Contenu du sommaire : Narrations postcoloniales
Revue | Multitudes |
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Numéro | no 29, été 2007 |
Titre du numéro | Narrations postcoloniales |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Icônes off : Subbotniki
- Rumeurs - Benoît Durandin p. 1-222
En tête
- Traduction, biopolitique et différence coloniale - Naoki Sakai, Jon Solomon p. 5-13
Majeure : Narrations postcoloniales
- Narrations postcoloniales - Antonella Corsani, Christophe Degoutin, François Matheron, Giovanna Zapperi p. 15-22
- “Draupadi” avant-propos de la traductrice - Gayatri Chakravorty Spivak p. 23-36 Draupadi, protagoniste de la nouvelle de Mahasweta Devi publiée ici dans sa version anglaise, est une femme assujettie, mais capable de se rebeller, de résister jusqu'à la mort. Elle ne cherche pas la compassion. Son corps nu et mourant devant l'ennemi, elle résiste, son dernier acte est un acte de résistance dans lequel elle défie son ennemi de la (ren)contrer : pour la première fois, son ennemi, Senanayak, a peur, peur de faire face à un « objectif désarmé ». Mais qui est Senanayak ? Dans la nouvelle, Senanyak est un officier de l'armée du gouvernement du Bengale qui commande l'arrestation et l'humiliation de Draupadi, la femme qui a pris la tête de la révolte tribale au moment des luttes des Naxalites pour la réforme agraire, dans les années 1960. Mais dans sa préface à la nouvelle, Gayatri Spivak suggère de rapprocher la figure de Senanayak de celle de l'intellectuel du Premier-monde, coproducteur malgré lui des régimes d'exploitation et de domination dans le Tiers-monde. Son point de vue sur l'engagement des féministes occidentales est alors clair : « nous ne serons pas capables de parler aux femmes de là-bas si nous dépendons entièrement des conférences et des anthologies d'informateurs formés à l'Ouest ».Gayatri Spivak focuses on Draupadi, the protagonist in the short story by Mahasweta Devi published here in the English version. Oppressed, Draupadi is capable of rebellion, of resistance to the death. She does not seek compassion. Naked before the enemy, she resists : her last act is an act of resistance in which she defies her enemy with the force of an (en)counter. For the first time, her enemy Senanayak feels fear, the fear of facing an « unarmed objective ». But who is Senanayak ? In the story, Senanayak is an army officer for the government of Bengal who orders the arrest and humiliation of Draupadi, the woman who led the tribal revolt in the Naxalites' struggle for agrarian reform during the 1960s. Significantly, Spivak relates the figure of Senanayak to that of the first-world intellectual, complicit in spite of himself in the regimes of exploitation and domination in the Third World. Her point of view concerning the commitment of Western feminists is clear : « we will not be able to speak about women over there if we depend entirely on conferences and anthologies of informants educated in the West ».
- Draupadi - Mahasweta Devi p. 37-49
- Movimientos de rebeldia y las culturas que traicionan - Gloria Anzaldua p. 51-60 Homme et femme à la fois, portée par le désir de liberté, libre, contre tout dogme psychanalytique, d'avoir accès à deux mondes. Elle revendique son identité chicana, forgée dans l'histoire de la résistance de la femme indienne, elle affirme avec force sa culture métisse, blanche, mexicaine et indienne à la fois, une culture fabriquée suivant une architecture féministe. Les Chicanas vivent entre plusieurs mondes et racontent leur histoire avec leurs propres mots : c'est le récit à la première personne, le récit comme théorie.A man and a woman at the same time, borne by the desire for freedom — free, against all psychoanalytic dogmas, to move between two worlds. She invokes her chicana identity, created in the history of resistance of the Indian woman ; she asserts her mestiza culture — white, Mexican and Indian at the same time, a culture developed according to a feminist plan. Chicanas live in between several world, and tell their story in their own words : a first-person narrative, narrative as theory.
- Un autre regard : Ethnographie, narration et postcolonialisme - Alessandra Gribaldo, Giovanna Zapperi p. 61-73 La crise, caractéristique de notre présent postcolonial, des formes historiquement codifiées pour raconter l'altérité a permis l'émergence de ce qu'on appellera les récits de l'autre, ceux qui étaient implicitement exclus de la position de sujets du récit. Cette crise est particulièrement visible dans une discipline comme l'anthropologie qui se fonde précisément sur la narration de l'Autre. À partir des problèmes posés par la possibilité d'une narration visuelle de l'altérité, cet article propose d'analyser le lien entre narration, représentation et identité à travers le travail de Tracey Moffatt, Isaac Julien et Fiona Tan. Dans leurs vidéos et installations, la question du regard posé sur l'autre s'articule autour des thèmes de la mémoire et de la crise de l'ethnographie en tant que moyens de représentations / narration de l'altérité culturelle. Ces artistes mettent en scène un « autre » regard, capable de faire émerger des histoires subalternes et refoulées. Ils affirment une identité marginale et, en même temps, hybride, au-delà des mythes de l'origine et de la pureté qui traversent la pensée coloniale et colonialiste.The crisis, characteristic of our present postcolonial era, in the historically-codified forms of talking about alterity has permitted the emergence of what can be called « stories of the other » — stories about those who have been implicitly excluded from the position of the subject. This crisis is particularly evident in a discipline such as anthropology, which is founded precisely upon narratives of the Other. Beginning with the problems posed by the possibility of a visual narration of alterity, this article proposes to analyse the connections among narrative, representation and identity in the works of Tracey Moffat, Isaac Julien and Fiona Tan. In their videos and installations, the question of the gaze fixed on the other is articulated around the themes of memory and the crisis of ethnography as a means of representation of or narrative about cultural alterity. These artists stage an « other » gaze capable of bringing out repressed and subaltern histories. They affirm an identity that is marginal and hybrid at the same time, beyond the myths of origin and purity that delineate colonial and colonialist thought.
- Le troisième œil - Fatimah Tobing Rony p. 75-86 Ce texte se compose de trois extraits de l'ouvrage de Fatimah Tobing Rony, The Third Eye. Race, Cinema, and Ethnographic Spectacle, dans lequel l'auteure explore les représentations des « indigènes » non occidentaux au début du XXe siècle, entre cinéma, culture populaire et ethnographie. Elle met en évidence le rôle des images dans la perception de l'altérité à travers la notion de « troisième œil », soit l'expérience consistant à regarder tout en étant soi-même regardé comme un Autre. Entre récit autobiographique, réflexion sur la relation entre histoire et narration, et une analyse des films de Zora Neale Hurston, ce texte aborde des stratégies de résistance qui déjouent les constructions occidentales du « sauvage ».This text is comprised of three extracts from Fatima Tobing Rony's study The Third Eye : Race, Cinema, and Ethnographic Spectacle, in which the author explores early twentieth century representations of non-western « indigenous peoples » in cinema, popular culture and ethnography. She focuses on the role of image in the perception of Otherness by applying her notion of the « third eye », which details the experience of watching whilst all the while being perceived as an Other. Part autobiographical account, part reflection on the relation between history and narration, and part analysis of the films of Zora Neale Hurston, this text deals with the resistance strategies which dismantle Western constructions of « primitivism ».
- Architectures de la mémoire : Image, son et pierre - Nirmal Puwar p. 87-99 Cet article adopte le rythme des répertoires d'images et de sons qui accompagnent la réalisation d'un film consacré aux espaces publics dans un paysage d'après-guerre et postcolonial. À la recherche de conversations qui offrent des indices de l'habitation et la production d'espaces publics dans un quartier de cinémas, l'article examine le processus créatif qui se joue dans l'écriture de ces histoires calquées sur la manière même dont les villes s'imaginent, se perdent et se retrouvent, peut-être, dans une réflexion poétique.This article moves through the tempo of visual and aural inventories that float in and out of the making of a film based project on public spheres within a post-war post-colonial landscape. Seeking a set of conversations which offer clues to the inhabitation and production of public spheres within the zone of cinemas, the article considers the creative process at play in the writing of these iterative histories of the very ways in which cities are imagined, lost and perhaps re-gained through poetic reflection.
- Quand la parole libère (de) l'écrit, et l'écrit (de) la parole - Romaine Moreton p. 101-120 Faire entendre la voix de ceux pour qui le texte écrit est étranger à la tradition culturelle : tel est le projet de la poétesse et performer aborigène Romaine Moreton, dont nous publions deux poèmes extraits du recueil Post Me to the Prime Minister. Écrits en anglais dans la version originale, ces poèmes sont écrits au rythme du bongo. Entre la langue du colonisateur et le rythme de la langue du colonisé, ils expriment le combat de Romaine Moreton : le combat d'un peuple pour se représenter lui-même, pour avoir le droit d'être auteur de soi-même.To make the voice heard of those for whom the written word is not part of their cultural tradition is Romaine Moreton's project as Aboriginal poetess and performer. We publish here two poems from her collection Post Me to the Prime Minister. Flowing by the beat of the bongo, originally written in English, manoeuvering between the written language of the colonisator and the music of the colonised, they forcefully express Romaine Moreton's struggle : the combat of a people for the right to represent itself and to be the author of its own existence.
Insert
- L'homme qui ne savait plus écrire - François Matheron p. 121-125
Icônes in : Subbotniki
- Subbotniki - p. 127-144
- Subbotniki, rumeurs d'une ville sur sol instable - Benoît Durandin p. 145-148
Mineure : Traduire Deleuze
- Traduire Deleuze - Louise Burchill, Jehanne Dautrey p. 149-152
- Traduire des voix - Kuniichi Uno p. 153-160 Certains me disent : comment est-il possible de traduire Deleuze en japonais ? Question intéressante, que nous n'avons jamais posée. L'essence d'une œuvre ne se dégage qu'une fois traduite, dit Walter Benjamin. Et si l'on traduit dans n'importe quelle langue Deleuze et d'autres, il importe de traduire aussi la voix qui comporte des voix sous-jacentes. Traduire la voix, la chair et les os d'une pensée, c'est ce que nous désirons et essayons en expérimentant l'impossible. En tout cas, il se passe beaucoup de choses lorsqu'on expérimente cet impossible.Some people ask how can you possibly translate Deleuze into Japanese. This is an interesting question that I'd never asked myself previously. According to Walter Benjamin, a work's essence only emerges through translation. Yet, when translating Deleuze and other authors into another language, whatever this may be, it's also important to translate the text's voice, along with all the underlying voices it bears within it. As the very flesh of thought, it's the voice that we want to translate, and in seeking to do so we experiment with the impossible. Whatever may come of this, through experimenting with the impossible many things happen.
- Traduire celui qui veut écrire “dans une sorte de langue étrangère” : Langue-Deleuze - Sergueï Fokine p. 161-171 Il s'agit d'étudier le lien entre le « pourquoi traduire » et le « comment traduire » Deleuze en faisant un détour par l'histoire proche de la pénétration de Deleuze dans la culture philosophique russe et de son incidence sur la pratique de la traduction philosophique aujourd'hui en Russie. Par un étrange contresens, Deleuze est diffusé pour démarxiser la philosophie, pour débarrasser la pensée russe du fardeau du marxisme ou plutôt du pseudo-marxisme, comme une sorte d'introduction à la vie capitaliste. Parallèlement, la traduction de Deleuze est l'objet d'un conflit entre une tradition de la traduction qui rabat la langue deleuzienne sur la langue philosophique classique et des pratiques nouvelles qui défendent la singularité de la langue et du style.The questions of « why » and « how to » translate Deleuze are examined by way of considerations concerning the recent penetration of Deleuze in Russian philosophical culture and the effect this has had on the manner in which one translates philosophy today in Russia. Under the sway of a strange misinterpretation, Deleuze's thought has been diffused as a sort of introduction to Capitalist life, by which philosophy can be « de-marxised » and Russian thought freed from the burden of Marxism or, rather, pseudo-Marxism. At the same time, the translation of Deleuze has become a site of conflict between traditionalists who reduce Deleuze's language to that of classical philosophy and proponents of new practices who defend the singularity of Deleuze's language and style.
- Traduire L'Image-mouvement et L'Image-temps en grec - Mihalis Matsas, Jehanne Dautrey p. 173-178 Mihalis Matsas revient sur les difficultés qu'il a rencontrées en traduisant les deux volumes que Deleuze a consacrés au cinéma. Aux difficultés spécifiques à la langue grecque et à la terminologie deleuzienne s'ajoutent une certaine méconnaissance, en Grèce, de la philosophie française moderne et un intérêt tardif pour la théorie du cinéma.Mihalis Matsas situates the specific questions raised by the translation of Deleuze in Greece within the more general context of philosophical translation and the difficulties raised by the translation of Deleuze's two books on the cinema.
- Gilles Deleuze en turc - Ali Akay p. 179-185 « Comment et dans quelles conditions la philosophie de Gilles Deleuze est-elle entrée dans la langue turque ? » c'est la problématique de cet article. Le travail de traduction par le milieu de l'œuvre de Deleuze, à partir de lui et avec lui, est une expérience que j'ai eu la chance de vivre dans « la tâche du traducteur » que j'ai assumée. Comment traduire la déterritorialisation ? Comment faire en sorte que ce concept ne soit pas confondu avec la terre ou le territoire de l'État-nation ? Ainsi faut-il traduire les machines désirantes en dehors de la traduction par l'américain qui ne rend pas compte de son rapport avec la phénoménologie (intentionnalité du sujet) ; car justement Deleuze l'a combattue dans sa philosophie.This text examines the conditions under which Deleuze's philosophy was introduced into the Turkish language. By taking on the « task of the translator », I had the good fortune to experience what it was like to translate Deleuze's work « from the middle », being both inspired by and working with Deleuze to do so. The question that arises when translating « déterrorialisation » is that of ensuring that this concept is not confused with either the earth or the territory of the nation-state. In the same way, one has to translate « machines désirantes » outside of any influence by the way this has been rendered in English, since this inadvertently refers to phenomenology (the intentionality of the subject) which Deleuze precisely contested in his philosophy
- Deleuze comme “traductologue” ? : Ou le temps de traduire - Louise Burchill p. 187-197 En posant la question de savoir si l'on pourrait déceler une pensée de la traduction chez Deleuze, cet article part, à la fois, de l'importance que Deleuze attribue à la syntaxe à titre de ce qui tend vers le mouvement du concept, et du rapport différentiel qu'il établit entre les langues anglaise et française eu égard au « devenir ». Dans cette perspective, on examine l'entrecroisement de quelques concepts clés de la philosophie deleuzienne et certaines théories de la traduction qui élaborent une syntaxique contrastée de l'anglais et du français. L'analyse des concepts d'actualisation, de virtuel et d'actuel tels qu'ils sont employés par Deleuze et par la syntaxique comparée nous indique que c'est la temporalité interne que Deleuze attribue à la langue qui aurait un rôle critique à jouer dans la traduction.The importance that Deleuze attributes to syntax, as that which tends towards the movement of the concept, along with his analyses of the different ways in which English and French relate to « becoming », form the basis on which this article investigates the question of whether a « theory of translation » can be found in Deleuze's thought. In this perspective, we examine the intersection between several key concepts in Deleuze's philosophy and theories of translation dealing with the comparative syntax of English and French. Analysis of the concepts of actualisation, virtual and actual, as used by both Deleuze and comparative syntax theorists, indicates that the internal temporality Deleuze attributes to language would play a critical role in translation.
Liens
- Giselle Donnard - Michèle Collin p. 199-201
- L'urgence à développer une citoyenneté planétaire - Giselle Donnard p. 203-208 Il y a aujourd'hui urgence à développer une citoyenneté planétaire et les solidarités qu'elle implique. Urgence à aider partout les subjectivités qui s'autonomisent dans des processus de résistance et de constructions alternatives. Urgence à établir des rencontres transversales. Urgence à ne pas abandonner la planète aux mains des processus dévastateurs de toutes sortes.The urgency of today's conjuncture calls to us in a number of ways : to develop planetary citizenship and the solidarities it implies ; to promote and help those subjectivities which gain autonomy in the processes of resistance and alternative construction ; to develop myriad transveral encounters ; and finally not to hand the planet over to destructive forces of all kinds.
- Femmes dans la guerre aujourd'hui - Giselle Donnard p. 209-217 Le sort des femmes dans les guerres a toujours souffert du non-dit, il se trouvait en quelque sorte enfoui, banalisé dans le sort général des civils puisqu'elles n'étaient pas combattantes. Mais on peut dire que dans les derniers conflits, les femmes ne font plus partie d'un « arrière », par opposition aux combattants du front, car en fait il n'y a plus d'arrière, elles se retrouvent désormais de plein pied dans la guerre (en Algérie et en Bosnie, notamment).The fate of women in times of war has always been considered something a non-issue, buried as it was, and made banal as part and parcel of the lot of civilian population in general, since women were non-combatants. But looking at more recent conflicts we can no longer pretend that women are in a home front of sorts, as opposed to soldiers in battle, because there is no home front anymore, and women are now right in the middle of armed conflicts, as, for instance, in Algeria and in Bosnia.
- Construire des subjectivités collectives féministes - Madeleine Hersent p. 219-221
Hors-champ
- Critique et clinique de la Documentation - p. 223-228