Contenu du sommaire : La révolution par les armes
Revue | Annales historiques de la Révolution française |
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Numéro | no 393, juillet-septembre 2018 |
Titre du numéro | La révolution par les armes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La révolution au bout du fusil ou de la lame. La culture des armes entre 1789 et 1820 - Thibaut Poirot, Clément Weiss p. 3-10
Articles
- « L'arme de la liberté » : usage et enjeux de la pique révolutionnaire - Renaud Faget p. 11-33 En 1792, l'Assemblée décide de réintroduire la pique dans l'armée française. Cette dotation est l'aboutissement de la réflexion doctrinale menée depuis 1728 par l'école tactique « folardiste ». La valorisation de cette arme est certes une réponse aux difficultés matérielles de l'armée de la Révolution, mais, plus encore, elle conforte le « système populaire » qui se forge alors. La décision de 1792 est également la consécration d'un symbole fort de la sans-culotterie. Ainsi la pique devient le support d'un combat politique pour l'égalité entre citoyens actifs et passifs. Cependant l'épreuve du feu est fatale à cette expérience qui s'achève en Vendée.In 1792, the Assembly decided to reintroduce the pique in the French army. This decision was the culmination of a doctrinal consideration launched as early as 1728 by the tactical school, « folardiste. » The prestige of this arm was certainly a response to the material difficulties of the French army, but even more, it reinforced the « popular system'' then being forged. The decision taken in 1792 is also the glorification of a important symbol of the sans culottes. Thus the pique became an element in a political combat for equality between active and passive citizens. Yet this baptism by fire was fatal in the experience that ended in the Vendée.
- « Pour visiter Pitt en bateau » : les canons de la République - Olivier Aranda p. 35-55 Dans le cadre de la mobilisation de l'an II se pose la question des armes propres à des soldats de la liberté. Certains conventionnels tentent de créer une figure parallèle au fantassin combattant à la baïonnette : le marin abordeur. Cette figure a été récupérée sans distance critique par l'historiographie navale du XIXe siècle, dans le but de prouver l'incompétence des républicains en matière navale. En réalité, une étude de sources autres que parlementaires fait apparaître un profond intérêt des républicains pour l'artillerie navale. Ils s'efforcent de faire du canon une arme républicaine, notamment sous l'impulsion de Jeanbon Saint-André. Cela se traduit par des recherches militaires innovantes sur cette arme. Les résultats de la républicanisation de l'artillerie sont difficiles à dégager clairement des circonstances, notamment durant la bataille de Prairial, marquée par un contexte stratégique particulier. Cette républicanisation a probablement participé néanmoins à une brutalisation de l'affrontement.In the mobilization of the year II lies the question as to which arms are appropriate for the soldiers of liberty. Certain among the Conventionnels attempted to create a figure parallel to that of the fantassin fighting with a bayonet : the boarding sailor. This figure, appropriated, uncritically, by the naval historiography of the nineteenth century sought to demonstrate the incompetency of republicans in naval matters. In fact, a study of sources other than parlementary documents reveals the deep interest republicans displayed for naval artillery. They tried to make the canon into a republican arm, notably under the impulse of Jeanbon Saint-André. This manifested itself by research seeking to improve military equipment. The results of the republicanization of the artillery are difficult to assess, notably during the battle of Prairial, marked as it was by a particular strategic setting. In the end, however, republicanization most probably contributed to brutalizing military conflict.
- « L'enceinte sacrée des lois » sous les armes : les mobilisations armées autour des assemblées parlementaires de la révolution (1792-1795) - Thibaut Poirot p. 57-76 Si l'arme est vectrice d'une symbolique forte en soi, son effet dramatique rejoue bien sûr profondément lors des journées révolutionnaires. Mais quelle place ces armes occupent-elles dans un espace a priori réglementé et désarmé, l'enceinte de l'Assemblée ? En nuançant la vision de « l'enceinte sacrée des lois » comme un espace forcément désarmé, ce que la Révolution impose finalement tardivement, on se propose d'interroger la place des armes dans les grandes journées révolutionnaires (10 août 1792, 31 mai-2 juin 1793, prairial an III) et leur irruption dans des séances marquantes de l'histoire révolutionnaire. L'espace-temps de ces séances permet d'analyser la nature ambivalente et la figure changeante du peuple en armes, défenseur de la liberté ou menace sur le lieu éminent de la souveraineté. Les représentants du peuple assignent par leurs discours, leurs décrets, leurs attitudes, la place de ce peuple en armes, dans un espace où le surgissement des armes peut changer la signification politique d'un soulèvement.If a weapon is the vector of a symbolism in itself, its dramatic effect was again deeply felt during the Revolutionary journees. But what place did these arms occupy in the space normally controlled and free of arms—the inside of the Assembly ? By nuancing this vision of a « sacred place of the laws » as a space by definition without arms, this article will examine the role of arms in the « grandes journées révolutionnaires » (10 août 1792, 31 mai-2 juin 1793, prairial an III) and their intrusion in the celebrated parliamentary sessions of Revolutionary history. The time and space of these sessions permits an analysis of the ambivalent nature and changing figure of the people in arms, defenders of liberty, and as threats in the place of sovereignty. The representatives of the people assign-- in their discourses, their decrets, their attitudes--- the place of the people in arms, in a space where the upsurge of arms can change the political significance of an uprising.
- Genre et armes dans les conflictualités locales en Bretagne (1789-1799) - Solenn Mabo p. 77-98 « Porter les armes » ou « prendre les armes », ces expressions se déclinent rarement au féminin, les femmes étant traditionnellement tenues à distance de toute organisation armée. Cette réalité est inscrite dans des mécanismes anthropologiques et sociaux de longue durée et s'observe à très large échelle. Les femmes armées et combattantes s'avèrent alors profondément subversives, en témoigne la figure mythique de l'amazone. La Révolution apparaît comme un moment propice pour observer ces pratiques et représentations enracinées. Les occasions multipliées de conflits mettent en lumière différentes formes d'usage des armes quand l'ampleur des bouleversements sociopolitiques et culturels pose la question d'une éventuelle recomposition des normes de genre. Les conflictualités locales – envisagées à l'échelle de la Bretagne – sont au cœur de l'analyse pour descendre de l'horizon du droit et des discours vers celui des pratiques dans une perspective comparée entre usages masculins et féminins des armes.« Carry arms » or « take up arms », these expressions were rarely expressed as feminine declensions, since woman were traditionally kept at a distance from any military organization. This reality is part of a long-standing anthropological and social mechanism, and can be observed on a very large scale. Women's armies and female soldiers show themselves to be deeply subversive, as witnessed by the mythical figure of the Amazon. The French Revolution is a promising moment for observing these practices and deeply rooted representations. The many occasions for conflict illuminate the different forms of the use of arms, when the scope of socio-political upheavals raises the question of a possible recomposition of gender norms. The local conflicts - on the scale of Brittany - are at the core of this analysis, as is an analysis of law and discourse of practices in a comparative perspective between masculine and feminine use of arms.
- Cannes à épée ou à dard, bâtons plombés ou ferrés : culture et usages des « armes offensives cachées et secrètes » à Paris (1790-1800) - Clément Weiss p. 99-123 Dans tout un imaginaire littéraire et iconographique, la « jeunesse dorée » du Paris thermidorien et directorial aurait adopté le port de cannes et de bâtons garnis d'une lame, d'un dard ou de plomb comme armes de distinction et de réaction. L'enjeu de cet article est de mettre à l'épreuve cette politisation des armes « trompeuses » en s'interrogeant sur leurs circulations et leurs usages à Paris entre 1789 et 1800, à travers notamment l'étude de leur incidence réelle sur les violences commises dans la section du Palais-Royal. Dans les discours policiers, la répression de ces armes, dont la mode est présentée comme criminogène et séditieuse, s'inscrit à partir de fin 1795 dans un contexte de dénonciation des « jeunes gens » qui refuseraient le service militaire pour former des bandes armées et occuper la rue. Au-delà de cette assignation politique, la réputation subversive de ces armes témoigne aussi de la persistance, depuis l'Ancien Régime, d'une culture de l'autodéfense qui valorise l'armement personnel, voire personnalisé.In literary and iconographic representation, the gilded youth of Paris during the Thermidorian and Directorial periods carried canes and batons adorned with a blade, a sword equiped with a leaden point, and a pistol as the favored arms of distinction and of the Reaction. The aim of this article is examine this politization of arms by considering their use and circulation in Paris between 1789 and 1800, and by studying their actual incidence in the violence committed in the section of the Palais Royal. In police discourse, the repression of these arms, whose use is presented as criminogenic and seditious, became towards the end of 1795 part of the denonciation of « jeunes gens » who might reject military service to form armed bands and dominate the streets. Beyond this political purpose, the subversive reputation of these arms also attests to the persistance since the Old Regime of a culture of self-defense that valued personal weapons, indeed personalized weapons.
- « Celui qui t'enlèvera ce fusil voudra te rendre esclave. » : la circulation des armes en contexte colonial - Bernard Gainot p. 125-150 Les affrontements qui ponctuent le processus révolutionnaire à Saint-Domingue sont empreints d'une extrême violence. Ce déchaînement, parfois paroxystique, qui marque profondément les témoignages des contemporains, est le produit d'un climat psychologique fait de peurs multiples et de la hantise de la transgression. Dans les représentations qui structurent cet imaginaire colonial, la figure du nègre armé est celle qui fixe particulièrement cette ambivalence génératrice d'effroi et de désir. Mais les monuments publics qui structurent le paysage urbain sont également la transcription visible du monopole de la violence, incarné par le gouverneur, et la redoute fortifiée qui offre l'illusion de la protection en cas d'insurrection. Rien n'est plus emblématique de la situation révolutionnaire que la scène de la distribution des fusils à d'anciens esclaves par le commissaire de la République, médiateur du pouvoir métropolitain. Mais cette dramatisation révolutionnaire ne coïncide pas exactement avec la reconfiguration des pouvoirs locaux.The conflicts punctuating the revolutionary process in Saint Domingue are characterized by extreme violence. This outburst, at times a paroxysm, that informs the testimony of contemporaries is the product of a psychological climate made up of multiple fears and the prospect of transgression. In the representations that mould this colonial imagination, the figure of the « armed black » is that which particularly captures this ambivalence, a catalyst of fear and desire. But the public monuments that adorn urban vistas are themselves visible transcriptions of the monopoly of violence, here incarnated by the governor, and at the same time, they offer the illusion of protection against a possible insurrection. Nothing is more emblematic of the revolutionary situation than the spectacle of the distribution of guns to former slaves by the commissioner of the Republic, the mediator of metropolitan power. But this revolutionary dramatization does not coincide exactly with the reconfiguration of local power.
- La substance politique des armes. Mobilisation populaire dans l'Espagne de 1808 - Pedro Rújula p. 151-173 Les évènements de la Guerre d'Espagne remettent profondément en cause la place des armes dans une monarchie espagnole obsédée par un contrôle renforcé de l'armement des populations depuis le XVIe siècle. La nouvelle place des armes dans l'univers politique et les mobilisations de 1808 rejouent les premières tentatives théoriques élaborées dès 1793 pour justifier la mobilisation armée contre la France. C'est donc dans le temps long de l'histoire de la monarchie espagnole, le temps moyen du rejeu des évènements révolutionnaires et le temps court des prises d'armes que s'apprécie un autre modèle de mobilisation populaire. Loin d'avoir le monopole du « peuple en armes », la France se retrouve face à une mobilisation armée massive et plurielle en Espagne. Les proclamations et l'armement de la population espagnole montrent également la progressive élaboration d'un « peuple en armes » autour d'un triptyque « Roi, Religion et Patrie ».The events of the War in Spain raised the question of arms in a Spanish monarchy that had been obsessed since the sixteenth century by enforcing stricter controls of popular armament. The enhanced place of arms within the political world, as well as the mobilizations of 1808, combined with the first theoretical attempts developed from 1793 onwards to justify the armed mobilization against France. It is, therefore, part of the long-term history of the Spanish monarchy ; of its mid-term history in the replay of revolutionary events ; and its short-term history in the act of taking up of arms as embodying another model of popular mobilization. Far from having a monopoly on the « people in arms, » France found itself face to face with a massive and multi-faceted armed mobilization in Spain. The proclamations and armament of the Spanish population further shows the progressive development of a « people in arms » formed on the triad of « King, Religion, Country ».
- La révolution armée, la révolution victorieuse : comprendre la conquête de l'indépendance de l'Amérique latine - Rafe Blaufarb p. 175-193 La fin des guerres napoléoniennes conduisit à une période relative de paix en Europe. La situation fut bien différente de l'autre côté de l'Atlantique. Là-bas, 1815 marqua le début de l'escalade du conflit entre l'Espagne et ses colonies insurgées, une guerre qui prendrait fin une décennie plus tard avec l'indépendance de l'Amérique latine. Mais alors que la fin de l'année 1815 se profilait, le combat pour l'indépendance latino-américaine semblait au bord de l'échec. Cependant, deux ans plus tard, les insurgés avaient repris l'initiative et commençaient leurs campagnes sur l'ensemble du continent, campagnes qui allaient mettre un terme au plus vaste et au plus ancien empire d'Europe. Cet article s'attache à l'un des facteurs de ce renversement de tendance en faveur des insurgés : l'importation massive d'un arsenal militaire provenant d'une Europe démobilisée. Non seulement, il permit d'armer les troupes de Bolivar et de San Martin mais, peut-être de manière encore plus capitale, il offrit aux insurgés un soutien politique populaire massif et enfin une nouvelle crédibilité.Abstract fourni par l'auteur The end of the Napoleonic Wars ushered in a period of relative peace in Europe. The situation was far different across the Atlantic. There, 1815 marked a dramatic escalation of the war between Spain and its insurgent colonies, a war that would end a decade later in Latin American independence. But as 1815 drew to a close, the cause of Latin American independence appeared to be on the verge of total defeat. Within a couple of years, however, the insurgents had regained the initiative and begun the continent-spanning campaigns that would ultimately end Europe's oldest and largest overseas empire. This article examines one of the factors in the sudden revival of insurgent fortunes : the massive importation of weapons from demobilized Europe. These not only armed the troops of Bolivar and San Martin, but, perhaps more importantly, helped generate mass political support by the insurgency by lending it a new sense of credibility.
- « L'arme de la liberté » : usage et enjeux de la pique révolutionnaire - Renaud Faget p. 11-33
Positions d'HDR
- Le fédéralisme Girondin. Histoire d'un mythe national - Anne de Mathan p. 195-206
- Police et société en France, de l'ancien régime à la révolution - Vincent Denis p. 207-215
- Comptes rendus - p. 217-252