Contenu du sommaire : Variations combattantes
Revue | Afrique Contemporaine |
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Numéro | no 265, 2018/1 |
Titre du numéro | Variations combattantes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Marc-Antoine Pérouse de Montclos p. 5-7
Variations combattantes
- L'ancrage social des rébellions congolaises : Approche historique de la mobilisation des groupes armés en République démocratique du Congo - Jason Stearns, Christine Mercier, Nicolas Donner p. 11-37 Le conflit en République démocratique du Congo a radicalement changé au cours des cent cinquante dernières années. Cet article retrace ces transformations, en les mettant en relation avec les changements dans les structures sociales et politiques, ainsi que dans les normes et les idéologies. Contrairement à la répression de la période coloniale et du début de la période Mobutu, l'État a plus récemment évolué en symbiose avec les groupes armés, les élites politiques et les officiers militaires ayant acquis des intérêts dans les conflits. Par rapport aux épisodes précédents de violence à grande échelle, dont aucun n'a duré plus de quelques années, le conflit actuel dure depuis plus de deux décennies et a profondément remodelé la société. Plus récemment, la mobilisation armée est devenue politiquement opportune pour certains, et un moindre mal pour d'autres, transformant la mobilisation armée en une fin en soi.Conflict in the Democratic Republic of the Congo has changed dramatically over the past 150 years. This article traces these transformations, relating them to shifts in social and political structures, as well as in norms and ideologies. In contrast with the repression of the colonial and early Mobutu period, the state has more recently evolved symbiotically with armed groups as political elites and military officers have developed vested interests in conflict. Compared with previous episodes of large-scale violence, none of which lasted for more than several years, the current conflict has lasted for over two decades, deeply reshaping society. More recently, armed mobilization has become politically expedient for some, and the lesser of evils for others, transforming armed mobilization into an end in itself.
- « À comportement du berger, réponse du mouton » ? : Éléments pour une économie morale du soulèvement d'octobre 2014 au Burkina Faso - Benoît Beucher p. 39-58 En octobre 2014, un soulèvement populaire a fait tomber un régime, celui du président du Burkina Faso Blaise Compaoré, au pouvoir depuis vingt-sept ans. Bien des analyses ont mis en lumière le rôle qu'y ont joué des organisations de la société civile, des partis d'opposition ou des syndicats. Pour certains observateurs, les tensions internes au parti présidentiel, son délitement, ont été une cause majeure de la chute du président. Nos propres observations sur le terrain nous conduisent à explorer une dimension qui paraît avoir été en partie négligée dans les analyses. En effet, dans cet article, nous souhaitons montrer que cet événement s'inscrit dans le contexte d'une lente réappropriation populaire d'un ethos et d'une éthique nationaux, celui du Burkinabè ou « homme intègre ». Il montre comment cet imaginaire national a été converti par le bas en langage et en mode d'action politiques.In October 2014, a popular uprising toppled the regime of Blaise Compaoré, president of Burkina Faso for the past 27 years. Many analyses have highlighted the role played by civil society organizations, opposition parties and unions in this event. For some observers, internal tension and divisions within the presidential party were a major cause of the President's demise. Our observations in the field lead us to explore a dimension that appears to have been partially overlooked in other analyses. Indeed, this article shows how the event fits into the context of a slow, popular re-appropriation of a national ethos and ethics – that of being “Burkinabè” or an “honest man”. It shows how this national myth was transformed from below into a language and means for political action.
- Le convoyeur vers nulle part : Résistance, identité et mémoire dans les mines de phosphate du Sahara occidental - Sarah Gilkerson, Katell Guernic, Nicolas Donner p. 59-75 L'histoire du Sahara occidental est aussi contestée que son territoire. Tout en resituant l'enjeu qu'a représenté l'exploitation des mines de phosphate dans le conflit pour le Sahara occidental, cet article s'attache à montrer le rôle essentiel que ces mines ont joué dans l'affirmation d'une identité et d'une communauté politique sahraouie. L'émergence d'une classe ouvrière dans les cités minières et les liens tissés entre les mineurs et la résistance indépendantiste permettent en effet de comprendre la formation et la cristallisation d'une identité politique dont les actes de sabotage perpétrés dans les mines ont constitué des événements fondateurs. Des événements dont la mémoire demeure prégnante et agissante, aujourd'hui encore, dans les camps de réfugiés sahraouis en Algérie. Cet article s'attache ainsi à montrer comment les mineurs et le contexte minier ont joué un rôle central dans la manière dont s'est façonnée l'identité politique sahraouie dans sa lutte et ses revendications pour accéder à la souveraineté.The history of Western Sahara is as contested as its territory. While repositioning the issue of the exploitation of phosphate in the conflict for Western Sahara, this article focuses on the essential role that these mines have played in the construction of the Sahrawi identity and political community. The emergence of a working class in mining cities, and the links forged between the miners and the pro-independence resistance, make it possible to understand the formation and crystallization of a political identity whose acts of sabotage in the mines have been founding events. These events' memory remains active, even today, in the Sahrawi refugee camps in Algeria. This article aims to show how miners and the mining context have played a central role in the way in which the Sahrawi political identity has been shaped in its claims to sovereignty.
- État, pouvoirs locaux et insécurités au Sahel : L'intégration différenciée des communautés locales dans la construction de l'État-nation au Niger et au Mali - Abdoulaye Mohamadou p. 77-97 Cet article vise à montrer que les approches politiques choisies par les États du Niger et du Mali pour intégrer les communautés locales dans le projet d'État-nation ont produit des trajectoires différenciées, lesquelles permettent d'expliquer en partie les situations contrastées observées aujourd'hui dans les deux pays. En institutionnalisant la chefferie traditionnelle, devenue partie intégrante de l'État, le Niger a mieux intégré les communautés locales que ne l'a fait le Mali, où l'administration territoriale a tenu un rôle dominant au niveau local. Dans les deux pays, les processus de décentralisation mis en œuvre dans un contexte post-conflit ont servi de catalyseur pour arbitrer les luttes de positionnement dans les arènes locales, tout en favorisant l'émergence de nouvelles relations avec l'État.This article examines how the political approaches chosen by the States of Niger and Mali to integrate local communities into the Nation-State project resulted in different trajectories which contribute to explain the different situations observed today in these two countries. By institutionalizing traditional chiefdom and making it an integral part of the State, Niger better integrated local communities whereas territorial governance has retained a dominant role at the local level in Mali. The decentralization processes undertaken in both countries in a post-conflict context worked as a catalyst for arbitrating power struggles in the local sphere, while at the same time encouraging the emergence of new relationships with the State.
- Chronique d'un siège (2) : Boko Haram dans ses sanctuaires des monts Mandara et du lac Tchad (2017) - Christian Seignobos p. 99-115 La chronique des événements de l'année 2017 dément les assertions des gouvernements concernés diagnostiquant la fin prochaine du groupe. Au Nigeria et dans les pays voisins de l'État de Borno, les bandes appelées « Boko Haram » se montrent toujours aussi actives. Les pêcheurs, éleveurs et commerçants qui veulent continuer à vivre du lac Tchad doivent s'en accommoder et profitent parfois du chaos ambiant pour évincer leurs rivaux. De son côté, Boko Haram a dû opérer des choix dans ses alliances locales. Les intérêts des insurgés ont par exemple coïncidé avec ceux des autochtones Buduma : les premiers ont voulu expulser les populations qui refusaient de leur prêter allégeance et de leur payer des taxes, tandis que les seconds se sont saisis de l'occasion pour essayer de chasser les « étrangers » qui avaient accaparé les terres et les pâturages de leurs îles. Au Cameroun, le « mouvement » s'était ancré graduellement dans les départements du Logone-et-Chari qui recouvrent le pays kotoko, et du Mayo-Sava, qui englobe l'ancien royaume du Wandala dans les piémonts des monts Mandara septentrionaux. Il tente actuellement d'échapper, à partir de ses multiples sites de repli, aux interventions de l'armée et de ses supplétifs.The 2017 chronicle of events belies the assertions of the concerned governments diagnosing the impending end of the group. In Nigeria and neighbouring countries of Borno State, the bands called Boko Haram are still as active as ever. Fishermen, breeders and traders who want to continue to live of Lake Chad have to live with it, and sometimes take advantage of the chaos to oust their rivals. For its part, Boko Haram had to make choices in its local alliances. The insurgents interests have coincided with those of the Buduma indigenous people: the first wanted to expel the populations who refused to accept to pledge allegiance and pay them taxes, while the latter took the opportunity to try to chase away «foreigners» who had taken over their islands' lands and pastures. In Cameroon, the «movement» had gradually established itself in the departments of Logone-et-Chari which cover the Kotoko country, and of Mayo-Sava, which includes the former kingdom of Wandala in the foothills of the northern Mandara Mountains. It is currently trying, from its multiple withdrawal sites, to escape the intervention of the army and its auxiliaries.
- L'ancrage social des rébellions congolaises : Approche historique de la mobilisation des groupes armés en République démocratique du Congo - Jason Stearns, Christine Mercier, Nicolas Donner p. 11-37
Controverse
- La controverse « Bamako-Niamey » : Introduction au débat gratuité vs recouvrement des soins - Vincent Foucher, Pierre Jacquemot, François Roubaud p. 119-122
- Gratuité des soins ? : Ce qu'il faudrait prouver… - Joseph Brunet-Jailly p. 123-139 La gratuité des soins est devenue dans les années 2000 un aspect majeur du discours sur les politiques de santé en Afrique. Pour la défendre, il ne suffit pas de montrer que l'exemption de paiement au lieu de délivrance augmente la fréquentation, il faut aussi prouver que les bénéficiaires en sont d'abord les plus pauvres ou certains groupes vulnérables. En outre, il n'est pas certain que des observations qualitatives choisies permettent de fonder des conclusions macroéconomiques. Enfin, la gratuité imposée à partir de consignes définies au niveau international crée des iniquités alarmantes et se situe au rebours de toute ambition de démocratie locale.During the 2000s, free healthcare became a major focus of discourse surrounding health policies in Africa. To defend it, however, it is not sufficient to show that exemption from payment instead of dispensation increases the use of healthcare. It is also necessary to prove that those who benefit are first and foremost the poor and certain vulnerable groups. Moreover, it is not certain that the chosen qualitative observations make it possible to draw macroeconomic conclusions. Finally, free care imposed based on guidelines defined at the international level creates alarming inequalities and runs counter to all aims for local democracy.
- Réponse au texte « Gratuité des soins ? Ce qu'il faudrait prouver… » de Joseph Brunet-Jailly - Jean-Pierre Olivier de Sardan, Valery Ridde p. 141-152 Joseph Brunet-Jailly développe longuement deux mises en cause radicales de notre posture générale, qui sont à notre avis totalement infondées, soit parce qu'elles nous font dire le contraire de ce que nous disons, soit parce qu'il se trompe quant aux questions méthodologiques. D'autre part, il critique toute une série de points particuliers de l'ouvrage, en faisant de nombreux contresens sur nos propos, en ignorant nos arguments ou en méconnaissant la littérature scientifique sur le sujet.Joseph Brunet-Jailly (JBJ) lengthily develops two radical critiques of our overall position which we feel are totally unfounded either because they make us say the opposite of what we actually argue or because he is incorrect in his methodological questioning. Further, he criticizes a whole series of specific points from the book, repeatedly misinterpreting our claims, ignoring our arguments or displaying ignorance of the scientific literature on the topic.
Notes de lecture
- Nialé Kaba, Babacar Cissé, Idrissa Diagne, Luc-Joël Grégoire (dir.). L'Afrique émergente : enjeux et potentialités - Pierre Jacquemot p. 155-158
- Patrick Caron, Élodie Valette, Tom Wassenaar, Geo Coppens d'Eeckenbrugge, Vatché Papazian (éd.). Des territoires vivants pour transformer le monde - Pierre Jacquemot p. 159-161
- Jean-Michel Severino, Jérémy Hajdenberg. Entreprenante Afrique - Stéphane Madaule p. 162-164
- Olivier Grenouilleau. Quand les Européens découvraient l'Afrique intérieure - Bernard Salvaing p. 165-167
- Philippe Lavigne Delville. Aide internationale et sociétés civiles au Niger - Tatiana Smirnova p. 168-170
- Sandra Fancello (dir.). Penser la sorcellerie en Afrique - Mélanie Soiron-Fallut p. 171-174
- Andrew Harding. The Mayor of Mogadishu. A Story of Chaos and Redemption in the Ruins of Somalia - Jean-Bernard Véron p. 175-176