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Revue | Le Mouvement social |
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Numéro | no 262, janvier-mars 2018 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Mobilisations pour l'environnement après 1968
- Jalons pour une histoire environnementale contemporaine - Stéphane Frioux p. 3-15
- La CFDT face à la mutation du système énergétique français (1973-1977) - Renaud Bécot p. 17-35 Consacré au rôle de la CFDT dans la mobilisation contre le plan d'équipement nucléaire français, cet article éclaire les ressorts de cet engagement en portant l'attention sur la diversité des structures et des militants syndicaux, plutôt que sur l'entité confédérale. En premier lieu, il souligne que le positionnement cédétiste est défini dans le cadre du fonctionnement ordinaire des structures syndicales. Cette position résultait d'une réflexion sur les enjeux sociaux et environnementaux de la mutation du système énergétique, témoignant d'une volonté syndicale de s'imposer comme un acteur d'une transformation industrielle. Toutefois, en se liant avec des courants de l'écologie politique, la situation de la CFDT devient inconfortable au fil de la mobilisation. Cette situation souligne le travail opéré par différents acteurs syndicaux pour circonscrire l'interaction entre le champ syndical et l'espace des mouvements sociaux. Cette séquence met en valeur, finalement, les dynamiques qui participent au « recentrage » précoce de la confédération syndicale.The CFDT Faced with the Transformation of France's Energy System (1973-1977)This article examines the role of the CFDT during the mobilisation of the 1970s against the French nuclear power plant plan, by highlighting the diversity of union structures and activists that were involved – rather than emphasising the confederal level. The CFDT's position was defined within the framework of the ordinary functioning of labour union structures, even before the rise of an “antinuclear movement”. This position was the result of a long-term reflection on both social and environmental issues related to the evolution of the energy system, and this reflection gave trade unionists the opportunity to introduce themselves as players in a fairer industrial transformation. However, the situation of the CFDT became uncomfortable as its structures and activists began to interact with political ecology activists. As a result, several union actors started working to restrict and limit interactions between labour union and social movements. This division within the protests against the nuclear programme eventually casts light on the dynamics that participated in the early “re-centring” of the CFDT.
- Pas d'essence dans nos salades ! La « raffinerie baladeuse » de la région lyonnaise (1970-1973) - Stéphane Frioux p. 37-54 L'histoire de la naissance de l'environnement comme catégorie de l'action publique en France ne relève pas seulement d'une approche technocratique issue des hautes sphères de l'aménagement. En utilisant les archives laissées par une mobilisation de la population, encadrée et relayée par des élus locaux, contre un projet de raffinerie en région lyonnaise, il est possible de montrer comment plusieurs visions de l'aménagement du territoire ont coexisté et se sont affrontées. Dans un contexte où la croissance économique n'est pas remise en cause en elle-même, c'est la défense de la vocation agricole ou du potentiel touristique et récréatif du territoire qui motive les arguments contre la raffinerie. Ces mobilisations locales auront raison à la fois de l'industrialisme des préfets et des velléités de l'entreprise pétrolière, avant que la crise pétrolière et les mutations des structures de production ne rendent caduc le projet d'implantation.No Gasoline in our Salads! The “Wandering Refinery” in the Lyon Region (1970-1973)The history of the rise of the “environment” as a category of public policy in France is not only a matter of technocrats in the upper reaches of land planning. An investigation of the archives of a popular movement, overseen and amplified by mayors and other local politicians, against a project to build a refinery in the Lyon region, reveals how several representations of land planning existed and conflicted. Economic growth was not called into question, but the defence of farming or of the potential for tourism in parts of the region constituted the core argument put forward by these opponents. These local social movements defeated both the industrialism of French prefects and the oil company that intended to set up its plant in the Lyon region, by delaying a final decision until the first oil shock in 1973 made the project purposeless.
- Givaudan-France : contestation sociale et environnementale en contexte de crise (1979-1981) - Vincent Porhel p. 55-68 En analysant un accident industriel survenu à Lyon en 1979, cet article entreprend de questionner les dynamiques de mobilisation et les réponses institutionnelles qui lui sont apportées dans un contexte de conscience de crise. Face à une mobilisation multiforme réunissant syndicalistes, militants politiques et riverains de l'usine touchée qui réclament un contrôle du risque, la réponse institutionnelle aboutit progressivement à la normalisation de la situation, sous couvert des impératifs économiques. Dans ce contexte, les ouvriers privilégient les emplois et la proximité, contre les exigences d'un comité de quartier. Ce positionnement aboutit à entériner l'extinction d'une contestation sociale héritière des années 1968, tout en annonçant le crépuscule de la centralité ouvrière dans la société française.Labour and Environmental Protests during a Crisis (1979-1981)By analysing an industrial accident that occurred in Lyon in 1979, this article investigates the dynamics of mobilisation and institutional responses during a context recognised as a crisis. Faced with a mobilisation in multiple forms involving trade union members, political activists and people living near the affected factory who demanded risk control measures, the institutional response gradually led to a normalisation of the situation due to economic imperatives. In this context, the workers gave priority to jobs located nearby, instead of supporting the demands of the neighbourhood committee. This stance ultimately formalised the end of a social protest movement that was a legacy of 1968, while also announcing the fading of the central place held by the working class in French society.
Internationale musulmane contre nationalisme arabe
- Peur coloniale et politisation des immigrants chiites sud-libanais au Sénégal dans l'entre-deux-guerres - Julien Charnay p. 69-87 Cet article étudie la politisation des immigrés chiites originaires de Sud-Liban ou Jabal ‘Âmil qui se sont établis au Sénégal, et plus particulièrement à Dakar, principale porte d'entrée de l'Afrique occidentale française tout au long de la période coloniale. Il montre l'étendue de réseaux politiques nationalistes animés par des immigrés pleinement engagés dans les débats et controverses de la Nahda – terme utilisé dans le champ politique pour célébrer et promouvoir le réveil politique des Arabes –, et les clivages traversant la nébuleuse nationaliste syrienne dans l'entre-deux-guerres. Les contradictions de la politique mandataire française se trouvent alors de plus en plus contestées par une nouvelle génération de propagandistes, intransigeants dans leur volonté d'indépendance et révolutionnaires dans leur définition d'une communauté nationale syrienne. Ces réseaux offrent ainsi aux immigrés la possibilité de contester l'impérialisme français par ses marges. Derrière un vocabulaire religieux et la peur de diffusion du panislamisme en Afrique noire, majoritairement musulmane, les administrateurs coloniaux, convaincus du potentiel subversif de l'islam dans la contestation de l'ordre colonial par les Africains, redoutent surtout l'intégration de l'AOF dans un monde musulman de plus en plus conscient de lui-même depuis le début du siècle.Colonial Fear and Politicisation of South Lebanese Shia Immigrants in Senegal in the Intrawar Period
This article studies the politicisation of Shia Muslim immigrants from South Lebanon or Jabal ‘Âmil who settled in Senegal, more specifically in Dakar, which was the main gateway to French West Africa throughout the colonial period. It shows the extensive nationalist political networks organised by immigrants fully involved in the debates and controversies of the Nahda and the cleavages running through the nebulous Syrian nationalist movement during the interwar period. At the same time, a new generation of propagandists – who were unyielding in their desire for independence and revolutionary in their definition of the Syrian national community – were increasingly critical of the contradictions of the French Mandate for Syria and the Lebanon. Thus, these networks offered immigrants the possibility to protest French imperialism from its margins. Behind a religious vocabulary and the fear of pan-Islamism spreading into Muslim-majority black Africa, colonial administrators were most fearful of French West Africa becoming part of a Muslim world that had been increasingly self-aware since the start of the century. They were convinced of Islam's subversive power in Africans protesting the colonial order.
- Peur coloniale et politisation des immigrants chiites sud-libanais au Sénégal dans l'entre-deux-guerres - Julien Charnay p. 69-87
La question laïque dans l'entre-deux-guerres
- La Ligue de l'enseignement et les Fêtes de la Jeunesse. Manifester son attachement à la République et à l'école laïque dans les années 1930 - Lydie Heurdier p. 89-105 Dans un contexte de rivalité permanente entre catholiques et laïques autour de l'encadrement de la jeunesse, la Ligue de l'enseignement a favorisé l'organisation de Fêtes départementales de la Jeunesse. À partir de 1935, les directives nationales, appuyées sur des expériences antérieures multiples, promeuvent la fête symbolique, au côté des démonstrations physiques. Fêtes populaires de plein air, avec défilés et chants, ces grands rassemblements permettent aux représentants de l'État et aux élus républicains d'exalter la République et l'école laïque dans les discours. Reposant sur le militantisme des instituteurs et plus largement sur l'ordre primaire, ces fêtes ont perduré après-guerre avant de disparaître au début des années 1970.The League of Education and Youth Celebrations. Demonstrating One's Attachment to the Republic and Secular School in the 1930s'In a context of constant rivalry between Catholics and secular partisans around the supervision of youth, the League of Education promoted the organisation of Departmental Youth Celebrations. From 1935, the national guidelines, based on multiple past experiences, promoted symbolic celebrations, alongside physical demonstrations. Popular outdoor celebrations, with parades and songs, these large gatherings allowed the State representatives and the republican elected representatives to exalt the Republic and the secular school in their speeches. Resting on the militancy of the teachers and more and more on elementary education, these celebrations endured after World War II before disappearing in the early 1970s.
- La Ligue de l'enseignement et les Fêtes de la Jeunesse. Manifester son attachement à la République et à l'école laïque dans les années 1930 - Lydie Heurdier p. 89-105
Enquêter en entreprise
- Effets de miroir à Saint-Gobain. Relations publiques et sociologie du travail (1956-1958) - Gwenaële Rot, François Vatin p. 107-129 Cet article étudie la politique de communication des grandes entreprises françaises et leur réaction face aux projets d'enquêtes de sociologie du travail à la fin des années 1950. Il s'appuie sur le cas de Saint-Gobain, dont la glacerie de Chantereine dans l'Oise est alors considérée comme un des fleurons industriels français. Cette compagnie fait partie des pionniers en France des « Relations publiques », doctrine selon laquelle les entreprises devraient être des « maisons de verre ». La glacerie de Chantereine fait l'objet d'une intense politique de communication et reçoit de nombreuses visites françaises et étrangères. Pourtant, le sociologue Pierre Naville, qui voulait en faire un des exemples majeurs dans sa grande étude sur l'automation, ne parviendra pas à convaincre la direction de la compagnie de le laisser mener l'enquête in situ. L'entreprise, qui était en train d'améliorer encore son processus de production, ne voulait pas laisser écorner l'image lisse qu'elle entendait donner de son organisation productive. Confrontée aux difficultés pratiques de l'automatisation de ses procédés, l'entreprise se manifestait, en dépit de ses prétentions à la transparence, comme le « laboratoire secret de la production » dénoncé par Karl Marx.Mirror Images at Saint-Gobain. Public Relations and the Sociology of Work (1956-1958)This article focuses on large French companies' communications policies and their reaction to planned surveys by sociologists of work in the late 1950s. It is based on a case study of French industrial group Saint-Gobain, whose glass works in Chantereine, Oise, was viewed at the time as one of the gems of French industry. Saint-Gobain was one of the French pioneers in “public relations”, a doctrine whereby companies were supposed to be “glass houses”. The Chantereine glass works was the subject of an intensive communications policy, and received many visits from French and foreign visitors. However, sociologist Pierre Naville, who wanted to use it as one of the examples in his major study on automation, was unable to persuade Saint-Gobain's management to allow him to carry out his survey on site. The firm, which was in the process of further improving its production process, did not want to tarnish the image it wanted to project of its smooth productive organisation. Faced with the practical difficulties of automating its processes, Saint-Gobain – despite its claims to transparency – actually appeared as the “secret laboratory of production” denounced by Karl Marx.
- Effets de miroir à Saint-Gobain. Relations publiques et sociologie du travail (1956-1958) - Gwenaële Rot, François Vatin p. 107-129
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 131-167