Contenu du sommaire : Sociétés urbaines et cultures numériques
Revue | géographie, économie, société |
---|---|
Numéro | Vol. 20, 2018/1 |
Titre du numéro | Sociétés urbaines et cultures numériques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Résiliente, collaborative et bricolée. Repenser la ville créative à « l'âge du faire » - Charles Ambrosino, Vincent Guillon, Magali Talandier p. 5-13
- Matière et territoire dans la culture du logiciel libre - Sébastien Broca p. 15-32 Cet article interroge deux lieux communs associés à la culture numérique et plus particulièrement à celle du logiciel libre. Le premier, celui de l'immatériel, consiste à aborder le cyberespace comme un monde informationnel doté de propriétés distinctes de celles du monde physique. Le second, celui de la déterritorialisation, présente les collectifs en ligne comme détachés de tout ancrage territorial. L'article montre la manière dont ces lieux communs habitent la culture du logiciel libre, en revenant aux origines de celle-ci au sein du AI Lab du MIT, en examinant l'influence exercée sur elle par la pensée cybernétique et en analysant le processus d'extension et de globalisation du free software. L'article développe également une critique de ces topoï, en montrant qu'ils contribuent à occulter la continuité entre les transformations du monde numérique et celles du reste de la société. La conclusion revient sur l'essor récent du mouvement maker, fortement influencé par le logiciel libre, et met en avant la persistance des enjeux liés à la matière et au territoire, y compris au sein de la culture numérique.This article questions two ideas that have become commonplace in digital culture, and particularly in free software culture. The first one is the idea that cyberspace is an immaterial (or informational) space, exhibiting properties that are radically distinct from the ones of the material world. The second one is the idea of deterritorialization, according to which online communities are indifferent to the geographical reality of the territory. The article explains how these commonplace assumptions pervade free software culture, tracing their history back to cybernetics and the AI Lab at the MIT, and analyzing the globalization of free software culture since the 1990s. It also criticizes these topoï that often conceal how the transformations of the digital world are intertwined with the transformations of society at large. The conclusion tackles the emergence of the maker movement (which is strongly tied to free software culture) and insists on the persistence of issues related to materiality and territory, even within digital culture.
- Les tiers-lieux à l'ère du numérique : diffusion spatiale d'une utopie socio-économique - Christine Liefooghe p. 33-61 Apparue dans les années 1980 aux États-Unis, la notion de tiers-lieu s'en réfère aux nouveaux lieux de sociabilité qui contribuent à la cohésion d'une société urbaine en mutation. À l'heure d'Internet et de l'économie de la connaissance, le tiers-lieu apparaît comme un nouvel espace de travail où des communautés de projet construisent le monde de demain. Ces tiers-lieux de travail se déclinent en coworking spaces, Fab Labs et autres formats mais la diffusion mondiale de ces concepts fait diverger le modèle initial, pourtant émergent. Tantôt porteur d'une utopie d'économie collaborative, tantôt réponse plus modeste à la crise de l'emploi salarié, le tiers-lieu s'accompagne de promesses en matière de développement territorial. Après une revue de la littérature portant sur les tiers-lieux, l'article propose de les analyser sous l'angle de la théorie de la diffusion spatiale des innovations et, notamment à travers l'exemple du Nord-Pas de Calais, de discuter des vecteurs et des modes de diffusion d'un changement économique et sociétal porté par les nouveaux usages des technologies numériques.Appeared in the 1980s in the United States, the concept of third-place refers to new social spaces by which is built the cohesion of an urban society in transition. At the age of Internet and the knowledge economy, the third-place appears as a new workplace where communities are doing projects to build a new world. These third-places are coworking spaces, Fab Labs and other formats but the worldwide spatial diffusion of these concepts diverges the original model, although it is emerging. Sometimes flagship for the utopia of a collaborative economy, sometimes a more modest response to the lost of wage employment, the third-place is also imagined as a tool for territorial development. After a review of the literature, the article analyzes the third-places from the perspective of the spatial diffusion theory of innovation. Then we discuss, in particular through the example of the Nord-Pas de Calais Region, about the diffusion vectors and process of an economic and societal change brought by new uses of digital technologies.
- L'organisation sociale de la créativité métropolitaine. Du milieu des arts numériques à la scène du faire - Charles Ambrosino, Vincent Guillon p. 63-88 L'une des promesses que déploie la doxa de la ville créative tient au bénéfice métropolitain du maillage entre art, industrie et technoscience. Cependant, les rares travaux empiriques existants tendent à montrer que l'articulation productive entre les mondes de la création artistique et ceux des industries culturelles, créatives et technoscientifiques, si elle existe à l'occasion de projets ponctuels, demeure ténue voire difficilement identifiable. Dans le cadre de cet article, nous nous proposons à partir de l'exemple lyonnais de dépasser la présomption selon laquelle la seule contiguïté à l'échelle métropolitaine d'activités de création, de recherche et de développement industriel suffit à provoquer les interrelations (entre structures et entres individus) fondatrices des processus d'innovation recherchés. Procédant d'une démarche résolument inductive, l'article s'organise autour de trois entrées : la première retrace la sociogenèse du milieu de la création numérique dans la métropole lyonnaise, de ses balbutiements jusqu'à son institutionnalisation artistique ; la deuxième s'attache à décrire, depuis les coulisses, la praxis des arts numériques et l'organisation sociale de ce milieu relationnel ; la dernière explore les modalités de son encastrement au sein d'une scène culturelle métropolitaine étroitement liée au mouvement faire et à la transition numérique en cours, nous invitant in fine à discuter le concept de ville créative.One of the promises of the creative city doxa has regard to the metropolitan benefit of linkages between art, creative industries and technoscience. However, the few empirical studies that are available tend to show that the link between production in the worlds of artistic creation on the one hand and of cultural, creative and techno-scientific industries on the other does occasionally exist in the context of research and development programmes, but that these links are difficult to identify. In this paper, and based on the Lyon experience, we aim at going beyond the assumption that the mere contiguity of creative, research and industrial development activities at the metropolitan scale is sufficient to foster interrelations (between organizations and individuals) which give birth to the desired innovation process. This paper is based on a inductive approach and is structured around three main parts. The first one retraces the social origins of the digital creation milieu in the Lyon metropolis, from its infancy to its artistic institutionalization. The second aims at describing the praxis of digital arts and the social organization of this relational environment. The last one explores the ways in which it is imbricate in a metropolitan cultural scene that is linked to the makers movement and to the current digital transition. This in turn leads the authors to discuss the creative city concept.
- Les multiples échelles et dynamiques urbaines de créativité et d'innovation. La double réalité créative du quartier du Poblenou à Barcelone - Matías I. Zarlenga, Ignasi Capdevila p. 89-111 Les processus de créativité urbaine ne se développent pas seulement au sein des organisations, mais des acteurs externes jouent un rôle important en tant qu'individus et communautés. Cet article considère une perspective multi-échelle pour prendre en compte les interactions entre les différents niveaux au sein des dynamiques urbaines de créativité et d'innovation. À cet effet, l'article se centre sur les interactions sociales et leur relation avec le territoire entendues comme des Rituels de Créativité et des Scénarios Créatifs dans une perspective situationnelle. À partir de l'analyse du cas du quartier du Poblenou / district 22@ dans la ville de Barcelone, l'article explore les tensions dans la coexistence entre, d'un côté, les dynamiques publiques-privées pour le développement économique du quartier grâce à la création d'un district centré sur le développement des industries créatives et basées sur la connaissance, et de l'autre côté, les dynamiques émergentes menées par des communautés locales d'artistes, éloignées de l'exploitation économique de la créativité. Selon le modèle développé par Cohendet et al., (2010) l'article argumente que dans le cas du Poblenou, il existe une déconnexion entre l'upperground (ou organisations formelles) et l'underground (ou communautés créatives) qui représente un important court- circuit dans les dynamiques créatives du quartier.Urban creativity processes do not only take place within organizations; there are external actors (as individuals and communities) that play an important role on those processes. This article considers a multi-scale perspective to take into account the interactions between different levels of the urban dynamics of creativity and innovation. To this end, the article focuses on social interactions and their relationship with the territory, considering Creative Rituals and Creative Scenarios from a situational perspective. From the analysis of the case of the Poblenou / 22@ district in the city of Barcelona, the article explores the tensions in the coexistence between, on the one hand, the public-private dynamics for the economic development of the district through the creation of a district centered on the development of creative and knowledge-based industries; and on the other hand, the emerging dynamics of local communities of artists, that are far from an economic exploitation of creativity. According to the model developed by Cohendet et al. (2010), the article argues that in the case of Poblenou, there is a disconnection between the “upperground” (or formal organizations) and the “underground” (or creative communities) which represents an important short circuit in the creative dynamics of the district.
- Les « Ateneus de Fabricació » barcelonais et les « Laboratorios ciudadanos » madrilènes. Une nouvelle approche de l'innovation urbaine ? - Raphaël Besson p. 113-141 Sur fond de crise économique persistante, de protestations citoyennes issues du mouvement des indignés à Madrid, et d'ascension du parti politique Podemos (« nous pouvons »), les « Laboratorios ciudadanos » madrilènes et les « Ateneus de Fabricació » barcelonais réinventent les contours de l'innovation urbaine. Tout en s'appuyant sur les outils numériques, ces initiatives ne cèdent pas au déterminisme technologique des Smart Cities, qui attribuent aux techniques un ensemble d'effets socioéconomiques vertueux (Picon, 2013). Face aux logiques de concentration et de planification des quartiers créatifs et innovants, les Laboratoires citoyens et les Athénées de fabrication défendent le caractère endogène, informel et inattendu de leur développement. Ils ne reposent pas sur des politiques d'attractivité exogène d'une « classe créative », mais tentent de s'encastrer dans le tissu socioéconomique et culturel des quartiers qui les ont vus naître. Pour mieux comprendre la portée théorique et empirique de cette nouvelle génération de Systèmes Urbains Cognitifs (Besson, 2012), nous proposons une première analyse des Athénées de Barcelone et des laboratoires citoyens madrilènes. L'enjeu : extraire de ces expériences espagnoles, des enseignements utiles à la refonte de nos politiques d'innovation urbaine, tout en analysant les limites de ces modèles émergents.Under conditions of economic crisis, of strong start of the politic party “Podemos” and citizens protests derived from the Indignant movement, the “Laboratorios Ciudadanos” from Madrid and the “Ateneus de Fabricació” from Barcelona reinvent the contours of urban innovation. These new spaces oppose sort of relativism to the technological determinism of the smart cities ; they claim their ability to permanently hybrid and reinvent the relationship between science, technology and society. Against a focus on planning and concentrating the creative and innovative district, these areas promote the endogenous, informal and unexpected nature of their conditions of emergence and functioning. In order better to understand the theorical and empirical scope of this new generation of Cognitive Urban System (Besson, 2012), we propose a first analysis of Barcelona's Fabrication Ateneus and Madrid's citizens's Laboratories. The issue: retrieve of these spanish experiences a valuable teaching to redesign our urban innovative policy.
- Comptes Rendus - p. 143-156