Contenu du sommaire : Philosophy and Economics : Recent Issues and Perspectives
Revue | Revue d'économie politique |
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Numéro | vol. 128, mars-avril 2018 |
Titre du numéro | Philosophy and Economics : Recent Issues and Perspectives |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Philosophy and Economics: Recent Issues and Perspectives. Introduction to the Special Issue - Cyril Hédoin p. 177-189
- The Bond between Positive and Normative Economics - Daniel M. Hausman p. 191-208 Cet article clarifie la nature des relations entre économie positive et économie normative standard. Dès lors que la rationalité peut être caractérisée par la satisfaction de conditions portant sur les choix et les préférences et qu'il est établit que les individus sont approximativement rationnels, il est possible pour les économistes d'utiliser la théorie de la rationalité pour expliquer les choix. S'il s'avère de plus que les individus sont, comme cela est souvent supposé en économie positive, essentiellement égoïstes et raisonnablement informés, alors leurs préférences peuvent être utilisées comme des indicateurs de leur niveau de bien-être. Par conséquent, la modélisation des choix et du bien-être en termes de préférences rationnelles permet d'unifier économie positive et économie normative. En expliquant les résultats du marché par le biais des choix individuels, en expliquant les choix par les préférences, et en supposant que les préférences sont des indicateurs du bien-être, les économistes s'intéressant aux problématiques relatives au bien-être peuvent ainsi développer une théorie normative reposant sur leur théorie positive. Cette approche standard de l'économie normative est confrontée à plusieurs difficultés, mais son unité et son lien avec l'économie positive la rendent également particulièrement attractive.This essay clarifies the relations between positive economics and mainstream normative economics. If rationality can be characterized by conditions on preferences and choices and, in addition, people are, to a reasonable degree of approximation rational, then economists can invoke the theory of rationality to explain choices. If people are also, as in positive economics, largely self-interested and reasonably well-informed, then their preferences will also indicate their level of well-being. Modeling both choice and welfare in terms of rational preferences thus unites positive and normative economics. In explaining market outcomes in terms of individual choices, explaining choices by preferences, and taking preferences to indicate well-being, economists who are concerned with welfare defend a normative theory that piggybacks on their positive theory. This traditional mainstream normative theory is problematic, but because of its unity and its connection to positive economics, it is also very powerful.
- Boosts vs. Nudges from a Welfarist Perspective - Till Grüne-Yanoff p. 209-224 Cet article procède à une comparaison de deux formes de politiques comportementales, les boosts et les nudges, du point de vue des questions normatives auxquelles elles doivent répondre. Ces politiques s'inscrivent toutes les deux dans une perspective welfariste, i.e. elles veillent à respecter les attitudes subjectives et raisonnables des individus dans la détermination des jugements concernant le bien-être de chacun d'entre eux. Cependant, dans la mesure où ces deux formes de politiques comportementales affectent les comportements par des biais différents, leur adhésion au welfarisme n'induit pas les mêmes implications normatives. Les nudges affectent les comportements en agissant sur le contexte de choix en s'appuyant sur les résultats expérimentaux établissant une stabilité des relations entre les éléments du contexte et les comportements. Ce type d'intervention ne dépend pas du degré de compréhension ou de la participation active et volontaire des individus visés. Par conséquent, la justification des nudges repose sur la démonstration que l'intervention va permettre de corriger une erreur comportementale et effectivement mener à un meilleur résultat. Les boosts, quant à eux, affectent les comportements en améliorant les compétences des individus à la prise de décision via l'utilisation d'outils. Ce type d'intervention requiert la compréhension et la participation active et volontaire des sujets. Par conséquent, la justification des boosts ne dépend pas des questions normatives relatives à l'identification des erreurs ou à la détermination de l'amélioration effective du bien-être via l'intervention. Bien que les partisans des nudges puissent parfois répondre à ces difficultés normatives, il apparait que les boosts les évitent d'emblée. De ce point de vue, les boosts apparaissent préférables aux nudges.This paper compares two kinds of behavioral policies, boost and nudges, with respect to the normative questions they need to answer. Both policies are committed to welfarism – i.e. to respecting individuals' subjective reflected attitudes as the basis of judgment about what is good for them. However, because the two policy types affect behavior change in different ways, different normative requirements arise from this commitment. Nudges affect the choice context so as to change behavior, making use of behavioral evidence for stable relations between contextual features and behavioral outcomes. This intervention works irrespective of the nudged individual's understanding, evaluation or participation. Consequently, it is the nudge proponent who must argue that in the planned intervention, the nudge corrects a mistake and leads to a better outcome that is not compromised by the nudging procedure. Boosts, in contrast, affect behavior by training people in the use of decision tools. This intervention works only with the boosted individual's understanding, approval and active participation. Consequently, the boost proponent does not need to answer the difficult normative questions of mistake, welfare improvement or procedural compromise. Although it might be that nudge proponents can answer these questions for many situations, they constitute a normative burden for nudges that boosts can avoid. In this regard, boosts are therefore preferable to nudges.
- Utility as Economic Meaning - Yves Meinard, Jean-Sébastien Gharbi p. 225-249 Le concept d'utilité a joué un rôle majeur dans l'histoire de la pensée économique et il demeure central dans l'analyse économique contemporaine. Mais quelle est la signification de l'utilité ? Nous mobilisons la littérature philosophique pour apporter une réponse à cette question. En nous basant sur les approches philosophiques de la signification, nous proposons une définition générale de la signification. Selon cette définition, toute explication d'un acte qui est susceptible d'être acceptée par l'agent accomplissant cet acte peut être appelée « signification ». Nous soutenons que le concept d'utilité fournit une conception économique de la signification. Cette idée comporte deux aspects importants. Premièrement, elle pointe le fait que l'utilité satisfait notre définition de la signification dans la mesure où les axiomes de la théorie du choix peuvent être compris par les agents. Deuxièmement, de façon plus spécifique, cette idée permet de définir un critère pour juger si des cas particuliers de représentation en termes d'utilité ont une signification. La principale conséquence théorique de cette approche est que, lorsqu'une représentation de l'utilité satisfait les exigences pour être appelée « signification », l'utilisation des axiomes de la théorie du choix est justifiée, ce qui ne laisse pas d'avoir des implications pour l'économie appliquée.The concept of utility has played a major role in the history of economic thought, and it is still pivotal in most contemporary economic studies. But what is the meaning of utility? Here we take advantage of the philosophical literature to develop a theoretically robust answer to this question. Based on an analysis of the very diverse philosophical understandings of “meaning”, we introduce a general definition encompassing this diversity. According to this definition, any account of a given act that can be endorsed by the agent performing this act qualifies as a “meaning”. We argue that the concept of utility qualifies as economic meaning. This idea has two aspects. First, at a general level, because the axioms of the theory of choice are, in essence, easily understandable, utility can, in general, be conceived as a meaning. Second, more specifically, this very idea allows to define a standard to adjudicate whether specific instances of utility representation qualify as meanings. The main theoretical implication is that, when a given utility modelling fulfils the requirements to qualify as a meaning, then the stipulation of the axioms of the theory of choice is justified. This implication translates into concrete recommendations for applied economics.
- Decisions on Public Projects with Negative Externalities: Veil of Ignorance or Impartial Spectator? - Camilla Colombo, Wulf Gaertner p. 251-265 De nombreux projets publics sont accueillis favorablement par une population parce qu'il est escompté qu'ils seront bénéfiques pour l'ensemble de la société. Cependant, ces projets peuvent également entrainer d'importantes externalités négatives pour certains individus ou groupes d'individus. La construction d'une centrale nucléaire constitue un exemple représentatif : bien qu'il soit souvent considéré qu'un tel projet renforce l'indépendance énergétique d'un pays, il peut également engendrer un sentiment d'insécurité chez les individus habitant à proximité de la centrale. De plus, il peut également avoir des conséquences économiques néfastes, telles que la chute des prix des terrains et des habitations. Sur la base de quels critères la décision concernant de tels projets publics doit-elle être prise ? En supposant que les bénéfices pour les individus affectés directement ou indirectement sont également répartis, on propose un mécanisme de partage des coûts basé sur une pondération des différences entre les performances économiques de chaque région/zone et la performance moyenne de l'ensemble des régions/zones. La pondération est obtenue par le biais du recours à un observateur impartial.There are public projects which many people welcome because they are expected to be beneficial for society at large. On the other hand, however, these projects may generate larger negative externalities for certain parts of society. One example is the erection of a nuclear power-plant, a measure that is widely considered to render a country's energy provision less dependent on supply from outside. On the other hand, it possibly causes a feeling of insecurity among people who live in the vicinity of such a power station, and can furthermore have negative economic consequences in so far as the price of land and of houses may decline in this area. How should decisions on public projects with larger negative externalities be taken? Assuming that the benefits for all those who are directly or indirectly affected by such a project are roughly the same, a cost-sharing or burden-sharing method is proposed that focuses on a weighted difference between the economic performance of a particular region and the average performance of all regions concerned. The weight is to be determined by an impartial observer.
- Non-paternalistic Benevolence, Consumption Externalities and the Liberal Social Contract - Jean Mercier Ythier p. 267-296 On étudie la régulation des externalités de consommation par le contrat social libéral. Les contrats sociaux libéraux de premier rang redistribuent la richesse privée et fixent le niveau de production des biens publics afin de réaliser une allocation des ressources Pareto-efficace unanimement préférée à une situation initiale hypothétique. Cette situation initiale est caractérisée notamment comme une situation de communication parfaite. Nous montrons que les fonctionnelles de bien-être social qui agrègent les préférences sociales des individus sous la forme d'une solution coopérative de Nash généralisée soutiennent le contrat social libéral si elles vérifient l'hypothèse de bienveillance non-tutélaire, c'est à dire si les fonctions de bien-être social induites sont strictement croissantes par rapport au bien-être privé de chaque individu. Cette propriété de soutenabilité implique l'existence d'un contrat social libéral comme simple corollaire. On interprète également le contrat social libéral comme un cas d'application des normes d'action communicative d'Habermas à l'allocation des ressources rares par le marché et le budget de l'État.We examine the regulation of general consumption externalities by the liberal social contract. First-best liberal social contracts redistribute individual wealth and determine the level of provision of public commodities to achieve a Pareto-efficient allocation of resources that is unanimously preferred to the allocation of a hypothetical initial situation of perfect communication. We show that the social welfare functionals that aggregate individual social preferences by means of the generalized bargaining solution of Nash support the liberal social contract if they verify non-paternalistic benevolence, that is, if the associate social welfare functions are strictly increasing in the private welfare of all individuals. The existence of a liberal social contract follows as a corollary of this property of supportability. We characterize the liberal social contract as a case of application of Habermas's norms of communicative action to the allocation of scarce resources by public finance and the market.
- Gilles Campagnolo et Jean-Sébastien Gharbi (éds.), Philosophie économique – Un état des lieux, Paris, Éditions Matériologiques, 2017, 646 p. - Alain Leroux, Justin Leroux p. 297-310