combined and supplemented with social capital that opens up new opportunities for the youths. This social capital stems from collaboration among ‪intermediary structures ‪‪(family, ethnic community, associative networks) and is generated in new spaces for participation. These make it possible to find a balance ‪between community solidarity and the ‪‪youth's individual freedom‪.‪
    • ‪Rester ou partir ? Les déterminants des flux d'émigration récents depuis la Suisse‪ - Juliette Fioretta, Philippe Wanner p. 111-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La Suisse enregistre chaque année plus de 100 000 départs en direction de l'étranger. L'importance de l'émigration surprend alors que la conjoncture économique dans le pays et le marché du travail présentent une situation favorable en comparaison internationale. À partir de données longitudinales comprenant plus de 800 000 individus suivis sur trois années consécutives, cet article tente de comprendre qui sont les résidents quittant le pays, et plus particulièrement quels sont les facteurs intervenant dans le choix d'effectuer une émigration. Les résultats montrent que la décision migratoire est complexe et dépend autant de facteurs individuels liés au parcours de vie (âge, genre, situation familiale) et à l'intégration dans le pays d'accueil (durée de séjour, situation sur le marché du travail, capital humain), que de facteurs contextuels liés à la situation économique du pays d'origine ou aux barrières administratives à la migration. Elle peut être provoquée par des facteurs répulsifs, telle une situation de chômage, par des facteurs attractifs, liés aux opportunités professionnelles dans un autre pays, mais le plus souvent, certainement, par une conjonction de ces deux dimensions.


      ‪Every year, Switzerland records more than 100,000 departures to another country. The magnitude of this emigration flow is surprising, as the economic conjuncture and the labor market are in a favorable position in international comparison. Using longitudinal data of more than 800,000 individuals followed over three consecutive years, this article attempts to understand which residents are leaving the country, and more specifically which factors are involved in the decision to migrate. The results show that this decision is complex and depends as much on individual factors related to life course (age, gender, family status) and integration in the host country (residence time, situation on the labor market, human capital) as on contextual factors related to the economic situation of the country or administrative barriers to migration. Emigration can be favoured by push factors such as a situation of unemployment, or by pull factors related to career opportunities in another country; but most often, probably, by a combination of both.‪

    • ‪Les « expulsions volontaires » : un mode de gouvernement des « étrangers indésirables » ?‪ - Clément de Senarclens, Ibrahim Soysüren p. 133-156 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse le dispositif d'éloignement des étrangers indésirables en se fondant sur le cas des requérants d'asile déboutés en Suisse. Il remet en question le discours selon lequel la « politique de retour » suisse reposerait avant tout sur des mesures d'incitation au départ pour ne faire usage de la contrainte qu'en dernier recours. L'analyse effectuée permet en effet de souligner le rôle de diverses formes de contraintes (juridiques, matérielles et psychologiques), dont usent les autorités dès l'annonce de la décision de renvoi. Ces formes de contraintes président à l'éloignement de ces étrangers même lors de retours qualifiés de « volontaires ». Elle démontre par ailleurs que la contrainte physique apparaît comme l'outil indispensable sur lequel repose l'ensemble du dispositif d'éloignement des étrangers indésirables, et cela même lorsqu'un recours effectif n'est pas fait. Sur la base de cette analyse, l'article vise à mettre en lumière l'existence d'une forme de gouvernement des étrangers indésirables, articulant différentes formes de contraintes et d'incitations en vue d'amener les individus à se soumettre à la décision de renvoi sans que les autorités n'aient à faire un recours effectif à la contrainte physique. Nous désignerons cette gouvernementalité des « étrangers indésirables » par le terme d'« expulsions volontaires ».


      ‪This article analyses the deportation apparatus of unwanted migrants via the case of rejected asylum seekers in Switzerland. It questions the current political speeches according to which “return policies” are first based on return incentives and would rely on coercition only as a last resort. Indeed, the analysis highlights the importance of the different forms of legal, material and psychological constraints appearing as direct consequences of a deportation order. The crucial role of these constaints should therefore also be recognized when the enforcement of the deportation order occurs in conjunction with the incentive offered within the framework of assisted voluntary return programmes. Indeed, the results of this analysis show that the potential use of physical coercition represents the cornerstone on which all the deportation apparatus is based, even in the case where this most extreme form of constraint does not have to be effectively used. On the basis of these results, the article draw attention to a form of government of unwanted foreigners that aims to submit migrants to deportation orders while at the same time restraining the costly and controversial forms of physical coercition that occurs during the deportation process. This article aims to illustrate this form of government through the notion of “voluntary deportation”.‪

  • Chronique juridique

  • Notes de lecture