Contenu du sommaire : Éducation populaire et animation à l'épreuve des discriminations

Créé pour porter dans l'espace public le débat sur les discriminations liées aux origines, un collectif a regroupé entre 2010 et 2015 une trentaine de jeunes habitants de quartiers populaires, accompagnés dans l'aventure par l'équipe d'un centre social. Après avoir suscité intérêt et soutien à l'échelle locale comme nationale, cette dynamique de mobilisation collective a progressivement éveillé des réticences, voire des oppositions, jusqu'à placer le centre social au cœur d'une vive controverse. Cet article se propose d'interroger les conditions qui mènent de l'expérience des discriminations à une forme d'action collective, en insistant sur les tensions qu'affrontent à la fois les jeunes gens mobilisés et les acteurs de l'éducation populaire qui les accompagnent. Par-delà les individus singuliers et les circonstances, la controverse révèle les tensions qui structurent aujourd'hui en France toute mise en œuvre de démarche d'empowerment et toute démarche en matière de lutte contre les discriminations, a fortiori quand elles concernent et impliquent des jeunes gens descendants de migrants et/ou minorisés des quartiers populaires.

En France, la lutte contre les discriminations s'organise essentiellement autour du concept de tolérance. À l'instar de cette démarche, la « pédagogie critique de la norme », issue de Suède, se propose de mettre le focus sur les normes et non sur les personnes qui s'en éloignent. Par des exercices pratiques, des notions propres à la sociologie sont mises à la portée des équipes et publics. Les séries d'expérimentations de techniques issues de la « pédagogie critique de la norme » donnent lieu à une évolution des pratiques et suscitent également l'émergence de nombreuses résistances, y compris parmi les professionnel·le·s se revendiquant de la lutte contre les discriminations. La posture professionnelle propre à la « pédagogie critique de la norme » apparaît pourtant comme une condition pour faire le lien entre santé sexuelle et discriminations et contribuer au développement des compétences psychosociales. Elle se révèle idéale pour sensibiliser les acteurs de terrain aux apports de la sociologie dans le champ de la santé sexuelle, bien souvent profanes en la matière.