Contenu du sommaire : Alsaciens et Lorrains : acteurs « malgré eux », victimes et témoins de deux conflits mondiaux
Revue | Guerres mondiales et conflits contemporains |
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Numéro | no 265, 2017/1 |
Titre du numéro | Alsaciens et Lorrains : acteurs « malgré eux », victimes et témoins de deux conflits mondiaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Alsaciens et Lorrains : acteurs « malgré eux », victimes, et témoins de deux conflits mondiaux
- Introduction - Chantal Metzger p. 3-6
- Proscrits, internés et exilés : le cas des alsaciens-lorrains prisonniers politiques dans l'empire allemand (1914-1918) - Gérald Sawicki p. 7-20 Avant la Première Guerre mondiale, les autorités allemandes avaient établi des listes noires de proscription d'Alsaciens-Lorrains francophiles susceptibles d'être arrêtés et internés en résidence surveillée en cas de guerre franco-allemande. Mis en application dès le 31 juillet 1914, cet équivalent du Carnet B français se prolongeait souvent par une détention préventive de sûreté appelée Schutzhaft. 4 500 Alsaciens et Lorrains de toutes conditions sociales connurent des destinées diverses comme l'internement dans des camps ou l'exil intérieur dans l'ensemble de l'Empire allemand. Sujet de tension entre les autorités civiles et militaires allemandes, ce système extrajudiciaire contribua aussi au retournement de l'opinion publique du Reichsland en faveur de la France. Après la guerre, ces proscrits reçurent une reconnaissance officielle avec la création de la médaille de la Fidélité française et constituèrent une mémoire spécifique portée par des associations de souvenir comme l'Association des Proscrits d'Alsace ou celle des incarcérés d'Ehrenbreitstein.
Before the First World War, German authorities had drawn up blacklists of individuals living in Alsace-Lorraine but supportive of France. In the event of a war between France and Germany, plans were made to place these individuals under house arrest. The equivalent of the French Carnet B, this system was implemented from 31 July 1914 and often resulted in these people being placed in preventive custody called Schutzhaft. 4500 inhabitants of Alsace-Lorraine, from all social classes, underwent different experiences, some were placed in internment camps while others remained in internal exile wherever they were in the German Empire. This extra-judicial system produced tension between the civil authorities and the German military, and it turned public opinion in Alsace-Lorraine in favour of France. After the war, these exiles received official recognition and the award of the Medal of French Fidelity, creating in the French mind a specific memory that led to the formation of associations such as the Exiles of Alsace and the Prisoners of Ehrenbreitstein. - Témoignages sur les alsaciens-lorrains prisonniers dans le sud de la russie pendant la première guerre mondiale - Sofiia Minasian, Anna Kaneeva p. 21-32 Cet article a pour objet de présenter l'analyse de documents d`archives, datant de la Première Guerre mondiale, et récemment déclassifiés. Ces documents, écrits en français et en russe, se trouvent dans les Archives d`État de la région de Rostov. Ces manuscrits témoignent du destin de prisonniers de guerre, issus d'Alsace-Lorraine, d`origine française, qui se sont retrouvés sur le territoire de la région de Rostov, du Caucase et du bassin de Donetsk.
The article presents an analysis of recently declassified archival documents covering the First World War, written in French and Russian and stored in the State archives of the Rostov region. We examine the materials that testify to the fate of prisoners of war of French origin from Alsace-Lorraine, who were held captive in the Rostov region, the Caucasus and the Donets Basin. Features of their treatment are discussed in the context of the main provisions subsequently adopted by the Geneva Convention (1929) and the decision of the CEC and the CPC of the USSR (1931). - Conflit intra-allemand sous-jacent au conflit franco-allemand : l'exemple de la S.A.C.M. (1914-1918) ? - Luc Jeanvoine p. 33-46 L'affaire de Graffenstaden (1912) peut être perçue comme un élément de tension supplémentaire entre la France et l'Allemagne menant à l'éclatement de la Première Guerre mondiale. Mais un second conflit se surimpose au premier, car la S.A.C.M. dont les usines allemandes se localisent à Graffenstaden et à Mulhouse est convoitée à la fois par les entrepreneurs d'Allemagne du sud et ceux de Rhénanie-Westphalie de sorte que sa liquidation en 1917 exacerbe encore ce conflit interne à l'Allemagne.
The Graffenstaden Affair (1912) may be seen as part of the conflict between France and Germany, but this is a conflict between the industry of southern Germany and the industry of Rheinland-Westfallen, both eager to expropriate the factories of Graffenstaden and Mulhouse that had belonged to the S.A.C.M., liquidated in 1917. - De la royale à l'action française : l'amiral Antoine Schwerer (1862-1936), un engagement intégral - Jean-Noël Grandhomme p. 47-58 Breton d'origine alsacienne, le vice-amiral Antoine Schwérer (1862-1936) est l'un des acteurs de la controverse autour de la Jeune école, un commandant de canonnières sur le front en 1915 et le plus proche conseiller d'un grand ministre de la Marine, le contre-amiral Lacaze (1915-1917). Dans une seconde vie, il milite à l'Action française, dont il prend la présidence en 1930 et au sein de laquelle il combat ardemment la condamnation pontificale de 1926.
A Breton of Alsatian origin, Vice-admiral Antoine Schwérer (1862-1936) was a participant in the controversy surrounding the “Jeune école”. He was later commander of gunboats in action in 1915 and the closest adviser to a great Naval Minister, Rear Admiral Lacaze (1915-1917). In a second life he became a militant supporter of Action Française, the presidency of which he took in 1930 and within which he fought ardently against the Papal condemnation of 1926. - La conférence du général Mangin en Avignon (1922) : quand une poussée de pacifisme sonne le glas d'une ambition politique - Franck Tison p. 59-78 Le 30 mai 1922, le général Mangin débarquait en Avignon afin d'y prononcer une conférence sur la victoire française au profit des mutilés de guerre. Cette visite s'inscrivait dans une campagne visant à façonner son image de stratège et d'homme d'autorité. Préparait-il une entrée en politique ? Pas impossible. En tout cas, l'Action française, les milieux nationalistes y songeaient sérieusement, voyant un lui un possible homme providentiel. Aussi, lorsque leurs ténors, Léon Daudet et Charles Maurras apprirent que Mangin avait été empêché de parler et même conspué dans la cité des papes par les anciens combattants de l'Arac et les cheminots vauclusiens , leur sang ne fit qu'un tour. Ils se déchaînèrent contre le préfet du Vaucluse, Pierre Antoine Monis avec en ligne de mire la République radicale. Au final, cette conférence ne fut pas sans impact sur la carrière du général Mangin.
On 20 May 1922, General Mangin arrived in Avignon to deliver a speech on the French victory, for the benefit of disabled ex-servicemen. This visit was part of a campaign to boost him both as a strategist and a man of authority. Was he paving the way for his entry into politics? It was not unlikely. As for Action Française and other nationalist circles, they were certainly considering it, as they regarded him as a possible « homme providentiel ». When their spokesmen Léon Daudet and Charles Maurras were told that Mangin had been prevented in the “Cité des Papes” from speaking, and had even been booed by the Arac's ex-servicemen as well as by the rail workers from Vaucluse, the two instigators saw red. They lashed out at the Prefect of Vaucluse, Pierre Antoine Monis, while taking aim at the Republic dominated by the Parti Radical. In the end, this incident was not without consequence to the career of General Mangin. - « Tenir sur le Rhin ».Les mouvements de jeunesse d'Alsace pendant la Deuxième Guerre mondiale - Julien Fuchs p. 79-100 L'histoire des mouvements de jeunesse alsaciens pendant la Deuxième Guerre mondiale est loin d'être lisse. Mais bien qu'elle s'inscrive dans deux espaces différents, à la fois en Alsace et dans les régions où s'exilent les Alsaciens, cette histoire révèle une orientation commune de ces groupements. Interdits en Alsace par les autorités nazies, et de plus en plus muselés en France par le régime de Vichy, ces mouvements demeurent des interstices de liberté pour les Alsaciens qui y participent. Moyens d'entretenir une vie ordinaire de jeunes, de cultiver un sentiment d'appartenance à l'Alsace, ils sont aussi des lieux d'engagement contre l'oppression, et pour certains, les terreaux d'une entrée en résistance. Beaucoup de ceux qui y ont pris part deviendront des figures importantes de la reconstruction de l'Alsace après 1944.
The history of Alsatian youth movements during the Second World War is anything but straightforward. Although it falls within two different spaces, both in Alsace and in areas of Alsatian exile, the story shows their common orientation. Banned by the Nazi authorities in Alsace, and increasingly muzzled in France by the Vichy regime, these movements remained interstices of freedom for the young Alsatians involved. Not only were they the means to maintain an ordinary life for young people and to cultivate a sense of belonging to Alsace, they were also havens in which to engage against oppression, and for some a means to enter the Resistance. Many who took part would become important figures in the reconstruction of Alsace after 1944. - Les officiers « civil affairs » de la septième armée américaine dans la crise de janvier 1945 en Alsace - François Igersheim p. 101-118 À la fin de décembre 1944, les officiers Civil Affairs de la 7e Armée américaine en Moselle et en Alsace doivent gérer le problème le plus grave pour les liaisons avec la population civile : comment opérer une retraite limitée sans compromettre le secret des opérations ni déclencher un exode trop massif de la population civile. Les opérations ont pour résultat de tendre à l'extrême les rapports entre l'armée et les autorités civiles. Les ordres d'évacuation de Strasbourg suscitent l'indignation de l'opinion strasbourgeoise et française ainsi que celle de la presse US et de nombreux soldats américains. Du tableau des foules misérables de réfugiés qui prennent le chemin de l'Ouest pour rester dans les lignes américaines, les officiers Civil affairs tirent la conclusion que les Alsaciens jusqu'alors fort attentistes, ne veulent pas le retour des Allemands : une sorte de plébiscite ?
At the end of December 1944, the Civil Affairs officers of the US Seventh Army in Moselle and Alsace faced a most difficult problem: how to carry out a limited evacuation from frontal areas in a tactical withdrawal, without violating security or precipitating a mass exodus of the population. The operation put an enormous strain on the military (US as well as French First Army) and on civilian relations. Eisenhower's order to evacuate Strasbourg was bitterly opposed by the Alsatian and French public, as well as in the U.S. press and by many American troops. Indeed, the sight of miserable refugees moving westward in mass to stay behind the lines of a retreating US army convinced US Civil Affairs officers that the Alsatian population certainly did not want to see the Germans return. Was this not a plebiscite?
Varia
- 1914, un lieu de mémoire européen ? de la commémoration nationale à l'émergence d'un consensus mémoriel - Johannes Großmann p. 119-132 Cent ans après, l'année 1914 est-elle devenue le point de référence d'une mémoire européenne qui dépasse les frontières nationales ? Cet article décrit les grandes étapes de l'historiographie et de la mémoire liées au déclenchement et aux premiers mois de la Grande Guerre. Il analyse ensuite trois lieux du paysage mémoriel de l'année 1914 : l'attentat de Sarajevo, « l'esprit de 1914 » et la « Trêve de Noël ».
Has the year 1914, after 100 years, become the point of reference of a transnational European memory? This article covers the development of an historical debate and remembrance of the outbreak and the opening months of the Great War. It analyses three points of reference in the course of 1914: the assassination of Archduke Franz Ferdinand in Sarajevo, the “spirit of 1914,” and the “Christmas truce.” - D'une guerre à l'autre : l'Orient-Express, témoin, victime, enjeu et instrument des conflits européens (1883-1945) - Blanche El Gammal p. 133-150 L'Orient-Express, premier train international européen reliant Paris à Constantinople par les États centraux et balkaniques, a été créé à la fin du xix e siècle. Loin de se résumer au célèbre train de luxe que tout le monde connaît, il fut un instrument de domination économique et politique, et, au-delà, un vecteur de rêve hégémonique. Traversant des terres embrasées, unissant des pays en guerre ou alliés, son destin est étroitement lié aux deux conflits mondiaux, auxquels il n'a pas véritablement survécu.
The Orient Express, the first international European train connecting Paris to Constantinople through the Central and Balkan States, was created at the end of the 19th century. Not only was it the famous luxury train that everyone knows, but it was also an instrument of economic and political domination, and beyond that, a vector of hegemonic dreams. Crossing disputed territories, connecting countries that were allied or at war, its destiny is closely linked to the two World Wars, which it did not altogether survive.
- 1914, un lieu de mémoire européen ? de la commémoration nationale à l'émergence d'un consensus mémoriel - Johannes Großmann p. 119-132