Contenu du sommaire : Europe constituante ?
Revue | Multitudes |
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Numéro | no 14, automne 2003 |
Titre du numéro | Europe constituante ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Icônes - p. 1-200
- Scier la branche - Jérôme Ceccaldi, Brian Holmes, François Matheron p. 5-12
- La faille atlantique des relations Europe/États-Unis - Yann Moulier-Boutang p. 13-20 L'épisode de la Convention a échoué dans le projet de certains de mettre un point d'arrêt au fédéralisme et à l'idée d'une expansion continue de l'Europe. Le 15 février dernier, après plusieurs mois de bataille contre l'option guerrière en Irak, la peuple constituant européen s'est manifesté dans la rue. Désormais toute tentative extérieure de diviser l'Europe fera apparaître à cette opinion publique que l'un des objectifs de la politique étrangère américaine est d'empêcher l'Europe de s'affirmer comme puissance politique. La faille atlantique des relations Europe/ États-Unis ne peut que croître. La construction d'un modèle européen de vie comme alternative à l'américanisation se fait progressivement autour de la protection sociale, de la santé, du rapport au vivant , de l'art, de l'éducation et de la culture .Pour y arriver, l'Europe doit devenir un projet politique fédéral.
- Pour une Europe mineure : juin 2003 - Franco Berardi p. 21-28 Une innovation politique susceptible de remodeler le paysage politique mondial est l'enjeu réel de l'unification européenne. Pour ce faire Bifo réclame que le projet européen s'autonomise par rapport à l'extension illimitée du principe libéral porté par les forces mondiales dominantes et prépare leur renversement. Un « nationalisme européen » constituerait une impasse : la construction européenne sera extensive, postnationalitaire, elle se fera par le bas. Constitutionnaliser l'espace européen, c'est constitutionnaliser un devenir de réseaux. Dans le réseau c'est le gouvernement des minorités qui est à l'ordre du jour.
- Comment aller vers plus d'Europe ? : Entretien avec Yann Moulier-Boutang - Daniel Cohn-Bendit p. 29-37 Dans cet entretien, Dany Cohn-Bendit et Yann Moulier Boutang font le point sur une série de questions, en réaction à la dernière phase du travail de la Convention Européenne : quoique forcément décevante, cette Convention, en synchronie avec la guerre d'Irak, offre l'occasion de constituer un espace public européen. La discussion évoque les moyens économiques, fiscaux, institutionnels et sociaux dont l'Europe doit se doter si elle entend promouvoir la constitution d'un monde réellement multipolaire.
- L'Europe des droits après la Convention - Giuseppe Bronzini p. 39-50 Giuseppe Bronzini dresse un bilan des quinze mois de travail au grand jour de la Convention qui a réuni les pays de l'Union européenne en vue de la rédaction d'une constitution politique. Même si les débats n'ont toujours pas tranché entre un fédéralisme (encore à définir) capable de relancer le modèle social européen et une coopération inter-étatique fonctionnelle, fortement libérale, les signes d'essoufflement des souverainismes et les potentialités subversives des textes ne manquent pas.
- Faire l'Europe dans la mondialisation : mars - mai 2003 - Antonio Negri p. 51-60 Dans cet article, Toni Negri cherche à définir la façon dont se pose l'Europe à l'intérieur du processus constitutif du gouvernement impérial global. Pour ce faire il aborde successivement - par le haut - les schèmes constitutifs de la constitution européenne, pour analyser ensuite - par le bas-les tactiques constitutionnelles de mouvement et pour conclure il aborde les problèmes autour desquels il est immédiatement possible de faire ensemble l'Europe et le mouvement politique et social.
- Vers une Europe post-identitaire - Yves Citton p. 61-71 En réponse à l'appel lancé en mai 2003 par Habermas et Derrida pour « une vision attrayante de l'Europe à venir », cet article identifie six points aveugles qui font du cosmopolitisme dominant une attitude tournée vers le passé (le recours à la notion de devoir moral, le fétichisme du droit, l'attachement à l'Etat-Nation, la problématique identitaire, un reste d'eurocentrisme et la référence à Kant). Il propose ensuite six retournements : du devoir à la puissance, du droit sacralisé à la puissance du droit, du Super-Etat-Nation à la régulation globalisée, de l'identité héritée à l'invention imitative, de l'eurocentrisme à l'interaction des multitudes, et de Kant à Spinoza. Tout cela afin d'inventer une Europe post-identitaire qui se situe au-delà du moralisme et du confédéralisme.
- Vers une science des étrangers ? : Entretien avec Brian Holmes & Jon Salomon - Michael Hardt p. 73-79 Dans cet entretien Michael Hardt analyse les évolutions apportées à l'équilibre du pouvoir impérial par la guerre en Irak. L'unilatéralisme américain débouche sur une situation militaire intenable ; mais le multilatérisme européen ne signifierait qu'un partage des profits par quelques autres grandes puissances. Les manifestations du 15 février 2003, prolongeant par leur mode d'organisation le cycle de luttes altermondialistes, sont plus prometteuses pour la multitude. Celle-ci, précise M. Hardt, est "un concept de subjectivités sociales singulières (...) mais qui peuvent communiquer, collaborer et agir en commun". Son développement est orienté par les caractéristiques majeures du travail immatériel, qui exerce son hégémonie à travers la composition complexe de la division du travail mondiale. Le fait d'écrire "multitude" au singulier indique la "capacité décisionnelle" requise pour que la multitude puisse devenir un projet social. L'une des manières de concevoir ce projet sur le plan intellectuel serait l'instauration d'une science des étrangers, "un devenir-étranger dans son propre pays et dans tous les pays".
- L'Europe en guerre : Berlin, Florence, Avril 2003 - Heidrun Friese, Peter Wagner p. 81-85 L'Europe politique est née avec l'accord des opinions publiques contre la guerre en Irak, malgré les divisions entre gouvernements. Quelques pays où les gouvernements sont en phase avec cet accord vont devenir le noyau de la construction européenne tandis que les autres en restent au marché commun. Ce noyau va avancer de pair avec le mouvement social global.
- La possibilité européenne : Le monde, les multitudes et l'Europe - Frédéric Neyrat p. 87-95 La Constitution européenne risque de promouvoir une Europe coupée de deux réalités fondamentales : les multitudes et le monde. Double déni qui ne pourra s'effectuer que sous la forme d'un néo-nationalisme mortifère. Face à cela, nous rappelons qu'une Constitution n'est qu'une pièce à verser au dossier de l'auto-organisation des sociétés. Dans le cadre de la Grande Déterritorialisation Planétaire, les sociétés doivent aujourd'hui composer des formes de reterritorialisations ouvertes au monde qui les déborde, et donner droit à toutes les formes de vie qu'elles incluent. Cette inclusion, qui n'est pas une assimilation, nous la nommons résidence. L'Europe qui favorise les puissances d'être serait ainsi tout autre chose qu'une Europe en appétit de pouvoir.
- L'Europe peut elle nous faire rêver ? : Entretien avec Antonella Corsani - Rosi Braidotti p. 97-109 À la demande d'Antonella Corsani, Rosi Braidotti décrit son rêve d'une Europe post-nationale, aux identités multiples et flexibles. Elle propose de s'appuyer sur les recherches féministes et postcoloniales pour définir, à partir de pensées positionnées, de nouvelles cartographies sociales. Il ne s'agit pas d'une Europe des marges mais d'un projet de construire des transversalités au sein d'un monde dont le centre saturé par le capitalisme n'est plus capable d'imaginer des transformations positives.
- Le monde enseignant en prise directe avec ses vieux démons - Mick Miel p. 111-118
- Causes et hasards (Dilemmes du nouvel antagonisme social) - Collectif Situaciones p. 135-143 La longue année et demie passée entre les journées insurrectionnelles de décembre 2001 et les élections présidentielles d'avril-mai 2003 en Argentine imposent une lecture « à chaud » de l'actualité du « nouvel antagonisme social ». Rupture, destitution et visibilité en ont été les traits fondamentaux. Malgré les interprétations qui voient dans les résultats des élections une confirmation de la « neutralisation » et du « reflux » de la puissance du « qu'ils partent tous, qu'il n'en reste plus un seul », la phénoménologie du contre-pouvoir en Argentine montre, au contraire, que la multiplicité des situations peut résister sans être organisée depuis l'extérieur.Abstract The long year-and-a-half span which goes from the insurrectional days of December 2001 to the presidential elections of April - May 2003 in Argentina requires a « spur of the moment » reading of the current condition of the « new social leadership » .Rupture, dismissal and visibility have been the typical features of its emergence. Although some interpretations of the election's results consider that these might prove the « neutralization » and the « ebbing » of the mouvement's power and its motto « Let them all go away, let not even a single one stay» , the phenomenology of counter-power in Argentina shows, on the contrary, that the multiplicity of situations can resist without any need for external organisation.
- Difficultés et succès des mobilisations sociales - Maristella Svampa p. 145-153 Au cours des années 90, la société argentine a été traversée par un processus de transformation et de réduction de la politique à quatre lignes de fuite. Les régimes politiques successifs ont poussé jusqu'au bout la subordination de la politique à l'économie ; il y a eu changement du rapport entre péronisme et secteurs populaires ; la politique se résume à la prolifération de leaderships personnels et décisionnistes fondés sur l'établissement de liens médiatiques avec les électeurs et, enfin, les années 90 se sont caractérisés par l'autoréférentialité de la politique. Malgré toutes les difficultés, le solde accumulé par les nouveaux mouvements est sans aucun doute positif .
- Piqueteros : limites et potentialités - Graciela Hopstein p. 155-163 Les piqueteros argentins constituent un mouvement politique d'un type nouveau, qui a réussi à mettre en place, non seulement des actions novatrices de désobéissance et de résistance, mais aussi des pratiques politiques basées sur la démocratie directe, sur l'autogestion et l'autonomie. Il s'agit d'un sujet politique qui, loin d'être unitaire, fait de la lutte contre l'atomisation et l'exclusion sociale un instrument pour la reconnaissance d'une identité multiple, plurielle et hybride. Ils ont formé des réseaux qui, face au vide du pouvoir de l'État et contrariant les prévisions apocalyptiques, ont défini des espaces pleins de puissance, où « le nouveau » a la capacité de créer des dynamiques politiques et sociales effectivement constituantes.
- Travail et processus constituant : en suivant le fil d'Ariane - Rubén Espinoza p. 165-174 Comment représenter les journées des 19 et 20 décembre 2001 ? Quelle en sont l'origine et le moteur ? Quel sujet a joué le premier rôle ? Quelles sont les clefs qui permettent de reconnaître un mouvement social ainsi que les obstacles qu'il à du franchir ? Le travail du mouvement social en Argentine ne montre pas seulement la particularité de notre histoire, mais elle ruine aussi plusieurs thèses sur la circulation universelle qui affirment que le passage du fordisme au post-fordisme implique tout simplement la nécessaire destruction-disparition des acquis sociaux obtenus dans le passé par le mouvement social. L'ingouvernabilité qui commence en 1955 est aujourd'hui plus aiguë que jamais. Car elle n'est pas le résultat de l'impéritie des différents gouvernements ou des contraintes imposées les centres financiers internationaux, mais plutôt celui de l'action du mouvement social.
- Un futur qui est déjà là - Félix Guattari, Luis Ignacio da Silva Lula p. 175-190 Ce dialogue s'est tenu il y a vingt ans, au début du processus qui a amené Lula à la présidence de la république brésilienne. Il analyse à quoi tient la force du parti des travailleurs : le langage libéré par la discussion, l'enracinement dans la classe ouvrière, l'élargissement à toute la société, l'accueil des minorités, le respect des autres partis, la singularité de l'expérience. Ces qualités, qui ont marqué aussi le mouvement Solidarnosc, manquent au parti socialiste français.
- Le créole et l'École - Jean-Yves Mondon p. 191-195 Résumé Le but de cet article est de montrer que la manière dont à été posée la question de la scolarisation du créole trahit une sorte d'aveuglement sur ce que peut signifier le fait de parler créole - quelque chose comme l'oubli d'une de ses dimensions. Je dis qu'en réfléchissant à ce que pourrait être une institution (comme l'école ou autre chose) tirée de la vie créole étudiée dans sa manière de dire les choses, on pourrait porter remède à cet oubli.
- Capitalisme cognitif et fin de l'économie politique : Sur le livre édité par Carlo Vercellone Sommes-nous sortis du capitalisme industriel ? - Antonio Negri p. 197-205