Contenu du sommaire : Moyen-Orient et conflits au XXe siècle
Revue | Guerres mondiales et conflits contemporains |
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Numéro | no 262, 2016/2 |
Titre du numéro | Moyen-Orient et conflits au XXe siècle |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier. Moyen-Orient et conflits au XX e siècle
- Introduction - Samir Saul p. 3-6
- L'actualité de la Grande Guerre et de son règlement dans le Moyen-Orient contemporain - Anne-Claire de Gayffier-Bonneville p. 7-26 À l'heure où des forces politiques ébranlent les constructions étatiques issues de l'Empire ottoman, nous postulons qu'un regard par-dessus un siècle peut éclairer certains enjeux des évolutions les plus récentes. Notre étude s'organise autour de trois axes, en premier lieu la formation de la Turquie moderne qui enterre le projet d'autonomie kurde. Or, la guerre conduite par les Kurdes contre le groupe « État islamique » donne à cette communauté oubliée l'espoir d'une reconnaissance par la communauté internationale. Dans un second temps, nous nous intéresserons à la formation des États arabes, aujourd'hui défiés par « l'État islamique ». Enfin, le chef de guerre Abû Bakr al-Baghdâdî prétend faire revivre, à travers la proclamation du califat, une institution multiséculaire abolie en 1924.
As political forces destabilize the states stemming from the Ottoman Empire, this article surveys the last century in order to throw light on recent events. Analysis is developed along three main lines. In the first place, the formation of modern Turkey buried the project of Kurdish independence. However, the war they are waging against the “Islamic State” allows the Kurds, a forgotten community, to entertain the hope of an international recognition. Secondly, attention will be paid to the creation of the Arab States that “Islamic State” is presently threatening. Finally, the war leader Abû Bakr al-Baghdâdî claims to have restored the caliphate, an age-old institution abolished in 1924. - Les rôles économique et politique des émigrés libanais durant la Première Guerre mondiale - Boutros Labaki p. 27-48 L'émigration libanaise s'arrête avec l'éclatement de la guerre. Le blocus allié sur les côtes ottomanes et le blocus terrestre ottoman appauvrissent la province autonome du Liban, la privant de ses ressources principales. Une famine décime la population. Dans ce contexte, les émigrés et les associations d'émigrés libanais en Égypte, aux États-Unis, en Argentine et en France tentent de mobiliser la diaspora et surtout les chancelleries pour faire pression sur les Ottomans et lever le blocus. Ils œuvrent pour convaincre les puissances de l'époque de la nécessité de libérer le Liban et/ou la Grande Syrie du joug ottoman, dans le cadre de mandats, du Royaume arabe promis à Fayçal, ou de l'indépendance totale. Elles participent aux conférences de paix qui décident du sort du Liban et des pays voisins.
Lebanese emigration stopped with the outbreak of war. Maritime blockade by the Entente and land blockade by the Ottomans impoverished the autonomous province of Lebanon. Famine decimated the population. In that context, Lebanese emigrants and their associations in Egypt, in the USA, Argentina and France tried to mobilize the diaspora and Western governments in order to relieve the country from Ottoman pressure. They lobbied to persuade Western Powers to free Lebanon and/or Greater Syria from the Ottomans, leading to the establishment of mandates, of the Arab Kingdom promised to Faisal, or complete independence. They took part in the postwar peace conferences that decided the fate of Lebanon and the neighbouring countries. - Les interventions militaires françaises au Levant pendant la Grande Guerre - Jacques Frémeaux p. 49-72 Les interventions militaires de la France au Levant ne sont pas au niveau des ambitions qui s'expriment chez ses diplomates, en particulier à l'occasion des accords Sykes-Picot. Le rôle de la Marine, non négligeable, consiste essentiellement, après avoir participé à la défense du canal de Suez en février 1915, à assurer le blocus des côtes. La participation terrestre se réduit à celle du DFP (détachement français de Palestine), créé en avril 1917. Il comprend environ 7 000 hommes, qui, intégrés à l'armée britannique (100 000 hommes), font campagne depuis l'Égypte jusqu'à la Syrie. Il faut aussi mentionner la présence de quelques dizaines de spécialistes, notamment des artilleurs, dans les contingents de la Révolte arabe dirigée par les Hachémites. Cette faiblesse d'ensemble s'explique par la priorité donnée aux autres fronts en France, mais aussi dans les Balkans, alors que le commandement français est confronté à une crise des effectifs.
France's military interventions in the Near East were more modest than what its diplomats envisioned, especially in the Sykes-Picot Agreement. The Navy took part in the defence of the Suez Canal in February 1915, and then secured the blockade of the Syrian coast. The only French Force on the ground was the DFP (détachement français de Palestine), created in April 1917, with 7,000 men, who fought in the British army (100,000 men), from Egypt to Syria. Moreover, some specialists, notably artillerymen, were present in the army of the Arab Revolt, led by the Hashemites. The overall weakness was due to a shortage of troops, obliging the French Command to give priority to other fronts in France as well as in the Balkans. - Le canal de Suez : une route stratégique au cœur des conflits du Moyen-Orient au XXe siècle - Caroline Piquet p. 73-92 Entre Méditerranée et mer Rouge, entre Afrique et Asie, le canal de Suez est une voie majeure de contrôle du Moyen-Orient. Au xxe siècle, il compte parmi les routes qui ont soulevé le plus de passions, de conflits géopolitiques et d'enjeux économiques aussi bien à l'échelle internationale que régionale. Lors des deux guerres mondiales, il s'impose comme un élément essentiel de la maîtrise de la Méditerranée. Des années 1950 aux années 1970, il condense les tensions qui secouent le Moyen-Orient, à la fois symbole de la décolonisation dans un contexte de guerre froide et front militaire lors des guerres israélo-arabes. Enfin, le canal de Suez représente pour l'Égypte un enjeu de premier plan quant à sa stabilité : emblème de la reconquête politique et de l'indépendance économique, il demeure l'objet de tensions dans un Moyen-Orient soumis à la question pétrolière et aux risques terroristes et de piraterie.
Linking the Mediterranean to the Red Sea, Africa and Asia, the Suez Canal is a major pathway for the control of the Middle East. During the 20th century, it was one of the maritime routes that brought to the fore the most passions, geopolitical conflicts and economic stakes internationally and regionally. During the two world wars, it became essential to the mastery of the Mediterranean. From the 1950s to the 1970s, it concentrated regional tensions both as a symbol of decolonization in a Cold War context and a military front in the Arab-Israeli wars. Finally, the Suez Canal represents a prime factor for the stability of Egypt, on the one hand, as an emblem of its political restoration and economic independence, on the other, as a focus of tension in an area dominated by oil issues and faced with risks of terrorism and piracy. - Le Moyen-Orient dans la Seconde Guerre mondiale : convoitises et rivalités des grandes puissances belligérantes - Mohieddine Hadhri, François Pelletier p. 93-106 Le Moyen-Orient a été l'un des théâtres d'opérations militaires de la Seconde Guerre mondiale. Le conflit révélait la dimension hautement stratégique de cette partie du monde : carrefour de communication entre les trois continents et objet d'ambitions rivales que les découvertes pétrolières récentes ne faisaient qu'aiguiser. Dès 1939, les Puissances de l'Axe avaient envisagé un partage du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Au cours d'une seconde phase, à partir des conférences de Téhéran en 1943 et de Yalta en 1945, le Moyen-Orient devenait l'objet de vives convoitises en vue d'un nouveau partage en « zones d'influence » entre les vainqueurs. Cet article se propose d'apporter quelques éclairages sur cette période, ainsi que sur la géopolitique des grandes puissances au Moyen-Orient, notamment en Arabie, devenue depuis la rencontre Roosevelt-Ibn Séoud en février 1945 une pièce maîtresse sur l'échiquier moyen-oriental.
The Middle East was one of the theatres of military operations during the Second World War. The conflict revealed the highly strategic dimension of the region; it was the crossroads of communication between three continents and subject to the rival ambitions that recent oil discoveries had sharpened. Since 1939, the Axis Powers had planned a partition of the Middle East and North Africa. During a second phase, from the conferences of Teheran in 1943 and Yalta in 1945, the Middle East became the object of intense rivalry between the winners seeking “zones of influence”. The purpose of this article is to shed light on this period, and on the geopolitics of the Great Powers in the Middle East, particularly in the Arabian Peninsula, a centerpiece of regional politics since the Roosevelt-Ibn Seoud Summit in February 1945. - Palestine-Israël : Moments structurants et droit international (1917-2015) - Rachad Antonius p. 107-128 Partant d'une analyse du débat de 1922 à la Chambre des Lords britannique au sujet du Mandat sur la Palestine, ce texte propose une lecture de la transformation de la Palestine fondée sur trois moments structurants: 1917-1922, 1947-1949, et 1989-1993. Les règles du jeu établies à chacun de ces moments ont prédéterminé la palette des issues possibles pour les décennies suivantes. Chaque moment est caractérisé par un recours différencié au droit international par le mouvement sioniste puis par l'État d'Israël : d'abord une légitimation de l'entreprise par le recours indirect au droit, via la puissance mandataire ; puis un recours sélectif au droit international en tant qu'acteur étatique ; et enfin un contournement du droit international par la soustraction processus de négociation au contrôle de l'ONU.
Starting from an analysis of the 1922 House of Lords debate on the Mandate on Palestine, this paper proposes a reading of the history of the transformation of Palestine based on three structuring moments: 1917-1922, 1947-1949, and 1989-93. The rules of the game that were set during each of these moments have predetermined the range of possible outcomes for the following decades. Each moment is characterized by a different recourse to international law by the Zionist movement, then by Israel: at first, a legitimation of the project by an indirect recourse to international law, via the mandatory power; then a selective recourse to international law as a State actor; and finally a bypassing of international law by a removal of the negotiating process from the realm of the UN. - Le nationalisme arabe, rétrospective et prospective : un essai - Georges Abou-Hsab, Samir Saul p. 129-144 Courant dominant il y a à peine une génération, le nationalisme arabe cède la place à l'islamisme. L'idée nationale, voire l'État-nation semblent avoir fait leur temps. Pourtant l'exercice du pouvoir en Tunisie et en Égypte de 2011 à 2013 s'avère funeste à l'islamisme ; l'échec et le rejet sont d'une rapidité remarquable. Restent entiers les problèmes et défis auxquels il était confronté: lutte pour l'indépendance, l'unité, la modernisation et le développement. Dans la mesure où ils demeurent d'actualité, l'expérience historique du nationalisme arabe ne perd pas sa pertinence. D'où l'intérêt de revisiter cette tentative de réaliser des avancées sur les quatre plans fondamentaux. Le nationalisme arabe a été le vecteur d'une quête de progrès, de modernité et d'émancipation. Il est possible qu'il appartienne définitivement au passé, mais la non-réalisation des aspirations qu'il a incarnées rend toujours concevable sa réactivation.
Arab nationalism, the dominant political current a mere generation ago, was supplanted by Islamism. The ideas of nationality, even of the nation-state, seem to have become outdated. Yet, governing Tunisia and Egypt between 2011 and 2013 proved detrimental to Islamism; failure and rejection were unusually swift. In the meantime, the problems and challenges that nationalism confronted – such as the struggle for independence, unity, modernization and development – remain unresolved. Insofar as they are still topical, the historical experience of Arab nationalism has not lost its relevance. This article revisits its attempt to achieve advances on the four basic fronts previously referred to. Arab nationalism was an agent in the quest for progress, modernity and emancipation. Although it is possible that it has definitely been relegated to the past, the fact that the aspirations it embodied did not materialize renders its resurgence conceivable.
Reflexion
- Lutetia non est delenda - David W. Pike p. 145-146
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 147-154