Contenu du sommaire : Du côté du Japon : marges et miroirs d'Empire
Revue | Multitudes |
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Numéro | no 13, été 2003 |
Titre du numéro | Du côté du Japon : marges et miroirs d'Empire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Icônes Off
- Berlin - Raphaël Grisey p. 1-220
En tête
- La drôle de guerre et les quatre pacifismes - Yann Moulier-Boutang p. 5-12
Majeure / du côté du Japon : marges et miroir d'Empire
- La fin de l'histoire : un jeu à trois. : L'Empire, l'Amérique et le Japon - Yoshihiko Ichida, Yann Moulier-Boutang p. 13-20
- Circuit monétaire impérial ou capture financière de valeur - Yoshihiko Ichida p. 21-31 À l'époque impériale, l'économie américaine est soutenue par un circuit monétaire mondial, totalement différent de celui de la phase impérialiste. Alors que les pays impérialistes constituaient autant de « centres » de production, les États Unis de nos jours ne sont plus qu'un un centre d'absorption et d'évacuation de la monnaie, qui nécessite l'existence d'une pompe à finances à l'extérieur. En devenant cette pompe, l'économie japonaise s'intègre au marché mondial. Le circuit monétaire impérial met en aussi un mode de capture particulier de la valeur, qu'on peut qualifier de « financier » par rapport à l'« exploitation » classique des travailleurs. L'article essaye enfin de démontrer que les deux modes de capture sont néanmoins réalisés par une seule et même fonction de la monnaie.
- Nationalisme japonais de l'Après-guerre. : Complicité en Etat périphérique et super-Etat - Naoki Sakai p. 33-43 Le nationalisme japonais après la seconde guerre mondiale a émergé de l'occupation du Japon par les États-Unis. Plutôt que d'opprimer le sentiment nationaliste, l'administration américaine d'occupation a flatté le sens de la singularité et de la continuité du Japon et a aidé à effacer la culpabilité coloniale du Japon ainsi que sa responsabilité dans la guerre. Cette stratégie américaine à l'égard du Japon est parfaitement symbolisée par le fait que le système impérial a été reconstruit comme partie prenante de la domination américaine sur l'Est-asiatique. Bien que par moments il mette à jour un sentiment anti-américain, le nationalisme japonais est le complice de l'hégémonie américaine sur l'Est-asiatique de sorte que la subordination du Japon aux politiques américaines s'est trouvée, par la suite, renforcée lorsque ce nationalisme à manifesté des tendances plus chauvines. Dans l'enchevêtrement actuel nous devrions sans doute trouver confirmation de la complicité globale entretenue par des États-périphériques avec le super-État.
- Contes de deux Ruines et au delà : Politiques de la mémoire : Hiroshima, World Trade Center, innommables camps-bordels japonais - Lisa Yoneyama p. 45-53 En dépit de nombreuses differences assez évidentes, les ruines de l'attaque atomique contre Hiroshima et celles du World Trade Center après le 11 septembre, présentent nombre de caractéristiques communes. L'article traite de la politique de la mémoire dans ces deux sites de victimisation, mais aussi du contraste existant avec un discours émergent portant sur un autre exemple, moins connu, de violence à l'égard des femmes d'Asie et du Pacifique qui, pendant la guerre, furent victimes, d'un esclavage sexuel de la part des militaires japonais.
- Tokyo l'orgueilleuse - Félix Guattari p. 55-58 « Vertige d'une autre voie japonaise : Tokyo renonçant à être la capitale de l'Est du capitalisme occidental pour devenir la capitale du Nord de l'émancipation du Tiers Monde »
- Warhol au Soleil levant : Art, sous-culture et production sémiotique - Brian Holmes p. 59-67 La « Factory » d'Andy Warhol, lieu mythique de création collective, cherchait à subvertir la culture normative de la période fordiste avec une production artistique d'en bas, celle des « sous-cultures ». Mais aujourd'hui, la formule warholienne s'avère parfaitement adaptée au régime de production sémiotique du post-fordisme, qui encourage l'interprétation subjective afin d'individualiser le produit de masse. À partir de deux exemples - l'artiste Takashi Muramaki et son équipe au Japon, et le Palais de Tokyo, « site de création contemporaine » en France - l'article montre comment une forme de contrôle biopolitique impérial émerge des échanges commerciaux et culturels entre le Japon, l'Europe et l'Amérique du Nord. L'expression culturelle minoritaire est encouragée, surveillée, rentabilisée. La question se pose : comment subvertir cette forme de contrôle ?
- Yukio Mishima : notre homofasciste préféré - James Keith Vincent p. 69-78 L'article commence avec la constatation que le romancier Yukio Mishima est plus connu à l'extérieur du Japon comme écrivain « gay » alors qu'à l'intérieur du Japon il est connu pour ses tendances droitières. La coahabitation inconfortable de l'« homosexualité » et du « fascisme » dans la figure de Mishima est ensuite discutée comme le symptome d'une tendance plus générale du Japon d'après guerre : appréhender l'« homosexualité » et le « facisme » comme des exemples d'un investissement excessif dans les signes et dans la représentation en tant que tels. Le résultat est que les défenses psychiques contre le facisme empruntent souvent leur énergie à l'homophobie.
- L'Empire et le régime de la traduction unilatérale - Jon Solomon p. 79-88 Acceptant l'idée avancée dans Empire que les réseaux de langage constituent un lieu primordial pour les multitudes dans la lutte contre l'Empire global, ce bref article se demande comment les problèmes de l'interlocution sont engagés à l'intérieur d'un texte, ou de quelle façon ils pré-figurent un certain type d'interlocution chez les intellectuels du non-Occident. En ce sens, Empire et ses critiques - en l'occurrence des intellectuels de Taïwan - forment un exemple fascinant de « co-figuration » exigeant qu'y prêtent attention ceux qui trouvent dans la notion de multitudes une mobilité conceptuelle adéquate à l'ex-position de la souveraineté non-subjective et aux lignes de fuite à l'égard du capital.
- Composition de classe en Corée du sud et tournant néolibéral - Joe Jeong Hwan p. 89-98 Cet article entend décrire le changement de la société coréenne après la crise néo-libérale de 1997. La crise économique en Corée a résulté des luttes de classe ouvrière entre 1987 et 1997. Mais elle fut employée comme l'occasion permettant l'approfondissement de la réforme néolibérale et la recomposition du capital. Ce processus paradoxal s'est accompli par un violent licenciement de large envergure, comme dans d'autres pays. Dans ce processus, le premier facteur remarquable est l'attitude apparemment coopératrice du mouvement travailliste progressiste. L'auteur décrit le contexte de décomposition des groupes militants de la classe ouvrière dans les entreprises, mais il s'efforce aussi de cerner une nouvelle recomposition de cette classe ouvrière ainsi que la formation de multitudes autonomes à tous les niveaux de la société coréenne.
- L'Empire américain et les mouvements pour la paix en Asie - Ichyo Muto p. 99-108 Depuis le 11 septembre 2001 des tentatives se sont manifesté pour articuler les réponses des peuples d'Asie aux effets de la guerre de Bush sur la région. Ces tentatives se sont cristallisées par la formation de l'Alliance Asiatique pour la Paix (APA), en août 2002. Mais le mouvement pacifiste asiatique a des caractéristiques propres qui le différencient de ses homologues occidentaux. En Asie, nous avons à bâtir la paix de la base au sommet, au lieu de l'envisager comme un retour au statu quo ante. La guerre de Bush a rendu les structures non-pacifiques actuelles beaucoup plus violentes, répressives et patriarcales encore. Le défi est de construire un mouvement pacifiste asiatique comme un processus d'alliance complet et dynamique bâti pour démanteler, par des moyens pacifiques, ce « noeud démoniaque » résultant de la combinaison de la machinerie impériale avec des structures locales d'oppression, d'exploitation et de militarisation.
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- Coopération et autonomie des femmes de banlieue - Madeleine Hersent p. 109-116 Alors que l'on s'étonne de découvrir aujourd'hui la dure condition des jeunes filles dans les quartiers « dits » sensibles, cet état de fait est l'aboutissement logique des dégradations des politiques publiques peu intéressées à instaurer des rapports sociaux de sexe égalitaires. Analysée de prés, la dynamique de coopération et d'autonomie des femmes immigrées de banlieue est intercommunautaire, innovante et à la conquête de l'espace public. La politique de la ville les ignore. Qui dérangent-elles ?
- Coopération et autonomie des femmes de banlieue - Madeleine Hersent p. 109-116
Icônes in
- carrying a bomb / looking for a bomb - Erwin Wurm p. 117-130
- Erwin Wurm, ou le « ground-zero » de la sculpture - Éric Alliez p. 131-134 Entre Do It Yourself et leçon d'anatomie politique, les dessins « politiquement incorrects » d'Erwin Wurm égrènent les sculptures d'un temps présent halluciné par un Buster Keaton post-post-minimaliste. Sculpteur d'un corps outlandish et autrichien : il n'est pas interdit de penser aux deux quand on regarde ces dessins exécutés pour Multitudes et la photographie qui les accompagne.
Mineure / Machiavel : maintenir le conflit
- Conflit, guerre, violence et corruption. - Thomas Berns p. 135-139 En guise d'introduction à la « mineure », Thomas Berns montre l'exigence d'une oeuvre qui cherche à penser le conflit comme ce qui doit être maintenu : cela signifie non seulement inscrire l'ordre de la loi dans le désordre du conflit, mais aussi faire de la guerre l'horizon maintenu de la paix, savoir que la loi ne s'impose que comme violence et qu'elle ne doit se penser que comme exposée à la corruption... bref c'est précisément ce avec quoi rompt le politique centré sur la souveraineté.
- S'accoutumer à la diversité : Figures de la multitude chez Machiavel et Spinoza - Filippo Del Lucchese p. 141-149 À partir de la méfiance avec laquelle Machiavel et Spinoza accueillent l'opinion de ceux qui restreignent à la plèbe les vices humains, cet article examine le statut théorique de la multitude comme fondement de la politique pour les deux philosophes. L'accent est mis d'une part sur l'attitude, commune à Machiavel et Spinoza, qui consiste à ne pas exalter la multitude en tant que telle, pour en saisir aussi le négatif, c'est-à-dire la propension des hommes à combattre pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur salut, et d'autre part sur la constitution d'un sujet individuel multiple comme expression la plus grand de la rationalité politique. L'article conclut sur la liaison entre l'idée de la supériorité du multiple sur le singulier et la théorie machiavélienne de l'ordre et de la coopération conflictuelle, aussi bien que sur leur rôle dans la pensée spinoziste.
- Althusser et Machiavel : La politique après la critique de Marx - Miguel Vatter p. 151-163 Après 1977, la pensée d'Althusser effectue un « tournant » en s'écartant du Marxisme-léninisme. Les écrits posthumes de cette période tardive constituent une source d'inspiration extrêmement riche pour une pensée post-marxiste. On peut y trouver une réfutation des erreurs du marxisme-léninisme qui selon Louis Althusser auraient deux racines : d'un coté la dévaluation et l'incompréhension de l'autonomie du politique et de l'autre la dépendance vis à vis d'une construction métaphysique du devenir historique. Afin de définir un horizon approprié à la compréhension du politique dans son autonomie comme dans sa dimension constituante, Althusser ressent la nécessité de retourner à Machiavel. De manière à échapper à l'emprise de la philosophie moderne sur l'histoire et à son obsession pour un sujet historique, Althusser propose une esquisse de la théorie de l'histoire qui donne la priorité à la dimension de l'événement, de la rencontre contingente qui évacue toute substance et tout sujet du devenir historique. La nécessité de la politique et la contingence de l'histoire sont les deux prérequis, pour retrouver Marx, « après le Marxisme ».
- L'ordre conflictuel du politique : une formule ambiguë - Marie Gaille-Nikodimov p. 165-175 La confrontation de Machiavel avec Foucault et Schmitt, deux de ses lecteurs majeurs du XX e siècle, met en évidence le fait que la thèse d'un ordre conflictuel du politique peut-être affirmée en des sens radicalement distincts : à un niveau d'extrême généralité, tous trois pourraient reprendre à leur compte une telle vision du politique. Mais les divergences apparaissent dès que l'on quitte ce niveau. La réflexion de Machiavel s'oriente vers l'idée d'une liberté issue des tumultes populaires qui débouche sur - et se perpétue grâce à - un ordre institutionnel républicain. Schmitt et Foucault ne peuvent reconnaître, ou du moins accuser réception d'une telle idée, en raison d'éléments interprétatifs qui priment sur celle-ci dans leur lecture de Machiavel. Il convient d'identifier ces éléments et d'élucider leurs effets théoriques, afin de comprendre la non-rencontre de Schmitt et de Foucault avec Machiavel à propos de l'ordre conflictuel du politique.
- Machiavel ou les prospérités de la lutte - Antonio Negri p. 177-181 Toni Negri revient sur cette téléologie matérialiste machiavélienne qui a nourri sa pensée comme celle de Spinoza ou de Gramsci, à savoir, comme exprimant la construction toujours singulière, toujours à répéter, de dispositifs par lesquels du commun émerge.
- Conflit, guerre, violence et corruption. - Thomas Berns p. 135-139
Hors champs
- La République de la Multitude : Pour en finir avec le concept d'une immanence sans dehors - Frédéric Neyrat p. 183-195 L'économie, la politique et l'ontologie sont entrées en conjonction ; situation d'immanence que décrivent les auteurs d'Empire. Nous interrogerons ce texte à partir de deux hypothèses : 1°) l'immanence est la libération d'une infinité de dehors ; 2°) le désir de la multitude inclut un contre-désir préférant le repos au mouvement, et la reterritorialisation à la déterritorialisation. Que faire d'un tel contre-désir ?
- La République de la Multitude : Pour en finir avec le concept d'une immanence sans dehors - Frédéric Neyrat p. 183-195
Liens
- Identité et différence selon Etienne Balibar - Françoise Badelon p. 197-202 Cet article entend décrire le changement de la société coréenne après la crise néo-libérale de 1997. La crise économique en Corée a résulté des luttes de classe ouvrière entre 1987 et 1997. Mais elle fut employée comme l'occasion permettant l'approfondissement de la réforme néolibérale et la recomposition du capital. Ce processus paradoxal s'est accompli par un violent licenciement de large envergure, comme dans d'autres pays. Dans ce processus, le premier facteur remarquable est l'attitude apparemment coopératrice du mouvement travailliste progressiste. L'auteur décrit le contexte de décomposition des groupes militants de la classe ouvrière dans les entreprises, mais il s'efforce aussi de cerner une nouvelle recomposition de cette classe ouvrière ainsi que la formation de multitudes autonomes à tous les niveaux de la société coréenne.
- Identité et différence selon Etienne Balibar - Françoise Badelon p. 197-202