Contenu du sommaire : La dématérialisation du sacré

Notre époque montre un retour en force d'un intérêt pour le mystère, l'inconnu, ce qui était refoulé dans la pensée moderne. Dans l'esprit du temps, il est possible de mettre l'accent sur un « sacral » postmoderne : une forme du sacré qui contamine l'ensemble da la société et dévoile une richesse du Réel où l'on assiste à une force de l'être-ensemble qui repose sur des valeurs immatérielles.

Profainein ou profanation ? La nouvelle forme de la domination du sacré. Cet essai porte sur le caractère paradoxal du sens actuel du profane.

Le sacré, en tant que dimension essentielle de l'expérience humaine, a été délaissé par la modernité et les idéaux des Lumières qui lui servaient de fondement, tels que le progrès, la raison, l'histoire. En faisant siens ces idéaux, une partie de la sociologie a parié soit sur la disparition du sacré soit sur son rapatriement vers l'individualisme, s'interdisant ainsi de penser la transcendance en rapport avec l'immanence et de saisir la charge émotionnelle et religieuse à l'œuvre dans de nombreuses manifestations de la postmodernité. Une autre partie de la sociologie s'est attachée à montrer l'obsolescence des idéaux modernes et à comprendre la spécificité de la postmodernité. C'est reconnaître l'immatériel au fondement de toute réalité et le sacré comme forme permanente de toute structuration sociale. De ce point de vue, les technologies du numérique contribuent à la résurgence du sacré dans la postmodernité et confortent le mystère et la mystique que l'on retrouve dans la formation et la consolidation de l'existence communautaire et collective.

La religion sur Internet possède une liaison particulière avec la production des imaginaires. Cet article présente une typologie d'imaginaires de la online religion à partir d'une recherche réalisée sur les comportements d'une page Facebook en Italie dans les années 2015-2016 : immaginario peer to peer, immaginario delle identità multiple, immaginario del feeling of belonging, immaginario emozionale, immaginario solidale, immaginario autopoietico.

Cet article propose d'analyser la capacité de la communication religieuse médiatisée par ordinateur (RCMC) à engendrer des tribus virtuelles de croyants qui adorent de nouveaux totems, fétiches d'un sacré dématérialisé. Il y est en particulier question des nombreuses communautés religieuses apparues sur le web, qui s'y rencontrent par hasard ou par le biais de chaînes de liens sélectionnés d'une pression du doigt afin d'explorer un certain champ communicationnel. À partir de cas de religions nées en ligne, nous proposons deux hypothèses : la première concerne la distinction entre réel et virtuel ; la seconde est en lien avec les notions de sacré et de religion prises dans le jeu communicationnel propre au web.

L'objectif de cet article est de mettre en évidence une intersection entre la recherche sur les spiritualités contemporaines et la recherche dans le domaine de la religion numérique. Le concept de la production entre pairs basée sur les communs (“commons-based peer production”), développé dans les domaines des technologies numériques sociales et de la collaboration en réseau, offre une alternative à l'analogie largement utilisée du supermarché spirituel, là où il s'agit de décrire et d'expliquer l'éclectisme présent dans quelques spiritualités contemporaines.

La pensée du XXe siècle a mis l'accent sur l'opposition entre spirituel et matériel. La religion a été étudiée comme produit socio-économique ou comme instinct. Mais la pénétration du matérialisme dans la sphère irrationnelle de la croyance a laissé quelque chose d'inconnu. Notre réflexion se focalise sur ce que nous n'avons pas encore compris du notre sentiment religieux à partir de la dématérialisation des relations humaines, façonnée et encouragée par la communication informatique, télématique et via le web.

Cet article propose de comprendre la relation entre religion et Internet à partir d'une perspective non instrumentale sur les technologies. Les technologies numériques et en réseaux peuvent être comprises comme le réceptacle contemporain des imaginaires religieux, plutôt que comme des outils de prosélytisme ou d'annonce de la bonne nouvelle. Par le biais d'une approche archéologique des médias techniques, il est possible de dégager les temps profonds du numérique dévoilant une mystique technologique tributaire d'une matérialité technique spécifique, caractérisée par les réseaux sans fil et les dispositifs mobiles. En affinité avec la spiritualité New Age, il s'agit d'une mystique au sein de laquelle se renforce l'image d'un environnement réticulaire animiste caractérisé par un retour du paganisme.

Dans cette étude, nous chercherons à comprendre comment les adeptes du culte de la Jurema (forme de religiosité afro-amérindienne) élaborent des constructions symboliques dans leur quête de légitimité. Nous verrons ainsi de quelle manière cette religiosité pratiquée dans le Nord-Est du Brésil est apparue et continue à se construire en ayant pour base symbolique les représentations ethnico-religieuses d'origine afro-amérindienne. Nous souhaitons ainsi saisir la façon dont cette religion organise son processus de popularisation, d'institutionnalisation et d'insertion dans l'espace public que représente l'agglomération de Recife, capitale de l'État de Pernambouc. Dans cette optique, nous considérons que sa principale revendication est la légitimation d'un statut reconnu en tant que religion autonome. De ce point de vue, il apparaît que le culte de la Jurema, qu'il soit pratiqué par des groupes indigènes ou des populations urbaines, s'inscrit dans un processus de transformation radicale. Face à un monde fluidifié, liquéfié et globalement connecté, la Jurema revendique la légitimité de son existence dans l'espace public et religieux au sein de la société brésilienne.

L'objectif de cet article est de comprendre les caractéristiques du don d'organes post mortem en termes d'unilatéralité, de dette et de rapport à autrui. En partant de l'analyse du don d'organes dans la perspective de l'échange asymétrique de la vie et de la mort, cet article commence par examiner la spécificité des sentiments de dette et de culpabilité que certains receveurs ont vécus après la transplantation d'organes. Dans un deuxième temps, il propose une analyse critique des discours mécaniste et utilitariste qui visent à réduire les organes humains à une substance sans âme. Ensuite, nous montrerons comment un receveur tente de se lier avec son donneur mort par le biais d'une parenté fictive. En examinant ce témoignage, nous pourrons voir dans quelle mesure le receveur arrive enfin à accepter l'organe du donneur et à établir un rapport imaginaire avec lui.

Les médias internationaux, aux tendances politico-idéologiques semblables à leurs homologues hégémoniques brésiliens – conservateurs et néolibéraux, du centre, de centre-droit et de droite – ont intentionnellement pris le parti de la condamnation de l'ancien président Luiz Inácio Lula da Silva, rendue en première instance en juillet de l'année dernière et ratifiée en deuxième instance en janvier de l'année en cours. Cet article vise à définir, à partir de la répercussion de la condamnation de Lula dans les médias internationaux, le principe de présomption de culpabilité qui prévaut dans l'imaginaire des grands médias brésiliens dans des situations de classe. La méthodologie utilisée consiste en une approche qualitative, et le corpus se compose de documents issus de la presse nationale et internationale.

Dans le contexte communicationnel actuel, le voyage et le mouvement à travers un espace jouent un rôle essentiel dans la définition des frontières et des formes du corps humain. Bruce Chatwin, l'écrivain nomade par excellence de la littérature contemporaine, rappelle que « l'être humain » se dit a-Gro ba en tibétain : ce terme désigne celui « qui va », « qui effectue des migrations ». Cette connotation anthropologique n'a jamais été aussi pertinente qu'aujourd'hui : elle reflète la condition de millions de personnes dans le monde, boat people de tous les océans, pour lesquels le voyage est souvent synonyme d'espoir ou de mort.