Contenu du sommaire : Le référendum : au nom de la démocratie ?

Revue Participations Mir@bel
Numéro no 20, 2018/1
Titre du numéro Le référendum : au nom de la démocratie ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier - Le référendum : au nom de la démocratie ?

    • Introduction. Référendums, délibération, démocratie - Laurence Morel, Marion Paoletti p. 7-28 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les référendums sont étrangement absents du mouvement participatif contemporain, probablement au nom de la délibération, avec laquelle ils sont jugés incompatibles. Pourtant ils cumulent de nombreux avantages (participation plus ample que les autres outils participatifs, conclusion par une décision, légitimité potentiellement élevée des décisions référendaires), et ils sont en recrudescence. L'introduction, tout en présentant les articles du numéro, examine la pratique référendaire (en augmentation), expose les critiques des délibérationnistes à son encontre et s'efforce d'y répondre : les référendums ne sont pas si clivants qu'il est prétendu, ils peuvent aider à résoudre des crises, et les décisions référendaires ne sont pas non plus forcément des décisions incompétentes. Surtout, certains référendums récents, grâce à quelques aménagements, se révèlent plus conformes aux critères de la délibération, et au-delà des décisions qu'ils produisent, les référendums peuvent avoir un impact sur le système politique qui va dans le sens d'une démocratie plus délibérative.
      Referendums are strangely absent from the contemporary participatory movement, probably in the name of deliberation, with which they are deemed incompatible. Yet they have many advantages (participation is wider than with other participatory tools, they lead to decisions, and such decisions have a potentially high legitimacy) and their use is becoming more frequent. While presenting the articles of this special issue, the introduction examines the increasing practice of referendums and reviews the criticisms addressed to the process by deliberative democrats. It attempts to provide the counterarguments that referendums are not as divisive as is claimed, that they can even help to resolve crises, and that referendum decisions are not necessarily incompetent. Above all, some recent referendums, with some adjustments to their practice, have proved to be more in line with the criteria of deliberation. And beyond the decisions that they produce, referendums may have an impact on the political system, allowing for a more deliberative democracy.
    • Des référendums plus délibératifs ? Les atouts du vote justifié - Pierre-Étienne Vandamme p. 29-52 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      On reproche souvent au référendum d'être très peu délibératif. En opposition avec la « force non coercitive de l'argument meilleur » qui habite l'idéal délibératif, le vote sanctionne un rapport de force : la loi du plus grand nombre. Le secret du vote n'incite pas non plus à une attitude délibérative. Cet article met en avant une pratique – le vote justifié – susceptible de rendre l'acte de vote et les référendums plus délibératifs en promouvant une attitude plus délibérative dans l'isoloir et en stimulant le débat public. Combinée à l'usage de mini-publics, elle ouvre des perspectives nouvelles à la participation démocratique référendaire.
      Referendums are often condemned for their poor deliberative record. In stark opposition to the “unforced force of the better argument” guiding the deliberative ideal, votes are the result of a balance of power: the law of the greater number. Voting secrecy also disincentivizes deliberation. This article puts forward a new practice—the justified vote—likely to make voting and referendums more deliberative through fostering a deliberative attitude in the voting booth and stimulating public debate. Combined with mini-publics, it opens up new prospects for democratic participation through referendums.
    • Référendum et volonté populaire : la critique démocratique du référendum - Laurence Morel p. 53-84 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le référendum est un procédé très controversé, faisant l'objet de nombreuses critiques. On lui reproche de produire de « mauvaises décisions », de menacer les droits individuels et ceux des minorités, d'aggraver les conflits en empêchant les compromis, d'affaiblir les institutions représentatives… Mais la critique la plus déstabilisatrice adressée au référendum, parce qu'elle remet en cause ce qui est censé être son attribut principal, concerne son potentiel à proprement parler démocratique. Pour des raisons essentiellement intrinsèques, le référendum ne permettrait qu'une expression très imparfaite de la volonté populaire. Les principaux arguments de ce débat sont ici examinés : d'un côté, le référendum produirait difficilement des décisions numériquement majoritaires. Cette critique se réfère à la non-coïncidence entre la population affectée et l'électorat, à une tendance du référendum à figer les choix sociaux, et, surtout, à l'effet minoritaire de l'abstention. D'un autre côté, certains arguments mettent en doute l'aptitude des décisions référendaires à refléter les véritables préférences de la majorité ou soulignent la difficulté à assurer leur mise en œuvre. La thèse ici défendue est que ces différentes failles du procédé peuvent être relativisées en comparant la performance de la démocratie directe avec celle de la démocratie représentative, et en partie surmontées par des modalités appropriées, telles que celles relatives à la question, à la campagne, ou au rôle du Parlement et d'autorités en amont et en aval des consultations. Bien que donnant la parole au peuple, le référendum n'est pas par essence démocratique. Sa qualité démocratique dépend de variables attachées à sa pratique. À bien des égards, le défi est aujourd'hui de reprendre le référendum aux populistes, en montrant qu'il est possible d'en faire un usage sinon parfaitement démocratique, du moins « démocratiquement correct ».
      Referendums have always been very controversial and the object of numerous criticisms. They are accused of producing “bad decisions,” threatening individual rights and those of minorities, aggravating conflicts by preventing compromises, weakening representative institutions… But the most destabilizing criticism of referendums, since it calls into question what is supposed to be their main attribute, concerns their strictly-speaking democratic potential. For essentially intrinsic reasons, the process would only allow a very imperfect expression of the popular will. The main arguments in this debate are reviewed: on the one hand, referendums are blamed for not producing a result approved by the majority of voters. This criticism refers to the discrepancy between people affected and people entitled to vote, to a tendency of referendums to freeze social choices, and, above all, to the minority effect of low turnout. On the other hand, there are arguments that question the ability of referendum outcomes to reflect the true preferences of the majority or that stress the difficulties in ensuring their implementation. The hypothesis argued here is that these various flaws can be relativized by comparing the performance of direct democracy with that of representative democracy, and they may be partly overcome by appropriate modalities, such as those relating to the issue, the campaign, or the role of parliament and authorities upstream and downstream of the vote. Although they give the floor to the people, referendums are not intrinsically democratic. Their democratic quality depends on variables linked to their practice. In many ways, the challenge today is to take referendums back from the hands of populists, showing that it is possible to make of them a use, if not perfectly democratic, at least “democratically correct.”
    • Référendum local d'initiative populaire. Récit d'une première expérience en France - Raùl Magni-Berton p. 85-110 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le référendum d'initiative populaire existe depuis le xixe siècle en Suisse et aux États-Unis, notamment au niveau local. Depuis une trentaine d'années, cet outil de démocratie directe s'est répandu dans un certain nombre d'autres régions et municipalités dans le monde. Pourtant, en France il reste largement méconnu. La ville de Grenoble a lancé pour la première fois un tel dispositif en 2016. À travers les enjeux, les débats et les résultats de la première votation en octobre 2016, cet article vise à explorer les raisons pour lesquelles il est très difficile d'utiliser un tel dispositif en France.
      The local popular initiative has existed since the nineteenth century in Switzerland and in the United States, particularly at the local level. For the past thirty years, this tool of direct democracy has spread to a number of other regions and municipalities around the world. In France, however, it remains largely unknown. In 2016, the city of Grenoble implemented such a tool for the very first time. Through the issues, debates, and results of the first referendum in October 2016, this article aims to explore the reasons why it is so difficult to use such a tool in France.
    • Cadrages médiatiques de la consultation grecque sur le plan d'aide européen : le référendum cause ou solution de la crise ? - Dimitra Milioni, Lia-Paschalia Spyridou, Vasiliki Triga, Xavier Blandin p. 111-142 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après cinq années de troubles économiques et sociopolitiques, le gouvernement grec de coalition, mené par le parti de gauche Syriza, décrète la tenue le 5 juillet 2015 d'un référendum soumettant aux citoyens le plan de sauvetage proposé par l'Union européenne. L'organisation du référendum est âprement critiquée et la campagne médiatique devient le terrain d'une lutte entre interprétations concurrentes du référendum. Cet article est une étude de la gamme des cadrages médiatiques au travers desquels la consultation est appréhendée dans les organes de presse grecs durant la semaine entre l'annonce et la tenue du vote. Elle montre comment ces différents cadrages peuvent être rattachés à la notion de crise, question centrale pour ce référendum grec.
      After five years of economic and sociopolitical turmoil, the Greek coalition government, led by left-wing Syriza, announced the July 5 referendum, asking citizens to decide whether or not to adopt the EU-proposed economic plan. The decision for the referendum triggered severe criticisms and the media campaign became the ground for a struggle between competing narratives of the referendum. This paper examines the range of media frameworks that were employed to make sense of the referendum in the week between its announcement and the vote itself. The study shows how these different frameworks can be linked to the notion of crisis, which emerged as a crucial concept for the Greek bailout referendum.
    • Accord parfait ? Référendums et démocratie consensuelle en Europe - Stefan Vospernik, Xavier Blandin p. 143-170 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cette contribution se propose de situer la démocratie directe sur le continuum développé par Arend Lijphart séparant la démocratie majoritaire de la démocratie consensuelle. Il propose une distinction entre référendums gouvernementaux et référendums oppositionnels fondée sur la configuration institutionnelle du référendum, son utilisation par les acteurs politiques et son résultat. La relation de ces deux types référendaires avec les deux modèles de démocratie définis par Lijphart est testée sur un échantillon de 21 États membres de l'Union européenne et 222 référendums tenus entre 1990 et 2016. L'analyse montre une importante corrélation entre le référendum oppositionnel et la démocratie consensuelle, et entre le référendum gouvernemental et la démocratie majoritaire. Ce lien est affiné au regard de trois variables institutionnelles caractérisant les deux modèles, à savoir le type de cabinet gouvernemental, le système de partis et les relations exécutif-législatif. L'article s'interroge enfin sur le système paraissant le plus propice à la démocratie directe, pour arriver à la conclusion que les référendums correspondent mieux à la démocratie consensuelle qu'à la démocratie majoritaire.
      This contribution attempts to place direct democracy on the continuum between consensus and majoritarian democracy, as developed by Arend Lijphart. It develops a dichotomic model of referendums based on their governmental or oppositional use that correlate with majoritarian and consensus democracy, respectively. After developing three index values to measure the institutional configuration, the use and outcome of referendums, the proposition is tested empirically on a sample of twenty-one EU member states and 222 referendums between 1990 and 2016. The study shows a highly significant correlation between the oppositional type of direct democracy and consensus democracy, and between the governmental type and majoritarian democracy. This connection is further refined by analyzing the cabinet type, the party system, and the strength of parliament. Finally, it attempts to explore which system appears most conducive to direct democracy, and arrives at the conclusion that referendums are a better match for consensus than majoritarian democracies.
  • Varia

    • Le dialogue territorial au risque de l'écologie ? Traces et effets d'une concertation entre aménagements hydrauliques et restauration écologique - Julie Riegel p. 173-198 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Pour contribuer au débat concernant les liens entre concertation et protection de l'environnement, cet article revisite un processus de dialogue territorial initié par un syndicat de rivière pour la gestion d'un bassin versant soumis à de violentes crues. La mémoire des parties prenantes et leur appropriation des accords passés révèlent la qualité délibérative de ce processus, mais aussi le caractère à première vue minoré des ambitions écologiques de départ. La mise en œuvre opérationnelle des accords, de la mise en chantier à la réalisation des ouvrages, constitue en outre un révélateur autant qu'une mise à l'épreuve des acquis passés de la concertation.
      This paper contributes to the discussion regarding the links between deliberation and the protection of the environment, with a focus on a territorial dialog initiated by a river union on the management of a drainage basin subject to rising water levels. We analyze the stakeholders' perceptions and appropriations of the agreements. Paradoxically, the quality of the deliberation has resulted in an undermining of the initial ecological goals, poorly argued by the environmental representatives. Moreover, the construction works resulting from the agreements both reveal and challenge the achievements of the deliberation process.
  • Lecture critique