Contenu du sommaire : Turquie : retour de l'autoritarisme
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 107, hiver 2018 |
Titre du numéro | Turquie : retour de l'autoritarisme |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier - Turquie : retour de l'autoritarisme
- La Turquie post-coup d'Etat : une présidentialisation autoritaire - Yohanan Benhaim, Ugur Kaya, Dilek Yankaya p. 9-14
- Vers un rétrécissement des horizons d'attente en Turquie - Jean-François Pérouse, Yohanan Benhaim, Nicolas Ressler-Fessy p. 15-28 Installé à Istanbul, Jean-François Pérouse est maître de conférences à l'Université Toulouse-II. Etudiant les transformations de la scène politique turque autant que celles de la mégapole stambouliote depuis plus de deux décennies, il est l'auteur de deux ouvrages parus récemment : Istanbul Planète, la ville-monde du XXIe siècle (éditions La Découverte, 2017) et Erdoğan, nouveau père de la Turquie (avec Nicolas Cheviron, deuxième édition réactualisée chez François Bourin, 2017). Dans cet entretien accordé à Confluences Méditerranée, il revient sur le bilan qu'il est possible de tirer des élections générales de juin 2018, sur les reconfigurations du pouvoir de l'AKP à travers sa convergence avec l'extrême droite nationaliste et sur l'état du mouvement kurde trois ans après le renouveau du conflit entre l'Etat turc et le PKK.
- Tayyip Erdoğan et les jeunes militants de l'AKP : Identification et coproduction d'une figure de leader - Ayşegül Bozan p. 29-42 Cet article approche la question de l'autoritarisme politique par le biais d'une analyse qualitative des représentations politiques des jeunes militants de l'AKP concernant leur leader Tayyip Erdoğan. Il examine particulièrement trois questions : comment les jeunes militants s'identifient-ils au leader politique ? Comment ce dernier cadre-t-il et modifie-t-il les opinions et représentations ? Et enfin, comment les militants contribuent-ils à la consolidation du pouvoir du leader en cadrant et faisant circuler continuellement son image ?
- La déconstitutionnalisation de la Turquie - İbrahim Kaboğlu, Ugur Kaya p. 43-58 Pour analyser la situation actuelle en Turquie, et notamment pour caractériser le régime politico-juridique, le professeur Kabo lu propose deux concepts : la déconstitutionnalisation et la délégalisation. Cet entretien cherche à décrypter ces deux concepts et à analyser l'évolution de la dégénérescence du régime juridique à des fins politiques. L'entretien révèle aussi comment la période actuelle se différencie d'un passé où les dérives et pratiques antidémocratiques ont toujours existé. Le débat s'ouvre sur les moyens d'une reconstitutionnalisation du régime juridique en Turquie.
- The Restructuring of civil-military relations during the AKP period - İsmet Akça p. 59-71 Le pouvoir politique de l'armée a été considérablement limité sous le règne de l'AKP. Or, les réformes réalisées en vue de redonner la priorité au pouvoir civil ont abouti non pas à une démocratisation mais à l'instauration d'une nouvelle forme d'autoritarisme. En l'absence de mécanismes de contrôle démocratique, l'armée a continué à être à la fois l'acteur et l'arène de conflits politiques dont l'exacerbation a été la “tentative de coup d'État” du 15 juillet 2016. Les nouvelles régulations concernant l'armée, instaurées dans le cadre de l'état d'urgence et de la présidentialisation du régime ont mis l'armée sous la surveillance d'acteurs civils et sont loin d'assurer un contrôle démocratique sur celle-ci. Au contraire, cette surveillance civile a été concentrée dans les mains d'un super-président dans le contexte d'une forme d'État autoritaire spécifique.
- National education as a battlefield. A Restructuring of Imam-Hatip Schools after the July 15th - Mustafa Kemal Coşkun, Dilek Yankaya p. 73-82 Les crises politiques récentes en Turquie ont produit d'importantes mutations dans l'éducation nationale en général et dans l'enseignement religieux en particulier. La manière dont l'AKP a gouverné « la tentative de coup d'Etat » du 15 juillet a provoqué des changements structurels dans l'enseignement scolaire et les activités extrascolaires. La fermeture des écoles affiliées à la communauté de Fethullah Gülen a eu comme corrolaire la consolidation des écoles d'imam-hatip en tant que principaux instruments de commémoration du 15 juillet selon les representations spécifiques qu'en impose le gouvernement AKP. Cet article montre comment ces écoles ont été réorganisées pour assurer la formation des générations de l'après-15 juillet autour de trois formes de loyautés vis-à-vis de l'islam, du parti et de l'Etat.
- Les reconfigurations de la politique turque en Afrique subsaharienne dans le cadre de la lutte du gouvernement AKP contre le mouvement Gülen : le cas sénégalais - Gabrielle Angey p. 83-95 Entre 1997 et 2013, le mouvement Gülen a ouvert près de 100 écoles dans environ 50 pays africains. Ce faisant, il s'appuyait sur une collaboration avec le gouvernement turc de l'AKP (Adaletve Kalkınma Partisi, Parti de la Justice et du Développement). Mais un conflit politique émergea fin 2013 en Turquie, pour atteindre son acmé le 15 juillet 2016, lors d'une tentative de coup d'État attribuée aux « FETÖ » (Fethullaçı Terör Örgütü, « Organisation terroriste güleniste »). Dès lors, le gouvernement turc s'est évertué à étendre sa répression par-delà ses frontières et notamment en Afrique subsaharienne. L'article souligne le mimétisme de l'action de l'État turc largement tributaire de l'action antérieurement menée par le mouvement Gülen. En retour, cette répression conduit à la reconfiguration du mouvement Gülen selon les contextes nationaux. Dans le cas d'étude sénégalais présenté dans l'article, il est possible de constater que le fait que ce mouvement musulman transnational repose sur le secret et l'informalité permet une relative résilience dans un contexte de répression à l'échelle internationale.
- Enfermer l'opposition : reconfigurations et continuités de la politique carcérale turque avant et après 2016 - Sarah Caunes p. 97-109 Bien que souvent dans l'actualité, la politique carcérale de l'AKP fait rarement l'objet d'analyses. Afin de comprendre ce qui rend possible la vague de répression massive et inédite en ampleur, qui a suivi la tentative de coup d'État de juillet 2016, il faut analyser les reconfigurations des modes de répression de la contestation organisée ainsi que les transformations des techniques de gouvernement des prisonniers mises en place par l'AKP depuis 2002. Cet article montre que l'infrastructure qui a permis la répression d'ampleur qui a suivi juillet 2016 avait été construite pas à pas depuis le début des années 2000. Par ailleurs, la dégradation des conditions de détention des prisonniers politiques depuis 2016 s'inscrit dans une politique de répression dont la nouveauté est qu'elle touche aussi des acteurs autrefois épargnés par l'incarcération à grande échelle. L'article s'intéresse dans un premier temps aux restructurations du système carcéral durant la période de pouvoir de l'AKP. Il met ensuite la focale sur ce que la vague de répression qui a suivi la tentative de coup d'État en 2016 a fait aux prisons et aux prisonniers.
- Présidents avant-gardes : les maires comme patrons des villes turques - Ulaş Bayraktar p. 111-123 Depuis le coup d'État de 1980, le système municipal a connu de profondes transformations légitimées par un discours mettant l'accent sur la décentralisation et la démocratisation. Pourtant, cet article montre qu'au lieu d'une démocratisation consolidant la représentation et la participation des citoyens, les modalités du gouvernement local ont évolué vers une sorte de présidentialisme local. Ce dernier se pratique par la personne du maire fort ayant un contrôle non seulement sur les instances politiques locales, mais aussi sur les acteurs de la société civile. L'étude de cette reconfiguration locale permet également de constater les effets du nouveau système présidentiel à l'échelle nationale.
- Le démantèlement du système municipal kurde et ses retombées genrées dans le Sud-est de la Turquie - Lucie Drechselová p. 125-136 En 2014, le parti pro-kurde (DBP) remporte 102 municipalités, concentrées surtout dans le Sud-est de la Turquie. La question de l'égalité des sexes se situe au cœur de la doctrine idéologique du mouvement kurde, et se trouve également au centre de son action municipale. Toutefois, « l'âge d'or » du municipalisme kurde trouve sa fin en 2015. Suite à la reprise des affrontements entre l'État turc et le PKK, les mairies DBP deviennent la cible du pouvoir central qui, à travers son appareil sécuritaire et ses intermédiaires locaux, vise à démanteler l'implantation locale du mouvement kurde. Les actions des technocrates nommés à la tête des mairies dans le domaine d'égalité des sexes constituent un indicateur fidèle des conséquences des manœuvres politico-militaires dans la région.
- Le pouvoir des élus vs le pouvoir des nommés, ou la recentralisation des pouvoirs locaux - Cemil Yıldızcan p. 137-149 Cet article analyse les rapports entre pouvoir central et pouvoir local autour du rapport de forces évolutives entre les préfets nommés et les maires élus dans les années 2000. Dans le cadre de la politique locale, il est difficile de définir un patron unique. Toutefois, le préfet pèse lourd, traditionnellement, face aux élus locaux dans le dispositif politico-administratif turc où le principe de subsidiarité peine à s'imposer. Dans ce système administratif fortement centralisé, l'État central offre aux préfets des ressources assurant la domination du pouvoir central sur les maires.
Variations
- Réformer et réprimer dans l'Arabie de Bin Salman : les dessous d'une opération d'infitah paradoxale et risquée - Moustapha Bassiouni p. 153-164 Cet article aborde les paradoxes de la nouvelle donne dans l'Arabie saoudite du prince héritier Mohammed Bin Salman. Elle est caractérisée par une série de mesures d'infit sociale et culturelle inédites parallèlement à la remise en question de l'héritage wahhabite de la monarchie des Al-Saoud. Cette orientation politique favorise également les expressions libérales harmonieuses avec l'agenda du pouvoir. Mais la vaste opération de réforme lancée en 2016 révèle aussi ses limites. Les répressions subies par la société civile en 2017 et 2018, et récemment le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, ont montré le revers du changement voulu par le despote modernisateur de Ryad. Les contradictions de la politique du jeune émir ont mis en évidence les aspects de la libéralisation de l'autoritarisme saoudien.
- Ce laid jeune monde - Serge Airoldi p. 165-179
- Réformer et réprimer dans l'Arabie de Bin Salman : les dessous d'une opération d'infitah paradoxale et risquée - Moustapha Bassiouni p. 153-164
- Notes de lecture - p. 181-193