Contenu du sommaire : La Russie
Revue | Politique étrangère |
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Numéro | Hors série no 5, 2007 |
Titre du numéro | La Russie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction : Russie : espace-temps perdu, espace-temps retrouvé - Thomas Gomart p. 5-22
La vision russe du monde
- La Russie face à la mondialisation : la voie du trans-impérialisme - Celeste A. Wallander, Jessica Allevione p. 23-38 Grâce à ses ressources énergétiques, la Russie est de retour dans l'économie mondiale dans son voisinage proche, et dans le rapport global des puissances. Elle n'est ni post-impériale, ni néo-impériale. Elle peut plutôt être qualifiée de trans-impériale, en ce sens qu'elle tente de reproduire à l'échelle internationale le système des relations patrons-clientèle qui structurent l'actuel pouvoir à Moscou. Ce trans-impérialisme appelle une réponse coordonnée entre Europe et États-Unis.Russia's economy is intertwined in global markets, but is increasingly controlled by a patrimonial authoritarian Russian state that allows elites to use and maintain political power for distributing wealth among patrons and clients. Transimperialism is the Russian leadership's attempt to access the fruits of globalization and yet sustain patrimonial authoritarianism at home. Europe and the United States should not isolate Russia, but neither should they allow the Kremlin to participate in globalized markets without following the rules of free enterprise. The best path to an integrated Russia is a transatlantic strategy of engagement with free market economy that involves Russian society and business and maintains high standards for investment and trade.
- Le business russe entre l'Europe et l'Amérique - Dmitri Trenin, Jessica Allevione p. 39-50 Moscou n'a pas de stratégie de long terme et manœuvre selon les intérêts de sa classe dirigeante, dans une sorte de géo-économie privatisée. Elle est donc résolument post-impériale, et ses relations avec l'Union européenne et les États-Unis dépendent au premier chef des accords financiers et économiques à conclure. Les relations avec l'Union pourront s'améliorer plus rapidement que les relations avec Washington, sans que l'on puisse prévoir une mue rapide de la Russie en démocratie « à l'européenne ».Russia's foreign policy is powered by interests rather than ideals or ideologies. Big money and supreme power are closely intertwined. The Kremlin considers Russia's energy abundance to be its principal comparative advantage in the global competition. Within the former Soviet Union, it seeks preponderance rather than integration; with the European Union, Russia seeks a relationship of equals built on mutual interests; toward the United States, it asserts its independence and is prepared to work on a quid pro quo basis. In the longer term, the quality of the relations will depend on the depth and speed of Russia's modernization efforts. Russia's capitalism, rather than Russian democracy, is the thing to watch.
- Politique étrangère russe : l'étrange inconstance - Thomas Gomart p. 51-62 La Russie de Vladimir Poutine a retrouvé des marges internationales. Mais les objectifs de sa politique étrangère restent peu clairs, entre le poids de la constance – le tropisme militaire, les visions géopolitiques, le nécessaire contrôle de l'empire, la référence à la richesse énergétique – et la tentation de l'inconstance – sur l'affaire iranienne ou sur l'option européenne... C'est parce que la politique extérieure russe est irréductible à nos normes qu'elle exige un constant décryptage.A close study of what is a wide reaching foreign policy leads to a number of contradictory conclusions. It is necessary to acknowledge that Vladimir Putin, despite having to overcome a number of hurdles, has managed to expand Russia's options, even if his strategic choices have not always made sense. This has resulted in a measure of uncertainty which favors tactics over strategy. The Russian president has defined a policy which could be encapsulated in the following play-off: maintaining freedom to maneuver so as to do nothing. This play-off will be analyzed through the prism of historical constants (an outline of the theaters, strategic constructs, and energy resources) and of current issues (Iran, diplomatic positions, and regional integration projects).
- Pour aller plus loin - p. 63-74
- La Russie face à la mondialisation : la voie du trans-impérialisme - Celeste A. Wallander, Jessica Allevione p. 23-38
La Russie : incertitudes internes
- La Russie de Vladimir Poutine : un virage vers le passé ? - Lilia Shevtsova, Svetlana Lomidzé p. 75-88 Le régime de Vladimir Poutine, replacé dans l'histoire de la Russie, ressemble à un nouvel avatar du pouvoir russe traditionnel, monolithique et personnalisé, la séparation des pouvoirs n'y étant que théorique. Toute la question est donc de savoir comment Poutine peut réussir à concilier deux facettes opposées de sa personnalité – l'aspect réformateur pro-occidental et l'aspect politique autoritaire –, et comment peuvent évoluer ses choix initiaux de politique étrangère, plutôt favorables à l'Occident.The latest developments in Russia – the crack down on independent media, the attack on Mikhail Khodorkovsky who built the most profitable and most transparent companies in Russia, and finally the results of the December 2003 Duma elections which brought about the disappearance from the Douma of liberal democratic parties – all demonstrate that post-communist Russia is settling in for a long, grey period of semiauthoritarian rule. This essay outlines the evolution of Vladimir Putin's regime, his attitud toward Yeltsin's legacy, his perception of his own mission and his strategic agenda for Russia. The author's goal is to demonstrate that Putin's regime within the Russian historical context is yet another version of personified, monolithic, traditional power. How is Putin going to reconcile his two opposite sides – that of economic reformer and pro-Western leader – and democratic backslider? How sustainable is his pro-Western choice? What does Russia have in store during Putin's second presidency – these are the questions raised in this essay.
- Russie : la transition inachevée - Mark Medish, Dominique David p. 89-100 La croissance économique russe est spectaculaire ; mais les échecs sociaux et politiques du pays sont tout aussi nets. Vladimir Poutine apparaît à la fois comme l'homme des réformes pragmatiques et comme l'initiateur d'une nouvelle glaciation politique qui s'illustre dans la brutalisation croissante des relations avec l'étranger proche. Les Occidentaux, divisés et largement impuissants, doivent redéfinir et unifier leurs choix politiques vis-à-vis d'une Russie pour le moins incertaine.Vladimir Putin's Russia is evolving in contradictory ways: its impressive economic progress, fueled by oil and gas exports, is counterbalanced by retrograde political trends. These ambivalent vectors, combined with Russia's increasingly assertive regional conduct, will pose major policy challenges in 2006. The US and the EU have important security interests vis-à-vis Russia but declining leverage, making Transatlantic coordination imperative.
- La démocratie russe : de la spontanéité à l'improvisation ? - Alexeï Salmine, Svetlana Lomidzé p. 101-111 De 1991 à 1996, émerge en Russie un régime de « démocratie immature » ou d'« infra-démocratie », fondé sur des institutions nouvelles. Auprès de ces dernières en subsistent d'autres, qui n'ont connu que des changements mineurs, ou se sont recomposées sur des logiques étrangères aux réformes des années 1990. Le régime actuel se caractérise par des institutions de transition, remplissant des espaces socio-politiques vacants : la vraie lacune de la société russe, c'est l'absence de pouvoir consolidé.This article examines the transformations which followed the collapse of the Soviet Union. The author analyses the functioning of institutions and new developments within Russia (the issues of alternative elections, separation of powers, decentralization, and “pluralist” media). He at the same time looks at the transformations which the old institutions have undergone (the institutions of the army, the security services, the judiciary, education and research). He also considers new phenomenons specific to a highly bureaucratized Russian market economy (the “oligarchs”, the “clans”, the “teams”, “privatized” state areas of action and structures). According to the author, the Russian regime distinguishes itself from that of developed democracies not only through the existence of “superfluous elements”, but also through the presence of “institutional gaps” which exist between the State and society as a result of the latter's inability to organise itself politically and defend its interests.
- Un Venezuela du froid ? : La « malédiction des ressources » et la politique russe - William Tompson, Sonia Marcoux p. 113-126 La Russie semble menacée par la « malédiction des ressources » qui freine les réformes économiques de fond, rend le pays vulnérable aux à-coups des marchés, et structure le pouvoir autour de l'exploitation de la rente. Mais le cas russe est particulier : les éléments négatifs aujourd'hui décelables (corruption, autoritarisme...) doivent peu à la structure économique du pays, et tout compte fait, la Russie a jusqu'ici assez bien résisté aux pathologies d'ordinaire associées au développement économique fondé sur les ressources naturelles.This article examines the impact of natural resource wealth on Russian political life. Viewed from a political perspective, what is striking is not how well Russia conforms to the stereotype of a resource-based political economy but how well it has (so far) resisted many of the institutional and political pathologies associated with the “resource curse”. There is little reason to think that Russia's policy would be much healthier if it had less resource wealth. Nevertheless, it seems that Russia's resource wealth does pose dangers to its political development. The crucial issue is not the nature of the resources themselves but the location of those resources in an institutional environment that is ill-equipped to cope with the pressures and problems that such wealth can create.
- Pour aller plus loin - p. 127-139
- La Russie de Vladimir Poutine : un virage vers le passé ? - Lilia Shevtsova, Svetlana Lomidzé p. 75-88
La Russie : nouvelle puissance régionale
- Un équilibre fragile : les relations sino-russes - Bobo Lo, Tatiana Kastouéva-Jean p. 141-151 Russie et Chine partagent des approches similaires sur plusieurs questions régionales et internationales, et la Chine est le principal client de Moscou en matière d'armements et d'énergie. Pourtant, Moscou s'inquiète d'une Chine en passe de devenir une nouvelle puissance globale, avec les conséquences imaginables sur la sécurité de la Russie et sa place dans le monde. L'avenir du partenariat Pékin-Moscou, qui dépend d'un équilibre fragile entre méfiances et convergences, reste incertain.Russia's relationship with China is complex and contradictory. Bilateral ties are more substantive and multifaceted than ever before, the two countries agree on most regional and international questions, and China is a major customer of Russian arms and energy. However, Moscow is increasingly uneasy about China's transformation as the next global power and its implications for Russia's security and rank in the world. Balancing delicately between strategic convergence and suspicion, Sino-Russian partnership faces an uncertain future.
- La Russie et la Turquie au Caucase : se rapprocher pour préserver le statu quo ? - Fiona Hill, Omer Taspinar, Tatiana Kastouéva-Jean p. 153-166 Depuis 2003, et après des siècles de rivalité, Russie et Turquie tentent de construire une nouvelle relation, fondée d'abord sur le commerce mais plus largement sur quelques approches communes dans la région. C'est au Caucase du Sud, aux frontières communes des deux pays, que commence à se faire sentir cette relation nouvelle. Elle pourrait avoir des implications négatives sur un État géorgien fragilisé, mais aussi sur la nouvelle politique de voisinage de l'Union européenne dans la région.Since 2003 and after centuries of geopolitical competition, Russia and Turkey have drawn together in a new bilateral relationship. Expanding trade has been a major driving force behind this, but shared disillusionment with United States and European policies and attitudes, as well as increasing common ground on issues in the broader Black Sea region and further afield in the Middle East, have all played a role. At this juncture, the main impact of this new relationship is in Russia and Turkey's joint border area of the South Caucasus - with potentially negative implications for the fragile state of Georgia and for the European Union's new “Neighborhood Policy” in the region.
- Contre-terrorisme et islamisation du Caucase du Nord - Pavel K. Baev, Ashley Milkop p. 167-177 Les violences ont décru en Tchétchénie depuis 2004, en particulier du fait d'une évolution des tactiques russes, mais elles essaiment dans tout le Caucase du Nord. Si la crise de régimes népotiques et corrompus du Caucase du Nord constitue un facteur évident de la transformation des communautés musulmanes – les Jamaat – en vecteurs de la contestation sociale et politique, la réduction par Moscou du problème islamiste dans le Caucase à la lutte contre le terrorisme est grosse de dangers pouvant s'étendre bien au-delà de cette seule région.Since early 2005, Chechnya has become like the eye of a storm that has been gathering force across the region. Growing social anger has been the main source of energy for this storm and it is increasingly channeled through clandestine Islamic networks. Moscow was obviously taken by surprise with this escalation and its reaction was intended to suppress “terrorist cells” by a massive use of force. The swift resolution of the October 2005 crisis in Nalchik was interpreted as a victory for this policy; however, a brush-fire of criminalized violence and an underground fire of Islamic radicalism have continued to spread. The issue is not that Russia could fail to defend the North Caucasus against an Islamic uprising; it is whether there is enough survivability in its own body politic.
- Pour aller plus loin - p. 179-188
- Un équilibre fragile : les relations sino-russes - Bobo Lo, Tatiana Kastouéva-Jean p. 141-151
La Russie, partenaire de l'UE
- Représenter les intérêts privés pour renforcer la confiance entre la Russie et l'UE - Timofeï Bordatchev, Alba Rossini p. 189-206 L'élargissement du cercle des acteurs de la coopération Union européenne-Russie, par exemple aux entreprises ou associations, pourrait aider à résoudre nombre de difficultés. Il pourrait produire un rapprochement progressif des comportements sociaux, économiques ou politiques, et aider à remédier au déficit de participation citoyenne dans la gestion des relations entre l'Union et Moscou. Cet élargissement servirait ainsi à la fois le partenariat euro-russe et la construction européenne elle-même.Increasing the number of actors participating in the daily dialogue between Russia and the EU can not only contribute to solving important issues surrounding these bilateral relations but also, more broadly speaking, those surrounding the integration process within Europe itself. The inclusion of business representatives and nonprofit organizations in this process would make it easier to gage the different social, economic, and political behaviors within “Old Europe” and overcome the “democratic deficit” resulting from the absence of citizen participation in the management of Russia-EU relations, and its monopolization by state bureaucracies.
- La Russie, l'OTAN et l'Union européenne : triangle de sécurité européenne ou nouvelle « Entente » ? - Andrew Monaghan, Alba Rossini p. 207-220 Les relations entre la Russie, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et l'Union européenne (UE) sont de première importance pour la sécurité européenne. En effet, d'importants progrès ont été accomplis, des mécanismes institutionnels ont été créés, et un certain nombre de coopérations pratiques se sont instaurées. Cependant, cette relation à trois souffre d'un manque persistant de confiance qui est à l'origine d'incompréhensions et de crispations.The relationships between the EU, NATO and Russia are of great significance for all their actors and for regional security more broadly. And indeed good progress has been made – formal relationships have been established and there has been some practical cooperation in a number of areas. However, there is no “triangle” – ambiguity and contradiction mar all the relationships, which are dogged by a number of conflicting interests. Moreover, it is clear that a number of constituencies on all sides do not seek similar developments, for a number of reasons. EU-NATO cooperation therefore remains problematic, and the West's relations with Russia are by no means past some “point of no return”, to the confrontation of the past half century.
- Le dialogue énergétique Union européenne-Russie : concurrence contre monopoles - Vladimir Milov, Jessica Allevione p. 221-230 Les relations énergétiques entre la Russie et l'Union européenne sont au seuil de profonds changements que rend nécessaires l'asymétrie croissante entre un monopole national renforcé sur les approvisionnements, et l'ouverture des marchés en Europe. Les autorités communautaires doivent prendre l'initiative pour un nouveau modèle de relations énergétiques : en dépendent non seulement la sécurité énergétique des Européens, mais encore celle de l'ensemble des marchés énergétiques russes et eurasiens.Russia and the European Union have clearly entered a new stage in their energy relations, defined by a growing asymmetry between a strengthened national monopoly on the supply side and a gradual opening of markets in Europe. A multitude of new approaches to EU-Russia relations have been voiced recently: many of them involve “defensive” solutions, driven by lack of mutual trust on both sides. Competition is a key universal value in the development of a new and sustainable energy relationship. EU competition regulators should take the lead in setting up a new framework: its success will not only determine the security of energy supply for European consumers, but also that of the Russian and Eurasian energy markets.
- Pour aller plus loin - p. 231-239
- Représenter les intérêts privés pour renforcer la confiance entre la Russie et l'UE - Timofeï Bordatchev, Alba Rossini p. 189-206