Contenu du sommaire : « Campagnes populaires, campagnes bourgeoises »
Revue | Agone |
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Numéro | no 51, 2013 |
Titre du numéro | « Campagnes populaires, campagnes bourgeoises » |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Ouvriers ruraux, pouvoir local & conflits de classes - Julian Mischi p. 7-25 L'objectif de cet article est de rendre compte de la spécificité ouvrière des espaces ruraux, une singularité voilée par la force des images associant ces territoires aux seuls groupes agricoles. Revenir sur l'histoire de la présence ouvrière dans les campagnes françaises permet d'éclairer un groupe social peu connu, celui des ouvriers ruraux, et d'analyser son rapport au politique, en particulier au pouvoir local. Il s'agit d'identifier certains éléments singularisant la condition ouvrière hors des villes : quelles formes prennent les rapports de domination dans les contextes ruraux ? Les ouvriers y sont-ils forcément pris dans des relations paternalistes avec les classes dominantes ? Au-delà des images toutes faites sur les « communautés villageoises », peut-on observer des conflits de classes traversant ces espaces souvent présentés comme dépolitisés ?
- Luttes paysannes dans les années 68 : Remise en cause d'un ordre social local - Élise Roullaud p. 26-49 Période singulière, faite de changements socio-économiques, de politisation et de rencontres sociales inédites, les années 1960-1970 sont celles également de la cristallisation d'un cadre de pensée critique envers les politiques agricoles de « modernisation » impulsées par l'État. Les occupations de terre, le blocage de la collecte du lait ou encore la destruction de viande étrangère, deviennent alors prépondérantes dans le répertoire d'action. Moment de recomposition de l'espace syndical, les années 1960-1970 ont donné lieu à la création de nouvelles organisations professionnelles qui furent la matrice d'un syndicalisme d'opposition que l'on retrouve au sein de la Confédération paysanne.
- De l'exploitation des forêts à l'esclavage des hommes : Un exemple de chantier forestier utilisant des travailleurs marocains en Bourgogne (1974-1975) - Julien Gros, Omar Tourougui p. 51-64 Voici un rapport établi par des Marocains eux-mêmes sur leurs conditions de travail et d'existence, dans une entreprise forestière qui avait des chantiers en Côte-d'Or, dans la Nièvre et en Saône-et-Loire en 1974 et 1975. La commission Justice et Paix publie ce dossier pour alerter sur le problème des ouvriers étrangers travaillant sur des chantiers provisoires, constamment en déplacement, isolés, mis dans l'impossibilité d'établir des contacts avec des gens de l'extérieur. Ce dossier prouve qu'on peut reconstituer un véritable « esclavage », pour parler comme ces Marocains. Si vous habitez une zone forestière, posez-vous la question : qui travaille dans la forêt et dans quelles conditions ?
- Des ploucs de droite aux pavillonnaires lepénistes : Sur la construction médiatique du vote des ruraux - Jean Rivière p. 65-83 Les classements symboliques véhiculés pendant les campagnes politiques participent durablement à la production des représentations collectives. Cet article se penche sur la manière dont les espaces ruraux et périurbains ont été présentés dans la presse lors des deux derniers scrutins présidentiels ; insistant sur les rapports entre les catégories utilisées pour décrire ces mondes ruraux, les groupes sociaux qui y habitent et les attitudes politiques associées à ces groupes, tout en accordant une attention particulière aux mots et aux illustrations employés, ainsi qu'à leur charge normative.
- « La soif du travail ? » : Alcool, salariat & masculinité dans le bâtiment : le témoignage d'un adepte du « black » - Sébastien Mary, Nicolas Renahy p. 85-100 Maçon de 38 ans, Sébastien a toujours travaillé au noir, à côté de ses emplois salariés successifs pour des artisans du bâtiment. Question de « survie » ou de « nécessité » ? Certes, l'argent liquide ainsi gagné lui a permis de payer régulièrement les traites de sa petite ferme en perpétuelle rénovation, d'offrir une semaine de vacances par an à sa famille, etc. Mais ce n'est pas ainsi qu'il justifie cette pratique. Il est même désormais officiellement chômeur et ne travaille plus qu'au noir, une semaine sur deux, afin de prendre le temps de s'occuper de ses enfants. Ni « contraint » par la crise ou la nécessité, ni « assisté » ou « profiteur », Sébastien se pense comme un ouvrier frayant les voies d'une alternative à l'exploitation patronale.
- Trajectoires de l'embourgeoisement agricole - Gilles Laferté p. 101-116 On doit s'interroger sur la représentation misérabiliste de la paysannerie. D'un côté, la question de l'exode rural n'a-t-il pas masqué d'autres évolutions plus discrètes ? De l'autre, le caractère d'urgence de la domination et de l'extinction paysanne a occulté une autre évolution : les petits paysans condamnés ne représentaient certainement pas l'ensemble des mondes agricoles. Qui sont les agriculteurs qui peuplent les campagnes des pays européens pris depuis des décennies dans une course productiviste de l'agriculture ? Notre enquête dans le Châtillonnais montre, à rebours de l'image misérabiliste née de l'exode rural et des difficultés financières, une agriculture riche et des agriculteurs, pour beaucoup, depuis les années 1950, en plein embourgeoisement.
- Processus de distinction d'une petite-bourgeoisie rurale : Le cas d'une « association pour le maintien de l'agriculture paysanne » (AMAP) - Jean-Baptiste Paranthoën p. 117-130 L'analyse des activités et des adhérents d'une AMAP en milieu rural nuance la redéfinition des liens entre producteurs et consommateurs dans le domaine de l'alimentation. La restitution des positions sociales des membres de l'AMAP montre que derrière la catégorie de « consommateurs » et son usage savant, journalistique et militant se joue un rétrécissement des distances sociales avec des agriculteurs dotés en capital culturel. L'AMAP apparaît alors comme le support d'une alliance entre ces différentes fractions de la petite bourgeoisie rurale que la place accordée dans la division sociale du travail tendait néanmoins à opposer. Ce lieu où se maintiennent et se reproduisent des clivages avec les autres groupes sociaux peut être réintégrée dans le processus plus général de recomposition des territoires ruraux.
- L'isolement des jeunes femmes appartenant aux classes populaires rurales : L'exemple d'une animatrice de loisirs - Marie-Hélène Lechien, Véronique Jouillat, Loïse Mournetas p. 131-151 L'exemple de Nathalie Peyrac condense trois formes d'isolement : dans l'espace professionnel, sur les scènes de sociabilité et dans le couple. La jeune femme est animatrice « nature » dans des villages vacances, avec un personnel limité et traversant une crise, qui se traduit par un temps partiel imposé et l'obligation d'envisager une reconversion professionnelle. À cette précarité dans le travail s'ajoutent un certain isolement au sein du cercle amical, surtout constitué des amis de son compagnon, et un retrait lié à la maternité, qui réduit ses occasions de sociabilité. Cet exemple permet d'analyser plus largement la condition des jeunes femmes appartenant aux classes populaires rurales, à travers les logiques d'attachement au territoire, l'expérience de l'isolement et la manière dont celle-ci est redéfinie par la maternité.
- Fouler les bois & rasseoir une emprise : La chasse à courre comme inscription spatiale du pouvoir social - Héloïse Fradkine p. 153-168 Au travers d'une évocation des ressorts et des modalités de l'investissement de Jean et Diane Rives, couple ayant (re)créé un équipage établi au sein d'un antique manoir, le « Rallye du Rocher », il s'agira de donner à voir certains éléments du style de vie d'une noblesse et d'une grande bourgeoisie se voulant, aujourd'hui encore, terriennes. L'approche ethnographique permet de restituer le sens indissociablement familial et social de l'engagement de Jean et Diane Rives. Nous attachant au statut local des époux ainsi qu'à la nature des relations qu'ils entretiennent avec les membres d'autres catégories sociales (classes moyennes et populaires résidentes, membres de la bourgeoisie régionale), nous rendons ensuite compte des conditions de l'inscription spatiale de leur pouvoir social.
- Une théorie du complot : À propos de « Ali Agça & la “filière bulgare” » - Miguel Chueca p. 169-174
- Ali Agça & la « filière bulgare » - Edward S. Herman, Frank Brodhead, Miguel Chueca p. 175-197