Contenu du sommaire : Les soulèvements arabes, entre espoirs et désenchantements
Revue | Les Cahiers de l'Orient |
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Numéro | no 107, été 2012 |
Titre du numéro | Les soulèvements arabes, entre espoirs et désenchantements |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Antoine Sfeir p. 3-4
- Le dessin d'Avoine - Paul Avoine p. 8
- Introduction - Hadjar Aouardji p. 9-13
- Après la révolution : le développement social avant tout - Habib Ayeb, Hadjar Aouardji p. 15-27 Le soulèvement massif qui a abouti à la chute de Zine El Abidine Ben Ali prend racine dans un cycle de mobilisations qui a commencé en 2008. Il a été rendu possible grâce à une « alliance de classes » entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011. Le projet économique des islamistes portés au pouvoir par les élections ne diffère pas de celui des autres libéraux qui se qualifient de modernistes. Aussi, la formation Nidaa Tounes, qui se présente comme un rempart contre Ennahda, ne semble pas répondre aux revendications sociales et économiques du soulèvement tunisien.
- Les valeurs de la révolution à la recherche d'une politique étrangère d'action - Yasmine Farouk p. 29-40 Bien que très attendu, notamment par les activistes de la place Tahrir, un changement de la politique étrangère égyptienne – régionale et internationale – se fait attendre. Cet article revient sur ces attentes, ainsi que sur les défis qui pèsent sur la politique étrangère post-Moubarak.Although highly expected, change in Egypt's foreign policy has not happened yet. This article focuses on these expectations, as well as on the challenges facing Egypt's post-Mubarak foreign policy.
- La montée postrévolutionnaire des mouvements islamistes par la voie électorale : le cas des Frères musulmans égyptiens - Leslie Piquemal p. 41-49 Le soulèvement qui a eu lieu entre le 25 janvier et le 11 février 2011 a bouleversé le paysage politique égyptien. Bien qu'ils n'en furent pas les instigateurs, différents mouvements islamistes ont ainsi pu entrer massivement dans le jeu électoral, avec un très grand succès pour les Frères musulmans, qui fondent le Parti Liberté et Justice. Même s'ils ont réussi à transformer les opportunités de l'année 2011 en performance électorale imposante, ils sont néanmoins sérieusement concurrencés par les salafistes.The uprising that took place between January 25 and February 11 turned the Egyptian political landscape upside down. Although they did not initiate it the uprising allowed various Islamist movements to participate in the electoral game. They were able to take advantage of the opportunities of 2011 and had an impressive electoral performance. Yet, the Muslim Brothers seem unable to use their strong position in the People's Assembly – alongside the Salafist parties – to implement their traditional project for an Islamic political society, without losing their aura of popular representation.
- Quelle place pour la Charî`a dans l'Égypte post-Moubarak ? - Nathalie Bernard-Maugiron p. 51-64 La question des liens entre État et religion est au centre des débats politiques qui agitent l'Égypte depuis la chute du président Moubarak. Les partis islamistes, désormais majoritaires au parlement égyptien, vont-ils ré-islamiser le droit et les institutions, comme beaucoup semblent le craindre en Occident ou même en Égypte ? En quoi consisterait concrètement l'application de la Charî‘a ? Le terme « réislamisation » ne sous-entend-il pas, à tort, que le système normatif égyptien antérieur à la chute de Moubarak était laïc et totalement détaché de la religion ? La présente contribution tente d'apporter des éléments de réponse à ces questionnements en se demandant si les partis islamistes n'appellent pas moins au retour à une interprétation classique du droit musulman et à la remise en cause du jeu de la démocratie qu'à une moralisation des relations sociales.The issue of the relationship between state and religion is at the center of the political debates that have stirred Egypt since the downfall of President Mubarak. In this paper, we will investigate whether Islamist parties are not actually calling for a moralization of social relations, rather than a classical interpretation of Islamic law or a reconsideration of the game of democracy.
- La transition démocratique du Yémen menacée par de nombreux défis - Benjamin Wiacek p. 65-74 Plus d'un an après le début de la révolution au Yémen, le constat reste mitigé. Bien que le président Ali Abdallah Saleh ait transmis ses pouvoirs au vice-président, Abdo Rabbo Mansour Hadi, son régime est toujours en place. La rue continue ainsi de réclamer le changement en manifestant, alors que différents mouvements de contestation éclatent dans les institutions de l'État à travers le pays.More than one year after the beginning of the revolution in Yemen, the outcome remains unclear. Although President Ali Abdullah Saleh has transfered his powers to the Vice President – Abdo Rabo Mansour Hadi –, his regime remains in place. The street continues to ask for change, while across the country various protests erupt in state institutions.
- La révolution syrienne : morphologie d'une militarisation - Thomas Pierret p. 75-82 Douze mois après son commencement, le soulèvement syrien se poursuit dans un contexte de blocage total de la situation. Le recours à l'armée n'a pas permis d'écraser l'opposition. Face à la violence du régime, la protestation s'est partiellement muée en insurrection armée mais demeure trop faible pour faire face à la puissance de feu des forces régulières. Ce déséquilibre ne doit toutefois pas occulter les faiblesses structurelles de l'armée syrienne, à commencer par le manque de troupes loyales.Twelve months after its debut, the Syrian uprising goes on in the context of a stalled situation. The use of the army has failed to crush the opposition. Faced with the violence of the regime, the protest has turned into an armed uprising, but still remains too frail to cope with the firepower of regular armed forces. Yet, this imbalance should not obscure the structural weaknesses of the Syrian army, starting with the lack of troop loyalty.
- La politique étrangère de la Syrie sous Bachar Al Assad - Marta Tawil p. 83-92 La politique étrangère de la Syrie sous Bachar Al Assad montre une relative continuité par rapport à celle de la période du régime de Hafez Al Assad. Cette pérennité est observable à partir de la doctrine, de l'agenda et de la machine diplomatique, ainsi que des réactions du régime face au soulèvement populaire commencé en mars 2011. Celui-ci met à nu le décalage croissant entre les objectifs associés à la stabilité interne et les objectifs de politique étrangère du pays, et révèle que les éléments qui fondaient l'énigme de la puissance régionale syrienne se sont essoufflés. Si la priorité de la Syrie post-Assad sera donnée à la reconstruction de l'État, on pourrait toutefois se demander si l'éventuelle instauration d'un nouveau régime et la stabilisation du pays sont susceptibles de se traduire par un revirement stratégique de la politique extérieure.The foreign policy of Syria under Bashar al-Assad shows a relative continuity in comparison to Hafez al-Assad's era. The March 2011 popular uprising against the regime reveals a growing gap between the objectives associated with internal stability and those associated with the foreign policy of the state. It also indicates that the elements that gave rise to Syria as a regional power are on the wane. The priority of a post-Assad Syria will be given to rebuilding the state. However, will regime change and the stabilization of the country result in a strategic reversal of its foreign policy?
- Les relations turco-syriennes : de l'idylle à la descente aux enfers - Jean Marcou p. 93-105 Au cours de la dernière décennie, les relations turco-syriennes ont connu une idylle d'autant plus surprenante qu'Ankara et Damas avaient longtemps entretenu des relations de défiance. Le « printemps arabe » a néanmoins subitement changé la donne. La Turquie s'est mise à dénoncer, de façon de plus en plus virulente, la répression du régime syrien contre son propre peuple. Outre le démenti qu'elle a apporté à la politique de bon voisinage d'Ahmet Davutoğlu, cette nouvelle rivalité turco-syrienne s'insère dans un Moyen-Orient en pleine recomposition stratégique.During the last decade, the Syrian-Turkish relationship has gone through a surprising period of romance, even if Ankara and Damascus have long maintained a relationship of distrust. But the “Arab Spring” has suddenly changed the situation: Turkey has begun to criticize more and more sharply the Syrian regime's repression against its own people. As well as being a setback for the neighborhood policy practiced by Ahmet Davutoglu, this new rivalry is also a part of the reshaping of the Middle East.
- Al Jazira fait sa révolution - Lina Zakhour p. 107-113 Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi s'immolait par le feu. Le récit informationnel donne un sens aux faits produits dans le monde. En braquant sa caméra dès les premières heures sur les mouvements populaires, les images diffusées par Al Jazira ont nourri un imaginaire révolutionnaire, qui a pris le pas sur celui de la peur. Et même si, par la suite, les autres chaînes ont assuré à leur tour une couverture continue des révoltes, Al Jazira demeure un témoin privilégié pour les citoyens comme en témoignent leurs appels. Coup de projecteur sur une révolte télévisée.Bouazizi immolated himself on December 17th 2010. By focusing its cameras on the popular movements since the very first hours, Al Jazeera's broadcasted images have fuelled a revolutionary imagination, which has overtaken the imagination of fear. Even as other channels also started providing continuous coverage of the insurrections, Al Jazeera remained a privileged witness for the citizens. Spotlight on televised uprising.
- Pas de soulèvement en Jordanie, les raisons d'une impasse - Hisham Bustani, Hadjar Aouardji p. 115-129 Dans leur réponse au soulèvement tunisien, les élites politiques jordaniennes ont trouvé une opportunité de mobiliser dans les rues. Leur demande principale (la réforme du régime) n'est rien d'autre qu'un écho édulcoré du principal slogan des soulèvements arabes : la chute du régime. Ces élites sont divisées entre elles sur plusieurs questions, y compris sur les connexions avec la « vieille garde » (le groupe influent pendant le règne du défunt roi Hussein, puis marginalisé par son successeur, le roi Abdallah II). Cet article analyse la scène « protestataire » en Jordanie et revient sur les causes de son inefficacité.In response to the uprising in Tunisia, the political elites in Jordan found an opportunity to mobilize in the streets. Their main demand: reform of the regime, was a dwarfed echo of the Arab uprisings main slogan: removal of the regime. Along with their connections to the “old guard”, the group that was influential during the reign of the late King Hussein and marginalized by his successor King Abdullah II, these elites are divided amongst themselves on many issues. The article analyses the “protest” scene in Jordan and addresses the reason it has been ineffective until now.
- La politique étrangère jordanienne dans le « printemps arabe » - Vincent Legrand p. 131-140 Les évolutions de la politique étrangère jordanienne sont le produit d'un arbitrage entre les intérêts nationaux et ceux des alliés internationaux et régionaux. En l'occurrence, il s'agit de ne pas compromettre le traité de paix avec Israël et de garantir la poursuite de l'aide financière américaine et séoudienne dont le pays dépend fortement. Cette dépendance vis-à-vis de l'aide étrangère nécessitée par la couverture de son déficit budgétaire s'est accrue dans le contexte de son « printemps arabe » et a eu l'effet que l'on connaît dans l'attitude jordanienne à l'égard de la Libye et sur ses relations avec la Syrie. Néanmoins, toutes les dimensions de la politique étrangère ne se réduisent pas à la variable budgétaire (nécessaire au maintien du régime) : comme l'illustre la politique menée dans le conflit israélo-palestinien, c'est ici l'existence même de l'État jordanien qui est en jeu.Developments in Jordanian foreign policy are the outcome of arbitration between national interests and the ones of international and regional allies. It cannot jeopardize the peace treaty with Israel, and it needs to secure the U.S. and Saudi financial aid on which it is strongly dependent. In the context of the “Arab Spring” and because of a budget deficit, this dependency has increased. However, the various dimensions of foreign policy cannot be reduced to financial variables. Indeed, as revealed by the policy choices made in dealing with the Israeli-Palestinian conflict: it is the very existence of the state of Jordan that is at stake.
- L'Algérie, une exception en marge du « printemps arabe » ? - Akram Belkaïd p. 141-150 Contrairement à ce qui s'est passé chez ses voisins, l'Algérie s'est montrée épargnée par la contestation populaire. Pourtant, ce pays a longtemps fait figure d'homme malade de la région, en raison de ses difficultés politiques mais aussi économiques et sociales. Afin d'analyser les effets du « printemps arabe » sur l'Algérie et sa population, l'article vise à s'interroger sur les raisons de cette singularité algérienne.Unlike what happened in neighboring countries, Algeria was spared from popular protest even if it has long been seen as the sick man of the region because of its political, social, and economic difficulties. In analyzing the effects of the “Arab Spring” on Algeria and on its people, the article attempts to examine the reasons for this Algerian specificity.
- Une exception marocaine ? - Omar Saghi p. 151-153 Les processus politiques déclenchés en Tunisie, en Égypte et ailleurs rendent caduques les timides et tortueuses avancées marocaines. Ainsi, la contagion au Maroc et ses effets (mouvement du 20 février, agenda électoral bouleversé, réforme constitutionnelle, triomphe islamiste aux élections) montrent-ils que le pays n'est pas imperméable à ce qui s'est produit chez ses voisins. Les interrogations relancées par le « printemps arabe » risquent d'être proprement spécifiques au Maroc et semblent constituer à cet égard une réelle exception, qui s'inscrit dans la particularité historique du pays. Les soulèvements arabes de 2011 ont inauguré un chantier propre au Maroc, auquel militants, autorités publiques, élus et monarchie devront faire face.Political processes triggered in Tunisia, Egypt and elsewhere have rendered the tortuous progress of Morocco obsolete. But they have also revealed that Morocco is not immune to the political developments happening in neighboring states. Activists, public authorities, elected officials and the monarchy will have to deal with the vast political enterprise inaugurated by the Arab uprisings of 2011.
- Notes de lecture - p. 155-157